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Histoires de Hendaye
11 février 2014

1856 traités de BAYONNE

.LES traités de Bayonne,

SUITE ET FIN

 DU TRAITE DES PYRENEES

conclus le 2 décembre 1856  le 14 avril 1862  et le 26 mai 1866

entre la France et l'Espagne faisant suite au Traité  des Pyrénées (signé le  (  signé le 7 novembre 1659 ) dont il précise certains points : il détermine plus précisément la frontière depuis l’embouchure de la Bidassoa jusqu’au point où confinent le département desBasses  Pyrénénées   l'Aragon et la Navarre ceci afin de remédier aux difficultés rencontrées depuis 200 ans. !

«  Napoléon  III  Empereur des Français, et Isabelle II reine des Espagnes, voulant consolider et  maintenir la paix et la concorde entre les populations , voulant consolider la paix et la concorde entre  les  deux Etats habitant la partie de la frontière qui s’étend depuis le sommet d’d'Analarra où confinent les départements des   Basses Pyrénées, de l' Aragon  et de la  Navarre, jusqu'à l’embouchure de la Bidassoa, dans la rade du Figuier, et prévenir à jamais le retour des conflits regrettables qui, jusqu'à l’ouverture des présentes négociations, ont eu lieu à de différentes époques sur plusieurs points de cette frontière par suite de l’incertitude qui a régné jusqu'à présent au sujet de la propriété de quelques territoires et de la jouissance de certains privilèges que les frontaliers des deux pays revendiquaient comme leur appartenant exclusivement, et jugeant que, pour atteindre ce but, il était nécessaire de déterminer, d’une manière précise, les droits des populations frontalières, et en même temps les limites des deux Souverainetés, depuis l’extrémité orientale de la Navarre jusqu’à la rade du Figuier, dans un traité spécial, auquel devront se rattacher plus tard les arrangements à prendre sur le reste de la frontière depuis le sommet d’Analarra jusqu’à la Méditerranée »

En 1856, la Convention signée à Bayonne et confirmée en 1859, précise que

la frontière sera exactement fixée, non plus au milieu de la rivière, mais au milieu du chenal le plus profond;

les eaux seront franco-espagnoles;

une Commission Internationale des Pyrénées sera instituée ayant pour tâche de régler tous les litiges. La France y sera représentée par le Commandant de la Station Navale de la Bidassoa;

4° le droit de pêche n'appartient, en toute exclusivité, qu'aux riverains.

En 1886, autre Convention qui, sans modifier le fond de la précédente, apporte quelques précisions; il en fut de même en 1894, 1906, 1924, 1954.

Entre-temps, en 1873, la Marine Nationale reçut l'ordre d'établir à Hendaye même une station navale, annexée à celle de Saint-Jean- de-Luz et chargée de la liaison avec celle de la Marine Espagnole en place à Fontarabie.

Tandis que, de 1873 à 1886, à Saint-Jean-de-Luz veillait « Le Chamois », aviso de flottille à roues,

 à Hendaye était basé « Le Congre », chaloupe à voile, qui fut renforcé, en 1883, par « La Fournie », chaloupe à vapeur.

 

De 1886 à 1910, la canonnière « Le Javelot » remplace les précédents avec l'appui de la chaloupe à moteur « Le Nautile », amarrée à Socoa.

 (Nous retrouverons l'une et l'autre au cours d'un incident plus loin rapporté.)

Le mât du « Javelot » se dresse aujourd'hui sur le terre-plein de la Station; tous les jours, les couleurs y sont hissées. Il y est conservé en souvenir du lieutenant de vaisseau qui, à deux reprises, commanda la Station, Julien Viaud, en littérature Pierre Loti.

 

Ce dernier y arriva au mois de décembre 1891 alors qu'il venait d'être élu, et non encore reçu, à l'Académie Française, ce qui ne manqua pas de poser aux maîtresses de maison, dont il était l'hôte, un terrible problème d'étiquette ! A qui donner la première place?

 A l'académicien elle revenait de droit, mais alors c'était reléguer au second rang les officiers supérieurs, dont Loti n'était qu'un subalterne, ainsi que les autorités officielles, le Préfet lui-même !

Il quitta ce commandement au début de l'année 1893 et le recouvra de mai 1896 à fin 1897.

Au cours de cette brève période Pierre Loti fut reconquis par le charme du pays de « Ramuntcho » qu'un instant, suivant son propre aveu, il avait bien cessé de goûter.

 De Rochefort, sa ville natale, il écrivait, en effet, à un ami au mois de décembre 1895 :

« Autrefois, j'étais un admirateur passionné de ce petit recoin du monde; j'en ai bien rabattu, mais j'aime encore ces montagnes de Guipuscoa, derrière lesquelles j'ai vu, pendant trois ou quatre ans de ma vie, se coucher le soleil. Il est donc possible que l'été prochain je revienne par là... »

Il y revint si bien que Hendaye devint sa résidence d'été de prédilection et qu'il y voulut mourir


 

second empire


Le Second Empire est le système constitutionnel et politique instauré en France le 2 décembre 1852 lorsque Louis-Napoléon Bonaparte, le Président de la République française, devient « Napoléon III, Empereur des Français ». Ce régime politique succède à la Deuxième République et précède la Troisième République.    

henri lalanne

Hendaye à env .427 habitants

 

Tandis que, de 1873 à 1886, à Saint-Jean-de-Luz veillait « Le Chamois », aviso de flottille à roues, à Hendaye était basé « Le Congre », chaloupe à voile, qui fut renforcée, en 1883, par « La Fourmie », chaloupe à vapeur.

De 1886 à 1910, la canonnière « Le Javelot » remplace les précédents avec l'appui de la chaloupe à moteur « Le Nautile », amarrée à Socoa.

 (Nous retrouverons l'une et l'autre au cours d'un incident plus loin rapporté.)

Le mât du « Javelot » se dresse aujourd'hui sur le terre-plein de la Station; tous les jours, les couleurs y sont hissées. Il y est conservé en souvenir du lieutenant de vaisseau qui, à deux reprises, commanda la Station, Julien Viaud, en littérature Pierre Loti.


Leurs commandants veillent à l'exécution du traité et règlent les différends de leur compétence qui peuvent se produire.

En ce qui concerne la pêche, à la saison du saumon et de l'alose, c'est-à-dire pendant les mois du printemps, et pour éviter les incidents entre pêcheurs français et espagnols, il fut décidé qu'ils pêcheraient à tour de rôle.

 Au coup de midi, à l'église d'Irun, un des stationnaires devait tirer un coup de canon et les

pêcheurs de sa nationalité pouvaient seuls pêcher jusqu'au coupde canon de l'autre stationnaire le lendemain à midi, et ainsi desuite. Le règlement de 1685 a été modifié à plusieurs reprises

notamment en 1856, 1857 et 1879.

 

joseph lisardy 2

 

 .1859 Par l'acte additionnel du 31 mars à Bayonne est mis en vigueur l'accord frontalier du châtelain d'Urtubie et 2 autres délégués communaux français avec ceux de la rive et de la Marine espagnoles, qui définit la commu­nauté d'usage sur la base du statut le plus privilégié, celui de Fontarabie.

 Sous réserve de mesures conservatoires des espèces, tous les riverains bénéficient exclusivement du droit de pêche, en particulier avec l'ancien privilège de la confrérie de San Pedro pour le rôle d'équipage des bateaux, et du libre prélèvement de sable et d'algues

LOTI

 

Ce dernier y arriva au mois de décembre 1891 alors qu'il venait d'être élu, et non encore reçu, à l'Académie Française, ce qui ne manqua pas de poser aux maîtresses de maison, dont il était l'hôte, un terrible problème d'étiquette ! A qui donner la première place?

 A l'académicien elle revenait de droit, mais alors c'était reléguer au second rang les officiers supérieurs, dont Loti n'était qu'un subalterne, ainsi que les autorités officielles, le Préfet lui-même !

Il quitta ce commandement au début de l'année 1893 et le recouvra de mai 1896 à fin 1897.

Au cours de cette brève période Pierre Loti fut reconquis par le charme du pays de « Ramuntcho » qu'un instant, suivant son propre aveu, il avait bien cessé de goûter.

De 1910 à 1914, la Station dispose de deux bâtiments: « Le Grondeur » et la chaloupe « Qui Vive », qui, après avoir rallié Brest et Rochefort, reprirent leurs places en 1915 et 1919.

De 1925 à 1949: une série de chasseurs et de vedettes portuaires, qui ne sont plus désignés que par des numéros.

Depuis : une pinasse à moteur, « L'Artha II ».

La Station Navale est, avant tout, le poste de commandement d'un capitaine de frégate, qui partage avec le commandant de la Station de Fontarabie le pouvoir d'arbitrer tous les litiges d'ordre maritime, en vertu des Conventions franco-espagnoles 

jacques darrecombehere

Hendaye à Env. 456 Habitants

 

 1860, la première idée lui vint d'endiguer la Bidassoa; à la vérité, elle lui fut suggérée par une lettre du Préfet, l'invitant « à s'inspirer de la pensée du Souverain de rendre productif les communaux incultes », dont le spectacle dut impressionner l'Empereur au cours de ses séjours à Biarritz et de ses nombreuses excursions dans notre région.

Le Conseil municipal alors délibère :« considérant qu'il existe dans la commune un terrain de plus d'un km de long sur 300 m de large (30 hect.) baigné par les mers et qui serait d'une prodigieuse fertilité s'il était conquis à l'agriculture en endiguant le chenal de la Bidassoa, considérant que ledit terrain avait attiré l'attention de l'Impératrice lors de sa visite en 1857 en demandant pourquoi on n'avait pas essayé de le livrer à l'agriculture,

les dispositions de ladite lettre impériale du 5 février 1860 fournissant les moyens de rendre ce sol productif, à défaut de ressources communales...

persuadé de l'immense avantage pécuniaire qu'en retirerait l'Etat et la commune,estime intéressant de faire étudier sérieusement cette question par MM. les Ingénieurs et la sollicitude de l'Administration. »

Ce projet ne tomba pas littéralement à l'eau ! faute d'être subventionné, il reprit forme bien plus tard, avec la grande différence qu'il entra dans le cadre de l'urbanisme et non plus de l'agriculture.

Deux faits devaient lui imprimer cette nouvelle forme: ce furent, d'abord, la vocation, s'affermissant, de Hendaye station balnéaire, puis la création de la ligne de chemin de fer Paris-Irun avec une gare internationale à Hendaye.

Ce que nous appelons aujourd'hui la plage, son boulevard ainsi qu'une zone atteignant une profondeur de 300 m environ, tout cela constituait alors « les dunes », que l'Etat conseillait de couvrir de plantations; de ces dernières il ne reste plus que de-ci de-là quelques genêts.

Mais les Hendayais ne s'attardèrent pas dans cette orientation. Ils préférèrent — et l'avenir leur donna combien raison ! — miser sur l'attraction de la mer et se préparer à recevoir les baigneurs, à l'exemple des autres plages de la Côte.

C'est à partir de 1854 que, sur la Côte, grandit l'affluence des baigneurs et des touristes, entraînés par l'exemple que leur offrirent l'Empereur et l'Impératrice.

Bien avant son mariage, alors qu'elle n'avait que 24 ans, Eugénie de Montijo était venue, en 1850, avec toute sa famille, séjourner, l'été, à Biarritz déjà centre d'attraction de la grande société espagnole.

Mariée en 1853, dès l'année suivante elle y revint régulièrement avec Napoléon III, même au cours de cette année,

Le pont du chemin de fer est construit sur l'ancien passage de Santiago en 1864.

La route provinciale d'Irun à Fontarabie, construite en 1865, est com­plétée par la route communale de Fontarabie à la Guadeloupe en 1885.

A Hendaye, le chemin de Belcénia à Ondarraïtz élargi en 1869 est repris en 1887 par le pont de Belcénia et le boulevard de la plage avec 600 mètres de digue de mer.

 

1862Avant le jugement du tribunal d'arrondissement de Bayonne rendant à

Hendaye les Joncaux retenus par Urrugne, et lui ajoutant tous les terrains

 d'alluvions jusqu'à la mer, la commune compte plus de 600 habitants. La cour d'appel départementale des Basses-Pyrénées confirme..

         

 

martin hiribarren 

Hendaye à env 617 habitants

 

L'une des causes de ce développement réside dans une des causes de ce développement réside dans le prolongement jusqu'à Irun de la ligne de chemin de fer de Bordeaux à Bayonne et dans l'ouverture de la gare internationale, en 1864 

 Dès lors surgit aux alentours de celle-ci un quartier qui ne cessa de s'étendre, rejoignant le bourg tant le long de la voie ferrée que par Irandatz. De plus, les facilités ainsi créées pour le transport des marchandises donnèrent naissance à des industries nouvelles : fabrique de chocolat, conserves alimentaires, sans omettre de mentionner la liqueur d'Hendaye dont M. Paulin Barbier venait de reprendre, l'exploitation. A ces activités locales, Hendaye ajouta plus tard, sous la direction de la famille Mauméjean, une fabrique de vitraux et de céramiques dont le renom artistique a franchi les limites de notre région et jusqu'aux frontières de notre pays. 

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L'Arrivée de Hendaye Plage

Une première tentation leur vint, en 1861, d'aliéner le terrain de la baie de Chingoudy; elle leur fut offerte par un spéculateur aussitôt repoussé comme tel 

. A ce dernier motif le Conseil municipal ajouta qu'il lui paraissait inopportun d'examiner une proposition quelconque, car « dans un avenir prochain, une concurrence s'établira évidemment pour l'acquisition de ce terrain et, alors seulement, il pourra y avoir des avantages réels pour la commune ». 

Pour cette raison plusieurs demandes d'acquisition de parcelles situées sur les dunes sont refusées de 1862 à 1867.

Une seule exception : en 1862, la vente de 12 ares, à 30 f l'are, « sur les dunes de la côte près la ruine de l'ancienne chapelle Sainte-Anne pour y bâtir une maison et un jardin d'agrément, au profit de Mr Didelin, professeur de dessin à Aire ». Ce maître en prospective autant qu'en perspective s'inscrit certainement en tête des bâtisseurs des villas en bordure de la plage !

 

 

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2 septembre 2014

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Capture

 

L'Age d'Or de la Course

A partir de 1688, les frégates légères françaises, anciens baleiniers qui avaient été armés pour l'occasion, semaient la terreur sur les côtes de l'Atlantique. Ces frégates se firent surtout remarquer lorsque les combats entre Louis XIV, roi de France, et les a

lliés européens de la Ligue d'Augsbourg, parmi lesquels se trouvait l'Espagne, reprirent de plus belle. Quelques-unes de ces frégates se livrèrent aux pillages corsaires sur les côtes basques  d'Espagne,
En 1691, le Consulat de Bilbao frêta deux frégates pour surveiller leur zone, et arrivèrent ainsi à mettre en déroute une flotte entière de corsaires français. Les basques d'Espagne, afin d'assurer la sécurité de ses côtes, firent construire en 1690 une frégate, qui profita de ses lettres de marque pour s'emparer de plusieurs redoutables vaisseaux français qui pullulaient sur leurs côtes

L'un de ces corsaires français qui attaquaient les côtes cantabriques  était  l'Hendayais Joanes de Suhigaraychipi,  qui fut corsaire du roi et gagna des titres de noblesse pour ses exploits et les services rendus.
Sa frégate, la "Légère", avait l'autorisation d'exercer comme corsaire contre les Espagnols et aussi contre les Hollandais. Son succès fut si grand que le gouverneur de Bayonne en personne finança la moitié de l'armement de sa frégate, qui était munie de vingt-quatre canons. L'opération s'avéra tellement fructueuse qu'il captura cent navires en moins de six ans. Avec le support de gens de la noblesse, sa frégate, qui était ancrée au port de Sokoa, devint bientôt la terreur des Anglais et des Hollandais.
L'une de ses plus grandes prouesses eut lieu en 1692 dans les eaux du Gipuzkoa, juste en face de la baie de Saint Sébastien. A la hauteur du port de San Antonio, en Biscaye, il découvrit deux vaisseaux hollandais qui se dirigeaient vers notre ville; il les atteignit en deux jours. Il s'approcha du premier, qui avait cinq-cents tonnes, trente-six canons et cent marins, et l'attaqua avec une première décharge. Il l'aborda deux fois malgré la différence entre les deux bateaux et, blessé, dut battre en retraite à cause du feu ennemi. Cela ne l'empêcha pas de continuer à haranguer ses marins basco-français. Ce furent cinq heures de combats sanglants, à tel point que seuls survécurent dix-huit marins hollandais. Le second vaisseau hollandais sombra aussi. Mais il n'y eut que cinq Basques morts sur le lieu de la tragédie.

Quelques jours plus tard, il reprit la mer. A peine était-il entré à l'embouchure de l'Adour qu'une corvette anglaise équipée de cent vingt hommes et soixante-quatre canons se lança contre lui. L'Hendayais l'attaqua sans lui laisser à peine le temps de résister. Le combat commença à huit heures du matin et finit à trois heures de l'après-midi par la victoire du capitaine de "La Légère" et la capture de l'Anglais. Cette victoire, célébrée par le public entassé sur les deux rives de l'estuaire fut si retentissante que cela l'encouragea à donner des cours aux marins afin d'équiper d'autres nefs corsaires, pour les avoir tous sous son sontrôle et pour aller à la recherche de la nouvelle flotte espagnole qui se disposait à prendre la mer.
Dans le Golfe de Gascogne, il s'empara de quelques bateaux hollandais. Et en dehors des eaux, il faudrait mentionner son expédition à Spitzbergen, au Nord de l'Europe, contre les Hollandais, d'où il rentra chargé de baleines.
En six ans il captura à lui seul cent voiliers marchands, et en huit mois, avec le support des frégates du Roi, cent vingt-cinq. Il remplit le port de Saint Jean de Luz de ses butins à tel point que le gouverneur de Bayonne écrivait à Louis XIV: "Il est possible de traverser depuis la maison où votre Majesté aviez logé jusqu'à Ciboure sur un pont fait avec les navires pillés et attachés les uns aux autres". A sa prodigieuse audace, il ajoutait une loyauté digne d'un gentilhomme. Tout manquement à la parole donnée et toute trahison étaient impitoyablement châtiés.
Après plusieurs années il s'occupa à protéger contre les Anglais les retours des Basco-français et des Bretons de Terreneuve, où il mourut en 1694. Une inscription figure sur sa tombe: "Capitaine de frégate du Roi", le même qui l'autorisa à dévaliser plus de cent navires marchands.

 

 

Capture

frégate

Croisic était il Bayonnais ou Hendayais


Tombe de Suhigaray à Plaisance  Terre Neuve

 

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1615 ILE Des FAISANS mariages PRINCIERS 

 

A la fin du 16 ème s. Hendaye n'est encore qu'un modeste hameau,un quartier d'Urrugne, mais qui, déjà, aspire à son autonomie,sans doute ses gens ont-ils été mis en goût par l'exemple de Ciboure,qui vient d'obtenir sa libération de la tutelle d'Urrugne !

 Comme il était de règle que, plus ou moins tôt, l'institution d'une paroisse engendrât celle d'une communauté, les Hendaiars commencèrent astucieusement par réclamer, d'abord, un lieu de culte qui leur soit propre...

 Il leur fut facile d'arguer de la grande distance qui les séparait de l'église paroissiale d'Urrugne, de la difficulté qu'ils en éprouvaient « pour recevoir les Sacrements et suivre lesoffices divins ». Effectivement, ils obtinrent de l'évêque de Bayonne,en  le droit de construire une chapelle de secours desservie par un vicaire et le curé d'Urrugne

. Ainsi, ils franchissaient unepremière étape et abordaient aussitôt la seconde.

S'adressant au Parlement de Bordeaux, ils réclament et obtiennent quelques droits par  des arrêts de

1603 et 1630, dont, malheureusement,nous ne connaissons pas le détail.

 Il nous suffit de savoir qu'Urrugne réagit vivement, repoussant toute désunion, sous une forme quelconque, paroisse ou jurade et réclamant le maintienintégral, à son profit, de la police, de l'intendance et des pacages communaux.                                                                                                                          (F

1604 Par arrêt français en Conseil des Finances, le poisson de Hendaye à Capbreton est excepté de l'édit d'embargo pour être débité en Espagne malgré la guerre.

1607Une embarcation d'Hendaye, pour avoir tiré une baleine sur le sable d'Ondarraïtz sans passer à Fontarabie, y est brûlée le 16 février.

Les embarcations de Fontarabie disputent une baleine à celles d'Hendaye en 1618 et aussi le 16 janvier 1619 et ont le dernier mot : on peut dater de cette époque un accord disposant entre autres, que si les Hendayais ont le pouvoir de harponner la baleine, le privilège de l'achever et de la fondre moyennant prélèvement revient à Fontarabie.

Malgré l'évolution des rapports suivant la paix des Pyrénées, une baleine et son baleineau furent disputés le 4 février 1688 encore avec le même sort.

1609 Jean d'Espagnet, premier président du Parlement de Bordeaux, enquête pour Henri VI sur les privilèges en Bidassoa.

1609 La juridiction du Parlement de Bordeaux s'exerce en matière de sorcelle­rie sur Hendaye, et le tambourinaire Ausugarto, Domingina Maletena et Marie de la Parque (Laparca) à 20 ans, sont entre autres brûlés par le conseiller de Lancre, puis Catherine de Barrendéguy le 3 septembre 1610 à Bordeaux.

 LA TOUR DE MUNJUNITO

1609 Les Hendayais désarment la tour de Munjunito des canons qu'ils y entre­tenaient.

Dès le xv° s. une tour, dite de Munjunito, s'élevait près du port; une carte de 1680 la situe encore, bien qu'elle ait été désarmée,en 1609.

En 1521, après s'être emparé de Fontarabie, l'amiral Bonnivet la jugea insuffisante et fit construire, plus loin, par ses troupes,une autre tour fortifiée

.Au cours de la guerre de 1636, cette fortification joua pleinementson rôle d'observatoire et concourut à la victoire navale, hélas ! sans lendemain, qui fut remportée par notre flotte en face de Fontarabie.L'expérience ayant prouvé qu'à ce rôle devait s'ajouter celui d'une défense renforcée, la principale de ces tours fut remise en état en 1664 et armée de canons servis par 30 hommes du roi.

Pour autant l'ouvrage n'apparut pas bien redoutable à Louis de Froidour, qui, voyageant par ici en 1672, nous en a laissé une description succincte, mais précise et imagée :

« Le fort de Hendaye n'est, à proprement parler, qu'un pigeonnier,une tour carrée sans autre bâtiment. Au fond, une chambre pour les munitions; au-dessus, la chambre du commandant et des officiers;plus haut, celle des soldats. Au-dessus, une plate-forme et 4 guérites avec des canons. Il y a en bas du côté de la rivière ou de la mer une petite plate-forme où il y a du canon et cela regarde Fontarabie

et est comme une vedette pour voir ce qui s'y passe. »

1610On pratique alors sur les plages une pêche à pied avec un long filet porté sur les têtes derrière les vagues, puis hâlé à la corde en groupe. Depuis 1900 on porte le filet en barque.

1611 La juridiction du Saint Office s'exerce en matière de sorcellerie sur Fontarabie où Isabel Garcia est condamnée à 13 ans avec un groupe de sorcières après que l'inquisiteur de Logroño ait brûlé Marie Zozaya de Rentería le 6 novembre 1610.

1612 Fontarabie maintient ses avantages en interdisant, en mars, une barque à quille au prieur de Santiago, Harostégui, et, en août, en prélevant des droits à la Lonja sur Miguel de Amezaga, de Saint-Jean-de-Luz, pour flottage de bois navarrais sur la Bidassoa.

 1615 En octobre eut lieu le passage de deux fiancées royales

.Le projet de ce double mariage avait été ébauché par Henri IV ;il fut réalisé cinq ans après sa mort, en 1615. Elisabeth deFrance, soeur de Louis XIII, épousa l'infant d'Espagne qui devaitdevenir le roi Philippe IV, tandis que la soeur de ce dernier, Anne d'Autriche, devenait reine de France par son mariage avec le roi Louis XIII.

ILE DES FAISANS

 MARIAGES PRINCIERS

 Voici dans quelles circonstances se fit l'échange des deux princesses .

Il existait, dans la Bidassoa, à proximité du lieu où l'on construisit plus tard le pont de Béhobie, une petite île, à peu près à égale distance, à cette époque, de la rive française et de la rive espagnole.

 On l'appelait primitivement “ île des cygnes ”, puis“ île de l'hôpital ”, lorsqu'elle devint la possession du prieuré de Subernoa. Plus tard elle prit le nom “ d'île de la Conférence ”après le mariage de Louis XIV, et enfin celui “ d'île des Faisans ”sous lequel elle est surtout désignée de nos jours

.Depuis longtemps cette île était considérée comme un terrai neutre entre la France et l'Espagne et c'est là que se réunissaient les délégués des deux nations, quand ils avaient à régler des questions de frontière.

C'est sans doute pour cette raison que cet endroit fut choisi pour l'entrevue et l'échange des deux reines.

Un pavillon avait été aménagé dans l'île ; deux autres, exactement semblables, sur les deux rives du fleuve sur lesquelles étaient rangées les troupes et de nombreux musiciens

.Les deux reines arrivèrent en même temps, l'une de Saint-Jeande-Luz, l'autre de Fontarabie.

 Les barques qui devaient servir à la traversée du fleuve étaient au pied de chaque pavillon, gardée spar des soldats et montées par des marins revêtus de costumes uniformes.

 A son arrivée, Anne d'Autriche, donnant la main au duc d'Uceda s'embarqua en même temps que Madame, accompagnée du duc de Guise qui, lui aussi, la tenant par la main, prenait place, de l'autre côté du fleuve dans l'autre barque, semblable à la première.

 Les deux barques atteignaient l'île un instant après et les deux reines entraient, en même temps, dans la salle de l'entrevue.

Le cérémonial, minutieusement réglé à l'avance, comportait un discours du duc de Lerma, au nom du roi d'Espagne, et une réponse du duc de Guise pour le roi de France.

 Puis les deux reines s'étant embrassées, chacune entra dans son nouveau royaume, au son des vivats poussés par les troupes, des accords des musiques et des coups de canons qui remplissaient de leurs échos la vallée généralement si tranquille de la Bidassoa. sur la frontière de troupes espagnoles destinées à être envoyées sur divers théâtres d'opérations de guerre, troubla bien souvent le repos des Hendayais jusqu'au jour où la paix de Vervins (1598) leur assura une période relativement longue de tranquillité.  (N)

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1615 Le capitaine général s'installe en permanence à Saint-Sébastien, et laisse un alcalde commander à Fontarabie où le périmètre est refermé à l'est par les ouvrages de l'Estacade, de Notre-Dame et de los Cestones. Au XVIII' siècle l'alcaïde prendra le titre de Gouverneur.


 

Plan du fort de Vauban

 

1617 Juan Sanz de Aldumbe, prévôt de Fontarabie, débordant sur la rive Hendayaise à la poursuite d'un meurtrier, est saisi avec sa barre de justice le 17 janvier, sa suite emprisonnée avec lui et sa barque brûlée.

Un poteau-frontière en pin est planté au milieu de l'eau, que les Espagnols viennent brûler le 19 janvier après avoir saisi 3 navires et emprisonné des marins d'Hendaye. Le 14 novembre ils reviennent brûler un poteau replanté, remplacé par un troisième le 29.

A la suite d'un échange manqué le 2 mai 1617, les prisonniers français s'évadent le 24 février 1618, les Espagnols sauf un le 27 septembre 1619. L'affaire est liquidée en novembre 1620 par la restitution du dernier espagnol et des 3 navires d'Hendaye où des préparatifs de fortifications ont été faits

 

1617 On note trois navires hendayais dans la baie, en partance en janvier pour Terre Neuve où les Basques avaient monopolisé la morue après les baleines.

Ces voiliers, armés au Labourd et désarmés à Passages bien souvent, pouvaient avoir jusqu'à 50 hommes d'équipage franco-espagnol, pour quel­ques cents tonneaux, les barques citées en 1663 et les pataches en 1667 dans les sentences, étant des caboteurs plus petits.

Fontarabie est au premier rang des Basques tant pour ce cabotage cantabrique dont elle avait le monopole d'origine avec Saint-Sebastien, que pour les navires de Flandre ramenant toiles et draps, ou encore la grande pêche, outre une flottille de mer comptant 19 chaloupes, pinasses réduites de moitié environ

.La première fois qu'Aragorri est mentionné dans des documents historiques remonte  à 1617. ( Archives de Fontarrabie )

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Jean Aragorri et jean d'Harismendi dit " Olasso ", armateurs de trois navires de 160 tonneaux, montés par 150 marins de Hendaye et des environs, pour la pêche de la morue et de la baleine à Terre Neuve et en Norvège. Ils savaient signer de leur propre écritures.

Jean d'Aragorri occupait une importante situation dans la localité, en tant que propriétaires de navires, associé d'un tiers  avec d'Harismendi.

 

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1617. Hendaye devient paroisse prenant pour patron Saint Vincent de Dax, évangélisateur présumé des alentours de la Bidassoa, remplacé plus tard par Saint Vincent de Huesca dont la fête est en janvier quand les pêcheurs de baleine sont à terre. Le coût de la construction de l’église est à la charge des hendayais.

A la fin du XVI°s.Hendaye n'est encore qu'un modeste  hameau, un quartier d'Urrugne, mais qui, déjà , aspire à son autonomie, sans doute ses gens ont-ils été mis en goût par l'exemple de Ciboure qui vient d'obtenir sa libération de la tutelle d'Urrugne. Comme il était de règle que, plus ou moins tôt, l'institution d'une paroisse engendra celle d'une communauté, les Hendaiars commencèrent astucieusement par réclamer,d'abord, un lieu de culte qui leur soit propre...Il leur fut facile d'arguer de la grande distance qui les séparait de l'église paroissiale d'Urrugne, de la difficulté qu'ils en éprouvaient << pour recevoir les Sacrements et suivre les offices divins >> Effectivement ils obtinrent de l'évêque de Bayonne  en 1598, le droit de construire une chapelle de secours desservie par un vicaire et le curé d'Urrugne. Ainsi ils franchissaient une première étape et abordaient aussitôt la seconde .

S'adressant au Parlement de Bordeaux ils réclament et obtiennent quelques droits  par des arrêts de 1603 et 1630, dont, malheureusement. nous ne connaissons pas le détail. Il nous suffit de savoir qu'Urrugne réagit vivement, repoussant toute désunion, sous une forme quelconque, paroisse ou jurade et réclamant le maintient intégral, à  son profit, de la police, de l'intendance et des pacages communaux. (F )

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Au reste Urrugne joua pleinement . en 1634, son rôle tutélaire ; la preuve s'en trouve dans un document archivé à Urrugne . Apprenant que  << le roi d'Espagne a assemblé un grand nombre de gens de guerre en la ville de Fontarrabie, qui pourraient traverser la rivière et se saisir de la frontièresi elle n'était gardée >> le Gouverneur de Bayonne ordonne à la communauté d'Urrugne de mobiliser le nombre d'hommes nécessaires pour défendre la frontière.

Le jurat de la Place , dont dépend << le hameau de Hendaye >>,objecte qu'il convient d'exempter les habitants de ce lieu

<< qu'ils  sont pour la plupart absents et en voyage sur mer vers Terre-Neuve, Flandres et autres contrées d'outre- mer  où ils ont accoutumé d'aller pour la pêche de la baleine ou autres choses et demeurent absents les huit mois de l'année. A cause de quoi il est besoin et nécessaire que les autres habitants du quartier de la Place fassent la garde pour eux 

Il fut donc envoyé 100 de nos hommes  le long de la côte << Socobouroua >>

( à l'extrémité ouest de la plage.), << au pied de laquelle passent les navires : l'évêque érige une paroisse qui vont et viennent de Fontarrabie >>.

Autre document Hendaye ne comporte que 100 maisons qui se serrent alentour du port et jusque dans  la baie de Belcenia , aujourd'hui comblée, dans ce Bas-Quartier, autrefois dit le quartier des Pirates,quelques rares maisons témoignent   encore  de son activité au  XVII °s. 

 

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Louis XIII décide la construction de forts à Socoa et à Hendaye; Urrugne y est opposée et Fontarabie renforce sa garnison.

 1620 .Plutôt que du roi de France Philippe III le Hardi, intervenant en faveur des Infants de la Cerda, il pourrait s'agir des comtes Bernard de Foix et Robert d'Artois, généraux de Philippe IV le Bel arrivés à Dax le 15 août 1295 pour reprendre la Gascogne aux Anglais, et qui auraient débordé la Bidassoa.

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1617-1620. Les pires années dans les différends Hendaye-Fontarabie.

Toujours sur la question de la propriété de la Bidassoa (exclusive de Fontarabie ou partagée entre les deux royaumes) les conflits se succèdent: humiliation, emprisonnement des autorités de Fontarabie, séquestration des navires de part et d’autre, prisonniers hendayais à Fontarabie et hondarribitars à Bayonne, médiations sans succès du seigneur d’Urtubie, commissionnés des deux royaumes à propos des limites frontaliers…

1620, le calme s’impose lors de l’intervention de Philippe III ordonnant la libération des labourdins prisonniers à Fontarabie.

 

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18 février 2014

LIEUX DE CULTE HENDAYE VILLE --1887 1890

 


 La croix d’Hendaye, par la décoration de son piédestal, se montre bien le plus singulier monument du millénariste primitif, la plus rare traduction symbolique du chiliasme, que nous n’ayons jamais rencontré. On sait que cette doctrine, acceptée tout d’abord puis combattue par Origène, saint Denys d’Alexandrie et saint Jérôme, bien que l’Église ne l’eût point condamnée, faisait partie des traditions ésotériques de l’antique philosophie d’Hermès

 

LES LIEUX DE CULTE

ZUBERNOA

HENDAYE-PLAGE

 LES TRIBULATIONS DE  SAINTE ANNE

ERMITAGE SANTANA


HENDAYE VILLE

1874

 Inauguration  de l'église Saint-Vincent

 

1874  marque l'inauguration de l'église Saint-Vincent, dont la reconstruction et la rénovation sont enfin achevées, grâce surtout à la générosité des paroissiens. Ses murs apparaissent embellis par trois magnifiques tapisseries;

 Elles furent, hélas! vendues en 1900 par la Fabrique, d'accord avec la municipalité, pour payer partie de l'agrandissement de l'édifice. Elles sont aujourd'hui en Allemagne, au musée de Bonn.Aux membres du Conseil municipal fut réservé « le banc spécial qu'ils ont demandé

selon l'antique usage ».



1836, la salle de la Mairie se trouvait au premier étage du clocher Saint Vincent.Mais la foudre l'ayant cette année endommagé , la municipalité se réfugia à l'hôtel Imatz. En 1865, la mairie et l'école des garçons à gauche, l'école des filles à droite, sont  édifiées sur l'ancien jeu de rebot.C'est en 1927, que  la salle d'honneur toute lambrissée sera inaugurée

Restaurée en 1874 , l'église Saint Vincent est  agrandie vers 1901 de deux chapelles latérales. A cette même époque l'escalier menant au clocher est supprimé . Face à la fontaine l'arbre de la liberté

L'Eglise appartient à la commune. C'est elle qui doit réaliser les travaux d(entretien et de remise en état de tout l'extérieur : clocher, hotloge ,toiture, charpente, peinture, crépissage ornementation florale, etc.

Au cours de ce siècle, la mairie a surveillé avec attention l'état expérieur de l'église et procédé à des travaux importants en 1938,1955,1966 et 1967. Les derniers travaux ont  été effectués en 1986, en même temps que ceux de la Mairie


vers les années 1930, on aperçoit l'arbre de la liberté


Saint Vincent                                                                        Sainte Anne

Eglise saint Vincent


Bénitier  vestige du prieuré-hôpital de Zubernoa

Il y en eut bien davantage avant que se réalisent les rêves des curés, qui se succédèrent depuis la reconstruction de l'église en 1874

; ils ne cessèrent, en effet, de se trouver devant une église trop petite pour contenir les fidèles en nombre croissant et d'une décoration que ces derniers, eux-mêmes, jugeaient trop pauvre.

Au prix de grands sacrifices consentis par la paroisse et grâce à la ténacité de ses chefs, de 1901 à 1928, d'importants travaux furent menés à bien : l'augmentation de la surface intérieure obtenue par des aménagements ainsi que par la création de chapelles latérales, la décoration du sanctuaire et de la voûte, etc.

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1874-1876.Troisième guerre carliste en Espagne: Hendaye essuie à nouveau des balles perdues.

 En 1875 Charles VII, le prétendent carliste, vaincu, traverse la Bidassoa avec quelques 10.000 partisans peu après que le curée Santa Cruz et ses amis, ses partisans, aient détruit des lignes télégraphiques, abimé des lignes de chemin de fer et assassiné les gardes du poste de Endarlatza, là où la Bidassoa commence à diviser la France de l’Espagne.

Les carlistes voulaient comme roi l’Infant Charles (Vème de son nom pour ses partisans) à la place d’Isabelle II, fille de Ferdinand VII, frère ainé de l’Infant Charles.

Le carlisme était un mouvement  antilibéral en politique et intégriste en religion qui va survivre jusqu’au début du siècle actuel.

 Hendaye essuie quelques balles perdues

1879La déclaration du 30 mars délimite les eaux privilégiées, soumises à la Marine espagnole ou à la Station Navale française, créée à son tour en 1873.

Faisant suite à 3 sections fluviales mitoyennes, l'ouverture maritime est limitée au Figuier en zone espagnole, aux Deux Jumeaux en zone fran­çaise, avec une zone mixte au centre.

1879 Alphonse XII d'Espagne

vient rencontrer en France sa fiancée Marie-Christine de Habsbourg- Lorraine, future reine


   

   

Ce magasin à l'Elégance, a été  certainement  la succursale  d'un grand magasin de Paris  qui s'appelait BOKA, pendant la période des Galeries  Lafayette et du Printemps.

 

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1880. Le Conseil Municipal vote la laïcisation de l’école

1880 Léon Olphe-Galliard se fixe à Hendaye

Victor-Aimé-Léon Olphe-Galliard, né le 27 octobre à Lyon et mort en 1893, est un ornithologue français , qui se livra tout entier à l'ornithologie et publia ses premiers essais dans la "Maumannia" et le journal ornithologique du Docteur Cabanis. En 1856, il prit part au congrès de Goethen en Allemagne, ce qui le fit entrer en relation suivies avec le Prince Lucien Bonaparte et d'autres savants.il se fixa définitivement en 1880 à Hendaye. C'est là qu'il mourut le 2 février 1893

Membre de l'académie de Lyon, de la société Linnéenne et de la société Helvétique et autre, il était un savant passionné, infatigable au travail, modeste, doux et chrétien pratiquant. Sa contribution à la faune ornithologique de l'Europe occidentale, recueil comprenant les espèces d'oiseaux qui se reproduisent dans cette région ou qui s'y montrent régulièrement de passage, augmenté de la description des principales espèces exotiques les plus voisines des indigènes ou susceptibles d'être confondues avec elles, ainsi que l'énumération des races domestiques... rassemble trente-six fascicules entre 1884 et 1890. En 1891, il fait paraître son Catalogue des oiseaux des environs de Lyon.

Un important ouvrage,  manuscrit, sur Hendaye , son histoire,  sa vie quotidienne n'a pas été encore déchiffré  . Espérons qu'il  le sera bientôt.

1880. La Société Civile et Immobilière de Hendaye Plage voit le jour. Les premières réalisations débutent en 1883

 

Faisant suite à 3 sections fluviales mitoyennes, l'ouverture maritime est limitée au Figuier en zone espagnole, aux Deux Jumeaux en zone fran­çaise, avec une zone mixte au centre.

1880. Le Conseil Municipal vote la laïcisation de l’école

En 1881, le moment est décidément venu d'aborder les grands travaux du plan d'urbanisme, surtout ceux qui concernent le futur Hendaye-Plage, cité satellite.

Une série de conventions est alors passée (1881-1884) avec une entreprise immobilière, qui s'engage à des aménagements considé­rables sur les dunes et dans la baie de Chingoudy; faute de finances suffisantes, elle dut malheureusement interrompre son activité, mais non sans avoir pu, au préalable, construire un casino.

1881. L’Ecole libre Chrétienne est crée à Hendaye subventionnée par certaines familles et Mr. D’Abbadie.

1881 L'une des causes de ce développement réside dans le prolongement jusqu'à Irun de la ligne de chemin de fer de Bordeaux à Bayonne et dans l'ouverture de la gare internationale, en 1864.

En 1881, le lancement de la plage était donné en adjudication à la « Société Civile Immobilière d'Hendaye-Plage » au capital de 800.000 francs.

1882. Création de la Maternelle Laïque.

1884. Création de la Maternelle Libre.

 

1882 Alphonse XII d'Espagne repasse le pont en octobre après sa tournée en Europe.     

 1884  Par contre, en 1864, la Municipalité accepte une proposition, qui lui est faite, d'installer un établissement comportant des cabines de bains; elle refuse toute aliénation, mais consent la location de 9 ares pendant neuf ans, au prix annuel de 5 f l'are.

Cette même année, une grande décision fut prise : celle de construire une mairie ainsi qu'une maison d'école sur la principale place du bourg, à l'emplacement jusque-là occupé par « le simple jeu de rebot », de convertir ce dernier en jeu de paume et de le doter d'un fronton copié sur celui d'Irun (80 m X 18 m), considéré comme un modèle du genre; son édification est prévue dans l'allée d'Irandatz.

Reprenant l'accord de 1685, un traité de délimitation de frontières fut signé avec l'Espagne le 2 décembre 1856, L'art. 9 stipulait que, depuis Chapitelacoarria, un peu en-dessous d'Enderlaza, jusqu'à l'embouchure de la Bidassoa, la frontière suivait le milieu du cours principal, sans changer la nationalité des îles, celle de la Conférence restant indivise entre les deux nations. La navigation, le commerce et la pêche sont déclarés libres sur les eaux de la Bidassoa (art 29 et 21)

. Tout barrage est désormais interdit (art. 23 et 24). Le pont de Béhobie, reconstruit à frais communs, appartiendra aux deux nations (art. 26).

 L'éponge était ainsi passée sur de longs siècles de querelles ou de violences ; les deux peuples voisins pouvaient désormais vivre côte à côte. Il est vrai que, la pêche n'étant pour ainsi dire plus pratiquée par les Hendayais, les motifs de discussion avaient à peu près disparu. Il est vrai aussi, que, du côté espagnol, on a eu à enregistrer souvent la violation des règlements frontaliers et qu'il n'est pas rare de voir, la canonnière française donner la chasse aux pêcheurs espagnols en maraude dans les eaux

. Tout barrage est désormais interdit (art. 23 et 24). Le pont de Béhobie, reconstruit à frais communs, appartiendra aux deux nations (art. 26).

1886 La convention initiale de ce 18 février 1886, qui codifie à nouveau le monopole de pêche, se transforme successivement pour aboutir à la refonte proposée en 1958 où par suite de l'évolution administrative, la protection des privilèges que les municipalités laissaient tomber en désuétude, passe aux Stations Navales et à la Commission des Pyrénées pour la pêche comme pour les vérifications annuelles de limites.

Cette désuétude atteint en particulier depuis 1859 : la franchise d'inscription des pêcheurs et des bateaux (identifiés par un visa maritime ou douanier) ; l'empiétement sur la rive de mer pour les filets des riverains de l'autre bord (sauf exception) ; la franchise douanière pour la vente des pêches aux riverains de l'autre bord (défendue par la police et la douane, sinon même par les pêcheurs de Saint-Jean-de-Luz) ; la pêche de saumon au filet (incluse dans diverses restrictions conserva­toires sur les époques de pèche et la salubrité) ; la diligence des maires en matière de contraventions (limitée aux dom­mages-intérêts) ;

l'initiative et le véto des maires en matière de révision de la convention (transformés en avis préalable).

1886. Construction du Quai à poisson et de nombreux magasins au Port de Caneta, du fait de l’abondance de sardines qui transportées par le train dans toute la France font connaitre le nom de Hendaye1886. Construction du Quai à poisson et de nombreux magasins au Port de Caneta, du fait de l’abondance de sardines qui transportées par le train dans toute la France font connaitre le nom de Hendaye.

 1887,  la Commune obtint de l'Etat la vente du Vieux-Fort ainsi que de son glacis comprenant 3 hectares; il sera mis à profit pour la construction d'un groupe scolaire ainsi que pour la réalisation de divers travaux prévus dans le plan d'urbanisme.

Après maintes difficultés, les travaux reprennent sur le chemin de Belcenia à Ondarraitz, un pont domine l'anse de Belcenia, qui est comblée; ils sont achevés en 1892, ainsi que le boulevard de la Plage et une digue de 600 m.

Tandis que la ville travaillait si activement à son extension, une mutation s'était faite, relative à sa population, profondément modifiée dans sa structure par l'apport d'éléments extérieurs.

Cette même année, une grande décision fut prise : celle de construire une mairie ainsi qu'une maison d'école sur la principale place du bourg, à l'emplacement jusque-là occupé par « le simple jeu de rebot », de convertir ce dernier en jeu de paume et de le doter d'un fronton copié sur celui d'Irun (80 m X 18 m), considéré comme un modèle du genre; son édification est prévue dans l'allée d'Irandatz.

Reprenant l'accord de 1685, un traité de délimitation de frontières fut signé avec l'Espagne le 2 décembre 1856, L'art. 9 stipulait que, depuis Chapitelacoarria, un peu en-dessous d'Enderlaza, jusqu'à l'embouchure de la Bidassoa, la frontière suivait le milieu du cours principal, sans changer la nationalité des îles, celle de la Conférence restant indivise entre les deux nations. La navigation, le commerce et la pêche sont déclarés libres sur les eaux de la Bidassoa (art 29 et 21)

. Tout barrage est désormais interdit (art. 23 et 24). Le pont de Béhobie, reconstruit à frais communs, appartiendra aux deux nations (art. 26).

 L'éponge était ainsi passée sur de longs siècles de querelles ou de violences ; les deux peuples voisins pouvaient désormais vivre côte à côte. Il est vrai que, la pêche n'étant pour ainsi dire plus pratiquée par les Hendayais, les motifs de discussion avaient à peu près disparu. Il est vrai aussi, que, du côté espagnol, on a eu à enregistrer souvent la violation des règlements frontaliers et qu'il n'est pas rare de voir, la canonnière française donner la chasse aux pêcheurs espagnols en maraude dans les eaux françaises.

 1887, Ces étrangers au pays, dont beaucoup étaient indifférents à sa spiritualité, devaient par leurs votes éliminer des principaux postes de commande les Basques dépositaires des traditions. La physionomie politique de la cité s'en trouva fortement altérée et marquée.

Autant il est juste et agréable de reconnaître que ces nouveaux venus se dévouèrent sans compter à l'accomplissement de la mission que la majorité des électeurs leur avaient confiée, autant il est pénible et regrettable d'avoir à constater le sectarisme dont, parfois, quelques intolérants firent preuve, sans craindre de troubler l'atmosphère politique, paisible, comme il était et il reste de règle au Pays Basque.

La première mesure empreinte de cet esprit fort fut la laïcisation de l'école communale des filles,

1890 Fontarrabie : Le nombre d'habitants passera 4 000, relevant de la province de Guipuzcoa et de l'évéché de Vitoria.

Premier port de  de Belcenia

envasé  et qui ne pouvais plus recevoir de bateaux.

Il était pourtant bien abrité et ne permettait pas les incursions des pêcheurs de Fontarrabie.


il ne reste qu'un bateau


le lavoir


 

 

 

 

 

les derniers bateliers

Par Tito HUMBERT

Voir dans DOCUMENTS

1887,  la Commune obtint de l'Etat la vente du Vieux-Fort ainsi que de son glacis comprenant 3 hectares; il sera mis à profit pour la construction d'un groupe scolaire ainsi que pour la réalisation de divers travaux prévus dans le plan d'urbanisme.

Après maintes difficultés, les travaux reprennent sur le chemin de Belcenia à Ondarraitz, un pont domine l'anse de Belcenia, qui est comblée; ils sont achevés en 1892, ainsi que le boulevard de la Plage et une digue de 600 m.

Tandis que la ville travaillait si activement à son extension, une mutation s'était faite, relative à sa population, profondément modifiée dans sa structure par l'apport d'éléments extérieurs. 

auguste vic

Hendaye à env.  2019 habitants

1888:La presse de l'opposition présente le maire comme étranger au pays. Ce dernier contre-attaque en insinuant que cette campagne est inspirée par Urrugne, qui décidément lui fait voir tout en rouge !

Par la suite, il ne se produit dans le domaine politique aucun événement, grand ou petit, qui ne déclanche de la part du Conseil municipal, lorsque, du moins, la majorité « rouge » (style de l'époque) l'emporte, l'envoi de télégrammes au Gouvernement en place ou à ses représentants

1891. L’Espagne initie le protectionnisme de son économie avec une première loi dans ce sens sur le taxes douanières; l’industrialisation rive droite de la Bidassoa en est gravement affectée, ainsi que le trafic ferroviaire et les flux commerciaux vers l’Espagne qui diminuent.

Caneta, du fait de l’abondance de sardines qui transportées par le train dans toute la France font connaitre le nom de Hendaye

1892. Construction du Pont de Belzenia, pour faciliter l’accés à la plage

 

LES TRANSPORTS EN COMMUN

PREMIERE ETAPE

 

Un tramway à traction animale rend plus confortable le trajet Hendaye ville-Hendaye-plage.


 

 




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7 octobre 2014

Brigitte Bardot à HENDAYE

Brigitte Bardot à HENDAYE  (1939)

 

 

 

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vichy

 

OCCUPATION ALLEMANDE

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LIBERATION

 

hatchondo

 

LAPURDUM

 Revue d'Etudes Basques

Hendaye et ses voisines espagnoles..

Période de 1945 à 1960

I – Aux temps de la méfiance réciproque (1945-01 mars 1946)

II – La fermeture de la frontière (01 mars 1946-10 février 1948)

III – La réouverture de la frontière : une tentative avortée pour des logiques conservées (10 février 1948-années soixante)

Texte intégral

 Voir dans DOCUMENTS

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quatrieme rep

 

Les origines de la Quatrième République

Après la Libération, le régime politique de la Troisième République ainsi que de nombreux politiciens sont discrédités pour avoir été incapables de mener la guerre contre l'Allemagne. Pour beaucoup d'autres, et en particulier de Gaulle, l'homme du 18 juin 1940, dont la popularité est immense, de nouvelles institutions s'imposent. À la question des institutions, se pose le problème de la représentativité et de la légitimité du pouvoir, car aucun de ces hommes qui aspirent au changement n'est élu.

 

labourdette

 

1948. Ouverture de la frontière franco-espagnole.

 

etchenausia

 

 

1951. Le tennis club Hendayais, nouvelle association sportive à Hendaye.

   Aménagement du fronton de Gaztelu Zahar, un mur lisse - permet le dévelopement de l'aire de jeux - lors de la construction de la nouvelle Poste-

 

pardo

 

guerre algerie

 

 

La guerre d’Algérie se déroule de 1954 à 1962 principalement sur le territoire des départements français d'Algérie, avec également des répercussions en France métropolitaine. Elle oppose l'État français à des indépendantistes algériens, principalement réunis sous la bannière du Front de libération nationale (FLN)1.

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La Cinquième République,  est le régime républicain en vigueur en France depuis le 5 octobre 1958, régi par la Constitution de 1958. Elle a succédé à la Quatrième République instaurée en 1946.

 

 Son fonctionnement est régi par la Constitution de 1958. La Cinquième République est un régime parlementaire rationalisé, ce qui signifie que le Parlement, bien que votant la loi, doit composer avec un exécutif (Président de la République et Gouvernement) relativement fort.

En septembre 1958, par un référendum, les Français acceptent une nouvelle Constitution à 80 %.

 

cinquieme rep

 

 

 

errecart

HENDAYE D'AUTREFOIS
pour le 25ème anniversaire de la Société

PEPITO et le Gaztelu-Zahar

 

 

1972  Fête des 25 ans de GAZTELU ZAHAR

 

 


HENDAYE d'AUTREFOIS

 

 

 

 

lassallette


 

1982. La Floride ensemble portuaire. Des travaux récents ont doté la zone de la Floride d’installations pou la navigation de plaisance et pour la pêche (criée et ateliers compris).
1992. Suppression de la douane entre l’Espagne et la France en application de l’Acte Unique Européen qui culmine le marché unique européen à travers les  quatre libertés: de circulation des marchandises et des services, des prestations et des installation d’entreprises, des capitaux, des personnes.

1992. Suppression de la douane entre l’Espagne et la France en application de l’Acte Unique Européen qui culmine le marché unique européen à travers les  quatre libertés: de circulation des marchandises et des services, des prestations et des installation d’entreprises, des capitaux, des personnes.

1993. Ce fut un triste jour pour Hendaye que ce 1er janvier 1993 qui vit la disparition des frontières et donc de toute l'activité économique liée au transit de marchandises. Un choc, se souvient le maire, 64 ans - un des deux seuls édiles socialistes du Pays basque.
 En bon gestionnaire, il avait cependant anticipé l'événement en lançant les travaux d'aménagement de la pointe Sokoburu pour organiser- autour du tourisme, de la plaisance et de la thalassothérapie - une activité de substitution aujourd'hui prometteuse.
 L'année 1998 fut une autre année marquante, avec la naissance du Consorcio de Txingudi, Hendaye-Irun-Fontarrabie, le premier exemple dans l'histoire européenne d'une communauté transfrontalière. Un acte pionnier qui se concrétisera cette année avec la réalisation d'un parc des expositions. M.-P. B.


1993. Inauguration du port de plaisance de Hendaye.

 

Le port de plaisance à son ouverture en janvier 1993

L'aménagement de la pointe de Sokoburu et du plus beau port de plaisance de toute la côte basque se fera grâce au courage et à l'acharnement d'un homme qui consacra plus de trente ans de sa vie à Hendaye, sa ville d'Hendaye, élu a



1997. L’Observatoire Transfrontalier Bayonne-Saint Sébastien est crée à l’initiative conjointe de la Communauté d’agglomération de Bayonne-Anglet-Biarritz et la Diputacion Foral de Guipúzcoa. 

1998. Le Consorcio Bidassoa-Txingudi réunit les communes de Hendaye, Irun et Fontarabie pour harmoniser le développement économique, le tourisme et les activités sociales et culturelles. Il est régi par le droit espagnol.

 

 

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Conseil Municipal en 1971, puis Maire d'Hendaye de 1981 à 2001et Conseiller-Général de 1988 à 2001.

 

2001. L’Eurocité Basque Bayonne Saint Sébastien. Il s’agit d’un groupement européen d’intérêt économique qui agit à travers l’Agence transfrontalière pour le développement de l’eurocité basque Bayonne-Saint Sébastien 

 

 

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2010. Projet d’Euro région Aquitaine-Euskadi.
 Hendaye serait le siège de la nouvelle structure qui se régirait par le droit français.

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hendaye autrement

cliquer sur la photo pour l'agrandir

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Démolition du Sotua



Jardin des déportés

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BIBLIOGRAPHIE

 Gabriel et Jean-Raoul Olphe-Galliard  : Hendaye
Abbé Michelena  :Hendaye son histoire
Jean Fourcade :  Urrugne 
Jean Fourcade : Trois cents ans au Pays Basque d'histoire
 ( le livre d'histoire Paris )
Joseph Nogaret  : Hendaye  ( 1811/1890 )
Joseph Nogaret : Saint jean de Luz
Claude Choubac : La Bidassoa
 Théodoric Legrand : Essai sur les différents de Fontarrabie avec le Labourd
Georges Langlois)La véritable histoire de Hendaye-Plage
Duvoisin: le Corsaire Pellot
Ducéré Edouard (1849 )
Thierry Sandre :  le corsaire Pellot
Alfred Lassus : Hendaye ses marins ses corsaires
Lauburu : Histoire et civilisation  Basques

Narbaitz  : le Matin Basque
Eugène Goyheneche  : le Pays Basque
Manex Goyeneche Histoire Pays Basque T : 1.2.3.4
Philippe Veyrin : les Basques
Rectoran : Corsaires Basques et Bayonnais
Thierry du Pasquier : les Baleiniers Basques
Josane Charpentier : La sorcellerie  au Pays Basque ( Ed . Guénégaud Paris )
Jean-Claude Lorblanches: les soldats de Napoléon en Espagne 1837
 ( Edition l'Harmattant )
Louis de Marcillac  : Histoire de la guerre entre la France et l'Espagne 1793/1795
Correspondance d'Escoubleau de Sourdis : 1636
Oiasso  : 4 siècles de présence romaine
 Gipuzkoakultura
Le Journal du Pays Basque
Supery
Regis Boyer   Heros et dieux du Nord  Ed.Tout l'Art
Internet
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Société des Sciences, Lettres & Arts de Bayonne (Bulletin, et notamment : J. de Jaurgain, E. Ducéré, J.-B. Daranatz, M. Degros...)
Musée Basque de Bayonne (Bulletin, et notamment : P. Arné, Pierre de Lancre...) Cardaillac (X. de) : Fontarabie.
Langlois (G.) : La véritable histoire de Hendaye-Plage.
Legrand (T.) : Essai sur les différends de Fontarabie avec le Labourd.
Nogaret (J.) : Petite histoire du pays basque français.
Nogaret (J.) : Saint-Jean-de-Luz : des origines à nos jours.
Olphe-Gaillard (J. & J.-R.) : Hendaye : Son histoire.
Paquerie (Ch. de la) : Un coin du pays basque.
Sandre (Thierry) : Le corsaire Pellot.
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REMERCIEMENTS PARTICULIERS à Mme Jacqueline Sanchez pour son aide dans la traduction de l' écrit habituel en langage informatique

 

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18 février 2014

20 SIECLE

TOME 4

SOMMAIRE

LA  PLAGE- ESKUALDUNA--CASINO
1914- 1918  1ère GUERRE MONDIALE    La Marne  VIDEO
 Nid Marin1923   : BOTTIN de Hendaye --1924  - ECOLE
1936 GUERRE d'ESPAGNE -- IRUN                           VIDEO
1939 Brigitte Bardot à HENDAYE                                      VIDEO

Quatrième République

Cinquième République
1946/1954La guerre d'Indochine                                                    
1954/1962La guerre d'Algérie     
                                                          
1972/1974  Fête HENDAYE AUTREFOIS Gaztelu  Zahar  VIDEO
Démolition du SOTUA  .Création JARDIN DES DEPORTES   VIDEO 

 

 

ferdinand camino

Dr Ferdinand Camino (1853-1933), maire d'Hendaye pendant la Première Guerre mondiale, il est surtout célèbre pour avoir donné son nom à l'un des grands arrêts du Conseil d'État « l'arrêt Camino » du 14 janvier 1916 sur l'excès de pouvoir de l'État contre l'élu du peuple.

Cet arrêt en date du 14 janvier 1916 émane du Conseil d'État et vise la loi du 8 juillet 1908. En l'espèce le docteur Camino, maire d’Hendaye avait été suspendu par arrêté préfectoral et révoqué par le Préfet des Basses-pyrenées. pour avoir d'une part méconnu les obligations qui lui étaient imposées par la loi du 5 avril 1884 en ne veillant pas à la décence d'un convoi funèbre auquel il assistait et d'autre part d'avoir exercé des vexations à l'égard d'une ambulance privée.
Le docteur Camino a alors formé un recours en excès de pouvoir contre l'arrêté préfectoral et la décision de D. auprès du conseil d'État en requérant leur annulation. Le conseil d'État en décidant de statuer conjointement sur les deux requêtes reçoit la demande du maire d'Hendaye en examinant la véracité des faits à l'origine du contentieux et décide de donner raison au requérant en annulant l'arrêté et la décision de D.
Le problème soulevé à l'époque par le Conseil d'État est le suivant : est-il du ressort du juge administratif de vérifier l'exactitude des faits à l'origine de la sanction ?

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  Depuis lors cet arrêt est appris  par tous  les élèves de première année de droit

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La Ville réitère sa demande de liaisons téléphoniques directes avec Bayonne et Irun.
1914-1918. Les hôtels et l’Hôpital Marin accueillent les blessés et les refugiés de
 la grande guerre.

1914-1918 : Dès les premiers jours de septembre 1914, la ville, où tous les partis fraternisent, s'organise pour recevoir et soigner les blessés; des hôpitaux temporaires sont ouverts dans la villa Marie, la villa Perla ainsi que dans le Casino, qu'offrent leurs propriétaires respectifs.
Plus de 50 réfugiés belges sont installés dans des maisons particulières. En 1916, des prisonniers alsaciens sont mis à la disposition des cultivateurs.

1915. Un pont sur la Bidassoa permet enfin le transit routier entre les deux pays; piétonnier jusqu’en 1917 des véhicules à partir de cette année. La moitié espagnole du pont étant propriété d’Irun il fallait payer un péage pour l’utiliser.

1915 : Le bâtiment des Douanes est édifié à l'extrémité du pont international. En cours de construction, ce dernier ouvrage, intégralement dû à la Municipalité d'Irun, fut achevé l'année suivante.


1917 : En raison des événements vécus par la France en 1916, nos amis Espagnols en retardèrent l'inauguration jusqu'au 1" février de cette année 1917 et firent généreusement le don à notre pays de la moitié du pont, dont la construction eut normalement dû lui incomber; ils ne nous laissaient que la charge d'entretenir cette partie.
Ainsi, Hendaye cessait d'être tributaire de bateliers ou d'un bac et, dorénavant, communiquait au-delà de la Bidassoa avec Irun accueillant en sa magnifique avenue « de Francia ».

1917 : La concession du tramway (ligne Casino-Gare) est transférée à une filiale — V.F.D.M. — de la Cie du Midi. Les rails du tramway de la ligne exploitée par cette filiale, le long de la corniche, de Saint-Jean-de-Luz à Hendaye, sont enlevés et envoyés aux aciéries travaillant pour la Défense Nationale.
 
1918. L’armistice est célébré à Hendaye avec la participation des habitants d’Irun, Leon Iruretagoyena, leur maire, en tête. L’aide apportée par Mr Iruretagoyena aux refugiés lui vaudra d’être décoré de la Légion d’Honneur.

1914-1918 : Dès les premiers jours de septembre 1914, la ville, où tous les partis fraternisent, s'organise pour recevoir et soigner les blessés; des hôpitaux temporaires sont ouverts dans la villa Marie, la villa Perla ainsi que dans le Casino, qu'offrent leurs propriétaires respectifs.
Plus de 50 réfugiés belges sont installés dans des maisons particulières. En 1916, des prisonniers alsaciens sont mis à la disposition des cultivateurs.

1914-1918. Les hôtels et l’Hôpital Marin accueillent les blessés et les refugiés de la grande guerre.

1912-1922 construction de

 l'HOTEL ESKUALDUNA

LE CASINO


Image1+

Hostellerie d'Haïcabia

1913 : La digue de la plage est prolongée dans la direction des Deux-Jumeaux; de nombreuses villas commencent à s'élever sur le bord de mer.
La Ville réitère sa demande de liaisons téléphoniques directes avec Bayonne et Irun.

les bleuet hendaye

1911/1912

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28 octobre 2014

La reconnaissance de l'autonomie d'Euskadi.

 

L'Arbre de Guernica

Le  novembre 1933, le référendum sur le statut des Provinces Basques  avait donné  84%  de oui pour les trois provinces de Biscaye, Guipuzkoa et Alava. Mais depuis , le débat était resté  bloqué à l Assemblée des Cortés jusqu'au 12 mai 1936, date à laquelle l'Assemblée se prononce pour le règlement de cette question.

Le 26 septembre suivant, le député du P.N.V, Manuel de Irujo fait son entrée au gouvernement Largo Caballero à Madrid

Le 1 er Octobre 1936, l'Assemblée des Cortés approuve le Statut du Pays Basque et le 7 du même mois, le premier gouvernement d'Euskadi est formé. Le député nationaliste josé Antonio Aguirre, avocat et maire de Guécho en Biscaye en est élu le premier président

.Cette autonomie durera un peu plus de 8 mois

 

OLIVIER BEAUPRÉ-GATEAU
LA FRONTIÈRE FRANCO-ESPAGNOLE
AU PAYS BASQUE
Étude des fonctions de la frontière sur le territoire de l’Eurocité
Bayonne-San-Sebastián
Mémoire présenté
à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval
dans le cadre du programme de maîtrise en science géographique
pour l’obtention du grade de Maîtrise en sciences géographiques (M Sc. géogr.)
FACULTÉ DE FORESTERIE ET GÉOMATIQUEUNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC2006© Olivier Beaupré-Gateau, 2006

Résumé
«La volonté de vivre sans frontière»
Voilà la motivation générale des acteurs et actrices qui évoluent au sein des instances
politiques de l’Eurocité basque. Qu’en est-il précisément ? Au travers du discours dominant sur la disparition des frontières en Europe, que peut nous apprendre l’expérience innovatrice de l’Eurocité ? C’est pour répondre à cela que nous nous sommes intéressés à reconnaître les fonctions de la frontière franco-espagnole au Pays basque. Sur la base de modèles comme ceux de Guichonnet–Raffestin ou Émanuel Gonon, nous avons tenté d’élaborer les bases d’un modèle des fonctions de la frontière applicable au cas particulier de l’agglomération transfrontalière basque.
C’est en nous appuyant sur des cas de coopération transfrontalière, dans le domaine
sanitaire et du transport en particulier, que nous nous sommes interrogés sur les fonctions de cette frontière qui sont encore en action.

Table des matières
Résumé................................................................................................................................... ii
Remerciements...................................................................................................................... iii
Introduction.............................................................................................................................9
1 Mise en contexte de l’objet d’étude..............................................................................13
1.1 L’histoire d’un concept.............................................................................................13
1.2 La frontière dans le contexte européen et actuel.......................................................18
1.3 Histoire de la frontière franco-espagnole..................................................................19
2 Méthodologie................................................................................................................22
2.1 Concepts : définitions. ..............................................................................................22
2.2 Méthode de cueillette des données. ..........................................................................26
3 Problématique ...............................................................................................................28
3.1 La question de recherche. .........................................................................................28
3.1.1 Intérets de la recherche .....................................................................................29
3.1.2 Une problématique précise ...............................................................................30
3.1.3 Revue de la littérature .......................................................................................33
3.2 Objectifs....................................................................................................................36
3.2.1 Objectifs généraux ............................................................................................36
3.2.2 Objectifs spécifiques.........................................................................................37
3.3 Présentation de l’hypothèse. .....................................................................................37
3.4 Définition du territoire à l’étude. ..............................................................................38
3.4.1 La construction politico-territoriale ..................................................................38
3.4.2 Aujourd’hui, deux Pays basque (ou trois) ........................................................46
3.5 Les acteurs. ...............................................................................................................48
3.5.1 L’Eurocité .........................................................................................................49
3.5.2 Le consortio Bidassoa-Txingudi.......................................................................52
3.5.3 Le Gipuzkoa......................................................................................................52
3.5.4 La CABAB .......................................................................................................54
3.5.5 Les Pyrénées-Atlantiques .................................................................................56
3.5.6 Euskadi..............................................................................................................56
3.5.7 La région Aquitaine ..........................................................................................57
3.5.8 La France et l’Espagne .....................................................................................58
4 Résultats........................................................................................................................59
4.1 Présentation des principaux résultats........................................................................59
4.2 Synthèse des résultats ...............................................................................................60
4.3 Discussion des résultats. ...........................................................................................64
4.4 Confirmation (ou infirmation) de l’hypothèse..........................................................88
Conclusion ............................................................................................................................90
ANNEXES............................................................................................................................94
Comptes rendu des entretiens .....................................................................................104
Résumé de l’entrevue avec Dani Arbulu de l’Agence transfrontalière de la
députacion forale de Gipuzkoa. Donostia, le vendredi 16 juillet 2004...................104
Résumé de l’entrevue avec Pilar Fuertes du Consorcio Bidassoa-Txingudi, le
vendredi 23 juillet, Irun. .........................................................................................106
v
Résumé de l’entrevue avec Elena Morena de l’Agence transfrontalière de la
CABAB. Bayonne, le jeudi 29 juillet 2004 ............................................................108
Résumé de l’entretien avec Jean-Claude Iriart, président du conseil des élus du Pays
basque, Bayonne, lundi 2 août 2004. ......................................................................111
Comptes rendu des documents reçus ..........................................................................113
Synthèse de l’étude : État des lieux de la coopération transfrontalière sanitaire....114
Synthèse du cahier de la MOT # 4 : La coopération transfrontalière sanitaire. .....118
Compte rendu du document de synthèse du plan de gestion des déchets ménagers et
assimilés dans la zone transfrontalière de l’Eurocité basque Bayonne-San-Sebastián.
................................................................................................................................121
Synthèse du guide pratique frontalier. ....................................................................121
Synthèse du document : Les transports transfrontaliers dans les agglomérations
transfrontalières. .....................................................................................................124
Synthèse du document : Estudio de Prospección sobre las infraestructuras de
transporte en la Eurociudad Vasca Bayonne- San Sebastián. Fase III Informe
sintetico...................................................................................................................128
Bibliographie ......................................................................................................................130
vi
Liste des figures
Figure 1 : Détail d’une carte de la péninsule Ibérique de l’an 910 où l’on peut voir le
royaume de Navarre. Source : www.lib.utexas.edu consulté en mars 2005. (avec
empreinte approximative des territoires actuels en blanc)............................................40
Figure 2 : Détail d’une carte de la péninsule ibérique de l’an 1037 où l’on peut voir
l’expansion, au nord des Pyrénées, du royaume de Navarre. Source :
www.lib.utexas.edu consulté en mars 2005. (avec empreinte approximative des
territoires actuels en blanc) ...........................................................................................41
Figure 3 : Détail d’une carte de la péninsule ibérique de l’an 1150 où l’on peut voir
l’évolution territoriale du royaume de Navarre et qui s’apparente au territoire
revendiqué aujourd’hui. Source : www.lib.utexas.edu consulté en mars 2005. (avec
empreinte approximative des territoires actuels en blanc)............................................43
Figure 4 : Situation de la Navarre et des territoires basques du nord vers le 14ème
Figure 5 : Carte du Pays basque comprenant les sept provinces telle que présentée 8
Figure 6 : Les trois entités qui forment l’Eurocité basque. Réalisation : Olivier
Figure 7 : L’Eurocité basque, un regroupement de 600 000 personnes sur une frange côtière
de 50 Km de long. Réalisation : Olivier Beaupré-Gateau, d’après une carte de SUA
Edizioak. .......................................................................................................................51
Figure 8 : Représentation des différents acteurs. Réalisation : Olivier Beaupré-Gateau......58
Figure 9 : Borne frontière nous indiquant le passage de l’Espagne vers la France. .............67
Figure 10 : La même borne frontière, côté indiquant le passage de la France vers l’Espagne.
......................................................................................................................................67
Figure 11 : Panneau signifiant l’entrée dans la province du Labour, au même endroit où
l’on pouvait voir la borne frontière (figures 8 et 9). .....................................................69
Figure 12 : Panneaux de signalisation bilingues en France ..................................................70
Figure 13 : Panneaux standards de la municipalité d’Hendaye pour les noms de rues,
bilingue. ........................................................................................................................70
Figure 14 : Panneau de signalisation autoroutier en langue basque sur le territoire français.
......................................................................................................................................70
Figure 15 : État des installations de contrôle à la frontière entre la France et l’Espagne dansla région HendayeIrun. ................................................................................................73
Figure 16 : État des infrastructures de contrôle à la frontière entre Hendaye et Irún...........74
Figure 17 : Le même endroit qu’à la figure 15, ont peut y noter l’absence des infrastructures
frontalières. ...................................................................................................................75
Figure 18 : Détail d’un plan de la région transfrontalière du Bidasoa-Txingudi..................75
Figure 19 : La dynamique multiscalaire infléchissant la fonction légale de la frontière......82
Figure 20 : Carte représentant les 7 provinces basques. Source : www.tlfq.ulaval.ca .........95
Figure 21 : Tableau des données sur les sept provinces. Source : www.tlfq.ulaval.ca ........95
vii
Figure 22 : Représentation des zones d’utilisation de la langue basque dans l’histoire.
Réalisation : Olivier Beaupré-Gateau et Frédéric Dion d’après une carte de Laurier
Turgeon, 1997...............................................................................................................96
Figure 23 : Zones d’utilisation de la langue basque aujourd’hui. Réalisation : Olivier
Beaupré-Gateau et Frédéric Dion d’après une carte de Laurier Turgeon, 1997..........97
Figure 24 : Représentation cartographique des résultats obtenus par le parti nationaliste
Herri Batasuna en 1996. Source : Barbara Loyer, Géopolitique du Pays basque, 1997.
......................................................................................................................................98
Figure 25 : Coopération transfrontalière sanitaire et médico-sociale : Frontière espagnole.
Réalisation : Olivier Beaupré-Gateau d’après une carte de la MOT, 2000. ............................................102
Figure 26 : Le territoire de l’Eurocité et ses deux aéroports et ses deux ports en eau
profonde. Réalisation : Olivier Beaupré-Gateau d’après une carte de SUA Edizioak.
....................................................................................................................................103
viii
Liste des annexes
Annexe 1 Carte et données du Pays basque..........................................................................95
Annexe 2 Étendue des zones bascophones ...........................................................................96
Annexe 3 Vote nationaliste et zones bascophones ...............................................................97
Annexe 4 Extrait du statut d’autonomie du Pays basque......................................................99
Annexe 5 Les thèmes de la coopération transfrontalière sanitaire. ....................................102
Annexe 6. Les différents pôles de transport de l’eurocité ..................................................103
Annexe 7 : Verbatime des entretiens et résumés des documents reçus ..............................104
Introduction
L’idée de travailler sur les frontières peut sembler étrange à l’heure où on ne cesse de lire dans les journaux sur la disparition des ces dernières. Pourtant, il s’agit bien d’un sujet d’actualité, qui fait appel à beaucoup de ressources, tant universitaires qu’étatiques. En effet, dans la littérature récente, il existe nombre d’ouvrages traitant de, ou des, frontières et ce dans tous les types de disciplines. Bien sûr il sera ici question d’une étude de géographie. Mais fort d’un baccalauréat en science politique, c’est à l’aide d’une mixité d’approche que j’ai entrepris ce travail sur l’étude des frontières. Les premières motivations pour un tel sujet me sont donc venues de mes études de premier cycle. Un travail de recherche sur la frontière franco-espagnole au Pays basque aurait bien pu être mené sans grand changement au sein du département de science politique. Il m’apparaissait simplement pertinent d’aller
chercher un angle différent, autant pour mon intérêt personnel que pour la profondeur de la recherche. Je me suis donc dirigé vers les sciences géographiques pour ajouter à l’étude
politique une approche plus territoriale et des méthodes de recherche propre à la
géopolitique. Plusieurs éléments ont motivé cette décision. D’abord, mon premier contact
avec la géographie s’est fait lors d’un cours de géographie politique qui m’a introduit aux
notions et aux auteurs de la géopolitique. C’est alors que j’ai eu mes premiers rapports avec
des auteurs clefs de la discipline ; l’école allemande, avec Haushofer entre autres ou le
Suédois Kjellen, Mackinder et Spikman chez les Anglo-saxons, Jacques Ancel chez les
Français et le renouveau de la discipline avec Yves Lacoste et la revue de géopolitique
Hérodote. C’est suite à ce cours que j’ai choisi de me diriger vers le département de
Géographie pour tendre vers la géopolitique.
Le choix de l’objet, la frontière franco-espagnole au Pays basque, fait suite à un long
processus de raffinement du sujet de recherche. Influencé par la mouvance altermondialiste,
je termine mon baccalauréat en 2001, année du sommet des Amériques à Québec. Les
frontières sont au coeur de plusieurs débats auxquels j’assiste. L’esprit est à l’abolition des
10
frontières, aux citoyens du monde, à l’internationalisme. Lorsque je pris la décision de faire
des études de maîtrise, c’est dans ce contexte que je réfléchissais. Je m’intéressais à la
question des frontières, à la division internationale du travail, aux multinationales, à
l’internationalisation des échanges, etc. On parlait beaucoup dans mon entourage de la
disparition des frontières. Cette démarche était renchérie par une expérience personnelle.
J’ai eu la chance de voyager et de travailler en Europe à quelques reprises. J’ai donc
expérimenté la «libre circulation» que l’Union européenne permet. Étant détenteur d’un
passeport français, toute l’Europe s’ouvrait à moi. Je pouvais donc ajouter une expérience
empirique à tous ces discours engagés sur la disparition des frontières ayant cours au
tournant du siècle. Mes deux ans d’études approfondies sur la portion basque de la frontière
franco-espagnole me permettront de nuancer grandement mes propos d’alors, voir d’enréfuter quelques-uns. La possibilité de voyager librement d’un État européen à un autresans passer de contrôles douaniers ne signifie pas la disparition de la frontière entre cesdeux États. Bien des éléments imperceptibles au simple touriste sont en oeuvre auxfrontières, malgré l’apparente ouverture totale de celles-ci. Le fait que j’aie pu travailler etvivre hors de France sans papiers ni permis et ce en toute légalité, n’atteste pas de ladisparition totale des frontières. Il existe encore des contrôles effectués aux frontières Celles-ci disposent encore de fonctions actives. C’est d’ailleurs le sujet de cette étude.
Afin de pouvoir compléter cette recherche dans le cadre d’une étude de maîtrise, il a fallu que je restreigne son sujet à une seule dyade. Le choix s’est effectué par un processus de raffinement de la problématique dans les premiers mois de recherche. Outre des considérations méthodologiques et intellectuelles qui seront discutées plus loin, lorsqu’il sera question de définir la problématique, des motivations personnelles ont présidé au choix de cette portion de frontière. Je me suis intéressé d’emblée aux frontières de la France du fait de ma nationalité et du besoin d’approfondir mes connaissances sur une portion de mon identité. Il était aussi facile de trouver de la littérature en français sur le sujet. Ensuite, en tant que Québécois proche des milieux souverainistes, on se sent facilement interpellé par les autres causes de libération nationale. C’est ainsi que la cause basque, que je connaissais de façon superficielle, a retenu mon attention alors que j’épluchais la littérature sur différentes portions des frontières de la France. Plusieurs éléments de cette problématique 11avaient alors attiré mon attention. En particulier celui de la langue, que j’ai traité dans le
cadre d’un cours de géographie culturelle. Outre le fait qu’il s’agisse d’une langue non
indo-européenne perdant son origine dans la nuit des temps, c’est son caractère
transfrontalier qui me paraissait intéressant. Il existe un débat sur la préservation de la
langue basque et son évolution des deux côtés de la frontière. Cela n’est pas sans rappeler toute la question de la langue au Québec. Il existe des similitudes, légères, mais qui sont propres à rapprocher les deux situations. Ensuite, il s’agit d’un peuple ayant une histoireterritoriale qui mérite de s’y attarder. Il en sera question dans un chapitre plus loin mais ilest utile de mentionner qu’il s’agit d’une société culturelle s’étendant sur les deux versants des Pyrénées et séparée entre deux États. Ayant vécu près d’un an en Irlande, où j’ai expérimenté ce type de dualité entre la République et la province de l’Ulster, il s’agissait là d’un élément d’intérêt pour moi. Les Basques peuvent ressembler, à quelques égards, à un peuple d’irréductible face à l’histoire. C’est ainsi que mon choix s’est arrêté sur la frontière entre la France et l’Espagne au Pays basque. C’est la région précise qui s’étend de Bayonne, en France, jusqu'à Saint Sébastien en Espagne, qui servira de terrain d’étude. Cette recherche se concentrera sur la question des fonctions de la frontière. J’ai voulu ainsicontre vérifier mes expériences personnelles et le type de discours qui circulait dans mon
entourage au moment où j’entreprenais mes études de maîtrise. Pour y parvenir, j’ai
construit une problématique de laquelle j’ai dégagé une hypothèse et j’ai tenté par la suite de la vérifier. C’est ainsi que je commence par brosser un portrait général de la frontière, de son histoire globale et de celle dont il sera question en particulier. Suite à cet exposé général qui nous aura mis en contact avec plusieurs notions de géographie, il sera temps de définir clairement les concepts qui serviront de base à lacompréhension de la problématique C’est de quoi se charge le chapitre sur la méthodologie en plus d’exposer la méthode retenue pour ce qui est de la cueillette des données nécessaire à la continuation de la recherche. Une fois ces éléments de base expliqués, il est temps de se lancer dans la réflexion qui a donné lieux à l’hypothèse. C’est ce qui sera fait dans le chapitre sur la  problématique. Je commencerai par expliquer la construction territoriale du Pays basque. Il s’agit d’une histoire mouvementée qu’il est nécessaire de connaître pour bien comprendre
la position et l’argumentaire de certains des acteurs. Plusieurs interprétations de la
12 dynamique de la frontière dans cette région aujourd’hui font référence à l’histoire politique et géographique des Basques. C’est ainsi qu’en présentant des acteurs qui sont en relations de près ou de loin avec la frontière, j’en viens à exposer la question de recherche et C’est alors que vient le temps d’exposer les résultats obtenus lors de la cueillette des données faite lors de la période de terrain à l’été 2004. Ces données seront présentées et remises dans leur contexte. C’est sur cette base que sera entreprise l’analyse. Après les avoir exposées, je m’attaquerai à y réfléchir pour en retirer les éléments pertinents à la compréhension de la problématique. C’est à cette étape que j’entends parvenir à confirmer ou infirmer mon hypothèse. Évidemment, certaines contraintes de terrain ou de recherchedoivent être prises en compte dans cette analyse. Pour des raisons qui seront exposées auchapitre concerné, certaines données font défaut. Mais malgré tout, la quantité de cellesrecueillies nous permet d’envisager une bonne fiabilité de la recherche.
Mise en contexte de l’objet d’étude
Plus qu’un concept clef, la frontière est ici objet d’étude. Afin de bien comprendre toute la dynamique qui entoure cette recherche, il me semble nécessaire d’en brosser les grandes lignes historiques. En géographie comme en science politique, la donnée temporelle revêt une importance capitale pour comprendre les enjeux actuels. Il est donc utile de pouvoir s’appuyer sur une connaissance minimum de l’évolution historique de l’idée de frontière pour étayer une analyse de la situation contemporaine puisqu’il s’agit de mécanismes qui s’articulent sur le temps long. La frontière n’apparaît pas du jour au lendemain sans raison. Des processus s’activent dans le temps pour donner naissance à une frontière et ces mêmesprocessus sont responsables de sa modification à travers l’histoire.
L’histoire d’un concept.
La frontière revêt plusieurs sens, dépendant dans quel domaine on l’aborde. Ainsi, elle peut être spatiale, temporelle, abstraite… Il est possible de traiter de la frontière entre le jour et la nuit, entre le chaud et le froid, entre le bien et le mal… En géographie, il est possible de l’aborder selon différents angles. Dans la mesure où cette frontière peut se représenter dansl’espace, il est possible d’en faire un sujet de recherche. Et plusieurs des façons de penser leconcept de frontière se croisent lorsqu’il est temps de comprendre la profondeur d’un tracé géographique, c'est-à-dire la persistance dans le temps de certains effets ou l’intensité avec laquelle certaines fonctions peuvent avoir marqué le territoire, l’histoire ou les perceptionsque les populations en ont. À travers le temps et l’espace, l’idée de frontière a donc bougé, changé dans la pratique que l’on en fait, dans la représentation qu’on en a. Dans l’étude des frontières au sens géographique ou géopolitique, il est possible de faire remonter la recherche à la nuit des temps. À partir du moment où l’on peut observer des groupes humains plus ou mois organisés, il est possible de faire l’étude des rapports qu’ils ont entre eux, les relations qu’ils entretiennent, les différents conflits entre tribus etc. Dèslors, ces groupes humains ont un rapport au territoire, donc à ses frontières ; la limite du
territoire connu, la jonction entre différentes zones de chasse, etc. Avec lasédentarisation,ces territoires se définissent, on leur accorde une valeur «économique» par son exploitationagricole, symbolique ou sacrée, par la pratique de rites et rituels. La nécessité de délimiter 14 et de contrôler cet espace prend de l’importance. Toutefois, nous sommes très loin de la façon actuelle de concevoir la frontière. Ainsi, Guichonnet et Raffestin écrivent que «La frontière aurait donc été, avant d’être un instrument technique, l’expression d’un besoin dérivé combinant l’organisation socio-religieuse et, éventuellement, socio-économique»
Dans son ouvrage dédié à l’étude des frontières, Michel Foucher remonte à l’Antiquité pour argumenter sur l’invention des frontières, au sens plus géopolitique du terme. Il discute entre autres des pratiques politiques entre l’Egypte et l’Empire hittite pour aborder le cas deterritoires tampons ou de marche. Ces zones, aux confins des empires, servaient à fairefrontière entre deux mondes. Les premières dates précises qu’il présente remontent aussi loin que 1419-1411 et 1310-1300 av. J.-C. où «Dans le cadre de la rivalité entre Assur et Babylone, des accords de délimitation des frontières furent passés» (Foucher, 1991 : 61). De même, il relate les auteurs de la Grèce antique que sont Thucydide et Hérodote chez qui il est possible, selon lui, par leurs discours très clairs sur les problèmes de territoire, de faire ressortir les conceptions grecques de la frontière (Foucher, 1991 : 61). Dans le contexte des
citées États, ces frontières avaient un caractère sacré et leurs bornages se faisaient parfois à l’aide de la sphère sacrée en y installant des statues de divinités. Ce lien entre le politique et le sacré se retrouve aussi, toujours selon Foucher, chez les Étrusques ; il soutient aussi quece lien, bien qu’il semble appartenir à un monde très ancien, peut se retrouver dans la conception de la frontière dans le Tiers-Monde ou dans l’idéologie de l’U.R.S.S. séparation entre le monde socialiste et le monde capitaliste. Enfin, Guichonnet et Raffestin écrivent qu’à l’époque plus contemporaine, le nationalisme pourrait avoir remplacé le caractère sacré du territoire et de sa frontière (Guichonnet et Raffestin, 1974 : 16). Ce fut le cas par exemple en Europe au tournant du XIXème siècle.L’exemple le plus ancien de la frontière linéaire pourrait être le limes romain. Mais il faut faire attention puisque dans le contexte de l’Empire romain, les frontières ont été mouvantes et ont souvent été plus des interfaces de contact avec des peuples extérieurs àl’Empire mais associés à celui-ci par des traités. Foucher affirme que les seules frontières fermées étaient celles de Bretagne, formées d’un arrangement de tranchées, de fortes 15 murailles et de dispositifs militaires. Les Romains ont donc eu une pratique générale de la   frontière comme zone de contact plus que comme frontière ligne. Elle servait en outre àséparer deux réalités : la civilisation romaine et le monde barbare. En ce sens, elle ne correspond pas à la même réalité qu’aujourd’hui puisque au-delà du limes il y avait desrégions dont l’Empire devait se protéger, en les contrôlant ou en les détruisant. Il n’existe pas d’égal avec qui il est possible de négocier un tracé, mais plutôt une zone où on tend à étendre son influence pour garantir la pérennité de son mode d’organisation. Pour reprendre l’idée de Geouffre de Lapradelle cité dans Guichonnet et Raffestin, la pax romana ne résonne qu’en termes de civilisés et de barbares, de puissance organisée et de peuples extérieurs, vassalisés ou contenus. (Guichonnet, 1974 : 83) Nous sommes loin de la ligne de séparation entre deux souverainetés même si, à certains égards, certaines sections des
frontières de l’Empire romain pouvaient s’apparenter à une frontière linéaire.
C’est après la chute de l’Empire romain que l’on voit se préciser l’évolution de la pratique frontalière, à l’origine du modèle contemporain répandu en Occident. Pour les auteurs Paul Guichonnet et Claude Raffestin, l’observation du vocabulaire dans l’histoire est un indicepour la compréhension du phénomène. En français, le mot frontière vient du mot front, frontier, faire frontière, et serait apparu au XIIIème siècle. Parallèlement, «Grenze», le vocable allemand équivalent au français est aussi apparu au XIIIème . Cependant, Maïté
Lafourcade fait apparaître le terme quelque temps plus tard, au XVème siècle (Lafourcade,
1998 : 2). Les deux termes anglais «frontier» et «boundary» seraient apparus quant à eux
respectivement au XIVème et XVIIème siècle. C’est justement à cette époque que l’on voit
s’étoffer la réflexion sur l’État moderne, coïncidence dont font état les deux auteurs
(Guichonnet et Raffestin, 1974 : 12). De même, Maïté Lafourcade soutient qu’au XVIème
siècle, les États tendent à s’isoler, ayant réussi à se consolider politiquement et socialement.
La frontière prend alors le sens de la limite de la souveraineté de ces États. (Lafourcade,
1998 : 2). Mais cette frontière n’est pas encore linéaire. Bien souvent, les confins du
royaume sont constitués de marches, dont les marquis ont la gestion. Le pouvoir royal leur
transmet un certain nombre de compétences. Il s’agit donc davantage de frontières zones
que de frontières lignes. Et la limite entre ces zones n’est pas clairement définie et très
rarement délimitée et démarquée. De plus, la possession royale d’enclaves et de territoires
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au-delà des «limites» du royaume, donc à l’intérieur de la sphère géographique d’influence
d’un autre monarque, rend la frontière très irrégulière. Le tissu du domaine royal est
irrégulier et parfois incohérent. Il faut attendre la centralisation grandissante des pouvoirs
pour que se développe le modèle plus strictement linéaire de la frontière entre deux
souverainetés.
Enfin, c’est dans l’Europe de l’Ancien régime qu’a été développée ou qu’est apparue la
pratique de la frontière linéaire, plus proche de ce que l’on peut se représenter aujourd’hui.
Michel Foucher soutient que «l’invention des frontières [serait] un modèle géopolitique
français» (Foucher, 1986). Entre autres, il attribue l’élaboration du modèle linéaire de la
frontière aux idéaux révolutionnaires de 1789. Il écrit ainsi que «1789 n’est pas à l’origine
de l’idée de frontière mais est une rupture dans le système politique qui produit (…) une
réorganisation politique de l’espace français» (Foucher 1986 : 58). Cette réorganisation de
l’espace passe par le principe des rationalistes de la Révolution qui est celui de la nation
une et indivisible, circonscrite à l’intérieur d’une frontière bien définie. C’est la
cristallisation du concept d’État-nation. L’adéquation entre l’État et la nation est en partie
possible par la définition du territoire à l’intérieur d’une frontière. C’est une des conditions
du passage du regnum au dominium. C’est-à-dire du passage d’une organisation territoriale
décentralisée et déconcentrée de type médiéval, seigneuriale par exemple, où la terre
appartient à un monarque, souvent de droit divin, à un type bureaucratisé, unifié
territorialement, et sur lequel le peuple est souverain. Le dernier type nécessitant des limites
précises. À cela on peut rajouter ce que Paul Claval disait en reprenant les thèses de Jean
Gottman (Gottman, 1973) lorsqu’il précisait que «les nouveaux États diffèrent des Empires
antérieurs. Le pouvoir, même s’il est absolu, se donne d’autres tâches que de gouverner et
de dominer. Il garantit à ceux qu’il encadre la sécurité qui leur est indispensable» (Claval,
1974 : 15). La fonction d’encadrement est importante et consacre la frontière dans son rôle
de bordure, de limite, de contour, de la représentation territoriale de l’État. C’est elle qui
matérialise en quelque sorte l’État et la limite géographique d’application de son
administration, qu’elle soit politique, sociale, ou militaire. C’est à cette époque
révolutionnaire que se développe aussi l’idée de frontière «naturelle», représentée par un
cours d’eau, la lisière d’une forêt ou une montagne. Ce sont les Girondins en particulier qui
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feront entrer dans l’esprit collectif l’idée d’une nécessité de chercher les limites naturelles
de la République. Cette notion de frontière naturelle sera fortement critiquée par la suite. Il
est en effet difficile de faire concorder un élément de topographie avec les réalités sociales
ou politiques. Et l’histoire le démontre par maints exemples. De plus, cette conception
donne des arguments douteux pour des politiques de nature expansionniste, par exemple.
Enfin, il est à noter que le choix de certains tracés de frontière après 1789 ne suit pas
toujours cette logique et ce, même en France. C’est ce que soutiennent Guichonnet et
Raffestin en affirmant que : «la fragilité de l’idée-force des «frontières naturelles» est
attestée par la manière même dont s’opère l’achèvement des confins des Alpes. En 1860,
quoi qu’en disent les manuels simplificateurs, Napoléon III réclame la Savoie non pas pour
sacrifier aux exigences d’une géométrie idéale de l’espace national, mais en faisant valoir
des arguments stratégiques traditionnels» (Guichonnet, 1974 : 95).
C’est donc à une période de transition qu’a été élaboré le modèle de frontière linéaire. La
logique n’est plus à l’acquisition de territoires ou d’enclaves sur lesquels un souverain
prétend avoir des droits mais bien plus à la consolidation du pouvoir sur le territoire. On
assiste à la transposition des pouvoirs exercés sur les provinces du royaume vers les limites
extérieures de ce royaume. Tout ceci est rendu possible entre autres grâce à la consolidation
de la bureaucratie et à l’affirmation de l’État. Enfin, s’il est utile de préciser les choses
davantage, Michel Foucher écrivait en 1986 que «la politique de délimitation de frontières
linéaires avait été inaugurée par le traité de Campo Formio (octobre 1797), où la
République de Venise fut partagée entre l’Autriche, la France et la nouvelle République
cisalpine» (Foucher, 1986 : 75).
Par la suite, ce modèle de frontière sera exporté lors de la période coloniale, faisant de la
France et de la Grande-Bretagne les deux plus grands traceurs de frontières. Six États
européens ont à eux seuls tracé 52% des dyades* et «ces deux puissances impériales du
XIXème siècle [que sont la France et le Royaume Uni] ont fixé à elles seules 38,7% du total
des frontières du Tiers-Monde» (Pradeau, 1994 : 54).
* Le concept de dyade est développé par Michel Foucher dans Foucher, Michel. Fronts et frontière, Fayard,
1991. Il s’agit en fait de la section frontalière entre deux États. Par exemple, la frontière de la France
est formée de 5 dyades; avec l’Espagne, l’Italie, la Suisse, l’Allemagne et la Belgique.
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Cette façon de voir le territoire et d’appréhender l’espace, clairement délimité par une
frontière linéaire et continue, est donc récente. Cela fait moins de 300 ans qu’elle est en
circulation et aujourd’hui elle est déjà en phase d’être modifiée.
La frontière dans le contexte européen et actuel.
Comme on a pu le voir, c’est principalement en Europe que s’est effectué le processus de
matérialisation linéaire de la frontière. L’Europe a été le centre de diffusion de cette
pratique et aujourd’hui, c’est cette même Europe qui est au coeur du processus de
redéfinition de la frontière. Cependant, il est important de préciser que, malgré la relative
ancienneté de la pratique linéaire de la frontière sur ce continent, il n’en a pas été d’une
grande stabilité. Les conflits et déplacements de frontières ont été nombreux dans l’histoire
de l’Europe. De plus, et c’est particulièrement le cas en Europe, l’histoire des frontières ne
s’écrit pas de manière linéaire et chronologique. Des avancées ont eu lieu qui ont disparu
suite à des invasions ou des changements drastiques de conceptions. Ce fut le cas, nous
l’avons vu, du limes romain. L’Europe a donc été un terreau fertile en réflexions et
expérimentations de la pratique frontalière.
Récemment, malgré une généralisation de la pratique linéaire, le continent européen a vu
ses frontières bouleversées à plusieurs occasions. En effet : « le XXème siècle, avec le traité
de Versailles de 1919 et le «partage de l’Europe » de 1945 a été riche en création et
déplacement de frontières : 70% seulement des frontières actuelles européennes étaient
délimitées en 1945 » (Pradeau, 1993 : 52). C’est donc dire que près du tiers des frontières
que l’on connaît à l’heure actuelle en Europe n’existait pas ou n’occupait pas le tracé que
l’on connaît aujourd’hui. Un des exemples les plus frappants est sans contredit ce qui s’est
passé dans la grande plaine germano-polonaise au lendemain de la Seconde guerre
mondiale. En effet, la Pologne vit ses frontières modifiées pour en résulter un véritable
déplacement général du pays. Outre le fait que sa superficie diminue de près de 20%, sa
position géographique s’est déplacée littéralement vers l’ouest, au profit de l’URSS et au
détriment de l’Allemagne. Il s’agit de ce que Rodolphe De Koninck qualifie de «plus
formidable opération foncière de l’histoire» (De Koninck, 1999 : 70). Mais suite au
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«partage de l’Europe » qui suivit la Seconde guerre mondiale, les frontières se stabilisent
pour une période d’une cinquantaine d’années, soit celle que l’on appelle généralement la
Guerre froide. Mais depuis la fin des années 1980, de grands changements s’opèrent dans le
monde des frontières européennes. La frontière idéologico-militaire entre l’Est et l’Ouest
s’affaisse peu à peu, de nouveaux États naissent, comme la République tchèque et la
Slovaquie, des accords repensent le concept entre d’autres États…
Parallèlement à ces bouleversements des XIXème et XXème siècles, la frontière entre la
France et l’Espagne semble d’une certaine stabilité. Son tracé n’aura pas subi de grands
dérangements comme celui de la Pologne, exemple extrême de modification du tracé d’une
frontière. Cependant, il est nécessaire d’y regarder de plus près puisque tout n’est pas aussi
simple qu’il n’y paraît.
Histoire de la frontière franco-espagnole.

Officiellement décidée entre Mazarin pour le compte de la couronne de France et Luis de Haro pour la partie espagnole, c’est en 1659 que la chaîne des Pyrénées est choisie comme frontière entre les deux royaumes. Objectivement, il semble s’agir del’exemple parfait dela barrière représentant la frontière naturelle. Pourtant il serait faux de l’affirmer sans nuances, car bien qu’à très petite échelle cela semble être le cas, à moyenne ou grande échelle ce n’est plus vrai, et si l’on ajoute à cela la donnée temporelle, on se rend comptealors de l'illusion totale de cette affirmation. Il nous semble donc nécessaire de remonterdans le temps afin de préciser minimalement l’orogenèse du tracé qui nous concerne. Pour bien saisir la problématique qui sera définie plus en profondeur au chapitre 3, il est important de connaître l’histoire qui a mené à la situation actuelle. D’abord, comme l’écrit Mme Lafourcade, «les Pyrénées ont de tous temps été traversées du sud au nord et du nord au sud par divers peuples : Celtes, Carthaginois, Romains, Vandales,Suèves, Wisigoths, Maures, Francs, Anglais, Français, Espagnoles…» (Lafourcade, 1998 :
3). Il n’est pas lieu ici de faire une exposition élaborée de chacun de ces peuples et de leur lien avec la frontière mais tout de même d’en brosser les grandes lignes,pertinentes pour la compréhension du tracé actuel.
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De tous les peuples mentionnés, les Romains seraient les premiers à avoir utilisé les
Pyrénées comme limite, celle entre deux réalités administratives de l’Empire. Au nord on retrouve les Gaules et au sud l’Hispanie. La région pyrénéenne donnant sur le Golfe de Gascogne était occupée par neufs peuples dont les ancêtres des Basques, elle fut baptisée par les Romains Novempopulanie. Celle-ci s’étendait donc de part et d’autre de la Bidassoa,la frontière actuelle dans cette région entre la France et l’Espagne. Plus tard, les Wisigothsqui occupèrent la région s’établirent aussi de part et d’autre de la chaîne de montagnes et ne délimitèrent pas clairement leur territoire. Par la suite, la frontière se trouva à l’Èbre, au sud des Pyrénées (actuelle «frontière » entre Euskal Herria et l’Espagne) alors que Charlemagne tentait d’établir une marche d’Espagne. De même, lors de l’occupation de la péninsule ibérique par les Arabes, la «frontière» entre ces derniers et le monde chrétien était au pied de la chaîne montagneuse, au sud, lieu d’où partirent les premières expéditions de la reconquista. C’est à la même époque que se consolida le royaume de Navarre, dont la
frontière sud avec la Castille se trouvait dans la région de l’Èbre et dont la frontière nord se trouvait, quant à elle, autour de l’Adour. Cependant, la frontière revint autour de la Bidassoa lors du décès de Sanche III le Grand alors que le royaume de Navarre fut démembré. Dans les régions plus montagneuses, les restants du royaume de Navarredemeurèrent de part et d’autre des Pyrénées jusqu’en 1512, où il fut séparé en deux. Maisles limites entre ces deux Navarres ne furent pas clairement établies. Il faut attendre encoreprès de 150 ans avec la consolidation des États espagnol et français pour que soit signé letraité des Pyrénées, mentionné plutôt. Voilà donc brièvement les événements qui précèdentcette décision. Cependant, de 1659 à aujourd’hui, la frontière ne s’est pas maintenue tellequelle.
Premièrement, le traité des Pyrénées fait de la chaîne de montagnes la limite entre les deux royaumes sans en préciser les modalités. Il a d’abord servi à la réconciliation des deux royaumes, réconciliation scellée par le mariage de Louis XIV avec l’infante Marie-Thérèse à Donibane Lohizune l’année suivante. Outre l’échange de quelques territoires clairementdu «mauvais» côté de la montagne, aucune délimitation précise ne fut conduite. Ce traité qui devait engendrer la paix fut donc dès les débuts source de conflits entre les différents utilisateurs des pâturages, du bois et des cours d’eau dans les vallées montagneuses.
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Pourtant il existait, et ce depuis le XIème siècle, des accords reconnus, ceux de «lies et
passerie» pour gérer ce type de querelles. Il résulte du traité de 1659 une frontière linéaire à petite échelle mais à grande échelle cette frontière prend de l’épaisseur non négligeable,tant au niveau géographique que politique, comme en témoigne ce commentaire de Jean-Pierre Allinne : «Il demeure que les valléens des deux versants de la frontière semblent ignorer les tracés politiques imposés. […] Les coutumes de lies et passeries ont bien tracé de véritables frontières intérieures et transfrontalières, ignorant la ligne de crête. Les cols ont constitué davantage des lieux de contacts que des clivages géo-économiques. Il existait bien des entités valléennes chevauchant les tracés politiques» (Allinne, 1998 : 36). C’estd’ailleurs ce qu’illustre parfaitement Maïté Lafourcade lorsqu’elle écrit que la frontièren’est plus la crête de la chaîne de montagnes mais elle se trouve à ses pieds, au débouché des vallées, vers la plaine (Lafourcade, 1998 : 13). La réalité montagneuse explique en quelque sorte la nécessité de s’organiser dans un espace difficile antérieurement à l’organisation politique et territoriale des États français et espagnol. Ainsi, au-delà des conflits inter-valléens, de profondes solidarités se créent entre celles-ci. C’est entre autres ce qu’illustrent les rapports entretenus entre elles lors de la Guerre de succession d’Espagne. Ainsi : «Chaque vallée s’engageait à avertir le voisin d’outre frontière et à laisser le temps suffisant aux résidents de l’autre nation pour regagner pacifiquement leur vallée d’origine» (Allinne, 1998 : 37).Sur le tracé directement, une enquête est lancée en France en 1795 sur les limites et les divisions territoriales de la France de 1789. Cette étude en vient à la conclusion qu’il est impossible de fixer avec précision les frontières qu’avait la France au moment de la Révolution. À cette époque précise, les provinces du Bigorre et du Béarn demandent que soient fixées les frontières, entre autres avec l’Espagne, source de conflits et d’escarmouches régulières. Ce ne sera pas fait. Les guerres révolutionnaires, qui provoquent quelques troubles dans la région, font bouger les frontières par des invasions réciproques entre les deux États. En 1795, le traité du 14 juillet reprit la ligne de partage des eaux dans les Pyrénées comme frontière mais ceci resta sur papier et jamais de démarcation
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La frontière changea encore alors que Napoléon tenta d’élargir le territoire de l’Empire enenvahissant le nord de l’Espagne pour annexer les différentes provinces. Ce fut là encore un échec et la frontière est revenue dans les Pyrénées.
Cependant, il est à noter que, malgré le fait que les Pyrénées furent prises comme frontière entre les deux royaumes dès 1659, il faut attendre 1872 pour que la frontière douanière passe de l’Èbre à la Bidassoa. Et jusqu’à la Révolution, les provinces d’Iparalde commercent plus avec leurs soeurs d’Hegoalde qu’avec les autres provinces du royaume deFrance. Ainsi, la frontière entre la France et l’Espagne dans la région basque n’a pas suivi un cours régulier. Bien que son tracé actuel remonte à 1659 dans sa direction générale, il faut attendre la fin du XIXème siècle pour qu’il se stabilise. Il ne s’agit là que d’un aperçu de l’histoire qui entoure cette frontière. Il n’est pas lieu ici d’en dire d’avantage puisque cen’est pas à cet aspect historique que se consacre cette recherche mais bien à sa dynamiqueactuelle. Cependant, il est important que le lecteur garde à l’esprit ces constantes
modifications, autant quant au tracé qu’en lien avec la valeur qu’elle a eu au cours des ans pour les populations locales.
Méthodologie
Concepts : définitions.
Plusieurs concepts seront abordés dans cette étude. Le concept central qui sera utilisé et
autour duquel l’étude s’articule est celui de frontière. Il existe plusieurs représentations de
la frontière, de la marche frontière au front pionnier, en passant par le front proprement
militaire. Dans le registre linguistique de la langue française, le mot frontière peut recouvrir
plusieurs significations. Nous ne pouvons pas nous en remettre à différents vocables
comme nos voisins anglo-saxons qui disposent de deux termes soit «boundary» et
«frontier», signifiant respectivement frontière et zone frontalière. Il n’en reste pas moins
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que la frontière est un objet éminemment politique (Gonon, 2001; Jouve, 1994; Pradeau,
1993). Il est donc nécessaire de bien définir le type de frontière auquel nous faisons face.
R. Kleinschmager relève une caractéristique majeure de la frontière, celle de servir de
limite à la souveraineté d’un État. Il rajoute que c’est la «limite géographique précise de
l’application du droit souverain et de l’activité des administrations chargées de mettre en
oeuvre le droit» (Kleinschmager, 1998 : 146). Dans le même esprit, Yves Lacoste définit la
frontière comme la ligne qui forme la limite du territoire d’un État, c’est la ligne de
séparation et de contact entre un ou plusieurs États (Lacoste, 1993 : 650). Quant à lui,
Aymeric Chauprade explique dans son dictionnaire de géopolitique, que «tout État est
inscrit dans un territoire circonscrit par une frontière, condition de son existence et de sa
sécurité» (Chauprade, 1998 : 508). Enfin, un auteur clef de l’étude des frontières nous
donne une définition complète qui servira de base pour la réflexion dans le cadre de cette
étude. Il s’agit de Michel Foucher qui définit les frontières comme «des structures spatiales
élémentaires, de forme linéaire, à fonction de discontinuité géopolitique et de marquage, de
repère, sur les trois registres du réel, du symbolique et de l’imaginaire» (Foucher, 1991 :
38). De ces différents angles d’approches de cette réalité qu’est la frontière, il se dégage un
caractère important, soit le principe de linéarité. C’est donc autour de cette conception de la
frontière, cette ligne qui enveloppe le territoire de l’État, que s’articulera l’étude. C’est
l’une des plus représentatives et c’est sur ce modèle qu’est représentée celle qui fait l’objet
du travail, c’est-à-dire la frontière franco-espagnole.
Ensuite, il est nécessaire de définir les fonctions de cette frontière puisque c’est à cela que
s’attaquent les hypothèses de recherche. C’est le modèle élaboré par Guichonnet et
Raffestin (1974) qui sera retenu. Il a l’avantage d’être clair et précis puisqu’il définit les
fonctions de la frontière en trois points principaux soit la fonction légale, la fonction fiscale
et la fonction de contrôle. La première «signifie qu’en deçà d’une ligne politique
démarquée, voire seulement délimitée, prévaut un ensemble d’institutions juridiques et de
normes qui règlent l’existence et les activités d’une société politique.» La seconde a pour
objectif de «défendre le marché national en prélevant des taxes sur les produits étrangers. »
Un peu simple, il serait pertinent de la compléter avec entre autres le droit de prélever des
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taxes et des impôts sur le territoire. Enfin, la dernière, celle de contrôle, «a pour dessein de
surveiller les hommes et les biens qui franchissent la frontière.» À ces fonctions
principales, les auteurs en ajoutent deux secondaires, les fonctions militaire et idéologique.
La première, même les auteurs, qui écrivent en 1974, conviennent de sa désuétude dans le
contexte européen des guerres modernes. Pour ce qui est de la seconde, la fonction
idéologique, il est nécessaire de la définir puisqu’elle se retrouvera au centre des
discussions sur les réponses à apporter à la question de recherche. Entre autres, Guichonnet
et Raffestin qui ne l’explique que par des exemples (rideau de fer, cordon sanitaire…)
écrivent que : « Cette fonction idéologique nous rappelle que la frontière n’a pas seulement
une dimension spatiale mais encore une dimension temporelle. Cette fonction idéologique,
en créant deux mondes, crée aussi deux «durées», deux «temps»» (Guichonnet, Raffestin,
1974 :53). Nous pourrions donc définir la fonction idéologique de la frontière comme
l’utilisation de cette dernière à des fins idéologiques, pour le marquage du territoire, la
délimitation de l’espace où s’exerce la souveraineté nationale. Celle-ci produit des effets
dont font état les auteurs comme une différentiation temporelle par exemple, mais qui ne lui
est pas exclusive.
Il est toutefois nécessaire de préciser qu’il ne s’agit que d’un modèle et qu’en cela il ne lui
soit pas possible d’être parfait. C’est pourquoi il est judicieux, et comme il s’agit du
concept clef sur lequel se base le questionnement de cette étude, de le compléter avec le
modèle élaboré par Emmanuel Gonon (Gonon, 2001), tout aussi clair et précis, en trois
points : 1-Fonction classique, à la fois politique et stratégique de la frontière dans les
relations interétatiques. 2-Fonction idéologique, liée aux discontinuités politiques
observables de part et d’autres de la limite. 3- Fonction oppressive, ou perçue comme telle,
par des acteurs non étatiques en position transfrontalière ou pas, différenciés par des
critères ethniques, linguistiques ou religieux. Ceux-ci ne sont que des modèles élaborés
dans des circonstances particulières, dans le cadre d’études précises, mais ils seront d’une
aide précieuse pour analyser la frontière qui fait l’objet de cette recherche. Ils permettront
de mettre en perspective la frontière franco-espagnole et serviront de point de comparaison
afin de mieux comprendre notre objet d’étude.
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Il reste un aspect du concept de fonction des frontières qui doit être précisé. Les auteurs
nomment différentes fonctions, les expliquent par différents exemples dans des cas
particuliers. Il reste cependant une ambiguïté; celle qui se manifeste lorsqu’on parle des
effets des frontières. C’est une ambiguïté qui doit être éclaircie puisqu’elle est au centre de
notre analyse. Une frontière peut être défonctionnalisée, en tout ou en partie, sans que les
effets des anciennes fonctions n’aient disparus. Des impacts sur les mentalités, dans les
esprits ou sur les habitudes de vie ne disparaissent pas instantanément lorsque l’on suspend
ou annule une fonction d’une frontière. Il semble juste de penser par exemple que plus une
fonction a produit un effet qui s’est ancré dans la quotidienneté des frontaliers, plus sa
disparition demandera des efforts et sera échelonnée dans le temps. Ensuite, il est possible
d’affirmer qu’une fonction particulière est mise en oeuvre par un État afin de produire un
effet bien précis. Cependant, cette fonction crée inévitablement d’autres effets, non
recherchés au départ par les acteurs concernés. On pourrait préciser cette affirmation par un
exemple simple. La fonction fiscale présentée par Guichonnet et Raffestin doit produire un
effet recherché, soit celui de favoriser le marché national. Cette fonction se traduit entre
autres par l’utilisation de tarifs douaniers sur les produits arrivants de l’étranger, les
empêchant de représenter une concurrence trop forte sur la production nationale. Cette
fonction crée des effets autres que ceux voulus comme un marché illicite transfrontalier,
des habitudes de consommation particulières, des mouvements pendulaires d’acheteurs qui
traversent la frontière pour se procurer des biens, etc. Il apparaît donc important de faire la
différence entre les effets et les fonctions de la frontière.
À la lumière de cette réflexion et des explications des auteurs retenus, nous pouvons définir
les fonctions d’une frontière comme des attributs accordés à cette dernière en utilisant des
moyens de l’administration de l’État afin de produire un ou des effets qui permettent
d’atteindre un but fixé par l’État en question.
Le concept de coopération transfrontalière sera définit comme «tout type d’action concertée
entre des institutions publiques de deux (ou plusieurs) États voisins, appliquée dans des
zones ou des territoires situés des deux côtés de la frontière, dans le but de renforcer les
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relations de voisinage entre ces États et leurs collectivités territoriales respectives par
l’utilisation de tous les moyens de coopération possible» (Castro Ruano, 1997).
Enfin, il sera question de territoires puisqu’en géopolitique il est question de relations de
pouvoir sur des territoires. Ils seront définis comme «des espaces construits socialement et
symboliquement, traversés par des relations de pouvoir et vécu par des populations»
(Boure, 1996) Ce à quoi on pourrait ajouter ce que Gottmann en dit : «Dans le monde
cloisonné de la géographie, l’unité politique, c’est le territoire. Que ce soit l’ensemble du
territoire national d’un État ou bien l’ensemble des terres groupées en une unité qui dépend
d’une autorité commune et jouit d’un régime donné, le territoire est un compartiment
d’espaces politiquement distincts de ceux qui l’entourent.» (Gottmann, 1952, p. 70, cité
dans Prevelakis, 1996)
J’entends par défonctionalisation des frontières le phénomène engendré par la coopération
entre deux États ayant une frontière commune et qui débouche sur la suspension de
certaines des fonctions de cette frontière.
Méthode de cueillette des données.
La première source de données est bibliographique. Il est question en premier lieu de faire
le relevé des connaissances sur les questions de frontières à l’heure actuelle dans l’Union
européenne et de les mettre en adéquation avec celles du Pays basque. Ensuite, une portion
appréciable de documents officiels est étudiée, ce qui devrait permettre de mieux
comprendre les positions des autorités et les compétences réelles des diverses entités, en
particulier le GEIE1 Agence transfrontalière de l’Eurocité basque pour analyser
l’interaction qui se développe avec la frontière. Une autre portion de documentation est
recherchée auprès des mairies de la Communauté d’agglomération de Bayonne-Anglet-
Biarritz et de la ville de San-Sebastián, les deux entités formant l’agglomération
transfrontalière de l’Eurocité basque. Ceci permettra entre autres de vérifier les projets
transfrontaliers réalisés et ceux en cours de réalisation. Ces observations de la réalité
concrète permettront d’amener de premiers éclaircissements à notre problématique en
1 Groupement européen d’intérêt économique.
27
faisant un état des lieux de la situation de la coopération transfrontalière. Cet état des lieux
observé sur le terrain permettra de voir quelles sont les fonctions de la frontière encore
actives aujourd’hui. Cela nous amènera ensuite à mieux comprendre la place de la frontière
parmi toutes les données de la coopération transfrontalière, ses liens avec l’Eurocité et les
dynamiques qui en découlent. Concrètement, nous allons voir si des domaines de
coopération ne sont pas permis, sont ralentis ou doivent être faits de façon particulière à
cause de certaines fonctions de la frontière. Ainsi cela nous donnera des indices sur les
fonctions de la frontière.
La documentation orale est de deux ordres, premièrement de sources officielles, les mêmes
que pour la documentation écrite, c'est-à-dire les autorités locales impliquées dans la
coopération transfrontalière dans le cadre de l’agglomération transfrontalière Bayonne-San-Sebastián (l’Eurocité basque) afin de faire ressortir leur point de vue sur les fonctions de la frontière et plus particulièrement celles qui interagissent ou non avec la coopération transfrontalière. Quels défis ont-ils dû relever pour arriver au point où ils en sont dans la coopération transfrontalière? Par leur discours, ces personnes ressources devraient être à même de nous informer sur les fonctions actives de la frontière, c'est-à-dire celles qui les ont amené à poser des gestes concrets directement liés à l’administration frontalière.
Ensuite, une seconde portion de source orale est recueillie afin d’avoir une opinion avec unpeu de recul sur le sujet auprès de chercheurs qui s’intéressent à cette question, notamment à l’université de Paris 8, à l’Institut français de géopolitique, et à l’Institut d’étudespolitiques de Bordeaux. Un chercheur de la Mission opérationnelle transfrontalière, un organisme paragouvernemental travaillant sur toutes les questions de coopérations transfrontalières en France, a aussi fait l’objet d’un entretien à Paris au début du mois de juillet 2004. Enfin, deux mois de vie dans la  régiontransfrontalière m’ont permis de voir lecomportement général des populations locales et de tester partiellement les hypothèses. En traversant la frontière et en observant ses effets dans le paysage, dans les habitudes des gens, dans l’aménagement et l’offre de différents services, notamment les transports en  commun, j’ai pu me rendre compte dans quelle mesure le territoire est intégré de façon
28
transfrontalière. Cela m’a permis de déceler en partie si des fonctions sont perceptibles par   le public et la population locale en générale. Au retour de la période de terrain ces données ont été analysées afin de répondre à la problématique et ainsi vérifier quelles sont les fonctions de la frontière franco-espagnoledans la région de l’Eurocité basque. Les éléments d’analyse retenus seront au nombre de
trois. Il s’agit de projets de coopération au sein de l’Eurocité avancé par le «Livre blanc» etpour lesquels il est possible de trouver de la documentation. Il s’agit principalement de lagestion transfrontalière du transport en commun. Il s’agit d’un potentiel réseau transfrontalier et comme l’écrivait B. Jouve : «La maîtrise politique des réseaux conduit à maîtriser les territoires sur lesquels ils s’appliquent.» (Jouve, 1994 : 16). Les deux autres éléments d’analyse seront le domaine sanitaire et la gestion des déchets domestiques. Évidemment, comme ce sont les projets qui semblent les plus avancés, il est possible que cela influence les données positivement vers notre hypothèse. Nous devrons donc en tenir compte lors de l’analyse finale et l’interprétation des résultats.D’autres obstacles doivent être pris en compte pour ce qui est de la collecte des données,particulièrement en ce qui a trait aux données d’entrevues, aux sources orales. Lors de la période de terrain, il a été possible de recueillir des informations d’une très grande importance auprès de certains acteurs clés ayant traits à la frontière. Cependant, du fait de l’époque où la recherche a eu lieu, c'est-à-dire en période estivale, quelques personnes n’ont pu être rencontrées. Malgré des relances par courrier auprès de ces acteurs, il n’a pas étépossible d’assurer un suivi. Certaines données sont donc manquantes et nous devrons entenir compte lors de la discussion des résultats.
Problématique
La question de recherche.
Cette première étape de défrichement méthodologique étant derrière nous, il est temps de se
lancer dans la procédure de définition d’une problématique de recherche plus précise. Basé
sur la réflexion faite dans les pages précédentes, nous pouvons détailler un argumentaire et
29
une logique nous menant à une question précise à laquelle ce travail tentera de répondre. Le
tout précédé de l’exposition de la pertinence et des justifications d’un tel sujet d’étude.
Intérêts de la recherche
L’Union européenne (UE) est le regroupement le plus intégré de toutes les tentatives
d’association sur le plan international. Aucun des autres grands ensembles politicoéconomiques
connus (tel l’Aséan, le Mercosur, l’Aléna ou le Pacte andin par exemple)
n’atteint la profondeur de l’UE. Cela étant, il semble pertinent d’étudier l’Europe pour
analyser et mieux comprendre les raisons mais surtout les conséquences de cet
approfondissement sur les fonctions des frontières à l’intérieur même de cet espace. Par la
suite, cet exemple pourra servir de référence et de point de comparaison dans le cadre
d’autres études. De plus, il est à noter que le niveau d’autonomie du Pays basque en
Espagne, que lui accorde le statut de Guernica de 1979, est unique en Europe. Il s’agit de la
région la plus autonome d’Espagne, plus encore que la Catalogne, mais peut-être aussi
d’Europe (Elorza, 2003). Le statut de Guernica lui accorde «de pleins pouvoirs dans des
domaines tels que les infrastructures routières ou hydrauliques, la promotion économique et
industrielle, la formation ou l’aménagement du territoire» (www.euskadi.net, site officiel
du Gouvernement basque). De plus le Concierto económico lui permet de négocier d’égal à
égal, selon sa capacité à payer, le versement des impôts au gouvernement central. Ainsi,
«son pouvoir fiscal est important, supérieur à celui de nombreuses régions de pays
fédéraux» (Ithurralde, 2002). Enfin, le Pays basque possède son propre service de police, la
Erzaintza, un corps de plus de 7000 hommes.
Aussi, nombre de recherches ont déjà été effectuées sur les différentes régions frontalières.
La plupart des frontières entre la France et ses voisins ont donc fait l’objet de maintes
études. Il existe cependant une certaine lacune dans les travaux de recherche sur la portion
basque de la frontière. La documentation sur les relations avec la Catalogne est déjà plus
riche. Certes, plusieurs travaux ont été faits sur la question basque, sa question nationale,
ses rapports avec Madrid, son gouvernement autonome, ETA2 etc. Cependant peu ont été
2 Euskadi ta Askatasuna, Pays basque et liberté, groupe indépendantiste utilisant la force armée.
30
faits en prenant une approche géographique de la région comme un espace transfrontalier
dont la dynamique est influencée par la frontière et qu’ainsi celle-ci est susceptible de venir
en modifier l’énergie. De plus, le «caractère innovateur » (Wilmars, 2004) de l’Eurocité
basque rend son étude encore plus pertinente puisqu’elle peut servir de point de repère pour
le développement de la coopération transfrontalière et des connaissances sur les frontières
en Europe.
Ainsi, cette étude pourrait avoir des retombées à la fois en ce qui a trait à la dynamique des
régions frontalières de l’Europe mais, à plus large échelle, sur la dynamique des frontières
entre les États dans l’UE. Bruxelles, en tant que capitale européenne, met beaucoup
d’énergie au développement de la coopération transfrontalière. L’étude d’une
agglomération transfrontalière comme l’Eurocité basque permettra de mieux comprendre
les conséquences de cette dynamique et ses effets sur les frontières interétatiques. Pour les
populations locales, une bonne connaissance de la dynamique frontalière est primordiale
dans l’élaboration de plans d’aménagement du territoire, de plans de développement… qui
se veulent, à l’heure de l’Europe, à vocation transfrontalière. C’est particulièrement le cas
de la construction de l’agglomération transfrontalière basque. Celle-ci est peut-être un
exemple de nouvelles frontières que l’on pourra retrouver en Europe. Il semble donc
pertinent, et c’est l’objet de ce travail, de «redéfinir» le concept de frontière dans sa portion
géographique située au coeur de l’Eurocité basque.
Une problématique précise
Dans le contexte actuel, il devient de plus en plus intéressant d’étudier les frontières.
Pendant plusieurs années il sembla vain d’aborder ce sujet de géographie politique tant le
monde était figé dans la Guerre froide. Dans l’«équilibre de la terreur» comme on pouvait
lire dans les journaux de l’époque, qui s’était installé entre l’Est et l’Ouest, entre le bloc
soviétique et le monde capitaliste, le principe d’intangibilité des frontières tel que manifesté
par la convention d’Helsinki, reléguait cet objet d’étude à un rang second. Les deux forces
hégémoniques camouflaient les tensions frontalières possibles ou les remises en cause de
certains tracés, afin de préserver l’apparence de cohésion au sein de chacun des deux blocs.
Mais depuis les années 1990, l’étude des frontières revient au goût du jour. De la chute du
31
mur de Berlin et la réunification allemande à la crise des Balkans en passant par le
morcellement de l’ex-URSS, la multiplication des nouvelles frontières de la dernière
décennie du XXème siècle réactive le sujet.
À l’opposé, les pays membres de l’Union européenne se trouvent dans une dynamique de
redéfinition des fonctions de leurs frontières communes. C’est donc dans le contexte de
l’approfondissement de l’Union européenne, avec entres autre l’entrée en vigueur de la
monnaie unique (l’Euro) que s’ancrera la recherche. La mondialisation des marchés oblige
de revoir certaines des fonctions des frontières comme en témoigne le discours de deux
auteurs pour qui un débat est lancé sur la valeur et le rôle à accorder à celles-ci dans le
contexte planétaire actuel : «La technologie nucléaire, les fusées, les possibilités
d’observation d’un territoire étranger par les avions et les satellites, rendent la frontière de
moins en moins efficace. Le développement économique a intensifié les échanges, donc
l’interdépendance. […] L’urbanisation et surtout la métropolisation conduisent à la
constitution de liens qui transcendent les frontières. Des réseaux comme ceux des sociétés
multinationales se constituent, réseaux qui sont peu limités par le territoire et par la
souveraineté nationale.» (Prevelakis, 1996) Dans un cadre très avancé comme celui de
l’Union européenne, cette question devient encore plus importante. « Il [l’exemple
européen] est de plus en plus animé de multiples flux, de modes, de tendances, de projets
politiques qui se diffusent à travers les frontières étatiques. Ces «passes murailles» donnent
sens aux notions de mondialisation, de régionalisation, d’intégration supranationale. Les
frontières perdent alors de leur étanchéité, de leur linéarité aussi.» (Renard, 2002). On y
parle de la construction d’un marché unique auquel doit correspondre un territoire unique.
Dans ce contexte de réflexion, les frontières étatiques se voient remises en question par la
création de sous-ensembles à l’intérieur du cadre européen mais chevauchant les frontières
et s’étendant à deux États.
On voit se former des eurorégions, des régions de coopération transfrontalière, où s’exerce
une plus ou moins grande intégration des structures. On peut parler par exemple du pays de
Gex avec la Suisse ou de «l’eurégio», croisement entre l’Allemagne, la Belgique et les
Pays-Bas. Dans cet esprit de collaboration régionale transfrontalière généralisée en Europe,
32
où l’on voit les fonctions de la frontière se modifier, l’exemple du Pays basque est un cas
particulier. Il ne s’appuie pas comme c’est le cas par exemple de «l’eurégio», sur un
différentiel économique comme des hauts salaires en Allemagne mais des logements plus
abordables en Belgique. Aussi, sans la frontière offrant des opportunités de travail mieux
rémunéré en Suisse et une vie à moindre coût en France, il n’est pas certain que la région
genevoise se serait développée tel qu’elle l’est aujourd’hui.
Il existe, dans le cas du Pays basque, une volonté politico-culturelle de coopération ne
s’appuyant pas sur un profit mutuel causé par un différentiel mais sur une volonté de
certains intervenants d’harmoniser la vie de part et d’autres de la frontière. Le
développement de la coopération transfrontalière dans le cadre de l’Eurocité basque
s’inscrit dans une concurrence entre différents pôles d’attraction au niveau européen,
notamment pour les réseaux de communications, routiers ou ferroviaires entre la péninsule
ibérique et le nord de l’Europe. Pour le Pays basque et l’Eurocité, cette concurrence se fait
entre autres avec l’axe Catalogne-Midi-Pyrénées (Fourquet, 1994) puisque la circulation se
fait plus facilement aux extrémités des Pyrénées. De plus, le récent élargissement de
l’Union à certains pays de l’Europe dite de l’Est déplace le centre de gravité dans cette
direction rendant ce pôle atlantique basque encore plus important pour le développement de
la région. Comme en témoigne le Livre blanc de l’Eurocité, la coopération se voit entre
autres motivée par des difficultés communes de part et d’autres de la frontière comme le
déclin de la pêche, de l’agriculture ou la marginalisation face à leur capitale respective.
Dans ce contexte où il semble y avoir une certaine intégration à plusieurs niveaux de part et
d’autres de la frontière, où le Livre blanc propose la gestion transfrontalière de certains
services publics afin de rationaliser le dédoublement d’infrastructures, la frontière entre la
France et l’Espagne demande à être étudiée de façon particulière. Entre autres,
l’intensification de la coopération et l’apparent «gommage » de la frontière, pour utiliser
une expression critiquable3 mais largement répandue, nous obligent à aller voir de plus près
ce qu’il en est vraiment.
3 Critiquable parce qu’il n’est pas possible d’effacer totalement la frontière, bien qu’elle puisse être largement
défonctionalisée il restera des effets encore visibles, dans l’aménagement urbain, l’architecture ou et
surtout, dans les mentalités…
33
Ainsi, cette étude sera motivée par une question de recherche bien précise, pouvant nous
éclaircir sur la problématique qui vient d’être explicitée. Nous chercherons donc à savoir,
dans quelle mesure la coopération transfrontalière et la dynamique de la construction
européenne ont-elles fait évoluer la fonction légale de la frontière et la façon dont elle est
vécue par les acteurs locaux ?
Ainsi, Marie Pascale Zanettin explique que : «Les tenants de la coopération dans l’espace
basque ont élaboré un plan d’action destiné à faire de l’agglomération qui s’étend de
Bayonne à Saint-Sébastien une véritable conurbation internationale qui transcenderait la
présence de la frontière» (Zanettin, 1997). L’Eurocité devrait permettre une plus grande
cohérence dans cet espace urbain transfrontalier en mettant en commun des atouts
permettant une meilleure gestion et l’assurance d’équipements et de services d’une ville
européenne de taille moyenne dans un contexte transfrontalier (Wilmars, 2003). Il semble
donc pertinent de s’interroger à savoir s’il existe des fonctions à cette frontière et quelles
sont-elles.
Revue de la littérature
«L’Europe a beaucoup apporté au Pays Basque : L’adhésion de l’Espagne à la
communauté en 1986 est l’aboutissement d’une longue marche pour la suppression de fait
de la frontière entre Iparalde et Hegoalde. Ceci se confirme sur le plan de la libre
circulation des marchandises et des services, mais aussi avec le libre passage des hommes
et des idées.» Alain Lamassoure, Ministre délégué aux affaires européennes.
La coopération transfrontalière au Pays basque est soumise aux aléas de la construction
européenne. Une première étape de réflexion se situe donc à ce niveau. Ainsi, la frontière
entre la France et l’Espagne représente une dyade interne à l’espace Schengen, considéré
comme un laboratoire de la libre circulation. (Herblay, 1998). À terme, tous les pays
membres de l’Union européenne sont d’avis qu’il est nécessaire de travailler à la
34
suppression de tous les contrôles aux frontières internes.4 Les frontières sont donc en
mutation, elles changent (Reitel, et alii. 2002). Ceci amène à repenser le concept. La
conception de la frontière-ligne semble jugée par certains comme étant dépassée dans le
contexte de la coopération transfrontalière fortement encouragée par la construction
européenne et ses différentes institutions. Cette conception cède donc la place à des
réflexions chez nombre d’auteurs sur les nouvelles formes qu’elle peut prendre (Arbaret-
Schultz, 2002; Labayle, 1998; Reitel, 2002). L’idée, à différents niveaux, de la disparition
ou non des frontières intérieures de l’Union européenne, entre les États membres, est
analysée dans le cadre d’une réflexion en cours chez plusieurs auteurs pour tenter de mieux
comprendre ce phénomène. Cette réflexion se fait selon différents angles d’approche.
Que ce soit des réflexions autour de l’espace Schengen et de son principe de libre
circulation qui affecte les frontières dans leur fonction de contrôle de la circulation
(Herblay, 1998), de l’article 8a de l’Acte unique5 qui «propose la réalisation d’un marché
conçu comme un espace dénué désormais de frontières intérieures» (De Castro-Ruano,
1997; puis aussi Zanettin, 1997; Labayle, 1998), ou encore en lien avec la construction
européenne de façon générale où les frontières sont étudiées dans le contexte de leur
ouverture au sein d’une Europe en mutation (Arbaret-Schultz, 2002; Darré, 1997;
Dieckhoff, 2000; Palard et alii., 1997; Ramonet, 1999; Reitel, 2002; Uhaldeborde, 1994…),
nombres d’auteurs évaluent les circonstances de cet «effacement» plus ou moins profond de
la frontière. Mais des réserves doivent être faites en ce qui concerne la disparition totale des
frontières. La fin des contrôles ne signifie pas la suppression des contraintes (Herblay,
4 Le Marché unique européen, Office des publications officielles des communautés européennes,
Luxembourg, 1996.
5 Article 8a : Article 8 A : 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le
territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les
dispositions prises pour son application. 2. Le Conseil peut arrêter des dispositions visant à faciliter l'exercice
des droits visés au paragraphe 1; sauf si le présent traité en dispose autrement, il statue à l'unanimité sur
proposition de la Commission et après avis conforme du Parlement européen.
Déclaration relative à l’article 8a
Par l'article 8 A, la conférence souhaite traduire la ferme volonté politique de prendre avant le 1er janvier
1993 les décisions nécessaires à la réalisation du marché intérieur défini dans cette disposition et plus
particulièrement les décisions nécessaires à l'exécution du programme de la Commission tel qu'il figure dans
le livre blanc sur le marché intérieur. Source : http://europa.eu.int/abc/obj/treaties/fr/frtoc.htm, 05/03/04.
35
1998; Raffestin, 1992). Il reste, dans les habitudes et dans les mentalités entre autres, mais
aussi en lien avec le droit positif des États, des effets de la frontière (Raffestin, 1974;
Zanettin, 1997). «Même lorsqu’elles [les frontières] semblent complètement
défonctionalisées, donc apparemment sans effets sur la quotidienneté vécue, elles
continuent à souligner des différences légales, sans lesquelles s’installerait le chaos»
(P.Girerd, L’Acte unique : vers une Europe sans frontières?, cité dans Zannetin, 1997). Ce
à quoi nous pourrions rajouter que dans tous les cas où il y a coopération, l n’est pas
possible de séparer les structures de régulation sociale des structures de régulation des
territoires (Saez, 1997).
Ce phénomène d’effacement de la frontière, ou plutôt de défonctionalisation, puisque
certaines fonctions légales ou de différenciation persistent, vient en corrélation, et c’est là
peut-être une des particularités du tronçon au Pays basque, avec une remise en cause du
modèle français et espagnol de l’État, fortement centralisé (Balme et alii, 1997). Les
autorités basques, tant au sein du PNV (Parti national basque), au pouvoir dans la
Communauté autonome basque, qu’au sein des structures institutionnelles du Nord que sont
le Conseil des élus et le Conseil de développement, sont fortement influencées par la
mouvance de rapprochement inter basque (Chaussier, 1997). Ceci oblige de revoir la notion
d’État en fonction de la nouvelle donne que propose la construction européenne et la place
grandissante des régions et collectivités locales (Darré, 1997; De Castro-Ruano, 1997;
Dieckhoff, 2000; Dressler-Holohan, 1992; Fourquet, 1994; Loughlin, 1997, Saez, 1997).
Ici, la position du PNV est européaniste, c’est-à-dire une Europe des peuples, fédérale
(Fourquet, 1994; Uhaldeborde, 1994) où l’on défend même l’idée de l’anachronisme des
États en Europe (Balme et alii, 1997; Ithurralde, 2002). Il s’agit d’une voie suivie par une
majorité des Basques du nord. Cette fédéralisation de l’Europe permettrait aux peuples
comme les Basques de se soustraire de la tutelle de leurs États (Loughlin, 1997) et ainsi
créer un espace où la frontière «interétatique», mais «intranationale» pour certains, ne serait
plus un obstacle. Pour en arriver là, il faut relever le défi de la coopération autant verticale,
c’est-à-dire entre les différents niveaux d’un même territoire, et horizontale donc entre des
territoires de même niveau. Il faut donc en ce sens transcender les motivations partisanes et
sectorielles pour développer une logique de développement commune. (Saez et al. 1997)
36
Francisco Letamendia écrit que «la collaboration interrégionale entre la Communauté
autonome basque et la région Aquitaine (et, plus récemment, la Communauté forale de
Navarre) a pu surmonter, grâce aux autorités européennes, les limites imposées par les deux
États concernés à la coopération transfrontalière» (Letamendia, 1997). C’est dans ces
circonstances que s’édifie la conurbation Bayonne/Saint Sébastien. Et comme le dit José
Luis De Castro Ruano : «L’impulsion communautaire permet, pour la première fois, la
formation d’une unité sociopolitique qui réduit la Bidassoa au statut non de frontière mais
de simple rivière intérieure» (De Castro Ruano, 1997). Cela pourra se réaliser dans la
mesure où les actions publiques territoriales réussissent à « surmonter des habitudes
ancrées de fragmentation du pouvoir et de reconnaître, plutôt que l’indépendance,
l’interdépendance des territoires » (Saez et al. 1997) L’Eurocité basque serait une véritable
entité qui transcenderait la frontière (Letamendia, 1997; Zanettin, 1997). C’est d’ailleurs ce
que semble vouloir faire comprendre l’Eurocité elle-même en affirmant, dès les premières
pages de son livre explicatif, la «volonté de vivre sans frontière» (Eurocité basque, sans
date : 3).
Ainsi, la littérature nous montre un débat évident sur plusieurs réalités recouvrant la
frontière. Dans le cas du territoire qui nous intéresse, la dyade de la frontière francoespagnole
au Pays basque, le débat se concentre autour de la création d’un espace
transfrontalier. Ce débat nous amène à nous questionner sur la place que peut avoir la
frontière dans cet espace
Objectifs.
Objectifs généraux
De façon globale, l’objectif de cette recherche est de comprendre quelles relations existent
entre la frontière et la coopération transfrontalière dans l’Union européenne dans le cadre
de la construction d’une agglomération transfrontalière comme celle de Bayonne-San-
Sebastián, afin de faire ressortir quelles sont les fonctions de cette frontière.
37
Objectifs spécifiques
- Reconnaître les fonctions de la frontière franco-espagnole au Pays basque dans la région
Bayonne-San-Sebastián.
- Identifier et cartographier les acteurs de la coopération transfrontalière.
- Identifier et cartographier les réseaux transfrontaliers susceptibles d’interagir avec la
frontière.
Présentation de l’hypothèse.
Sur la base de la question posée précédemment 6 et suivant la méthode exposée, nous
tenterons d’amener une réponse pouvant satisfaire les objectifs proposés. En fonction des
résultats recueillis lors de la recherche et de la période d’étude sur le terrain, nous pouvons
dès maintenant avancer une hypothèse, qui orientera la discussion. En se référant aux
modèles des auteurs Guichonnet et Raffestin comme celui d’Émmanuel Gonon, tel que
défini au chapitre 2, nous pouvons croire que : Dans le cadre de l’Eurocité basque, la
frontière franco-espagnole n’a essentiellement qu’une fonction légale c'est-à-dire,
brièvement, celle de délimiter un territoire où s’applique un système juridique. La frontière
a pour fonction dans la région de l’Eurocité de délimiter le territoire où s’applique le droit
français et le droit espagnol. Dans le contexte de la coopération transfrontalière motivé par
la construction européenne, nous pensons qu’il n’y a pas d’autres fonctions qui peuvent être
attribuées à cette dyade. Il reste certainement des effets que la frontière a produit et qui
resteront gravé longtemps dans le quotidiens des frontaliers mais nous croyons qu’il ne
s’agit pas là de fonctions de la frontière au sens où nous les avons défini plus tôt.
6 Dans le cadre de la construction européenne et plus précisément dans le contexte de coopération
transfrontalière instaurée au sein de l’Eurocité basque Bayonne-San-Sebastian, quelles sont les
fonctions de la frontière franco-espagnole au Pays basque?
38
Définition du territoire à l’étude.
La construction politico-territoriale
Il n’est pas évident de faire l’histoire du Pays basque, peu d’auteurs s’y sont essayés.
Aujourd’hui, l’Euskadi, la forme la plus avancée de ce que pourrait être un Pays basque,
n’existe que depuis 1979 et ne regroupe pas tous les territoires historiques. Il apparaît donc
plus aisé de faire l’histoire du peuple basque puisque celui-ci existe, selon les auteurs,
depuis toujours, plus ou moins quelques années. Je m’explique. Des Russes, Alexei
Mandeleyev et Alexander Kiknadze, par des similitudes entre l’Euskara, la langue basque,
et des dialectes géorgiens, feraient remonter les origines du peuple basque au Caucase d’où
il aurait migré en direction des Pyrénées vers 1500 avant J.-C. (Heiberg, 1989). Certaines
légendes vont jusqu'à les faire venir de l’Atlantide. Les études les plus sérieuses affirment
que les Basques d’aujourd’hui seraient les descendants de peuples de certaines régions
européennes qui remontent jusqu’au paléolithique (50 000 avant J.-C.) (Rudel, 1985).
C’est, à l’heure actuelle, la théorie la plus largement acceptée. Les Basques eux-mêmes se
définissent comme le plus vieux groupe humain d’Europe. Ceci peut être motivé par un fait
biologique impressionnant. Il s’agit du mystère de son sang. En effet, 57 à 64% des
Basques sont du groupe sanguin O et seulement 2% du groupe B, faisant d’eux «les plus
Occidentaux et les moins asiatisés des Européens» (Moruzzi, 1988). Selon la classification
du Dr Streng, cela ferait d’eux des descendants en droite ligne de l’homme de Cro-Magnon
(Moruzzi, 1988).
Ceci, additionné à un mode de transmission des terres particulier, peut expliquer le ciment
et la solidarité de la société basque. Après le passage de la transhumance vers la
sédentarisation, les Basques ont adopté une tradition de legs ne permettant pas la division
du lot familial. En raison des tailles relativement faibles, la totalité des terres passaient aux
mains de l’aîné, garçon ou fille, les autres enfants recevant une compensation souvent
symbolique. Cela a eu pour effet de créer une longue tradition de possession d’une terre
étalée sur plusieurs générations, consolidant ainsi le peuple avec lui-même.
39
Il existe des traces d’occupation du sol qui remontent très loin. Au temps des Romains, il
existait déjà des groupes humains sur les territoires de l’actuel Pays basque. Ceux-ci n’ont
été que très peu romanisés puisque les Romains, qui ont fondé quelques villes d’importance
tel que Bayonne, Oloron ou Dax, n’ont pas pénétré les campagnes, n’assoyant pas leur
pouvoir sur la population rurale de l’époque. Des vestiges tels menhirs, peintures et surtout
cromlech attestent de l’occupation des Pyrénées et des plaines bordant l’Atlantique par ce
qu’il est convenu d’appeler les ancêtres des Basques d’aujourd’hui. Ce qui n’est pas sans
donner des arguments de fierté aux Basques comme étant les plus anciens occupants de la
région.
Toutefois, il faut attendre 778 pour voir entrer les Basques dans l’histoire. Il s’agit de la
célèbre victoire des Basques sur l’armée de Charlemagne à Roncevaux, qui inspira la
Chanson de Roland. Charlemagne, qui cherchait à créer une marche en Espagne afin de
protéger son royaume contre d’éventuelles attaques des Arabes, accepte en cadeau quelques
villes, dont Saragosse, venant de chefs locaux remettant en question l’autorité de l’émir de
Cordoue et cherchant alliance avec les Francs. Mais Al Husayn, commandant de Saragosse,
change d’avis à la dernière minute et défend la ville. Charlemagne plie bagages après deux
mois de siège inutile et, sur le retour, rase les remparts de Pampelune et pille la ville. En
représailles, les Vascons tendent une embuscade dans les Pyrénées, dans la région de
Roncevaux, et anéantissent l’arrière-garde de l’armée carolingienne tuant dans la foulée
Roland, le neveu de Charlemagne.
40
Après cet épisode, on voit apparaître les Basques de façon plus organisée dans l’histoire. La
plus ancienne unité politique basque serait le royaume de Pampelune.
Figure 1 : Détail d’une carte de la péninsule Ibérique de l’an 910 où l’on peut voir le
royaume de Navarre. Source : www.lib.utexas.edu consulté en mars 2005. (avec empreinte
approximative des territoires actuels en blanc)
À la fin du VIIIème siècle, les Banu Qasi, des Wisigoths convertis à l’islam, perdent de leur
contrôle sur la région. C’est dans ces circonstances de troubles entre des attaques franques
et des problèmes internes de l’autorité de l’émir de Cordoue que Inigo Aritza, de
l’oligarchie navarraise, voit son influence grandir. Ainsi, Payne affirme que «Inigo Aritza
founded the independant principality of Pamplona early in the ninth century. This was the
first organized state in Basque History.» (Payne, 1975) Le royaume de Pampelune, qui
prendra plus tard le nom de royaume de Navarre, verra son influence grandir dans la région
41
jusqu’au tournant du premier millénaire. La Navarre s’affirme en tant qu’État indépendant
et chrétien. Elle profitera ainsi de relations avec l’Église et l’Europe catholique faisant
d’elle «…the most advanced of the Hispanic Christian states» (Heiberg, 1989). En
particulier, la modernisation et la renaissance carolingiennes additionnées à la retraite du
Christianisme de l’Hispanie vers les Pyrénées ont placé la Navarre dans une situation
privilégiée. C’est sous le règne de Sancho III el Mayor que le royaume de Navarre connaît
son apogée, expliqué en partie par les influences venant du nord des Pyrénées.
Figure 2 : Détail d’une carte de la péninsule ibérique de l’an 1037 où l’on peut voir
l’expansion, au nord des Pyrénées, du royaume de Navarre. Source : www.lib.utexas.edu
consulté en mars 2005. (avec empreinte approximative des territoires actuels en blanc)
Par des jeux d’alliances et de mariages, Sancho III el Mayor s’empare des royaumes de
Castille et d’Aragon. Après manipulation de souveraineté, on voit apparaître pour la
42
première et unique fois le Pays basque dans sa forme le plus près de celle revendiquée par
les nationalistes du XXème siècle, c'est-à-dire un territoire s’étendant des deux côtés de la
frontière actuelle. Suite au meurtre de son neveu, Sancho ramène la Castille sous sa
souveraineté personnelle. En 1029, il détache les territoires basques de Castille
(grossièrement les provinces actuelles de Gipuzkoa, d’Araba et de Bizkaia) pour les
incorporer directement au royaume de Navarre. Et enfin, comme Payne l’affirme: «For the
next few years all Basque-inhabited territory south of the Pyrénées recognised a single
Basque political sovereignty for the first and last time in history. North of the Pyrénées,
where the Gascons region had long recognised French suzerainty, Sancho temporarily
incorporated some Euskera-speaking territory as well. » (Payne, 1975). (Voir aussi annexe
2 pour une exposition des zones d’occupation bascophones) Il s’agit des provinces de
Labour et de Soule, vicomtés créés par Sancho et correspondants plus ou moins aux
provinces actuelles. Toutefois, ces provinces, comme le royaume de Navarre dans son
expansion la plus grande, ne seront que de courte durée. Dans les années qui suivent la
mort de Sancho, le royaume est séparé en trois et la Castille, tout comme l’Aragon, ne
reconnaît pas l’autorité de la Navarre. Ce sera la fin de toute possibilité d’expansion du
Royaume de Navarre. Néanmoins, il y a eu pendant 6 ans environ, soit jusqu’à la mort de
Sancho III el Mayor en 1035, un Pays basque relativement unifié et libre, correspondant en
bonne partie aux territoires revendiqués par les nationalistes actuels. Donc, le peuple
basque occupe ce territoire transfrontalier depuis plus d’un millénaire.
43
Figure 3 : Détail d’une carte de la péninsule ibérique de l’an 1150 où l’on peut voir
l’évolution territoriale du royaume de Navarre et qui s’apparente au territoire revendiqué
aujourd’hui. Source : www.lib.utexas.edu consulté en mars 2005. (avec empreinte approximative
des territoires actuels en blanc)
Malgré leur manque d’unité et de coordination, les provinces basques ont toujours vécu
dans une relative autonomie, dans un statut d’association plus que de soumission avec les
couronnes de Castille, de France ou d’Aragon. Nous entrons dans la période des fueros. Il
s’agit des règles qui organisent la vie des provinces, qui rythment les moeurs, les activités
courantes, la vie quotidienne des Basques. «Les fueros sont les coutumes de l’Ancien
Régime appliquées par les assemblées locales que le roi de Castille devait jurer de respecter
pour obtenir l’allégeance des provinces basques» (Loyer, 1998-2). Beaucoup plus
profondément ancrés dans la tradition basque que le royaume de Navarre, les fueros
représentent l’autodétermination des Basques. Le fait que les trois provinces basques
formant l’actuel Euskadi se soient associées à la couronne de Castille (le Gipuzkoa en
1200, Alava en 1332 et la Bizkaia en 1379) ne leur enlève en rien leur sentiment d’être
44
différentes. Les rois de Castille ont dû prêter serment de respecter les fueros de chacune des
provinces afin qu’elles acceptent de s’unir, de leur plein gré, au royaume de Castille. Le roi
a dû jurer de respecter les fueros sans quoi il n’est pas certain que les Basques,
particulièrement ceux de Bizkaia, se soient si volontairement associés au royaume de
Castille. C’est sous le chêne de Guernica, emblème s’il en est un de l’autonomie basque,
qu’ont été prêtés les serments. De plus, bien que les fueros soient un modèle largement
castillan, ils ont été appliqués d’une façon particulière chez les Basques. Il ne s’agit à
l’origine que de règles applicables au niveau local, pour les villes et villages. Le fait que
dans les trois provinces basques ils soient appliqués au niveau provincial démontre un
particularisme. De plus ces lois particulières assurant une vaste autonomie aux Basques ont
été en vigueur jusqu’à la fin de la deuxième guerre carliste, en 1876, pour les provinces du
côté espagnol, époque où l’on voit monter les idéologies régionalistes en Catalogne mais
aussi en Galicie et dans les Asturies. Les provinces au nord des Pyrénées, quant à elles, ont
définitivement perdu l’autonomie que leurs conféraient les fueros à la Révolution française
de 1789. Donc malgré la frontière établie comme nous l’avons vu en 1659, les deux réalités
basques ont évolué de façon semblable, avec un code de loi issue d’une même tradition,
pour encore plus de 100 ans après l’établissement de la frontière.
45
Figure 4 : Situation de la Navarre et des territoires basques du nord vers le 14ème siècle.
Source : Internet.
La Navarre sera quant à elle tiraillée entre les différentes forces en conflit dans la région.
Entre autres, la guerre qui oppose la France au royaume de Castille. Elle sera finalement
envahie en 1512 par Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille, les Rois catholiques, et
ultimement incorporée au royaume unifié d’Espagne. La dynastie navarraise (la lignée
d’Albret) se réfugie sur le versant nord des Pyrénées, dans l’actuelle Basse-Navarre, seul
territoire qui lui reste. En 1589, Henri III de Navarre devient Henri IV Roi de France et de
Navarre. Cette dernière sera définitivement annexée au royaume de France par son fils,
Louis XIII en 1620 par l’Édit d’Union. En 1659, Mazarin signe le Traité des Pyrénées avec
don Luis de Haro sur l'île des Faisans au coeur de la Bidassoa le fleuve frontière, dans la
région d’Hendaye. Louis XIV abandonne ainsi ses droits sur la Navarre espagnole.
Le destin des deux dernières provinces est différent des autres puisqu’il y est intervenu un
troisième joueur, le royaume d’Angleterre, sous la couronne de Henry Plantagenêt, compte
d’Anjou en 1154. Bayonne en profitera d’ailleurs pour développer un port commercial et
militaire. Mais les territoires reviendront à la France à la fin de la Guerre de cent ans. La
Soule y sera officiellement rattachée en 1510 mais tout en gardant une certaine autonomie
et ses fueros.
46
La plupart des fueros furent abolis en Espagne entre 1706 et 1714 par la dynastie des
Bourbons. (Heiberg, 1989) Par contre, comme les Basques supportaient cette dynastie lors
de la Guerre de succession, ils ont pu profiter de sa clémence et voir leurs lois forales
respectées. Mais tout ceci doit être mis en perspective, comme le dit Heiberg, avec le
contexte de l’époque. «The concession of fueros […] has to be viewed in the context of (1)
the strategic position of the Basque Country and (2) the need of the Castillan monarchy to
impose public order in the Basques territory» (Heiberg, 1989). Entre autres choses, les
fueros libéraient les Basques du service militaire et, en contrepartie, ceux-ci devaient
défendre leur propre territoire. Ainsi, en cas d’attaque de la France, la résistance basque
permettrait à l’armée royale de prendre position. Le respect des fueros ne semble donc pas
être un acte gratuit de la part du royaume d’Espagne.
Les Guerres carlistes (1833-1839 et 1872-1876) seront des épisodes déterminants pour les
territoires basques au sud de la frontière. Jusqu’à cette époque, bien que les territoires
basques français soient pleinement intégrés à la république, la frontière douanière se
retrouve au sud de l’Èbre, favorisant un maintien de la cohésion territoriale entre les
différentes provinces basques. Après 1876, la frontière est ramenée à la Bidassoa et les lois
forales sont abolies dans le reste des provinces. Nous entrons dans l’ère moderne du Pays
basque alors que la construction territoriale se précise et que la frontière franco-espagnole
prend toute son ampleur.
Aujourd’hui, deux Pays basques (ou trois)
Au tournant du XXème siècle, il existe à proprement parler trois Pays basques, et c’est cette
situation qui perdure à l’heure actuelle. Le siècle dernier aura été pour les Basques le siècledu nationalisme. C’est vers la fin des années 1800 que la doctrine nationaliste fait sonapparition comme idéologie construite sous la plume de Sabino Arana. Ce sont des
disciples de cette idéologie qui prirent part à la guerre civile de 1936 aux côtés des
Républicains. C’est de cette dynamique qu’émanent les pièces qui se mettront en place
durant la dictature du général Franco pour en arriver à la situation que nous connaissons
aujourd’hui. Dès le début de la guerre, la Navarre et les trois autres provinces basques
espagnoles prennent un chemin différent. Les Navarrais s’étant soulevés avec Franco, la
47
dictature leur fut plus clémente. À l’opposé, la répression sans merci qui s’est opérée dans
le reste du Pays basque n’a fait qu’affermir le sentiment identitaire de la population. C’est
cette réalité qui vu le jour à la mort du général et au retour de la démocratie. La Navarre
obtint un statut d’autonomie et les autres provinces en obtinrent un autre conjointement.
Euskadi, aussi connu sous l’appellation de Communauté autonome du Pays basque, est
donc né du statut de Guernica de 1979. Parallèlement, la Communauté autonome de
Navarre voyait le jour après avoir refusé de faire partie d’Euskadi. Ce fait peut s’expliquer
comme l’analyse Barbara loyer (1997) par la plus forte assimilation linguistique des
Navarrais et leur sentiment basque plus faible. La comparaison géographique entre le vote
nationaliste et les milieux bascophones est d’ailleurs très éloquente à ce sujet. (Voir annexe
3). Cette situation semble mal vécue par les Basques d’Euskadi, surtout les plus
nationalistes, qui revendiquent toujours le territoire de la Navarre comme faisant partie
intégrante du Pays basque.
La situation au nord de la frontière est quelque peu différente. Les trois provinces basques
de France, soit la Soule, la Basse Navarre et le Labour, n’ont pas d’existence propre. Dans
un souci de faire disparaître toutes traces d’organisation de l’Ancien régime, les
Révolutionnaires opèrent la départementalisation du territoire de la République. Ainsi, les
trois provinces sont rattachées à une quatrième, le Béarn, pour former le département des
Basses Pyrénées, aujourd’hui rebaptisé Pyrénées-Atlantiques. Cette réalité insuffle une
dynamique particulière dans la gestion de la frontière entre les différentes entités basques.
De là l’idée des deux Pays basques, celui des autonomies en Espagne et l’autre historique,
culturel, mais sans reconnaissance politique en France. Cela aura une importance capitale
lorsqu’il sera question de la frontière puisque nous avons d’un côté une Communauté
autonome, Euskadi, avec ses compétences et ses politiques et de l’autre des provinces
historiques dénuées de toutes structures compétentes. Des précisions seront apportées sur
cette situation lorsqu’il sera temps de présenter en détails les acteurs qui ont été retenus
pour comprendre la frontière (cf. section 3.3). Cependant, il est nécessaire de préciser dès
maintenant que cette étude s’intéresse à la portion de frontières entre Euskadi et le Labour,
en excluant la Navarre et les autres provinces frontalières. Ce qui ramène la frontière à une
dyade d’environ 10 Km, le long du fleuve Bidassoa.
48
Dans la littérature grand public, lorsque nous effectuons des recherches sur le Pays basque,
ce sont les sept provinces confondues qui nous sont présentées comme en fait foi cette carte
tirée du site Internet du Guide du routard :
Figure 5 : Carte du Pays basque comprenant les sept provinces telles que présentées dans le
Guide du routard.
Cependant, comme il vient d’être exposé, cette réalité territoriale, historique et culturelle ne
correspond à aucune réalité politique ou juridique. Ce territoire doit être subdivisé en sept
provinces, regroupées en trois ensembles politiques dont un, en France, n’existe pas en lui
seul. (Pour plus de précisions et des données quantitatives, se référer au tableau et à la carte
en annexe 1.)
Les acteurs.
S’agissant d’une étude multiscalaire, plusieurs acteurs de différents niveaux entrent en jeu
dans la compréhension de la frontière. Dépendant de l’échelle à laquelle on se positionne,
certaines compétences sont dévolues à certains acteurs et d’autres non. Ainsi, il est
49
important de bien définir quels sont les acteurs qui ont une responsabilité dans les fonctions
de la frontière et quel est leur rôle.
L’Eurocité
Acteur principal de la coopération transfrontalière, c’est son territoire qui sert de point
d’encrage pour l’étude de terrain. L’Eurocité basque Bayonne-San-Sebastián regroupe trois
membres qui sont d’autres acteurs définis plus bas. Il s’agit de la Communauté
d’agglomération de Bayonne Anglet Biarritz ( CABAB ou BAB) du côté français et de la
députation forale du Gipuzkoa côté espagnol. À cela s’est rajouté récemment le consortio
Bidasoa-Txingudi, un regroupement de droit espagnol comprenant les communes de Irún,
Hendaye et Hondarribia. L’Eurocité est présentée dans la littérature comme une
conurbation transfrontalière polycentrique en réseau. Son statut est un GEIE, Groupement
européen d’intérêt économique dont le siège de décision est rotatif, périodiquement situé en
territoire français et espagnol. De même, les postes de président et vice-président sont
occupés pour deux ans, en alternance par un représentant du Gipuzkoa et de la communauté
d’agglomération du BAB. Son financement vient de versements de ces deux organes et des
subventions qu’elle parvient à obtenir pour chacun des projets qu’elle anime. Ces
subventions viennent en grande partie des fonds européens pour la coopération
transfrontalière tel que le programme interreg.
Au sens strict, il s’agit donc d’un assemblage transfrontalier assez disparate. D’un côté une
province de la Communauté autonome basque et de l’autre un regroupement municipal. Il
n’existe donc aucune cohérence territoriale entre les deux membres fondateurs et
animateurs de l’Agence transfrontalière de l’Eurocité basque Bayonne-San-Sebastián
comme en fait foi cette carte :
50
Figure 6 : Les trois entités qui forment l’Eurocité basque. Réalisation : Olivier Beaupré-Gateau.
Pourtant, dans l’appareil de communication de l’Eurocité, c’est tout le contraire qui est
présenté. La réalité que l’on veut construire et qui est présentée par l’Eurocité est un
corridor urbain de quelques 50 km de long, le long du golfe de Gascogne dans l’Atlantique,
entre Bayonne et San-Sebastián, d’où le nom retenu : Eurocité basque Bayonne-San-
Sebastián, au contraire des réels animateurs du projet qui sont des gens issus d’une
province espagnole et d’un regroupement urbain français. Cette Eurocité regrouperait donc
toute la population entre ces deux pôles pour devenir une agglomération européenne de
taille moyenne avec 600 000 habitants. Il est à noter que les villes, villages et communes se
trouvant sur le territoire de l’Eurocité mais qui n’en sont pas membres n’ont aucun pouvoir
sur le processus de développement de cette entreprise. Sara Grivot, dans sa thèse de DEA,
se questionne même sur le fait que, dans la liste de villes se trouvant sur le territoire de
l’Eurocité que l’on retrouve sur le site Internet officiel de l’Eurocité, certains petits villages
ne sont pas mentionnés. Est-ce une simple omission ou cela cache-t-il un malaise politique
plus profond dans la définition politique réelle de l’Eurocité ? Cela révèle au minimum le
manque de consultation entre les acteurs de l’Eurocité et ceux se retrouvant sur le territoire
51
qui doit être pris en charge par le GEIE. Au niveau politique les acteurs constituant
l’Eurocité sont de deux ordres très différents. Du côté espagnol, le GEIE s’appuie sur une
province basque fortement animée de l’idéologie autonomiste. La figure 24, à l’annexe 3,
démontre bien que le Gipuzkoa est celle des trois provinces d’Euzkadi où l’opinion
autonomiste radicale représentée par Herri Batasuna obtient les meilleurs résultats. Par
contre, du côté français, la CABAB, regroupement municipal, n’a pas de réalité politique
parallèle à celle du Gipuzkoa. En plus de l’incohérence géographique causée par le fait que
le membre français du GEIE ne soit pas frontalier à proprement parler, s’ajoute le profond
déséquilibre des compétences entre les deux acteurs comme nous le verrons plus loin.
C’est sur la base de ce projet souhaité par les intervenants que s’est organisée notre
réflexion sur les fonctions de la frontière. Si l’on en croit les animateurs du projet, l’espace
transfrontalier doit devenir un territoire cohérent, «une nouvelle ville pour vivre sans
frontière» (titre d’un imprimé publicitaire de l’Eurocité). La carte qui suit montre le bassin
de vie de l’Eurocité.
Figure 7 : L’Eurocité basque, un regroupement de 600 000 personnes sur une frange côtière
de 50 Km de long. Réalisation : Olivier Beaupré-Gateau, d’après une carte de SUA Edizioak.
52
Cependant, dans l’état actuel des choses, comme me le confirmait Mme Barbara Loyer,
spécialiste de la question basque et professeur de géopolitique à l’université Paris IIX, lors
d’un entretien à l’été 2004, il ne s’agit que d’une coquille vide dans la mesure où l’Eurocité
n’a aucun pouvoir de mise en oeuvre. C'est-à-dire que tous les projets du Livre blanc par
exemple, ne pourront devenir réalité que dans la mesure où les intervenants de l’Eurocité
auront convaincu les autorités compétentes de l’intérêt du projet. Il existe donc une grande
disparité entre la réalité telle que souhaitée et présentée par les acteurs de l’Eurocité et celle
observable sur le terrain. Il n’en reste pas moins que les intervenants de l’Eurocité sont des
acteurs clefs de la compréhension des fonctions de la frontière, particulièrement par les
études et recherches qu’ils ont conduit. Enfin, si l’on se rapporte à l’architecture de la
coopération telle que présentée par Guy Saez dans son ouvrage sur la gouvernance
métropolitaine et transfrontalière, l’Eurocité pourrait correspondre au troisième étage
d’acteurs, celui de la « coopération de proximité ».
Le consortio Bidassoa-Txingudi
Récemment devenu membre du GEIE Eurocité basque, il s’agit d’une association de droit
espagnol regroupant les trois villes frontalières de Irún et Hondarribia en Espagne et
Hendaye en France. Son financement vient à 80% des municipalités pour un ratio de 50%
venant d’Irún et 25% de chacune des deux autres villes. Étant avalisé par le conseil d’État
français, son action se porte dans la logique du territoire transfrontalier. Membre de
l’Eurocité depuis 2003, les acteurs du consortio avaient fait le pari de développer la
coopération transfrontalière au niveau municipal. Ainsi, ils se limitaient aux actions
permises par leurs champs de compétences. Il s’agit encore ici d’un acteur de coopération
de proximité.
Le Gipuzkoa
La députation forale du Gipuzkoa est membre fondateur de l’Eurocité. C’est la province de
la Communauté autonome basque qui fait frontière avec la France. Sa capitale est Donostia-
San-Sebastián, pôle sud de l’Eurocité. Le Gipuzkoa a une superficie de près de 2000 km2.
53
Avec ses 685 000 habitants cela lui donne une densité de quelque 345 habitants au km2. 7
En tant que membre co-fondateur, il a un poids considérablement élevé dans l’ensemble de
l’Eurocité basque et témoigne de la dissymétrie et du problème d’échelle au sein de cette
Eurocité.
En vertu du statut de Gernika, le statut des autonomies pour le Pays basque, les différentes
provinces, dont le Gipuzkoa, détiennent des compétences exclusives dans les domaines
suivants, tel que mentionnés au chapitre 4, article 37, alinéa 3,8 et que l’on pourrait résumer
comme suit : (traduction libre).
Dans tous les cas, les provinces ont une compétence exclusive à l’intérieur de leur territoire
respectif dans les matières suivantes : a) Organisation, régimes et fonctionnement de ses
propres institutions.
b) Élaboration et acceptation de son budget.
c) Délimitation territoriale à portée supramunicipale qui n’excède pas les limites
provinciales.
d) Gestion des biens provinciaux et municipaux.
e) Régime électoral municipal.
Et toutes celles qui sont spécifiées dans le présent statut ou qui pourraient lui être
transférées.
À ces compétences exclusives de la province, se rajoutent celles de la Communauté
autonome ou leurs applications sur le territoire de la province, en vertu d’une entente qui
pourrait intervenir entre le gouvernement de la province et celui de la Communauté
autonome. Ainsi, le Gipuzkoa pourrait avoir à gérer les compétences du Pays basque sur
son propre territoire, compétences qui ne lui sont pas strictes.9 Cependant, ses compétences
exclusives ne lui permettent pas de mettre en oeuvre des projets d’aménagement ou de
7 Selon les données de 1995, disponibles sur le site inter officiel de la députation forale du Gipuzkoa :
www.gipuzkoa.net
8 Original en espagnol en annexe 4.
9 Voir en annexe 4 la reproduction du titre 1 du statut d’autonomie du Pays basque, «De las competencias del
País Vasco»
54
coopération transfrontalière. Ces compétences appartiennent à la Communauté autonome.
C’est le cas entre autres des transports, selon l’article 32 du statut d’autonomie tel que
reproduit en annexe 4. C’est ce qui rend possible, comme nous le confirmait Dani Arbulu
de la Diputacion forale de Gipuzkoa en entretien, le maillage très développé du territoire
basque par Euskotren, la société publique de trains basques. Le pouvoir de développement
du réseau de transport ferroviaire étant entre les mains de la Communauté autonome, il est
utilisé comme outil puissant de contrôle et de possession du territoire par les autorités.
(Arbulu, entretien effectué le 16 juillet 2004). Ce qui n’est pas le cas pour la communauté
d’agglomération de Bayonne-Anglet-Biarritz où la compétence en terme de transport
ferroviaire, entre autres pour ce qui est de la SNCF, est entre les mains de la métropole.
La CABAB
La communauté d’agglomération englobe les trois villes de Bayonne, Anglet et Biarritz.
Elle se situe à une trentaine de Km de la frontière. Bien qu’elle soit membre co-fondateur
de l’Eurocité, la CABAB n’a aucun lien territorial direct avec la frontière et le Gipuzkoa, ce
qui crée une certaine incohérence dans la construction de l’Eurocité. La communauté
d’agglomération détient des compétences dans plusieurs secteurs mais son territoire
d’application ne se rend pas jusqu’à la frontière. Cela recoupe les affirmations voulant que
l’Eurocité n’ait pas de pouvoir de mise en oeuvre des projets qu’elle développe. Selon le
tableau qui suit, la communauté d’agglomération de Bayonne Anglet Biarritz détient des
compétences dans les domaines suivants :
Intitulé compétence Début Fin
Abattoirs 27/10/1972
Activités culturelles ou socio-culturelles 06/07/1998
Activités scolaires ou périscolaires 27/10/1972
Activités sociales 06/07/1998
Aménagement berges rivières et plans d'eau 06/07/1998
Aménagement de l'espace 27/10/1972
Assainissement 27/10/1972
Bâtiments - Relais 06/07/1998
55
Collecte des ordures ménagères 27/10/1972
Communication (information, audiovisuel, T.V.,¿) 08/03/1990
Création et gestion de zones d'activités 06/07/1998
Création réserves foncières - ZAD 27/10/1972
Développement économique 06/07/1998
Eau 27/10/1972
Elaboration P.O.S. 27/10/1972
Elaboration schémas directeurs 27/10/1972
Enseignement supérieur 06/07/1998
Environnement 27/10/1972
Etudes diverses 27/10/1972
Gestion d'équipements publics 02/12/1999
Informatique 27/10/1972
Investissement équipements publics 02/12/1999
Logement et cadre de vie 06/07/1998
Mesures prévention pollution 06/07/1998
Parc de stationnement 01/01/2000
Politique d'aide à la jeunesse 06/07/1998
Pompes funèbres 27/10/1972 06/02/1998
Ports et voies navigables 27/10/1972
Secours et lutte contre l'incendie 27/10/1972
Stationnement de nomades 06/07/1998
Tourisme 06/07/1998
Traitement des ordures ménagères 27/10/1972
Transport de voyageurs (hors ramassage scolaire) 07/03/1977
Voirie 27/10/1972
Voirie intercommunale 27/10/1972
Z.A.C., lotissements communaux 27/10/1972
10
Ainsi, il semble qu’elle n’ait pas de compétences en matière d’aménagement du territoire,
un des enjeux importants de la coopération transfrontalière dans la région. Cependant, elle
détient la compétence dans les domaines retenus pour l’analyse, c’est-à-dire entre autres le
transport de voyageurs et la gestion des ordures ménagères. Aussi, la CABAB détient des
compétences en matière de ports et voies navigables mais son territoire ne se rendant pas
10Selon le site officiel du département : http://www.pyreneesatlantiques.
pref.gouv.fr/FicheSynd.asp?f=1&siren=246400030
56
jusqu’à la frontière, cela n’influera pas sur les rapports avec les Gipuzkoa en ce qui a trait à
la Bidassoa et au golfe Txingudi.
Les Pyrénées-Atlantiques
Département français du Sud-ouest regroupant les provinces historiques du Labour, de la
Soule, de la Basse-Navarre et du Béarn, le tout regroupant un peu plus de 600 000
habitants. Les trois premières forment ce que l’on appelle le Pays basque français.
Administrativement, il n’existe rien correspondant au Pays basque, seulement deux
structures plus ou moins officielles, le Conseil des élus et le Conseil de développement du
Pays basque. Ces deux structures regroupent des intervenants sur une base volontaire et
représentent le Pays basque au sein du département des Pyrénées-Atlantiques et ailleurs. Le
Conseil des élus regroupe les élus des différentes structures administratives des territoires
basques français, municipalités, communes… Ils sont au coeur du mouvement pour la
création d’un département Pays basque. Le département des Pyrénées-Atlantiques regroupe
au total 7 644, 76 km2. Il est bordé au nord en partie par le fleuve Adour et au sud par le
fleuve Bidassoa, frontière avec l’Espagne.
Euskadi
Formé des territoires historiques basques d’Espagne à l’exception de la Navarre, Euskadi
est le nom donné à la Communauté autonome du Pays basque. Sa population totale se
chiffre à 2 112 204. Elle est issue du statut de Guernica intervenu en 1979 entre les
autorités basques et le roi Juan Carlos Ier d’Espagne, après la chute de la dictature du
général Franco. L’acceptation du statut s’est faite par référendum et la province de Navarre
a refusé d’en faire partie. Elle s’est vue octroyer son propre statut d’autonomie. Le statut
d’autonomie en Euskadi a reçu un support de plus de 80% mais avec une consigne
d’abstention de la part de tout le mouvement nationaliste. Ainsi, avec un taux d’abstention
record, c’est en fait 67% des Basques qui étaient en désaccord avec ce statut. Le 30
décembre 2004, il a été adopté par le gouvernement basque un nouveau statut d’autonomie
qu’il doit maintenant faire accepter par Madrid, il s’agit du «plan Ibarretxe». Il s’agit d’une
renégociation du statut de Guernica et qui demande une plus grande autonomie pour les
57
provinces formant Euskadi. Cependant, aux récentes élections de 2005, le PNV a perdu 4
sièges alors que les plus radicaux qui rejettent ce plan et demandent une indépendance plus
stricte, ont fait des gains de 2 sièges. Le Gipuzkoa est la province où il existe le plus fort
sentiment autonomiste, voir indépendantiste de la Communauté autonome. C’est le PNV
qui gouverne Euskadi depuis les premières élections régionales de 1980. En coalition avec
d’autres partis nationalistes, ils ont toujours récolté plus de 50% des suffrages.
La région Aquitaine
La région Aquitaine, sur le flan atlantique de la France, regroupe les départements de la
Dordogne, de la Gironde, des Landes, du Lot et Garonne et des Pyrénées-atlantiques. Elle
comporte au total 2 908 359 habitants. Elle intervient dans notre étude en tant que
signataire avec la Communauté autonome du Pays basque, du Fond Aquitaine-Euskadi. Il
s’agit d’un fond d’investissement devant servir à soutenir financièrement les initiatives de
coopération transfrontalières.11 C’est à la région qu’appartient l’application des
compétences en matière d’aménagement du territoire et de développement économique,
entre autres. C’est le vis-à-vis administratif le plus à même de coopérer avec le Pays basque
espagnol. Cependant, le modèle étatique français étant moins décentralisé que ne l’est celui
de l’Espagne, en particulier dans le cas d’Euskadi, l’équilibre des pouvoirs entre les deux
signataires du fond reste précaire. Comme on peut le constater brièvement à l’annexe 4 qui
reproduit certains points du statut d’autonomie, Euskadi jouit d’un vaste éventail de
pouvoirs sur son territoire ce qui peut créer des discordances dans le cas de coopération
avec la région Aquitaine où le sujet ne serait pas de sa compétence.
11 Cet ambitieux projet d’ « Euro-région » garantit aux compagnies rattachées au secteur de la logistique et du
transport basque, les installations et les infrastructures nécessaires pour occuper une position importante dans
le contexte européen et international. L’objectif fondamental de cette plateforme entre le Pays Basque et
l’Aquitaine est de promouvoir le tissu logistique des deux régions, qui au cours des siècles s’est consolidé
comme le passage naturel vers l’Europe, et aussi de servir à la formation de projets communs en matière de
recherche, de technologie, de tourisme ou dans des secteurs porteurs au sein de l’environnement socioéconomique
européen actuel, comme l’aéronautique. La constitution de la PLAE, signée le 4 novembre 2004
par le « Lehendakari » Juan José Ibarretxe et le président de la région Aquitaine, Alain Rousset, au Palais des
Congrès Kursaal de San Sebastián, rassemble 15 compagnies directement rattachées à la scène logistique
actuelle et au transport basque et aquitain. http://www.euskadi.net/r48-
2286/fr/contenidos/informacion/aquitania_euskadi/fr_6027/aquitania_euskadi.html
58
La France et l’Espagne
Deux pays à forte tendance centralisatrice, ce sont eux qui ont officiellement la compétence
en matière de relations internationales. Toute entente de coopération transfrontalière,
comme le traité de Bayonne dans la région basque, doit avoir la reconnaissance des
capitales respectives.
Figure 8 : Représentation des différents acteurs. Réalisation : Olivier Beaupré-Gateau.
Résultats
Présentation des principaux résultats.
Ce quatrième chapitre contient une synthèse des principaux résultats de la recherche
effectuée lors de la période de terrain à l’été 2004. Il s’agit principalement d’entrevues
effectuées avec des personnes travaillants pour des institutions publiques dans le domaine
de la coopération transfrontalière ainsi que des documents officiels qu’ils m’ont remis.
Il est à noter que plusieurs entretiens souhaités n’ont pas pu être menés. Malgré des
relances lors du retour à Québec en septembre, des personnes ressources dont les opinions
auraient pu être pertinentes ne contribuent pas à enrichir les données de la recherche. Il
s’agit essentiellement de Monsieur Jean-Marie Blanc de la région Aquitaine pour
l’implication du Fond Aquitaine-Euskadi dans les projets autour de l’Eurocité, de Mme
Lide Urraiztieta du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques, de M. Bernard Lousteau et
de M. Patxi Lopez de Tejada, respectivement du Barreau de Bayonne et Donostia, qui
travaillent à l’Observatoire juridique transfrontalier, et qui auraient pu apporter des
éclaircissements importants sur tous les aspects légaux de la frontière.
Cependant, il nous a été possible d’en rencontrer d’autres dont les témoignages très
pertinents sont la base des données de ce travail. Il s’agit d’entrevues conduites avec Dani
Arbulu de la députacion foral de Gipuzkoa, de Mme Pilar Fuertes du Consorcio Bidassoa-
Txingudi, de Mme Elena Morena de l’agence transfrontalière de Bayonne et de Monsieur
Jean-Claude Iriart, président du Conseil des élus du Pays basque. Au niveau de la
documentation officielle qui m’a été remise, on retrouve l’étude État des lieux de la
coopération transfrontalière sanitaire ; Cahier de la MOT #4 : La coopération
transfrontalière sanitaire ; Synthèse du plan de gestion des déchets ménagers et assimilés
dans la zone transfrontalière de l’Eurocité basque Bayonne-San-Sebastián ; le Guide
pratique frontalier ; Les transports transfrontaliers dans les agglomérations
transfrontalières ; Estudio de Prospección sobre las infraestructuras de transporte en la
Eurociudad Vasca Bayonne- San Sebastian. Fase III Informe sintetico.
60
Vous trouverez donc ci-après, une synthèse analytique de cette documentation organisé
selon des axes précis. Tous les éléments se rapportant à une fonction de la frontière ont été
regroupés afin de bien saisir l’importance de chacune d’elles sur la dyade concernée.
Le verbatim complet des entretiens ainsi que des résumés synthèses de la documentation
reçue se trouvent à l’annexe 7.
Synthèse des résultats
Les données reçues peuvent être résumées selon quatre ou cinq axes structurants qui
correspondent aux fonctions des frontières. Chacun des documents comme des personnes
interrogées traite de la frontière en revenant systématiquement sur des aspects qui font
ressortir des fonctions, actives à différents niveaux, de la dyade franco-espagnole au Pays
basque.
C’est au contact de Jean-Claude Iriart que s’est développé l’intérêt de travailler à la
compréhension de ce qu’il appelait la fonction «institutionnelle ». Nous avons pu ensuite
retrouver des éléments d’analyse de cette fonction, si elle en est une, chez tous les
interlocuteurs. C’est ainsi que Dani Arbulu par exemple parle de problématiques très
concrètes d’organisation liées au fait qu’il travaille avec deux « États très centralisateurs »
et qu’il doit prendre en considération la différence administrative entre une décentralisation
plus importante au sud qu’au nord. Cela rejoint ce que disait Mme Fuertes qui affirmait
qu’il existe toujours une façon de faire de l’administration française et une de
l’administration espagnole. La problématique reste là dans la mesure où il y a deux façons
de faire et que, si du côté basque il y a une volonté d’action locale, du côté français se pose
la question du soutien des autorités supérieures. Mme Morena abonde dans le même sens
dans la mesure où elle reconnaît qu’il y a des obstacles administratifs, qu’il manque des
outils juridiques adaptés à la réalité. Elle est d’avis qu’il est possible de coopérer dans tous
les domaines, dans la mesure où on est en partenariat avec ceux qui ont la compétence.
Seulement, elle n’y voit pas là de réelle frontière au sens où « ça scinde, où la perméabilité
est interdite ou évitée.» Mais elle croise la pensée de MM Arbulu et Iriart lorsqu’elle
affirme que le problème de la frontière se pose avec la quantité des acteurs concernés. Alors
61
que du côté espagnol on fait face souvent à une unicité d’acteurs, la Communauté
autonome d’Euskadi, du côté français il y a multiplicité d’acteurs. Aussi, dans plusieurs
dossiers les décisions se prennent souvent à Paris ou Madrid nous expliquait Mme Morena.
Par exemple, c’est la différence entre le niveau de compétence qui fait toute la différence
entre le développement du transport en Gipuzkoa et au Labour nous expliquait J.C. Iriart.
La frontière lui apparaît aussi forte qu’avant lorsque l’on parle des institutions publiques.
C’est pourquoi il nous parle précisément de ce qui apparaît pour lui comme une fonction
institutionnelle de la frontière. « Il y a, de part et d’autre de la frontière des systèmes
institutionnels qui n’ont rien à voir les uns avec les autres » (Iriart, 2004) Cette fonction
institutionnelle se fait sentir très fortement dans la coopération et s’additionne à un autre
problème, celui de faire fonctionner les différentes institutions ensemble. C’est une
observation qui se retrouve dans toute la documentation recueillie.
Au niveau de la documentation, cet aspect institutionnel transparaît aussi. Les études sur la
coopération transfrontalière sanitaire parlent de problèmes très concrets en ce qui a trait au
fonctionnement des hôpitaux qui reste très différent de part et d’autre de la frontière. Elles
tirent des conclusions sur le rôle majeur de l’initiative des acteurs de terrain dans ce type de
coopération. La vaste majorité des projets a pour origine une initiative locale et la sphère
politique joue souvent le rôle de facilitateur et non d’initiateur de projets. Cela rejoint ce
que Mme Morena disait en parlant du manque d’outils.
Cet aspect institutionnel de la frontière semble intimement lié au côté juridique de la
frontière. Se croisent donc ces deux fonctions lorsque M. Iriart et Mme Morena s’entendent
pour dire que «c’est l’initiative de terrain qui va forcer la doctrine à terme.» (Iriart, 2004)
Le même phénomène se trouve expliqué par le cahier #4 de la Mission opérationnelle
transfrontalière alors qu’il y est mentionné le fait que la coopération dans le domaine
sanitaire s’est développée avant et à l’extérieur de cadres institutionnels. Donc le manque
d’outils et d’impulsion administrative ferait ressortir la fonction légale de la frontière. Les
outils de coopération sont autant légaux qu’administratifs. Mais la situation est en évolution
si l’on se fie aux explications que nous donnait Mme Morena à ce sujet. «Ce qu’il y a c’est
qu’aujourd’hui au niveau juridique, administratif, tout tend vers la simplification
62
simplement parce qu’il y a le droit communautaire de l’Union européenne qui s’impose à
tous.» (Morena 2004). C’est d’ailleurs ce que confirme le document sur l’état des lieux de
la coopération dans le domaine de la santé alors qu’un des éléments importants dont fait
mention le document est l’influence de la construction européenne. Bien que surtout
économique au départ, ses champs d’actions se multiplient et celui de la santé est de plus en
plus important. C’est aussi le cas au niveau des déchets où la législation communautaire
exige de nouvelles normes de sécurité. Aussi, si l’on se réfère à une partie de la
documentation, il se développe une jurisprudence européenne qui tend à infléchir le droit
national. C’est le cas en particulier suite aux arrêts Kholl et Decker (28/04/98) de la Cours
de justice des communautés européennes (CJCE), qui favorise l’accès aux soins
ambulatoires par un patient dans un autre État membre de l’Union européenne. Mais ceci
peut être nuancé par l’explication de M. Iriart qui affirme que «les institutions font ce qu’il
faut pour se mettre aux normes européennes dans leur cadre institutionnel (mise en
conformité des outils). Se crée petit à petit une réglementation homogène mais qui n’affecte
pas les modes d’organisations institutionnelles.» Ce qui est confirmé par l’étude sur la
coopération sanitaire où l’on peu lire que la législation communautaire n’a de légitimité que
dans la mesure où elle s’accorde à la législation nationale. Enfin, Mme Morena reconnaît
que l’«on sait très bien que le droit intervient plus tard ou postérieurement à la vie, à la
réalité.» C’est le cas du transport transfrontalier où dans bien des cas l’initiative vient de
transporteurs privés et s’est faite à l’extérieur de cadres précis.
La dynamique transfrontalière étant ce qu’elle est, les aspects tant administratifs,
institutionnels que légaux sont en liens avec les côtés idéologiques. M. Arbulu le voit au
coeur même de son travail. Il se rend compte que les plus gros problèmes aujourd’hui sont
d’ordres culturels, mentaux et linguistiques. Il abonde ainsi dans le même sens que Pilar
Fuertes pour qui les identités culturelles semblent parfois faire stagner des projets. Ceci fait
parfois dépasser les temps de réalisation et les administrations qui ne travaillent pas
directement dans le transfrontalier ont parfois du mal à le comprendre. Se croisent donc les
aspects culturels et idéologiques de la frontière avec l’aspect institutionnel. Mme Morena
quant à elle voit des réminiscences d’une fonction idéologique accordée à la frontière. Pas
autant que dans la période de la dictature, mais il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui
63
Euskadi est majoritairement gouverné par des nationalistes dont le souhait est d’afficher
l’unité du Pays basque. Cette fonction se traduit au nord, selon Mme Morena, par l’absence
de statut officiel de l’Euskara ou dans la valeur simplement folklorique ou culturelle
accordée aux symboles qui ont une valeur officielle en Gipuzkoa, comme l’Ikurina par
exemple (Morena 2004). M. Iriart quant à lui, relie la fonction idéologique au
fonctionnement institutionnel. Il explique ainsi que : «L’État français contraint par ses
relations, par ses accords bilatéraux, binationaux, ne peut (ou ne veut) pas participer à des
tours de table à partir du moment où il n’y a pas le gouvernement espagnol. La relation
entre Vitoria-Gasteiz et Madrid fait que quand Vitoria-Gasteiz est compétent il est hors de
question pour eux que Madrid s’assoie autour de la table.» (Iriart, 2004). L’aspect
monétaire devient un enjeu idéologique quand des transferts de fonds s’opèrent dans des
champs qui sont eux, idéologiques. «Dès qu’il y a des fonds de la Communauté autonome
d’Euskadi qui viennent vers des opérateurs associatifs qui sont du Pays basque français,
c’est jamais des choses simples. Donc le cas où les financements de collectivités publiques
d’un côté de la frontière vont de l’autre côté de la frontière, c’est quand même des
situations extrêmement délicates.» (Iriart, 2004)
Pour ce qui est de la fonction de contrôle, l’ensemble des résultats va dans le même sens.
Mme Fuertes résume bien l’idée en s’appuyant sur les cas des attentats de Madrid du 11
mars 2004. Ainsi elle explique que : «la frontière n’a pas été fermée [après les attentats du
11 mars 2004] parce que c’est illégal. Soit on applique l’accord Schengen, soit on ne
l’applique pas. On ne peut pas, c’est très difficile, ce n’est pas politiquement correct, on va
dire, de fermer une frontière si on respecte l’accord de Schengen. Justement l’accord de
Schengen interdit la fermeture d’une frontière.». Pour M. Iriart, qui est amené à travailler
sur des projets à incidence transfrontalière, son avis est qu’elle a disparu, il soutient que
dans les faits, dans la réalité, cette fonction n’existe plus.
Encore un fois les résultats de la recherche font intervenir un lien entre les fonctions au
niveau fiscal aussi. C’est ce qui a été expliqué entre autres au niveau idéologique lorsqu’il
est question de transfert de fonds ou de financement d’activités ou d’organismes. C’est
aussi le cas avec l’aspect institutionnel alors que M. Iriart précise que même dans le cas de
64
la coopération transfrontalière : «ça reste des financements nationaux qui viennent financer
des acteurs nationaux. Voilà, ça reste toujours ça même si le projet lui est transfrontalier.»
(Iiriart, 2004).
Aussi, la frontière au niveau économique transparaît par le fait que se voisinent une région
qui a vécu une réindustrialisation et une autre, en France, dont l’économie est
essentiellement centrée sur le tourisme, comme l’expliquait M. Arbulu. Il notait aussi dans
ce sens qu’il existe toujours deux systèmes de taxation directe et indirecte bien distincts.
Cette vision doit par contre être nuancée par d’autres données, dont celles de Mme Fuertes.
Malgré l’existence de deux systèmes distincts sur le territoire du consorcio, son
financement est essentiellement municipal, 75% venant des communes basques espagnoles
et 25% de la commune d’Hendaye en France. De 10 000 à 30 000 euros par an viennent du
Fonds Aquitaine-Euskadi. L’argent est ensuite dépensé en suivant la logique du territoire de
la baie de Txingudi, sans tenir compte de la frontière. Ce type de circulation de l’argent se
retrouve aussi à la lecture du guide pratique frontalier. On y comprend qu’en terme de
pension de vieillesse ou de chômage, la libre circulation des travailleurs permet une libre
circulation des prestations.
Au niveau plus pratique, l’aspect le plus représentatif de cette fonction, les droits de
douanes, a complètement disparu aux dires de M. Iriart.
Discussion des résultats.
À la lumière de ces résultats, qui sont brièvement présentés, il est possible d’entamer une
réflexion sur les fonctions de la frontière sur le territoire qui a été retenu, soit les 50 Km
entre Bayonne et San-Sebastián le long de la côte basque. Nous avions exposé, lors du
chapitre consacré à la méthodologie, deux modèles de fonction des frontières sur lesquels
nous nous proposions de nous appuyer pour jeter les bases de notre approche de la dyade
qui nous concerne. La discussion qui suit se propose donc de reprendre la structure des
modèles et de prendre les fonctions que nous avons découvertes et d’en débattre une à la
fois. Évidemment, toute question sur une fonction de la frontière est sensiblement reliée
aux autres et chacune des parties de cette discussion n’est pas hermétique. De plus il ne sera
65
pas fait écho de certaines des fonctions proposées par les auteurs puisque la situation qui
nous concerne n’est en rien identique à celles dont se sont inspirés ceux qui ont élaboré les
modèles. Cette discussion se veut donc propre à la problématique mais la méthodologie
utilisée pour arriver aux résultats dont nous allons discuter nous permet de croire que
pareille recherche pourrait être faite dans d’autres circonstances et avoir une valeur
comparable.
Nous allons donc chercher, au travers des éléments recueillis lors de la période de collecte
de données, ceux qui nous permettent de poser un regard averti et critique sur les
différentes fonctions possibles de la frontière.
Il est utile de répéter, enfin, la définition de fonction que nous avons proposé au chapitre
2.1. Nous avions, à ce moment là, défini les fonctions d’une frontière comme étant liées à
des attributs accordés à cette dernière en utilisant des moyens de l’administration de l’État
afin de produire un ou des effets qui permettent d’atteindre un but fixé par l’État en
question. Cette définition du concept de fonction s’oppose à la notion d’effets que produit
une frontière, effets qui peuvent être divers et perdurer après la disparition ou la
modification de la frontière.
La première fonction dont nous débattrons ici est la fonction idéologique. Avec un regard
général sur la portion de territoire qui nous intéresse, il nous semble possible de prétendre
que, a priori, il doit exister une frontière au sens idéologique. Compte tenu du fait qu’il
s’agit d’une région où il existe un nationalisme important auquel il est possible de faire
correspondre, dans une certaine mesure, des revendications territoriales, ce que nous
confirmait d’ailleurs Mme Morena lors de notre entretien, l’importance idéologique de la
frontière doit donc transparaître quelque part. Depuis la fin de la dictature franquiste, ce
sont des partis nationalistes qui dirigent la Communauté autonome basque. Bien que le
Parti nationaliste basque, qui détient le plus grand nombre de sièges au gouvernement ne
revendique pas officiellement le rattachement des territoires basques du nord, Iparralde,
cela reste tout de même dans les fondements de la doctrine idéologique telle que définie par
son initiateur, Sabino Arana. Aussi, ces revendications territoriales font parties de la plateforme
des groupes que l’on pourrait qualifier de plus radicaux comme le Mouvement de
66
libération nationale basque ou le parti Batasuna. Ce dernier a été rendu illégal par Madrid
en 2003 mais ses partisans supportent aujourd’hui le Parti communiste des terres basques.
Ce dernier a d’ailleurs augmenté son vote de 2,5%, ce qui lui donne 2 élus de plus en 2005
par rapport aux élections de 2001. Ce qui veut dire 12,5% des votes exprimés et 9 élus sur
75. Dans ces circonstances, le poids de l’idéologie dans la région est une donnée non
négligeable. Même si le PNV, Parti nationaliste basque, gouverne depuis 1980, cette année,
sa coalition habituelle avec Eusko Alkartasuna, sa propre dissidence depuis le milieu des
années 80, plus sociale-démocrate, ne récolte que 38,6% de voix et se retrouve avec 33
sièges, autant que les espagnolistes du Parti populaire (PP) et du Parti socialiste ouvrier
espagnol (PSOE). L’association avec les communistes proches d’ETA semble nécessaire
pour assurer la balance du pouvoir chez les nationalistes. Malgré une baisse de popularité
des plus radicaux (les partis proches d’ETA sont passés de 14 sièges en 98 à 7 en 2001 et
remontés à 9 en 2005), le suffrage nationaliste a toujours représenté plus de 50% des votes
en Euskadi. C’est au Gipuzkoa qu’il est le plus important. En 1998, il représentait 62% du
vote. Aux élections municipales les sièges nationalistes représentent la majorité des élus du
Gipukoa et sont passés de 498 en 1995 à 679 en 1999 dans l’ensemble des territoires
autonomes basques. C’est ainsi dire que dans les questions de coopération transfrontalière
qui impliquent des décideurs publics basques du Gizpukoa, les chances que soit impliqué
de près ou de loin un élu nationaliste sont relativement fortes.
L’élément principal qui nous permet de croire à une fonction idéologique, au sens où nous
l’avons défini, en opposition au simple effet que peut produire une frontière, est une
appropriation symbolique du paysage, un marquage du territoire. L’État peut attribuer
certains éléments à la frontière afin de produire une certaine discontinuité politique
observable de part et d’autres de la frontière comme expliqué par Emmanuel Gonon dans
son modèle. Le but de la fonction idéologique est de marquer le territoire d’une
souveraineté par rapport à une autre, de créer une discontinuité sur le territoire qui permet
aux citoyens de le réaliser. Ainsi, la période de terrain aura servi à chercher les éléments
permettant de croire effectivement qu’il existe une fonction idéologique de la frontière
franco-espagnole au Pays basque entre Bayonne et San-Sebastián. Ces éléments auraient pu
67
permettre de bien délimiter l’application d’une souveraineté, d’une autorité, sur une portion
de territoire, selon la volonté des acteurs concernés.
Il nous a été difficile de trouver des éléments d’appropriation symbolique du paysage issus
des autorités locales. Nous avons recherché des éléments tels drapeaux, panneaux de
signalisation, affiches de bienvenue etc. qui peuvent être utilisés par les autorités locales ou
nationales afin de faire comprendre au citoyen qu’il passe d’une juridiction à une autre. Tel
n’était pas le cas. Les deux figures qui suivent montre le seul élément officiel qui marque le
territoire et qui déterminent le passage d’une souveraineté à l’autre :
Photo : Olivier Beaupré-Gateau, 2004.
Figure 9 : Borne frontière nous indiquant le passage de l’Espagne vers la France.
Photo : Olivier Beaupré-Gateau, 2004.
Figure 10 : La même borne frontière, côté indiquant le passage de la France vers l’Espagne.
Il nous semble possible d’affirmer que ce seul bloc de granit rose d’environ un mètre de
haut sis au milieu du pont à quatre voies qui traverse le fleuve Bidassoa ne constitue pas un
68
élément assez important pour affirmer l’existence d’une fonction idéologique à cette
frontière. La circulation sur ce pont est assez rapide, la limite est de 50 Km heure,
l’importance accordée à la visibilité de cette borne frontière permet de mettre en doute une
volonté ferme d’appropriation symbolique du paysage qui permettrait de créer une
discontinuité comme nous l’avons expliqué plus tôt. De plus, la lisibilité des noms France
et Espagne est pratiquement nulle rendant son efficacité idéologique toute relative. La
même absence est remarquable à l’autre point de passage routier sur le territoire qui nous
concerne, soit sur l’autoroute A63/A8. Il reste les infrastructures douanières, qui ne sont
plus utilisées, mais rien de plus que le mot frontière, à la hauteur des épaules, pour signaler
le passage d’un État à un autre. Il n’y a pas de panneau indicateur sur lequel il pourrait être
inscrit en grosses lettres Bienvenue en France ou en Espagne. La valeur de cette
discontinuité peut être nuancée encore par la réalité autoroutière française. Ce passage
frontalier est semblable à s’y méprendre à n’importe quel poste de péage tel qu’on les
retrouve partout sur le territoire.
D’autres éléments auraient pu venir compléter ceux-ci dans une optique de marquage
symbolique du territoire mais ce n’est pas le cas. Au contraire, les éléments que nous
croyons pouvoir être utilisés afin de marquer la frontière, le sont pour marquer une certaine
unité territoriale. Il existe une certaine appropriation symbolique du paysage dont le but
semble être la négation de l’existence de la frontière. Au même endroit où nous observons,
difficilement, le marquage officiel du territoire entre les deux États que sont la France et
l’Espagne (cf. figures 8 et 9), il est possible de voir une appropriation symbolique du
paysage qui nie cette frontière. C’est ce que montre la figure 10, où l’on aperçoit un
panneau indiquant le passage d’une province basque à une autre, dans ce cas-ci le Labour
(Lapurdi), et signifiant du même coup une certaine unité du territoire basque au sens
historique. Il est à noter que cette signalisation n’est pas officielle, mais compte tenu de
l’importance de sa taille et de son élaboration, elle est en métal, imprimée du nom de la
province et des armoiries du Pays basque, elle semble jouir d’une certaine tolérance des
autorités. Son état démontre qu’elle est installée là depuis un certain temps et n’a pas été
démontée par les autorités, ni d’un côté ni de l’autre.
69
Photo : Olivier Beaupré-Gateau, 2004.
Figure 11 : Panneau signifiant l’entrée dans la province du Labour, au même endroit où
l’on pouvait voir la borne frontière (figures 8 et 9).
Un autre élément est pris en compte afin de déterminer s’il existe ou non une fonction
idéologique à cette frontière. C’est l’utilisation de la langue basque, l’Euskara, au nord de
la frontière alors qu’elle n’a pas de statut officiel. C’est un aspect qui avait été soulevé par
Elena Morena en août 2004. Il s’agit d’un élément qui va à l’encontre de ce que nous
aurions pu croire dans le cas d’une fonction idéologique et qui nuance ce que nous avait dit
Mme Morena. Par l’usage marqué du français dans l’affichage routier, nous aurions pu y
déceler une utilisation idéologique. Marquer le territoire par l’usage exclusif du français
peut sembler défendable dans la mesure où l’Euskara a le statut de langue officielle au
Gipuzkoa et est un des éléments clefs de l’identité basque telle que proposée par les
différents mouvements nationalistes.
C’est le contraire qui est observable sur le terrain. Bien que l’Euskara n’ait pas de statut
officiel, cette langue se retrouve dans l’affichage routier, donc émanant des administrations
officielles. C’est ce que présente les figures 11 et 12. Enfin, le même phénomène est
observable sur l’autoroute A63 entre Bayonne et la frontière, des panneaux de signalisation
indiquant les prochaines sorties sont bilingues aussi (cf. figure 13).
70
Photo : Olivier Beaupré-Gateau, 2004.
Figure 12 : Panneaux de signalisation bilingues en France
Photo : Olivier Beaupré-Gateau, 2004.
Figure 13 : Panneaux standards de la municipalité d’Hendaye pour les noms de rues,
bilingues.
Photo : Olivier Beaupré-Gateau, 2004.
Figure 14 : Panneau de signalisation autoroutier en langue basque sur le territoire français.
71
Cependant, la discussion de ces différents éléments ne nous permet pas d’affirmer qu’il
existe ou non une fonction idéologique à la frontière. Bien sûr, l’existence de la frontière
produit des effets assimilables au champ idéologique mais il ne semble pas possible de les
intégrer dans la définition que nous avons proposé d’une fonction. Il serait plus approprié
de parler d’effets résiduels de cette frontière qui fut jusqu’en 1979, une frontière à forte
résonance idéologique, entre une démocratie française et une dictature espagnole. Le statut
culturel ou folklorique des éléments de l’identité basque sur le territoire d’Iparralde
représente un élément assez intéressant, nous permettant de nuancer les résultats de
l’analyse de l’appropriation symbolique du paysage.
La fonction idéologique semble donc prise entre différents intérêts à différentes échelles
d’analyse. L’absence de statut institutionnel des territoires basques de France et l’absence
de statut officiel de l’Euskara peuvent servir à l’État français pour marquer sa souveraineté
sur le territoire face aux autorités locales de la Communauté autonome basque qui
cherchent un rapprochement interbasque à différents niveaux. Aux élections présidentielles
de 1981, le candidat François Mitterrand avait promis la création d’un département Pays
basque. Suite à son élection, il est revenu sur sa promesse, craignant que ce puisse être
interprété par le peuple basque comme une première étape vers une hypothétique
indépendance. Le Pays basque français reste donc couplé au Béarn pour former le
département des Pyrénées-Atlantiques. Mais cette attitude à caractère idéologique de l’État
français est nuancée, peut-être pour ne pas alimenter une animosité avec des groupes ayant
des revendications territoriales franches, et utilisant la lutte armée, et ne pas, en définitive
exacerber des sentiments nationalistes d’un côté ou de l’autre de la frontière par un
comportement trop intransigeant. Il ne faut pas oublier non plus la valeur de l’identité
basque en France qui est un des arguments principaux du tourisme, secteur essentiel du
développement économique de la région. La fonction idéologique se trouve donc fortement
atténuée par la réalité actuelle de la région et l’évolution des mentalités à l’échelle
européenne. Il apparaît donc raisonnable de croire qu’il existe une fonction idéologique
mais que celle-ci est en équilibre entre la volonté de marquer le territoire français par
rapport à la Communauté autonome d’Euzkadi, mais basque par rapport à la France pour
des raisons touristiques mais pas trop basque pour ne pas alimenter le particularisme ou de
72
possibles velléités séparatistes. Cette fonction existe donc mais radicalement différente de
ce qu’elle représentait vingt ans auparavant. Le poids de l’idéologie pèse cependant sur
cette frontière. Comme nous l’avons mentionné plus tôt, elle a représenté plusieurs
dimensions au cours de l’histoire, surtout au sein des acteurs nationalistes. Chez les plus
radicaux, elle est à la fois considérée comme une cicatrice de l’histoire sur un territoire
national transfrontalier et la frontière historique entre différentes provinces. On tend donc à
nier son existence « internationale » par la symbolique comme en témoigne la figure 10
traitée plus tôt. Cependant, l’aspect international de cette frontière n’avait pas la même
résonance avant la fin des années 70 et la chute de la dictature. Au moment où la lutte de
libération armée jouissait d’un plus vaste support populaire qu’aujourd’hui, traverser la
frontière permettait d’aller se cacher au Pays basque français pour ainsi échapper aux
exactions du régime dictatorial franquiste. À cette époque, la frontière était un rempart
protégeant un asile démocratique où l’on pouvait chercher support et réconfort dans une
lutte pour la liberté. Avec la chute du régime, cet aspect n’est plus mais ses effets restent
dans les mentalités même si les acteurs nationalistes prônant le regroupement de tous les
territoires historiques ne représentent que 12,5% du vote.
À l’époque de la dictature, la fonction idéologique était couplée à une fonction de contrôle
plus rigoureuse. Cette dernière permettait d’afficher une discontinuité et pouvait représenter
un outil pour la fonction idéologique, comme nous le verrons plus loin. Ceci nous permet
de passer à la réflexion sur la situation actuelle des contrôles sur la frontière entre le nord et
le sud du Pays basque, qui, tout comme la fonction idéologique, semble avoir beaucoup
évoluée.
Un des éléments de base de la construction européenne est la libre circulation des
personnes, des services et des capitaux telle que développée dans le Traité de Rome. Cela a
pour effet selon nous de remettre en question la fonction de contrôle de la frontière.
Plusieurs éléments sont à prendre en considération lorsqu’il est question d’aborder cette
fonction. D’abord, voyons l’aspect physique de la fonction. S’il y a une fonction de
contrôle, celle-ci doit transparaître dans le paysage. Ce n’est pas là son aspect essentiel
mais tout de même important dans la mesure où, si un État veut faire des contrôles sur les
73
flux entrants et sortants de sa frontière, il doit y maintenir un minimum d’infrastructures,
douanières entre autres. C’est ce que l’on retrouve habituellement aux postes frontières
entre deux États distincts. La situation dans le contexte européen est particulière comme
nous venons de le mentionner et c’est ce qui peut être démontré grâce au travail de terrain
qui est présenté ici. Dans la vie quotidienne des gens, il ne semble plus s’exercer de
contrôles au passage de la frontière. C’est ce que nous disait M. Iriart dans la même lignée
que Mme Fuertes, lors de nos entretiens à l’été 2004. La figure 14 montre l’état de
désuétude dans lequel se retrouvent les installations de contrôle qui existaient jadis. Cette
route, où s’effectuait une partie de la circulation et son contrôle, est condamnée, l’espace
bitumé s’est transformé en stationnement. Les photos et la carte qui suivent nous
permettent de bien mesurer l’ampleur des transformations qu’a connu cette région et qui
nous permettent d’affirmer qu’il s’est exercé une modification non négligeable de la
fonction de contrôle de la frontière.
Photo : Olivier Beaupré-Gateau, 2004.
Figure 15 : État des installations de contrôle à la frontière entre la France et l’Espagne dans
la région Hendaye-Irun.
74
Photo : Eurocité basque, sans date, probablement fin des années 80.
Figure 16 : État des infrastructures de contrôle à la frontière entre Hendaye et Irún.
75
Photo : Olivier
Beaupré-Gateau, 2004.
Figure 17 : Le même endroit qu’à la figure 15, on peut y noter l’absence des infrastructures
frontalières.
Source : Bidassoa Bizirik, 2004.
Figure 18 : Détail d’un plan de la région transfrontalière du Bidasoa-Txingudi.
76
Les figures 16 et 17 nous montrent l’état de la frontière aujourd’hui. En les comparant à la
figure 15, on remarque que les postes de contrôles des douanes ont été remplacés par des
espaces gazonnés, à gauche sur la photo (Figure 16). Le panneau de circulation nous permet
aussi de noter la présence d’un rond-point, que nous pouvons apercevoir au loin sur la
photo, et qui est le seul obstacle à la fluidité de la circulation. Derrière le panneau se trouve
le Centre de foire international FICOBA. Ces éléments se retrouvent schématiquement
représentés sur la figure 17, le détail d’un plan de la région distribué par l’Office de
tourisme de la ville d’Irun, Bidasoa Activa. Ces éléments nous permettent de comprendre
l’ampleur de la réorganisation faite à la suite de la levée des contrôles physiques sur les flux
aux frontières. Pour les personnes vivants dans la région, c’est un changement
d’importance. C’est d’ailleurs ce que nous confirmaient certains de nos interlocuteurs en
entrevue sur le terrain à l’été 2004, dont Jean-Claude Iriart qui comparait la situation à dix
ans avant alors que c’était un exploit de traverser la frontière. L’absence de contrôles
physiques joue aussi un rôle non négligeable dans l’évolution de la fonction idéologique de
la frontière. Les infrastructures douanières sont des éléments, des outils de l’administration
permettants d’atteindre le double but du contrôle et du marquage de la discontinuité
politique et géographique du territoire. Les fonctions de contrôle et idéologique se trouvent
donc affaiblies par le démantèlement des infrastructures douanières.
Ces éléments ne nous permettent cependant pas d’affirmer d’une défonctionalisation totale
mais plutôt partielle, pour l’instant, de la fonction de contrôle. Selon les accords de
Schengen, comme nous le mentionnait Pilar Fuertes du Consorcio Bidassoa-Txingudi, il ne
doit plus y avoir de contrôles effectués aux frontières internes de cet espace. Cependant,
bien que ce soit le cas dans la vie quotidienne ou dans la situation habituelle de la frontière,
il nous apparaît hasardeux d’affirmer qu’il n’existe plus de fonction de contrôle. De plus,
comme Mme Fuertes l’expliquait, les contrôles physiques à la frontière peuvent être
réinstallés dans les situations extrêmes comme ce fut le cas lors des attentats à Madrid le 11
mars 2004. À cette occasion, des barrages routiers ont été installés et des contrôles
d’identités ont été effectués de façon systématique par les policiers. Cette forme de contrôle
se fait dans un état d’esprit différent qu’à l’époque où la frontière était plus imposante
puisqu’il existe une forte collaboration entre les services policiers et judiciaires des deux
77
côtés de la frontière. Ainsi, «physiquement» il n’y semble plus y avoir de frontière, comme
l’affirmait Mme Morena.
Cependant, la notion de contrôle ne se limite pas à la vérification physique des passages de
la frontière. Elle peut avoir pour but de maintenir une connaissance des flux qui traversent
la frontière sans pour autant avoir le dessein d’entraver leur circulation. Les auteurs
Guichonnet et Raffestin s’attardent dans leur modèle à définir la fonction de contrôle de la
frontière comme ayant pour dessein de surveiller les hommes et les biens qui franchissent
la frontière. Ils se limitent à l’expliquer par les mesures entourants l’immigration. Dans le
contexte européen actuel, cette analyse de la fonction de contrôle nous semble désuète.
Cela ne veut pas pour autant dire qu’elle n’existe plus.
Il est alors nécessaire de mieux définir ce que représente la fonction de contrôle dans le
cadre qui nous intéresse ici. Elle ne se limite pas à son caractère physique assimilable à un
certain niveau de contrainte. Il est possible de définir ce concept dans sa notion de
vérification, de connaissance, de surveillance passive des activités entourants la frontière.
C’est là où la fonction de contrôle, qui aurait pour but de permettre aux administrations
publiques de maintenir une gestion éclairée des flux frontaliers, est intimement liée aux
aspects institutionnels dont nous ont fait part les personnes rencontrées lors de la période de
terrain, et confirmés par les documents étudiés précédemment. Le contrôle ne s’exerce plus
physiquement sur le lieu concret de la frontière, mais les activités transfrontalières restent
soumises à une forme de contrôle par les administrations. Le cas du transport en commun
transfrontalier tel qu’il est expliqué dans les études parcourues, doit se soumettre à des
procédures administratives qui permettent aux États de maintenir un contrôle sur les
activités de transport qui traversent leur frontière. La législation permet aux transporteurs
d’effectuer des circuits transfrontaliers mais, comme cela doit être raisonnablement le cas
pour le transport public intérieur, ils doivent se soumettre à certaines procédures
administratives impliquant l’accord des autorités publiques. Ces procédures administratives
représentent une forme de contrôle. De même, bien que la jurisprudence donne le droit aux
citoyens européens d’avoir accès aux soins de santé dans un pays membre voisin du leur,
nous y reviendrons plus longuement plus tard, ces citoyens doivent se soumettre à des
78
formalités administratives qui représentent une certaine forme de contrôle exercé par les
États. Même si ces formalités sont fort simples et ne sont peut-être pas perçues par les
citoyens comme de réelles contraintes, elles existent et font état d’une fonction de contrôle
tel que nous l’avons défini précédemment. Cet aspect institutionnel de la frontière pourrait
donc représenter, selon nous, un attribut accordé à la frontière afin d’atteindre un but, soit
celui de maintenir une certaine connaissance et une certaine maîtrise des actions à caractère
transfrontalier et qui représente une forme de contrôle. Ainsi nous pouvons prétendre à
l’existence d’une fonction de contrôle mais celle-ci est encore une fois très différente de
celle existant par le passé.
Ceci est directement lié à la fonction légale de la frontière. Cette fonction existe bel et bien,
comme le supposait notre hypothèse. Elle n’est cependant pas la seule, nous venons de le
voir. Ici encore, les éléments institutionnels et administratifs, qui nous ont été présentés
comme une fonction par nos interlocuteurs, nous apparaissent plus comme des attributs
d’une ou plusieurs fonctions. C’est un outil de l’administration publique pour l’exercice
d’une fonction, la fonction de contrôle, mais aussi, dans une certaine mesure, la fonction
légale. Ainsi, à la lumière des résultats et des données recueillies, il semble bien exister une
fonction légale à la frontière franco-espagnole sur le territoire de l’Eurocité basque. Mme
Morena était d’avis qu’il n’existait pas de fonction légale à la frontière. Elle revenait sur les
problèmes administratifs en disant qu’il manque d’outils juridiques adaptés mais que cela
ne constitue pas une frontière «au sens où ça scinde, où la perméabilité est interdite ou
évitée». Nous l’avons vu avec la fonction de contrôle, une fonction peut exister sans pour
autant représenter une contrainte importante aux activités transfrontalière. Ici encore il faut
nuancer. Les modèles utilisés pour entamer la réflexion se montrent une fois de plus
incapables de rendre compte de la réalité dans notre région d’étude. Les auteurs Guichonnet
et Raffestin parlent de la fonction légale signifiant «qu’en deçà d’une ligne politique
démarquée prévaut un ensemble d’institution juridique et de normes qui règlent l’existence
et les activités d’une société politique». Cela est toujours vrai aujourd’hui dans le cas qui
nous intéresse mais il doit être complété par la réalité européenne et l’évolution de la
situation transfrontalière.
79
Dans une certaine mesure, les institutions mais surtout les normes, ne prévalent pas
seulement en-deçà de la ligne mais aussi au-delà. Il semble, à la lumière des résultats
obtenus, que cette fonction se soit «affaiblie». Mme Morena nous expliquait qu’à ses yeux,
il n’y a pas de fonction légale à la frontière puisque «on sait très bien que le droit intervient
plus tard ou postérieurement à la vie, à la réalité.» Les règles de droit sont souvent établies
pour encadrer des pratiques qui sont déjà effectives. Cela va dans le même sens que le
commentaire de M Iriart qui nous expliquait que «Si les choses évoluent, c’est surtout parce
que localement on saura trouver des conditions un peu expérimentales adaptées à la
situation et c’est ça qui forcera le système à évoluer». Ce sentiment est confirmé par le
cahier #4 de la MOT qui affirme que dans le cas de la coopération transfrontalière sanitaire,
les initiatives se sont développées avant et à l’extérieure de cadres institutionnels et que les
administrations, par l’intermédiaire des élus locaux, sont rarement les initiateurs de projets.
Dans le même ordre d’idée, l’étude sur les transports en commun transfrontaliers affirme
que dans beaucoup de cas, l’initiative de la création de lignes de transport transfrontalier
vient des transporteurs eux-mêmes et non des autorités locales. Celles-ci ont dû adapter les
cadres juridiques à une réalité établie antérieurement. Par exemple, la première ligne de
transport dans la région date de 1954 alors que les différentes réglementations datent des
années 1980 et 1990. C’est l’accord de Bayonne de 1995 qui régit de façon générale la
coopération transfrontalière dans la région, ratifié près de 40 ans après l’initiative de la
compagnie ATCRB d’offrir une ligne de transport transfrontalière.
La fonction légale se trouve au centre d’une dynamique multiscalaire qui la force à
s’adapter et qui semble atténuer son importance. P. Gired affirme, et c’est un des éléments
qui motivent notre hypothèse, que même si les frontières peuvent sembler
défonctionnalisées en tout ou en parties, elles continuent à souligner des différences légales,
sans lesquelles s’installerait le chaos. (cf. chap. 3.2.3). Les éléments institutionnels, dont
nous avons déjà parlé, peuvent être interprétés comme des attributs permettants d’atteindre
un but dans la gestion de la frontière en conformité avec notre définition. Les documents
juridiques sont les témoins de la fonction légale de la frontière, principalement dans leurs
80
explications des façons de faire et de fonctionner dans les cas de la coopération
transfrontalière.
Cependant, comme c’était le cas avec la fonction idéologique, la fonction légale semble
prise dans une logique à plusieurs échelles où les intérêts ne sont pas systématiquement les
mêmes. Nous l’avons vu plus haut avec les commentaires de M Iriarte et de Mme Morena
sur le fait que la réalité précède la législation. Mme Morena va encore plus loin, dans le cas
de la gestion des déchets en particulier, en soutenant que c’est la législation européenne qui
exige de nouvelles normes de sécurité. Elle complète son opinion en affirmant
qu’aujourd’hui, au niveau juridique, tout tend vers la simplification simplement parce qu’il
y a le droit communautaire de l’Union européenne qui s’impose à tous. C’est ce que
confirme Jean Claude Iriart en affirmant que les institutions font ce qu’il faut pour se mettre
aux normes européennes. Dans le cas du transport, bien que la compétence soit nationale et
redistribuée aux différentes échelles sur le territoire, il demeure que Bruxelles exerce une
forte influence et qu’elle a dressé une liste de priorités comme c’était le cas avec la gestion
des déchets. À cet égard, Mme Morena nous disait qu’il est relativement simple de
coopérer dans certains domaines parce que les objectifs sont les mêmes de part et d’autre de
la frontière puisque ceux-ci viennent de Bruxelles et non parce que Paris et Madrid ont
décidé d’atteindre des objectifs communs.
Cette fonction légale est encore atténuée par une certaine jurisprudence de la Cours de
justice des communautés européennes. C’est dans le domaine sanitaire, parmi ceux retenus
pour cette étude, que les normes et la jurisprudence pèsent le plus lourd. En particulier avec
les arrêts Kholl et Decker du 28 avril 1998, qui donnent le droit à des ressortissants
européens aux soins ambulatoires dans un autre État membre et leur remboursement par le
système de sécurité sociale. Ceci semble renforcé par les arrêts Smits et Peerboom
(12/07/01) qui soutiennent que les régimes nationaux d’autorisation préalable12 pour
12 Éléments administratifs qui viennent entraver le droit à la libre circulation tel que défendu par le Traité de
Rome. Ces éléments témoignaient, selon nous, d’une fonction de contrôle. C’est aussi ce que l’on
peut interpréter de la décision de la Cours de justice des communautés européenne qui les juge
contraire au principe de libre circulation. La pression de l’échelle européenne se fait donc sentir à la
fois sur la fonction légale et sur celle de contrôle. De plus, par leurs aspects sur les remboursements
des soins reçus à l’étranger, ces arrêts affectent la fonction fiscale de la frontière.
81
bénéficier de soins ou obtenir des produits dans un autre État de l’Union européenne,
représentent des entraves à la libre circulation. Ainsi, même si la santé reste une
compétence nationale, les régimes de sécurité sociale doivent se conformer au droit
communautaire. À cet effet, l’article 152 du Traité d’Amsterdam donne un véritable
pouvoir de décision à l’Union dans certains domaines liés à la santé. C’est le cas aussi dans
le domaine du travail, comme l’explique le guide frontalier (voir chapitre 4.1.2.4), où des
normes européennes s’imposent au droit national dans les façons de gérer les ordres
professionnels par exemple. Ce document explique aussi toute la réglementation
européenne qui protège le travailleur au-delà des limites de l’application du droit national,
venant ainsi contredire la notion de fonction légale de la frontière.
La fonction légale de la frontière est donc prise entre l’arbre et l’écorce, entre des initiatives
de terrain qui la devance et une pression venant de l’échelle supérieure, soit de l’Union
européenne. C’est le cas, nous dit Elena Morena, en particulier dans les domaines où
l’Union a du pouvoir.
Toutefois, cette fonction reste bien réelle au sens où il existe deux systèmes de droit de part
et d’autre de la frontière. L’étude de la MOT sur la coopération transfrontalière sanitaire
affirme que la législation communautaire n’a de légitimité que dans la mesure où elle
s’accorde à la législation nationale. Ceci est corroboré par M Iriart qui nous expliquait que
les institutions nationales font ce qu’il faut pour se mettre aux normes européennes mais
que ceci se fait toujours dans leur cadre propre, par une mise en conformité des outils. Ceci
rend de plus en plus homogène la réglementation d’un côté et de l’autre de la frontière mais
il n’en reste pas moins que cette façon de faire n’affecte pas les modes d’organisation qui
eux, restent entièrement nationaux. Ainsi, même si la réglementation s’harmonise et qu’en
apparence il n’y a plus de fonction légale à cette frontière, dans certains domaines précis
seulement pour le moment, cette frontière existe toujours puisqu’il ne s’agit que de deux
systèmes qui se sont équilibrés mais qui restent entièrement distincts. Il n’est donc pas
possible d’affirmer que la fonction légale de la frontière n’existe plus. Elle s’est
considérablement modifiée, elle s’est adaptée à la nouvelle réalité motivée par l’évolution
du contexte de l’Union européenne. Mais il ne faut pas perdre de vue que la participation
82
des États français et espagnol à l’Union se fait sur une base volontaire et que la
planification et l’organisation des réglementations se font toujours sur une base nationale.
Les cas mentionnés plus tôt où une réglementation communautaire s’impose, elle le fait
avec l’accord général des États et dans des domaines encore restreints. Les outils
juridiques, traités et réglementations qui régulent la coopération transfrontalière sont des
attributs qui témoignent de la présence d’une fonction légale de la frontière. Celle-ci est
nuancée, comme nous venons de l’expliquer par une dynamique multiscalaire, mais il n’en
reste pas moins qu’elle existe. Le schéma qui suit (figure 18) expose les forces en présence
dans le cas de la fonction légale de la frontière. À l’aide de cette schématisation, il est
possible de mesurer l’effet que peuvent avoir les pressions, tant supranationales, venant du
contexte européen, que locales, venant des initiatives de terrain en coopération
transfrontalière, sur la fonction légale.
Figure 19 : La dynamique multiscalaire infléchissant la fonction légale de la frontière.
En apparence, il semble exister une uniformité de la législation qui contredit la définition
de la fonction légale qui veut une séparation de deux modes d’organisation juridiques. En
Normes et jurisprudence européenne
Initiatives locales
Eurocité basque
Espagne
Fx Légale Fx Légale France
Frontière
Fx Légale
Frontière
83
agrandissant le contact frontalier, on se rend bien compte que dans la réalité, même s’il
s’opère une normalisation de la loi dans certains domaines, il s’agit toujours de deux
systèmes distincts. Cela confirme donc le fait qu’il existe une fonction légale mais que sa
définition ne correspond plus à celle dont nous nous sommes inspirés au départ.
Cette dynamique multiscalaire en région transfrontalière s’opère aussi sur la question de la
fonction fiscale de la frontière. La définition de la notion de fonction que nous proposons
nous permet de déceler des éléments permettant de croire à l’existence d’une fonction
fiscale même si celle définie par les modèles de départ ne s’applique plus.
D’abord, plusieurs éléments pratiques nous permettent de pencher vers la conclusion qu’il
n’existe plus de fonction fiscale à la frontière dans la mesure où toute la question des droits
de douane ne se pose plus dans la logique du marché unique européen. C’est un des
éléments de la problématique sur laquelle se base notre étude. Le raffinement de notre
analyse, rendu possible par la précision de la définition du concept de fonction, nous
permet d’aller plus en profondeur dans notre regard critique de l’aspect fiscal de la
frontière. Ainsi, nous recherchons, dans les données recueillies, des éléments qu’il est
possible d’assimiler à des attributs de la frontière ayant pour but de différencier activement
deux systèmes fiscaux. Comme dans le cas de la fonction de contrôle ou de la fonction
légale, c’est au niveau des procédures institutionnelles et administratives que nous allons
trouver les attributs de cette fonction. La liberté de circulation des capitaux à l’intérieur de
l’Union européenne et l’abandon des barrières douanières nous obligent aussi à restreindre
notre recherche à un champ précis, celui de l’argent public. La définition proposée au
chapitre 2.1 supposait la présence d’une fonction fiscale dans la mesure où il y a séparation
entre différents systèmes économiques. C’est en suivant le parcours possible de l’argent
public que nous proposons d’analyser cette fonction.
Au départ, il s’agit de deux États différents donc de deux systèmes d’organisation
différents. Les priorités ne sont pas les mêmes et c’est ce que nous confirmait M. Arbulu de
l’Agence transfrontalière au Gipuzkoa. Une réindustrialisation s’est opérée au sud où la
part de l’exportation dans l’économie est passée à près de 30% dans les dernières années.
Parallèlement à cela, Iparralde est une région périphérique de la France essentiellement
84
axée sur le tourisme. Il s’agit donc de deux économies totalement différentes, répondant à
des objectifs différents. Mais cela serait possible, qu’il y ait une frontière ou non. Toutes les
régions de France ne sont pas vouées essentiellement au tourisme comme toutes les régions
d’Espagne ne sont pas industrielles. Ce qu’il est important de préciser, c’est qu’au même
titre qu’il y a deux systèmes légaux mais des réalités transfrontalières, il existe aussi deux
systèmes fiscaux avec des réalités transfrontalières. C’est ce que démontre de façon assez
précise le guide frontalier que Mme Fuertes nous a remis. D’abord le droit à la libre
circulation permet aux travailleurs de vivre et travailler dans n’importe quel pays membre.
Il permet aussi de vivre et de travailler dans des pays différents. Ainsi, un travailleur peut
vivre en France et travailler au Gipuzkoa. Il y donc potentiellement un transfert d’argent
entre le pays où ce salaire est payé et le pays où il est raisonnable de croire qu’il sera
principalement dépensé, c'est-à-dire le pays de résidence. Aussi, le travailleur et sa famille
ont la possibilité de payer leurs impôts dans le pays de leur résidence même s’ils travaillent
dans un autre pays. Enfin, ils ont le droit à la couverture sociale dans le pays de leur
résidence même s’il est différent de celui de leur travail. Ainsi, de l’argent public peut
circuler de part et d’autre de la frontière en fonction des modalités de cotisations, via
l’employeur ou via les impôts des particuliers. Le cas le plus explicite de ces possibles
transferts d’argent public est le cas des prestations de chômage et des pensions de
vieillesse. Ainsi, la fonction fiscale de la frontière est en quelque sorte soumise à la même
pression de l’échelle européenne qui impose ses normes, nous l’avons déjà vu pour ce qui
est du droit du travail. Cela a des implications au niveau fiscal. Comme nous le disions au
chapitre 4.1.2.4, la réglementation européenne prévoit certaines modalités de protection des
cotisations des travailleurs. Ainsi, un travailleur peut réclamer ses prestations de chômage
dans son pays de résidence même si ce n’est pas le pays dans lequel il a cotisé. En
conséquence, de l’argent que je qualifierais de public, au sens où ce ne sont pas des
capitaux privés, passe par delà la frontière, ou, au minimum, il y a de forts liens entre les
deux systèmes qui mettent en cause la fonction fiscale. L’exemple le plus éloquent de
circulation d’argent reste selon nous les pensions de vieillesse. Il est possible de démontrer,
par un exemple, le parcours plausible des prestations d’un travailleur. Comme il est
expliqué dans le guide frontalier, le droit social européen protège le travailleur afin que ses
85
prestations soient reconnues. Ainsi, supposons qu’un travailleur X travaille 5 ans dans le
pays A, 8 mois dans le pays B, 6 mois au chômage dans le pays C où il n’a jamais travaillé
mais où il réside, il travaille ensuite le reste de sa vie active dans le pays D ou il prend sa
retraite avant de partir dans le pays E après quelques années pour y finir ses jours. À la fin
de sa vie, il réside dans un pays E mais reçoit ses prestations de retraite du pays D puisque
c’est le dernier pays où il a travaillé plus de 12 mois et c’est dans ce pays qu’il s’est inscrit
pour son droit à la retraite. Le pays D lui versera aussi ses prestations pour l’emploi qu’il a
eu au pays B puisqu’il y a travaillé mois de 12 mois mais ses prestations ne sont pas
perdues en vertu du droit social européen. C’est le dernier pays dans lequel le travailleur a
travaillé plus de 12 mois qui doit verser les prestations pour toutes périodes de moins de 12
mois dans un autre pays. Le pays A lui verse aussi ses prestations même s’il réside ailleurs
puisqu’il y a travaillé plus d’un an. Pour ce qui est de sa période de chômage, il avait en
principe le droit de recevoir ses prestations du pays de sa résidence même si ce n’était pas
le pays dans lequel il cotisait. Face à cette situation, rendue possible en vertu du droit social
européen tel qu’il est expliqué dans la documentation étudiée, il est possible d’affirmer que
la fonction fiscale, qui doit séparer deux systèmes fiscaux de part et d’autre de la frontière,
se trouve remise en cause. On ne peut cependant pas parler de défonctionalisation totale,
comme dans les autres cas étudiés ici. La réflexion, jusqu’à présent, nous permet de voir
qu’il existe des forces en présence qui n’ont pas les mêmes assises territoriales que les
systèmes nationaux. Il existe une perméabilité entre les systèmes fiscaux rendue possible
par la pression exercée par l’échelle européenne, comme dans le cas de la fonction légale.
Un autre type de pression est en jeu sur la fonction fiscale et qui remet en cause, non pas
son existence mais au moins son importance. Cette pression vient des expériences de
terrain. Le cas de l’Eurocité doit être mis de côté puisqu’elle n’a aucune compétence pour
mettre en oeuvre des actions, comme le disait Mme Loyer, professeur à l’Université Paris
VIII, lors d’une conversation. Ce fait était confirmé par M. Arbulu et Mme Morena, qui
travaillent tous deux pour l’Eurocité. Cependant, il existe un autre cas de coopération sur le
même territoire, c’est le Consorsio Bidassoa-Txingudi. Lors d’un entretien, Mme Pilar
Fuertes, qui y travaille, nous a expliqué les incidences économiques de cette initiative de
coopération transfrontalière. Selon elle, il existe bien deux systèmes fiscaux différents.
86
Cependant, dans le cas du Consorcio, son financement vient des trois municipalités
membres dans une proportion de 75% au sud (Irún plus Hondarribia) et 25% au nord de la
frontière (Hendaye). Cet argent venant des fonds municipaux, il s’agit d’argent public.
Mme Fuertes explique la façon de fonctionner, il s’agit d’une forme légale espagnole mais
qui est avalisée en Conseil d’État en France, cette procédure administrative fait foi de la
fonction légale de la frontière dans sa dynamique transfrontalière. Il y a bien deux systèmes
nationaux qui ont, d’un commun accord, accepté la création d’un troisième joueur qui lui
aura compétence des deux côtés de la frontière, à une échelle plus locale. Une fois cela fait,
il existe, dans le cas du Consorcio, une unicité territoriale transfrontalière et l’argent public
est redistribué sans préoccupation de la logique de la frontière. Il n’y a donc pas sur ce
territoire, de fonction fiscale à la frontière dans tout ce qui touche les actions du Consorcio.
Évidemment, cela ne permet pas de dire qu’il n’existe pas du tout de fonction fiscale mais
des brèches sont bien réelles quant à son application.
Un troisième élément vient corroborer cette tendance. Il s’agit des investissements
européens, principalement ceux venant des Fonds Interreg. Ceux-ci peuvent venir financer
des projets transfrontaliers dans une proportion de 50% des coûts totaux. C’est le cas de la
coopération transfrontalière sanitaire entre le centre hospitalier de la côte basque et le
complexe hospitalier de San-Sebastián. Il s’agit d’argent européen venant financer des
projets s’étendant de part et d’autre de la frontière et superposant ainsi les systèmes fiscaux
nationaux. Nous pourrions donc reproduire le schéma de la dynamique de la fonction légale
avec la fonction fiscale. Cette dernière est prise en étau entre des volontés européennes
d’uniformisation et des initiatives de terrain qui font circuler de l’argent public
indifféremment de part et d’autre de la frontière, amoindrissant l’importance de l’existence
de deux systèmes.
Cependant, comme le disait entre autres Jean-Claude Iriart, il s’agira toujours de deux
systèmes, deux institutions totalement distinctes et obéissant à des logiques et à des
raisonnements distincts. C’est ce qui lui faisait dire qu’il existait une fonction
institutionnelle à la frontière. Comme nous l’avons démontré, la question institutionnelle
nous semble plus apparaître comme un outil entre les mains de l’État pour mettre en oeuvre
87
les autres fonctions de la frontière. La fonction fiscale nous apparaît aussi être un élément
interrelié à la fonction idéologique. Dans le contexte transfrontalier, il y de l’argent public
qui circule de part et d’autre de la frontière. Quand cet argent touche des domaines à forte
incidence idéologique, la prééminence de la frontière ressort. C’est particulièrement le cas
avec la langue, lorsque des fonds viennent d’Euskadi pour financer des opérateurs
associatifs comme les mouvements des Ikastolas, écoles de langue basque, ce n’est jamais
des choses simples, nous disait M Iriart. Il existe donc une fonction fiscale qui persiste à la
frontière franco-espagnole sur le territoire entre Bayonne et San-Sebastián.
Les déséquilibres entre les niveaux de compétence au nord et au sud de la frontière créent
des discontinuités mais sont assimilables à des effets causés par l’évolution de deux
systèmes d’organisations politiques et géographiques qui s’est faite alors que la frontière
avait beaucoup plus de poids qu’aujourd’hui. Ces effets, comme les différences de
mentalité, ou de culture, peuvent rester et être encore perceptibles même s’il s’avérait que
l’on pourrait défonctionnaliser totalement la frontière. Que les États adoptent des modes
d’organisation institutionnels plus ou moins décentralisés ou déconcentrés est le fruit de
décisions de politique intérieure. Ceux-ci sont généralement basés sur une tradition qui
remonte, pour la France en tout cas, à l’époque de la cristallisation de l’État. Le cas de
l’Espagne est différent puisque son système date de 25 ans environ.
Il ne nous parait pas possible pour l’instant de soutenir que ces partages de compétences
entre différentes échelles de décisions à l’intérieur d’un même État sont réfléchies en
fonction de la coopération transfrontalière. De plus, dans une certaine mesure, les réformes
de l’organisation institutionnelles sont pensées de façon à harmoniser tous les systèmes
européens. Il n’y a donc pas, selon nous, de fonction institutionnelle à la frontière. Il n’est
pas possible de la faire correspondre à la définition que nous avons proposé du concept de
fonction. Quel serait le but de cette fonction ? Séparer deux modes d’organisation politique,
c’est en partie ce que fait la fonction idéologique en créant une discontinuité. Cette fonction
serait l’attribut d’elle-même dans la mesure où nous avons démontré que les éléments
administratifs et institutionnels sont plutôt des outils dont usent les États afin de faire
fonctionner les fonctions de contrôle, les fonctions légales et fiscales de même que la
88
fonction idéologique. Ceci dit, une étude plus approfondie, essentiellement centrée sur cette
question, pourrait certainement arriver à des conclusions différentes.
Confirmation (ou infirmation) de l’hypothèse.
L’hypothèse de départ supposait qu’il existe encore une fonction légale à la frontière entre
le Pays basque nord et le Pays basque sud. Cette hypothèse était doublée de l’affirmation
que c’était la seule qui restait dans le contexte actuel de la construction européenne. La
réflexion que nous venons de faire nous permet de confirmer en partie notre hypothèse.
Comme nous l’avons démontré, la fonction légale, comme étant celle qui signifie
l’existence de deux systèmes législatifs différents existe bel et bien. Ses attributs sont ceux
des processus administratifs et institutionnels, lois, accord et conventions, qui servent à
atteindre le but rechercher. Cette hypothèse était motivée par certaines analyses déjà
mentionnées auxquelles on pourrait ajouter ce qu’écrivaient Guichonnet et Raffestin à
propos de cette fonction : «… on peut penser qu’en l’absence d’un droit unique reconnu
valable par et pour un ensemble de territoires intégrés, la fonction légale serait la dernière à
se maintenir après la disparition de toutes les autres et cela dans l’hypothèse d’une
défonctionnalisation complète des frontières.» (Guichonnet et Raffestin, 1974 :50). La
première affirmation de cette citation nous permet de faire un lien avec le droit européen en
construction. La fonction légale de la frontière ne peut être défonctionnalisée sans qu’elle
ne soit remplacée par un autre système de lois et de normes. Sans cela, il s’installerait une
forme de chaos comme l’écrivait P. Girerd.
La deuxième proposition de notre hypothèse, voulant que les autres fonctions soient
«défonctionnalisées», se trouve infirmée par la recherche. Il existe effectivement d’autres
fonctions à la frontière franco-espagnole sur le territoire de l’Eurocité basque. Celles-ci
sont différentes que celles proposées par les modèles de départ. Il nous faut donc poser les
bases d’un nouveau modèle qui s’applique à la réalité que nous avons étudié. Nous en
sommes venus à la conclusion que trois autres fonctions étaient en oeuvre sur cette
frontière. Il existe une fonction idéologique, une fonction de contrôle et une fonction
fiscale. Elles sont toutes radicalement différentes de ce à quoi nous nous attendions à la
89
lumière des définitions reprises chez les auteurs retenus. Elles se trouvent aussi en voie de
défonctionnalisation au sens ou des pressions se font sentir à différentes échelles pour une
modification de ces fonctions. Ainsi notre hypothèse est donc infirmée par l’existence
d’autres fonctions, mais confirmée dans une certaine mesure, par le maintient des fonctions
légales et fiscales réduites.
Conclusion
Travailler sur la géopolitique des frontières implique un travail de recherche minutieux et
méthodique. La méthode de recherche retenue pour ce travail s’apparente à l’approche
systématique. C'est-à-dire que le but du travail était de décrire et d’expliquer, de la manière
la plus objective possible, les fonctions de la frontière. Le terrain d’études se concentrait
autour d’une agglomération transfrontalière, celle de Bayonne-San-Sebastián,
communément appelée l’Eurocité basque. Le choix de cette dyade vient de plusieurs
sources, principalement le fait qu’il existe une certaine carence dans la littérature sur le
sujet. Il s’agit aussi d’un endroit où s’exerce une dynamique particulière influencée par une
communauté historique répartie de part et d’autre de la frontière. Aussi, étudier une
frontière européenne se justifiait par le fait que l’Union européenne est le regroupement
politico-économique le plus avancé à l’heure actuelle et que son étude peut servir de base
de réflexion pour l’élaboration de systèmes semblables ailleurs. Dans l’optique d’un
approfondissement des relations entre les États membres, la problématique des fonctions
des frontières à l’intérieur de l’Union européenne trouve toute sa pertinence. Il existe un
courant de discours à l’heure actuelle qui tend à démontrer qu’elles n’existent plus. L’un
des buts de cette recherche était donc de comprendre où en sont les fonctions des frontières
sur le territoire de recherche retenu. L’hypothèse de départ voulant qu’il n’existe plus
qu’une fonction légale.
L’objectif général était donc de comprendre les relations qui peuvent exister entre les
fonctions de la frontière et la coopération transfrontalière. Ainsi nous avons pu démontrer
qu’il existe un lien direct entre les fonctions de la frontière et la coopération transfrontalière
dans ce secteur. C’est par l’étude de cette coopération que nous avons pu faire ressortir les
éléments qui nous ont permis de réfléchir et d’apporter des explications sur l’évolution des
fonctions de la frontière. Nous pouvons donc affirmer que l’objectif général a été atteint
dans la mesure où nous avons apporté des éléments d’analyse mettant en lien la frontière et
91
la coopération. C’est à la lumière des données recueillies et de leur discussion que nous
avons pu élaborer les bases d’un modèle des fonctions de la frontière applicable à la dyade
retenue. En ce sens, l’objectif spécifique de reconnaissance des fonctions dans ce secteur a
lui aussi été atteint. Nous avons reconnu quatre fonctions principales à cette frontière, soit
une fonction idéologique, une de contrôle, une légale et enfin une fonction fiscale. Chacune
d’elle se trouve en relation avec la coopération transfrontalière et est ainsi impliquée dans
une dynamique multiscalaire. Cette dynamique à plusieurs échelles implique l’action de
plusieurs acteurs que nous avons identifié, en conformité avec un autre de nos objectifs de
départ. Ceux-ci ont été cartographiés et analysés au chapitre 3.3. Ces fonctions se trouvent
par contre différentes de celles proposées par les modèles de départ. Chacune est redéfinie
par le contexte particulier du territoire de recherche. Nous avons vu que la fonction légale
subissait une pression des initiatives de coopération transfrontalière au niveau local qui sont
souvent développées avant et à l’extérieur des cadres juridiques, forçant ceux-ci à s’adapter.
Cette fonction subit aussi de la pression de l’échelle européenne où des normes et une
jurisprudence tendent à infléchir les systèmes nationaux. La même dynamique entre les
échelles semble transparaître à l’étude des autres fonctions découvertes comme la fonction
fiscale ou la fonction de contrôle.
Les principaux objectifs ont donc été atteints, mais ce travail ne s’est pas fait sans heurts.
Comme dans tout travail de recherche, nous avons été confrontés à des problèmes de
logistique et de faisabilité tout comme à des problèmes de méthodologie. Suite à la période
de terrain nous avons été confrontés à un problème de méthodologie centrale pour notre
recherche. À la lumière des premières analyses des données de terrain, nous avons mesuré
l’importance de préciser la définition du concept de fonction. Il semblait y avoir une
confusion chez nos interlocuteurs entre la notion de fonction et celle d’effet de la frontière.
Suite à un rapide recensement de la littérature nous en sommes venus à proposer une
définition précise de ce que nous entendions par fonction de frontière. Ainsi, nous
soutenons qu’il y a fonction dans la mesure où il y a intention et action des autorités
politiques pour atteindre un but. C’est sur la base de cette nouvelle définition que nous
sommes parvenus à élaborer le modèle que nous proposons ici. Cette définition du concept
de fonction demande cependant à être raffinée. Le but de cette étude n’étant pas
92
précisément de traiter de ce concept de façon théorique, le débat reste ouvert sur la
possibilité d’aller plus en profondeur dans l’étude du concept en lui-même. Ce présent
travail n’a pas la prétention d’avoir atteint la vérité à ce sujet mais bien d’avoir ouvert la
porte à d’autres travaux sur la précision et la définition des concepts utilisés par la
géopolitique des frontières. Pour qu’un travail comme celui entrepris ici ait vocation à être
scientifique, il doit, entre autres, se baser sur des concepts qui ont fait leurs preuves et dont
la définition est reconnue.
Un deuxième problème de méthodologie, plus technique celui-ci, a été rencontré. La
période de terrain choisit n’a pas permis de recueillir autant de données qu’il aurait été
souhaitable. Cette carence a déjà été mentionnée lors de la présentation des résultats, il n’en
demeure pas moins qu’il est nécessaire d’en préciser les retombées. Pour des raisons
techniques, la période de recherche sur le terrain a dû s’effectuer lors de la saison estivale.
Malheureusement, comme une partie des personnes ciblées travaillent dans des
administrations publiques, il est plus difficile de les rencontrer puisque ces administrations
fonctionnent au ralenti durant l’été. C’est particulièrement le cas en France. Ainsi, nous
pouvons affirmer qu’il aurait été appréciable de pouvoir recueillir plus de données, en
entrevue en particulier, pour donner des assises encore plus solides à notre discussion.
Malheureusement, ce type de contrainte est hors de notre contrôle et nous devons composer
avec. La quantité de données recueillies est tout de même suffisante pour arriver à
développer un argumentaire défendable. Plus de données auraient certainement confirmé
plus explicitement les conclusions auxquelles nous sommes parvenus.
Ces conclusions méritent cependant d’être nuancées. Des indicateurs ont été retenus dès le
départ afin de servir de base pour la recherche de données et pour centrer la réflexion.
L’argument retenu pour justifier ces indicateurs, la coopération transfrontalière sanitaire et
le transport transfrontalier, était basé sur une disponibilité de matériel et de données.
Cependant, cette disponibilité des données témoigne d’une activité plus grande dans ces
domaines comparativement à d’autres. Ainsi, il serait juste de préciser qu’il peut exister un
certain biais dans les conclusions auxquelles nous sommes arrivés, influencés par cette
quantité plus importante de travail effectué dans ces domaines particuliers. Si nous avions
93
pris des secteurs d’activités où peu ou pas de recherches ont été effectuées, nous serions
peut-être arrivés à des conclusions différentes. Dans le cas de la gestion des déchets dans
une optique transfrontalière, rien ne semble avoir été fait depuis l’étude dont nous avons
parlé au chapitre 4.1.2.3. Cela peut témoigner de la présence plus importante des fonctions
de la frontière dans certaines activités transfrontalières. Les domaines retenus sont
probablement ceux dans lesquels la frontière a le moins d’incidence, où elle est le plus
«défonctionnalisée». Cette réalité doit être prise en compte et il apparaît important de
mentionner que, dans le cas de prochaines recherches effectuées sur la frontière, ce type de
biais possible puisse être pris en compte. Il serait donc intéressant de refaire la même
recherche mais en s’attardant à des domaines où peu de coopération transfrontalière est
effectuée et de voir si la frontière y joue un rôle important ou si c’est plutôt un manque de
volonté des acteurs concernés qui fait que peu de travail a été réalisé dans ces domaines.
Enfin, il est utile de mentionner que cette étude n’est que le début d’un travail potentiel de
compréhension de la frontière entre la France et l’Espagne au Pays basque. Les conclusions
qu’il nous est possible de tirer ici restent basées sur un travail relativement général.
Chacune des fonctions reconnues à cette frontière est susceptible de faire l’objet d’un
travail de recherche distinct. Il serait intéressant de pouvoir approfondir chaque fonction à
l’aide de ressources spécialisées dans chaque domaine auquel elles se rattachent. Ainsi,
accompagné de ressources en droit, il serait possible de consacrer une étude uniquement à
la compréhension de la fonction légale de la frontière. Les quelques éléments de
jurisprudence et de droit européen mériteraient de se retrouver au coeur d’un travail de
recherche en géopolitique du droit transfrontalier. De même pour les autres fonctions
découvertes et expliquées brièvement. Ce travail se veut donc une introduction à la
dynamique géopolitique de la frontière et ouvre la porte à de nombreuses autres recherches
pour approfondir cette connaissance que nous avons de la frontière. Et non seulement la
dyade dont il est question ici, puisque la méthodologie utilisée nous permet de croire
qu’elle peut être adaptée à d’autres portions de frontière.
94
ANNEXES
95
Annexe 1 Carte et données du Pays basque
Figure 20 : Carte représentant les 7 provinces basques. Source : www.tlfq.ulaval.ca
Figure 21 : Tableau des données sur les sept provinces. Source : www.tlfq.ulaval.ca
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Annexe 2 Étendue des zones bascophones
Figure 22 : Représentation des zones d’utilisation de la langue basque dans l’histoire.
Réalisation : Olivier Beaupré-Gateau et Frédéric Dion d’après une carte de Laurier Turgeon, 1997.
97
Annexe 3 Vote nationaliste et zones bascophones
Figure 23 : Zones d’utilisation de la langue basque aujourd’hui. Réalisation : Olivier
Beaupré-Gateau et Frédéric Dion d’après une carte de Laurier Turgeon, 1997.
98
Figure 24 : Représentation cartographique des résultats obtenus par le parti nationaliste Herri Batasuna en 1996. Source : Barbara Loyer,
Géopolitique du Pays basque, 1997.
La comparaison des figures 23 et 24 nous permet de croire qu’il existe une corrélation entre l’utilisation de la langue basque et le vote
nationaliste. La figure 24 représente les trois provinces formants Euskadi (Biscaye, Guipuzkoa et Alava). La zone bleue de la figure 23
correspond relativement à la zone de la figure 24 où l’on a vu le plus de secteurs où le vote nationaliste radical a obtenu plus de 20%
des suffrages. Herri Batasuna représente la voie la plus radicale du mouvement politique nationaliste dans la Communauté autonome
d’Euskadi. Le Guipuzkoa est fortement bascophonne et est aussi une région électorale propice aux partis plus radicaux.
99
Annexe 4 Extrait du statut d’autonomie du Pays basque
TÍTULO I
(De las competencias del País Vasco)
Art. 10.-La Comunidad Autónoma del País Vasco tiene competencia exclusiva en las siguientes
materias:
1. Demarcaciones territoriales municipales, sin perjuicio de las facultades correspondientes a los
Territorios Históricos, de acuerdo con lo dispuesto en el artículo 37 de este Estatuto.
2. Organización, régimen y funcionamiento de sus instituciones de autogobierno dentro de las
normas del presente Estatuto.
3. Legislación electoral interior que afecte al Parlamentó Vasco, Juntas Generales y Diputaciones
Forales, en los términos previstos en el presente Estatuto y sin perjuicio de las facultades
correspondientes a los Territorios Históricos, de acuerdo con lo dispuesto en el artículo 37 del mismo.
4. Régimen local y Estatuto de los Funcionarios del País Vasco y de su Administración Local, sin
perjuicio de lo establecido en el artículo 149.1.18.ª de la Constitución.
5. Conservación, modificación y desarrollo del Derecho Civil Foral y especial, escrito o
consuetudinario, propio de los Territorios Históricos que integran el País Vasco y la fijación del ámbito
territorial de su vigencia.
6. Normas procesales y de procedimientos administrativo y económico-administrativo que se deriven
de las especialidades del derecho sustantivo y de la organización propia del País Vasco.
7. Bienes de dominio público y patrimoniales cuya titularidad corresponda a la Comunidad Autónoma,
así como las servidumbres públicas en materias de sus competencias.
8. Montes, aprovechamientos y servicios forestales, vías pecuarias y pastos, sin perjuicio de lo
dispuesto en el artículo 149.1.23.ª de la Constitución.
9. Agricultura y ganadería, de acuerdo con la ordenación general de la economía.
10. Pesca en aguas interiores, marisqueo y acuicultura, caza y pesca fluvial y lacustre.
11. Aprovechamientos hidráulicos, canales y regadíos cuando las aguas discurran íntegramente
dentro del País Vasco, instalaciones de producción, distribución y transporte de energía, cuando este
transporte no salga de su territorio y su aprovechamiento no afecte a otra provincia o Comunidad
Autónoma; aguas minerales, termales y subterráneas. Todo ello sin perjuicio de lo establecido en el
artículo 149.1.25.ª de la Constitución.
12. Asistencia social.
13. Fundaciones y Asociaciones de carácter docente, cultural, artístico, benéfico, asistencial y
similares, en tanto desarrollen principalmente sus funciones en el País Vasco.
14. Organización, régimen y funcionamiento de las Instituciones y establecimientos de protección y
tutela de menores, penitenciarios y de reinserción social, conforme a la legislación general en materia
civil, penal y penitenciaria.
15. Ordenación farmacéutica de acuerdo con lo dispuesto en el artículo 149.1.16.ª de la Constitución,
e higiene, teniendo en cuenta lo dispuesto en el artículo 18 de este Estatuto.
16. Investigación científica y técnica en coordinación con el Estado.
100
17. Cultura, sin perjuicio de lo dispuesto en el artículo 149.2 de la Constitución.
18. Instituciones relacionadas con el fomento y enseñanza de las Bellas Artes. Artesanía.
19. Patrimonio histórico, artístico, monumental, arqueológico y científico, asumiendo la Comunidad
Autónoma el cumplimiento de las normas y obligaciones que establezca el Estado para la defensa de
dicho patrimonio contra la exportación y la expoliación.
20. Archivos, Bibliotecas y Museos que no sean de titularidad estatal.
21. Cámaras Agrarias, de la Propiedad, Cofradías de Pescadores, Cámaras de Comercio, Industria y
Navegación, sin perjuicio de la competencia del Estado en materia de comercio exterior.
22. Colegios Profesionales y ejercicio de las profesiones tituladas, sin perjuicio de lo dispuesto en los
artículos 36 y 139 de la Constitución. Nombramiento de Notarios de acuerdo con las Leyes del Estado.
23. Cooperativas, Mutualidades no integradas en la Seguridad Social y Pósitos, conforme a la
legislación general en materia mercantil.
24. Sector público propio del País Vasco en cuanto no esté afectado por otras normas de este
Estatuto.
25. Promoción, desarrollo económico y planificación de la actividad económica del País Vasco de
acuerdo con la ordenación general de la economía.
26. Instituciones de crédito corporativo, público y territorial y Cajas de Ahorro, en el marco de las
bases que sobre ordenación del crédito y la banca dicte el Estado y de la política monetaria general.
27. Comercio interior, sin perjuicio de la política general de precios, la libre circulación de bienes en el
territorio del Estado y de la legislación sobre defensa de la competencia. Ferias y mercados interiores.
Denominaciones de origen y publicidad en colaboración con el Estado.
28. Defensa del consumidor y del usuario en los términos del apartado anterior.
29. Establecimiento y regulación de Bolsas de Comercio y demás centros de contratación de
mercancías y de valores conforme a la legislación mercantil.
30. Industria, con exclusión de la instalación, ampliación y traslado de industrias sujetas a normas
especiales por razones de seguridad, interés militar y sanitario y aquellas que precisen de legislación
específica para estas funciones, y las que requieran de contratos previos de transferencia de tecnología
extranjera. En la reestructuración de sectores industriales corresponde al País Vasco el desarrollo y
ejecución de los planes establecidos por el Estado.
31. Ordenación del territorio y del litoral, urbanismo y vivienda.
32. Ferrocarriles, transportes terrestres, marítimos, fluviales y por cable, puertos, helipuertos,
aeropuertos y Servicio Meteorológico del País Vasco, sin perjuicio de lo dispuesto en el art. 149.1.20.ª
de la Constitución, Centros de contratación y terminales de carga en materia de transportes.
33. Obras públicas que no tengan la calificación legal de interés general o cuya realización no afecte a
otros territorios.
34. En materia de carreteras y caminos, además de las competencias contenidas en el apartado 5,
número 1, del artículo 148 de la Constitución, las Diputaciones Forales de los Territorios Históricos
conservarán íntegramente el régimen jurídico y competencias que ostentan o que, en su caso, hayan de
recobrar a tenor del artículo 3.º de este Estatuto.
35. Casinos, juegos y apuestas, con excepción de las Apuestas Mutuas Deportivas Benéficas.
36. Turismo y deporte. Ocio y esparcimiento.
37. Estadística del País Vasco para sus propios fines y competencias.
101
38. Espectáculos.
39. Desarrollo comunitario. Condición femenina. Política infantil, juvenil y de la tercera edad.
Art. 11.
1. Es de competencia de la Comunidad Autónoma del País Vasco el desarrollo legislativo y la ejecución
dentro de su territorio de la legislación básica del Estado en las siguientes materias:
a) Medio ambiente y ecología.
b) Expropiación forzosa, contratos y concesiones administrativas, en el ámbito de sus
competencias, y sistema de responsabilidad de la Administración del País Vasco.
c) Ordenación del sector pesquero del País Vasco.
2. Es también de competencia de la Comunidad Autónoma del País Vasco el desarrollo legislativo y
la ejecución dentro de su territorio, de las bases, en los términos que las mismas señalen, en las
siguientes materias:
a) Ordenación del crédito, banca y seguros.
b) Reserva al sector público de recursos o servicios esenciales, especialmente en caso de
monopolio, e intervención de Empresas cuando lo exija el interés general.
c) Régimen minero y energético. Recursos geotérmicos.
Chapitre 4, article 37, alinéa 3, sur les compétences exclusives des provinces à
l’intérieur de la Communauté autonome.
3. En todo caso tendrán competencias exclusivas dentro de sus respectivos territorios
en las siguientes materias:
a) Organización, régimen y funcionamiento de sus propias instituciones.
b) Elaboración y aprobación de sus presupuestos.
c) Demarcaciones territoriales de ámbito supramunicipal que no excedan los límites
provinciales.
d) Régimen de los bienes provinciales y municipales, tanto de dominio público como
patrimoniales o de propios y comunales.
e) Régimen electoral municipal.
Todas aquellas que se especifiquen en el presente Estatuto o que les sean transferidas. 13
13 El estatudo de autonomía del país vasco, signé par le roi Juan Carlos1 d’Espagne et le président du
gouvernement, Adolfo Suárez González.
102
Annexe 5 Les thèmes de la coopération transfrontalière sanitaire.
Figure 25 : Coopération transfrontalière sanitaire et médico-sociale : Frontière espagnole. Réalisation : Olivier Beaupré-Gateau d’après une carte
de la MOT, 2000.
103
Annexe 6. Les différents pôles de transport de l’Eurocité
Figure 26 : Le territoire de l’Eurocité et ses deux aéroports et ses deux ports en eau profonde. Réalisation : Olivier Beaupré-Gateau d’après
une carte de SUA Edizioak.
104
Annexe 7 : Verbatim des entretiens et résumés des documents
reçus
Comptes rendus des entretiens
Il s’agit dans cette annexe, de présenter en résumé les principaux arguments des
personnes interrogées à l’été 2004 lors du passage dans la région de Bayonne-San-
Sebastián. Il est à noter que plusieurs entretiens souhaités n’ont pas pu être menés.
Malgré des relances lors du retour à Québec en septembre, des personnes ressources dont
les opinions auraient pu être pertinentes ne contribuent pas à enrichir les données de la
recherche. Il s’agit essentiellement de Monsieur Jean-Marie Blanc de la région Aquitaine
pour l’implication du Fond Aquitaine-Euskadi dans les projets autour de l’Eurocité, de
Mme Lide Urraiztieta du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques, de M. Bernard
Lousteau et de M. Patxi Lopez de Tejada, respectivement du Barreau de Bayonne et
Donostia, qui travaillent à l’Observatoire juridique transfrontalier, et qui auraient pu
apporter des éclaircissements importants sur tous les aspects légaux de la frontière.
Cependant, il nous a été possible d’en rencontrer d’autres dont les témoignages très
pertinents sont la base des données de ce travail. C’est ce qui est présenté ci-après.
Comme il s’agit d’entrevues ouvertes, nous avons tenté de reproduire ici l’esprit de la
discussion le plus fidèlement possible. Dans le cas d’entretiens avec des hispanophones,
certaines formes du langage ont été maintenues afin de respecter le plus possible
l’authenticité du discours et éviter les biais d’une interprétation. Toutefois, les erreurs
manifestes ont été corrigées.
Résumé de l’entrevue avec Dani Arbulu de l’Agence transfrontalière de la
députacion forale de Gipuzkoa. Donostia, le vendredi 16 juillet 2004
(Entretient conduit en français avec un interlocuteur de langue castillane)
«Comme vous savez nous sommes un même territoire, un territoire basque mais divisé
par une frontière. Nous appartenons à deux États très centralisateurs que sont l’État
105
espagnol et l’État français et toutes les choses sont produites en pensant le centre de
l’État.»
Sous la dictature, l’État espagnol s’est développé en fonction de Madrid, et ce fut la
même chose pour la France en direction de Paris. «Avec la disparition de la frontière,
nous avons constaté toutes ces divergences, toute cette [duplication]». Deux ports, deux
aéroports, aucune coordination dans les transports pour un point de passage obligé, sur
deux possibles, dans les Pyrénées. Une grande partie du transport routier de la péninsule
ibérique à destination du nord passe par-là. M. Arbulu parle d’une augmentation annuelle
de 10% du transport routier.
À cela s’additionne un développement économique très différent. Une réindustrialisation
au sud permet de passer les moyennes des indicateurs sociaux de l’Europe et d’augmenter
à près de 30% la part de la production vers l’exportation. En conséquence, les deux
développements urbanistiques sont très différents puisque le nord s’est développé en lien
avec les services liés au tourisme.
Ainsi : «Ce que nous voulons faire c’est bâtir un territoire avec une logique conjointe en
évitant les dysfonctionnements et en profitant de la synergie que nous donnent nos deux
systèmes.» «Ça suppose que nous devons faire une [continuité entre] nos deux aéroports,
nos deux ports, que les routes doivent être annexées avec une optique européenne…» Le
problème est que l’Agence transfrontalière n’a pas les compétences pour mettre en oeuvre
les projets. Elle doit donc asseoir autour d’une table ceux qui ont ces compétences et les
intéresser dans les différents problèmes de l’Eurocité basque. C’est ce que fait le Livre
blanc, qui énonce les grandes lignes de travail de l’Eurocité, logée sur un territoire
tranché par l’ancienne frontière.
M. Arbulu est d’avis que les plus gros problèmes aujourd’hui sont d’ordre culturel,
mental et linguistique. Par exemple, il est très soucieux de la disparition presque totale de
l’étude du français chez lui. C’est l’anglais qui prend le dessus. Pour ce qui est du
fonctionnement de l’Eurocité à l’interne, «Nous avons une règle de travail qui fait que
chacun doit parler dans sa langue mais comprendre la langue de l’autre, c’est notre règle
systématique de travail.»
106
Par contre, il est conscient de la différence administrative, une grande décentralisation du
côté espagnol et le contraire du côté français. Le but est de savoir qui a les compétences,
et de les faire travailler ensemble.
Pour ce qui est des questions concrètes comme le transport en commun, M. Arbulu dit
que ça fait dix ans qu’il travaille sur la coopération transfrontalière et que selon lui les
implications pratiques sont des choses qui vont venir à moyen terme. Les problèmes
actuels sont issus du fait d’une matrice de voies ferrées différentes et d’un système
électrique différent. Le projet présent pour arriver à un système de transport unique entre
Bayonne et San-Sebasián est de signer un accord avec les services de chemins de fer
français et basques pour que chaque jour un train arrive de Bayonne et San-Sebastián en
même temps à Hendaye. «De cette manière, c’est comme un petit métro.» Il arrivera le
jour où ce sera le même train qui partira de San-Sebastián et qui arrivera à Bayonne.
Sur l’aspect fiscal de la frontière M. Arbulu explique qu’en ce moment, les impôts directs
sont plus élevés en Espagne mais que les impôts indirects sont plus élevés en France.
«L’avenir au niveau de l’Europe arrivera à équilibrer cette situation. C’est dans la logique
européenne.» Il conclut l’entretien en affirmant que : «Nous voulons bâtir une ville
normale avec une mairie. L’avenir de la gouvernance passe dans les travaux en réseaux.»
Résumé de l’entrevue avec Pilar Fuertes du Consorcio Bidassoa-Txingudi, le
vendredi 23 juillet, Irun.
(Entrevue conduite en français avec une interlocuteure de langue castillane)
«De façon générale, avec les nouvelles générations, il y a des choses qui changent mais
d’autres restent. Les identités culturelles font parfois stagner des projets. Ceci fait parfois
dépasser les temps de réalisation et les administrations qui ne travaillent pas directement
dans le transfrontalier ont parfois du mal à le comprendre.» Ces blocages ne sont pas
directement attribuables à des contextes administratifs ou de gestion. «Il y a des
perceptions et des manières de voir qui sont différentes et qui parfois s’affrontent.»
Cependant elle est consciente qu’il s’agit d’effets résiduels qui vont perdurer encore
longtemps.
107
Toutefois, Mme Fuertes reconnaît qu’il y a toujours une façon de faire de l’administration
basque et une de l’administration française mais que c’est de plus en plus flexible, de plus
en plus européen. «Indéniablement, le jacobinisme à la française s’ouvre à l’esprit
européen, surtout depuis quatre ans», dit-elle. Du côté basque il y a une volonté d’action
locale qui gène parfois du côté français, qui doit attendre le soutien des administrations
supérieures. Il s’agit là, selon elle, plus de la tradition de faire française que d’une
véritable fonction de la frontière.
Sur la fonction militaire de la frontière, Mme Fuertes est d’avis que : «La frontière n’a
pas été fermée [après les attentats du 11 mars 2004] parce que c’est illégal. Soit on
applique l’accord Schengen, soit on ne l’applique pas. On ne peut pas, c’est très difficile,
ce n’est pas politiquement correct, on va dire, de fermer une frontière si on respecte
l’accord de Schengen. Justement l’accord de Schengen interdit la fermeture d’une
frontière.» Les contrôles ont été renforcés, de façon armée, mais toujours en collaboration
avec la police française. Ça a beaucoup évolué, il y a toujours une fonction militaire,
policière mais dans le cadre d’une collaboration interpolicière et interjuridique. Les
accords de Schengen sont ceux qui ont mis les jalons de cette coopération et qui imposent
un certain nombre de critères.
Ensuite, sur la fonction fiscale de la frontière, Mme Fuertes affirme qu’il existe deux
systèmes fiscaux. Pour ce qui est du Consorcio, son financement est essentiellement
municipal (80%). 75% venant des communes basques espagnoles et 25% de la commune
d’Hendaye en France. De 10 à 30 000 euros par an viennent du Fonds Aquitaine-Euskadi.
Les Fonds Interreg leurs échappent. Les investissements pour des projets se font au cas
par cas.
Suivant la logique de population (50 000 à Irún, 15 000 à Hondarribia et 11 000 à
Hendaye) «c’est clair qu’il y a plus de dépenses d’un côté que de l’autre.» Mais le tout
reste très variable. La Fête de la baie de Txingudi était financée 1/3 chacun alors que pour
une brochure, le financement suit la logique du 25% 25% 50%. Enfin, Mme Fuertes
termine sur la possibilité qu’il y ait du financement public hors des territoires nationaux
en expliquant ceci : «On part de la logique que c’est un consortio, même si c’est de droit
108
espagnol, il est avalisé par le Conseil d’État français. Il suit la logique du territoire
Bidassoa-Txingudi.»
Résumé de l’entrevue avec Elena Morena de l’Agence transfrontalière de la
CABAB. Bayonne, le jeudi 29 juillet 2004
Mme Morena travaille dans le secteur public entre collectivités locales où elle trouve que
la frontière se manifeste encore, mais surtout au niveau mental, pas tellement physique, et
ce malgré le fait que cette région bénéficie d’une culture commune qui peut rapprocher
facilement les gens. La frontière linguistique est selon elle le principal obstacle à la
coopération.
Elle est d’avis qu’il n’y a pas de réelle frontière aux niveaux juridique et administratif. Il
peut exister des obstacles mais pas «une vraie frontière au sens où ça scinde, où la
perméabilité est interdite ou évitée.» Elle est consciente qu’il existe des obstacles mais
qui viennent du fait qu’il y a deux systèmes qui obéissent à deux raisonnements différents
et qui, dans les circonstances actuelles, doivent coopérer. Il y a des obstacles
administratifs, il manque des outils juridiques adaptés à la réalité. Elle affirme cependant
qu’ : «On sait très bien que le droit intervient plus tard ou postérieurement à la vie, à la
réalité.» Ainsi, on peut coopérer, développer de nouveaux outils mais ce qui compte c’est
la volonté de coopérer et non les outils.
Malgré la coopération, Mme Morena pense que c’est au niveau de la mentalité qu’il reste
une frontière. Malgré la culture commune, il reste des rivalités et pas seulement au niveau
transfrontalier mais aussi intercommunal. Cet aspect se manifeste spécialement au niveau
sanitaire, au niveau des soins de santé. Elle explique ce problème par un exemple : «il y
avait un projet intéressant mais qui demande beaucoup de temps de préparation; c’était de
pouvoir faire opérer des malades français à San-Sebastián parce que leur hôpital est très
moderne en matière de cardiologie et qu’ici il faut monter carrément à Bordeaux. Donc,
en cas d’urgence, San-Sebastián est à 50 Km et Bordeaux est à 200 Km. Pour un malade
français, c’est plus difficile d’accepter d’aller se faire soigner ou opérer dans un autre
pays.»
Elle est d’avis qu’il est possible de coopérer dans tous les domaines, dans la mesure où
on est en partenariat avec ceux qui ont la compétence. L’Agence transfrontalière de
109
l’Eurocité basque n’a pas de compétence propre, elle ne peut pas imposer ses opinions.
La méthode de fonctionnement consiste à inviter autour d’une table ceux qui ont la
compétence dans un projet bien défini. Le rôle de l’Agence est de dire que dans ce
domaine il faudrait agir à cette échelle, que la question pose ces problèmes et ces
avantages. « On n’oblige personne, c’est simplement leur dire prenez en compte cette
échelle, de réfléchir à ce niveau.» Le but de l’Eurocité est donc de réaliser ce qui est
préconisé dans le Livre blanc.
Elle explique alors le cas particulier de la gestion des déchets :« Par exemple la
métropole verte, en matière d’environnement, par exemple en matière de déchets, la
gestion des déchets, à l’époque c’était la Communauté d’agglomération qui avait la
compétence pour le BAB, la députación a une compétence de planification, on s’est dit ce
serait bien parce que par rapport à la législation communautaire qui exige de nouvelles
normes de sécurité concernant les déchets, ce serait bien peut-être de faire une étude, de
voir si on ne peut pas traiter les déchets ménagers en commun ou pas. Voilà, c’est un peu
de réflexion au lieu de dire on s’arrête à la frontière parce que c’est un autre État, ça ne
nous concerne pas. Non, on essaie de passer au-delà et de se dire ça peut nous intéresser
de traiter ce problème commun ensemble, et là, ce qu’on fait, c’est qu’une fois qu’on a eu
la réflexion ou l’idée, de se dire maintenant qui c’est qui est concerné par ce problème, on
convoque une réunion et on essaie d’en tirer quelque chose.»
Elle admet cependant qu’il existe un problème institutionnel : «Ici oui, là-bas non, là-bas
il y a une régionalisation plus importante. En France, pratiquement tous les échelons
administratifs doivent être associés.»
Elle revient sur la fonction institutionnelle et juridique de la frontière en précisant que :
«Ce qu’il y a c’est qu’aujourd’hui au niveau juridique, administratif, tout tend vers la
simplification simplement parce qu’il y a le droit communautaire de l’Union européenne
qui s’impose à tous.» Dans l’exemple des déchets cette réalité se reflète. C’est
relativement simple parce que les objectifs sont les mêmes mais parce qu’ils viennent de
Bruxelles et non parce que Paris et Madrid en avaient décidé ainsi. Ça se voit surtout
dans les domaines où la Commission européenne a beaucoup de pouvoirs, dit-elle.
110
Ensuite, elle voit des réminiscences d’une fonction idéologique accordée à la frontière.
Pas autant que dans la période de la dictature, mais il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui
Euskadi est majoritairement gouverné par des nationalistes dont le souhait est d’afficher
l’unité du Pays basque. Cette fonction se traduit au nord, selon Mme Morena, par
l’absence de statut officiel de l’Euskara ou dans la valeur simplement folklorique ou
culturelle accordée aux symboles qui ont une valeur officielle en Gipuzkoa, comme
l’Ikurina par exemple. Par contre elle est consciente de la charge idéologique du projet de
l’Eurocité : «quand on dit qu’on travaille sur le projet d’Eurocité basque, même si on sait
très bien que c’est un projet d’unification (l’Eurocité commence à Bayonne et fini à San-
Sebastián grosso modo) ce qu’on essaie de faire c’est d’obéir à des logiques naturelles de
la vie de tous les jours qui font que c’est plus raisonnable de penser à cette échelle que de
penser à l’échelle plutôt… je dis comme ça Bayonne et Bordeaux. C’est une autre
distance, une autre réalité, ça échappe au quotidien.»
Dans ce sens, le transport en commun s’est développé de façon transfrontalière entre Irún
et Hendaye pour ce qui est du Consorcio. C’est un peu le même problème qui se pose
pour le transport entre Bayonne et San-Sebastián. L’Agence transfrontalière a fait trois
ans d’étude puisqu’il n’y avait rien. Tous les autres travaux, autant espagnols que
français, s’arrêtaient à la frontière. Le problème de la frontière se pose avec la quantité
des acteurs concernés. De plus, les décisions dans ces dossiers se prennent souvent à
Paris ou Madrid. Concernant le TGV par exemple, il y a aussi une forte influence de
Bruxelles puisque Bruxelles a déjà dressé ses priorités. Dans ce cas, Mme. Morena «ne
pense pas qu’il y ait de problèmes entre États ou politiques ou administratifs qui
empêchent la réalisation du projet. Je pense que c’est un manque de volonté.» C’est la
différence entre le niveau de compétence qui fait toute la différence entre le
développement du transport en Gipuzkoa et au Labour. Outre la densité de population
différente, il y a une volonté en Gipuzkoa d’assainissement de la pollution existante.
Elle termine l’entretien en précisant la question nationale dans la région : «Le
nationalisme au sens d’unification du Pays basque a perdu son sens traditionnel dans le
sens où tous les États membres se sont dilués un peu dans l’Union européenne donc
même si on veut une unification nationale du Pays basque, ses compétences ne seront
plus aussi propres que ce qui avait été prévu dans le passé.»
111
Résumé de l’entretien avec Jean-Claude Iriart, président du Conseil des élus du
Pays basque, Bayonne, lundi 2 août 2004.
Dès le début de l’entretien, M Iriart précise qu’il n’agit pas en première ligne pour ce qui
est des fonctions régaliennes de l’État. Il agit plutôt en terme de travaux de réflexions en
aménagement et développement. Ceci dit, il a quand même une bonne connaissance de la
question de la frontière puisque ces aménagements et développements se font dans un
contexte transfrontalier.
En terme de fonction de contrôle des personnes, son avis est qu’elle a disparu. Il compare
aujourd’hui à dix ans auparavant alors que c’était un exploit de traverser la frontière.
Ainsi il soutient que dans les faits, dans la réalité, cette fonction n’existe plus. Pour ce qui
est de la fonction fiscale liée au droit de douane, selon lui elle a sauté avec la construction
européenne. Mais il précise que pour le reste, même dans le cas de coopération
transfrontalière, «ça reste des financements nationaux qui viennent financer des acteurs
nationaux. Voilà, ça reste toujours ça même si le projet lui est transfrontalier.» Ainsi,
lorsqu’on lie cette fonction fiscale avec les organisations institutionnelles dont elle
émane, le tout reste très différent de part et d’autre de la frontière. Ce serait d’ailleurs le
principal problème de la coopération transfrontalière. La frontière lui apparaît aussi forte
qu’avant lorsque l’on parle des institutions publiques. C’est pourquoi il nous parle
précisément de ce qui apparaît pour lui comme une fonction institutionnelle de la
frontière. Il l’explique en comparant les deux systèmes en relation dans le cas du Pays
basque en ces termes : «Il y a, de part et d’autre de la frontière des systèmes
institutionnels qui n’ont rien à voir les uns avec les autres; alors ils sont d’abord organisés
différemment : l’un, côté français dans la grande tradition du système très centralisé à la
française avec des décentralisations progressives mais qui fait que l’État reste présent
dans beaucoup d’aspects de l’action publique y compris au plus près du terrain. Donc,
avec la strate administrative française : le niveau national, le niveau régional, le niveau
départemental, le niveau communal et de façon plus moderne, de façon plus récente, des
dispositifs comme les nôtres que l’on appelle des dispositifs pays.» À cette réalité du côté
français s’oppose la partie espagnole, plus décentralisée, plus moderne puisque née après
la dictature fasciste. Il soutient que : «De façon générale le système espagnol repose
d’avantage sur une interaction beaucoup plus forte entre le secteur public et le secteur
112
privé, une décentralisation plus forte et dans le cas du Pays basque, une autonomie de fait
qui est quand même très importante en terme de compétences même si la question d’une
autonomie plus forte reste posée de l’autre côté de la frontière. Donc c’est hors de
proportion par rapport à ce qu’on peut même imaginer du côté français.»
Cette fonction institutionnelle se fait sentir très fortement dans la coopération et
s’additionne à un autre problème, celui de faire fonctionner les différentes institutions
ensemble. Alors que du côté espagnol on fait face souvent à une unicité d’acteurs, la
Communauté autonome d’Euskadi, du côté français il y a multiplicité d’acteurs. Dans le
domaine concret, cette fonction se manifeste ainsi : «L’État français contraint par ses
relations, par ses accords bilatéraux, binationaux, ne peut (ou ne veut) pas participer à des
tours de table à partir du moment où il n’y a pas le gouvernement espagnol. La relation
entre Vitoria-Gasteiz et Madrid fait que quand Vitoria-Gasteiz est compétent il est hors
de question pour eux que Madrid s’assoie autour de la table.» Ainsi : «Ce tour de table
institutionnel on ne le réunit pas, on n’arrive pas à le réunir, on mesure là quand même ce
que ça signifie la prééminence de la frontière.» «C’est un domaine où la frontière est plus
que présente, on n'a rien changé depuis 20 ans là-dessus. C’était pas mieux il y a 20 ans
mais on n'a pas progressé.»
Il enchaîne ensuite sur d’autres aspects de la frontière en affirmant qu’elle se gomme
quand même dans les domaines de la vie quotidienne, dans les pratiques commerciales et
culturelles. Il pose le problème de l’action publique qui a du mal à devenir
transfrontalière alors que la sphère privée le devient.
À la question sur la possibilité d’une fonction légale, M. Iriart affirme que : «Les
institutions font ce qu’il faut pour se mettre aux normes européennes dans leur cadre
institutionnel (mise en conformité des outils). Se crée petit à petit une réglementation
homogène mais qui n’affecte pas les modes d’organisations institutionnelles.»
M. Iriart explique qu’on est dans un système où la tradition française fait que l’État est
très mobilisé sur la prééminence des frontières, au point de vue politique etc. «Chacun
reste très vigilant sur sa souveraineté, sur son propre territoire. Donc les souverainetés
s’arrêtent bien là où existaient les frontières avant. C’est des souverainetés de
Communauté autonome d’un côté nous concernant, et d’État de l’autre.» La fonction
113
idéologique se manifeste ainsi, en lien avec la fonction fiscale : «dès qu’il y a des fonds
de la Communauté autonome d’Euskadi qui viennent vers des opérateurs associatifs qui
sont du Pays basque français, c’est jamais des choses simples. Donc le cas où les
financements de collectivités publiques d’un côté de la frontière vont de l’autre côté de la
frontière, c’est quand même des situations extrêmement délicates.» C’est le cas en
particulier avec la langue.
M. Iriart nous renvoie à la question institutionnelle en mentionnant que le territoire où
intervient une institution est très délimité.
Il existe de nombreux acteurs qui souhaitent voir cette réalité évoluer, l’Eurocité et le
Consorsio sont les exemples qu’il mentionne. Il croit que ce type de conventions de
partenariats ira en se multipliant.
Selon lui, c’est surtout la volonté des acteurs qui fait avancer les choses, il ne croit pas en
l’efficacité d’une impulsion venant du niveau européen parce que cette dernière ne peut
passer par-dessus les États. Ça ne pourra pas aller beaucoup plus loin que certains
financements. «La souveraineté des États l’emporte quand même sur le pouvoir
d’influence du niveau européen.»
Il conclut en disant que : «Si les choses évoluent c’est surtout parce que localement on
saura trouver des conditions un peu expérimentales adaptées à la situation et c’est ça qui
forcera le système à évoluer.»
«C’est l’initiative de terrain qui va forcer la doctrine à terme.»
Comptes rendus des documents reçus
Une proportion considérable des résultats et des données de la recherche se trouve sous
forme de documents écrits. Plusieurs de ces documents sont des études ou des ouvrages
de recherche qui nous ont été fournis par les différentes personnes rencontrées lors de la
période de terrain de l’été 2004. Un résumé synthèse des principaux éléments d’analyse
de chacun des documents retenus se retrouve dans cette section de l’étude. Ils serviront à
alimenter et à fournir en données les sections suivantes, celles de la discussion des
résultats et de la confirmation ou infirmation de l’hypothèse.
114
Synthèse de l’étude : État des lieux de la coopération transfrontalière sanitaire.
Cette étude m’a été fournie par Olivier Denert lors de mon passage à la Mission
opérationnelle transfrontalière (MOT) le 9 juillet 2004.
Il s’agit d’un document officiel produit par la MOT avec le concours des Éditions de
l’École nationale de la santé publique. Comme le titre en fait foi, cette analyse s’attarde à
présenter ce qui existe dans le domaine de la coopération transfrontalière sanitaire. Elle
commence par brosser un résumé des fondements de ce type de coopération. Celle-ci est
basée sur un sentiment de complémentarité qui date de plus longtemps que la coopération
elle-même. Il s’agit de combler des manques dans un établissement par des partenariats
de l’autre côté de la frontière avec un établissement qui aurait, lui, des carences dans
d’autres domaines. Ce type de complémentarité se fait en particulier dans le cas des
spécialités nationales. Le deuxième élément important dont fait mention le document est
l’influence de la construction européenne. Bien que surtout économique au départ, ses
champs d’actions se multiplient et celui de la santé est de plus en plus important.
Cependant, les États membres ont convenu que le niveau régional était celui le plus à
même de gérer la santé, en conséquence la législation communautaire n’a de légitimité
que dans la mesure où elle s’accorde à la législation nationale. Aucun État n’a souhaité se
départir de ses prérogatives en matière de santé. L’article 129 du traité de Maastricht
stipule que la Communauté doit apporter une «contribution à la réalisation d’un niveau
élevé de protection en santé». Quelques années plus tard, l’article 152 du traité
d’Amsterdam donne un véritable pouvoir de décision à Bruxelles dans certains domaines,
notamment en ce qui concerne la qualité et la sécurité des organes et substances d’origine
humaine, du sang et de ses dérivés. Bien qu’il n’y ait aucune allusion formelle à une
harmonisation des législations nationales, petit à petit il s’opère un approfondissement de
l’Europe en santé. L’application du principe de libre circulation des biens et services est
en partie responsable de cette évolution.
Le second chapitre de cette étude porte sur la typologie des domaines de coopération
transfrontalière sanitaire. Il s’agit principalement de la prévention, des soins, de
l’enseignement et la formation et de la recherche. Il s’agit d’une catégorisation qui
simplifie et permet une analyse et une comparaison entre les différentes frontières.
Chacune des zones géographiques où s’opère de la coopération dans le domaine de la
115
santé le fait de façon très libre et diversifiée. Dans chaque domaine il existe des cas
particuliers de coopération. À titre d’exemple, pour les soins d’urgence, il existe une
collaboration entre différentes villes dans la zone franco-belge de Lille qui permet à des
véhicules d’urgence d’intervenir de l’autre côté de la frontière en cas d’indisponibilité
d’unités nationales. Le troisième chapitre explique les acteurs de la coopération selon
trois critères qui influencent cette coopération. Il s’agit des modèles d’inspiration des
régimes de santé. Deux sont en relations, bismarckien et beveridgien. Schématiquement,
le premier relie la protection maladie à l’appartenance à une catégorie professionnelle et
le second finance les dépenses de santé par la fiscalisation. Le second critère est celui de
centralisation/décentralisation. Il existe en Europe une grande diversité qui est le reflet
des différences d’organisation en fonction des constitutions et des structures
administratives. Le système français se trouve à la croisée des chemins de cette binomie.
Il s’agit de la déconcentration du système de santé. Les organismes locaux sont des
représentants du pouvoir central, ils sont nommés par lui et appliquent les décisions qu’il
prend. L’Espagne quant à elle fait partie des États en passe de devenir fédérés dans
lesquels on voit une plus grande décentralisation. Le troisième et dernier critère est
l’organisation interne. Il s’agit de la façon dont fonctionne un hôpital et comment sont
pris en charge les patients. Ces modalités diffèrent beaucoup d’un État membre à un
autre. Dans les États qui nous concernent, en France un malade s’adresse indifféremment
au médecin de ville de son choix ou à la consultation externe d’un hôpital. Par contre, en
Espagne c’est un système mixte où les consultations externes dans les hôpitaux restent
rares.
L’étude tire des conclusions sur le rôle majeur de l’initiative des acteurs de terrain dans la
coopération transfrontalière sanitaire. La vaste majorité des projets a pour origine une
initiative locale. Aussi, cette étude tire la conclusion d’un appui limité des pouvoirs
publics. Ils interviennent le plus souvent comme facilitateurs mais rarement comme
initiateurs.
116
La quatrième section de cette étude fait l’état des outils juridiques et financiers dans le
domaine. C’est la loi no 91-748 du 31 juillet 199114 qui est le cadre privilégié par les
porteurs de projets de coopération transfrontalière. Sur le territoire qui nous concerne, il
s’agit d’une convention de jumelage entre le centre hospitalier de la côte basque et le
complexe hospitalier de San-Sebastián. C’est majoritairement le GEIE (Groupement
européen d’intérêt économique) qui a été retenu comme forme juridique par les porteurs
de projets transfrontaliers dans le domaine sanitaire. Cependant, ce n’est pas le cas de la
convention de jumelage de la côte basque.
Pour ce qui est des outils financiers, ils sont peu nombreux. C’est principalement le
programme d’initiative Interreg qui est sollicité. Le volet A du programme Interreg 2
concerne plusieurs domaines dont le sanitaire et a bénéficié pour la période 1994-99 d’un
montant total de 2 600 millions d’euros. Le centre hospitalier de la côte basque s’est vu
allouer pour son projet de coopération transfrontalière la somme de 530 000 FRF soit
50% du coût total. Pour la période 2000-2006, le programme Interreg 3 bénéficie d’un
budget de 4875 millions d’euros.
La dernière section des résultats de l’étude fait état des différents obstacles rencontrés
dans les projets de coopération dans le domaine sanitaire. L’étude retrace trois principaux
types d’obstacles rencontrés dans le domaine sanitaire de la coopération transfrontalière :
les barrières culturelles et linguistiques, les problèmes administratifs et réglementaires et
enfin les difficultés des montages opérationnels et financiers. Le long des frontières
franco-allemandes et franco-espagnoles, la barrière linguistique constitue un frein
important qui empêche parfois la concrétisation des projets envisagés ou leur faible durée
dans le temps. L’énorme succès de la coopération franco-belge rend compte de
l’importance que la barrière linguistique peut avoir dans d’autres cas. C’est une
problématique qui a été bien comprise, entre autres par le Centre hospitalier de la côte
basque qui a mis en place une formation linguistique à connotation médicale. C’est là une
14 « dans le cadre des missions qui leur sont imparties et dans les conditions définies par voie réglementaire,
les établissements publics de santé peuvent participer à des actions de coopération, y compris
internationales, avec des personnes de droit public et privé. Pour la poursuite de ces actions, ils peuvent
signer des conventions, participer à des syndicats interhospitaliers et à des groupements d’intérêt public ou
à des groupements d’intérêt économique». Il est également précisé : « Pour ces actions de coopération
internationale, les établissements publics de santé peuvent également signer des conventions avec des
personnes de droit public et privé, dans le respect des engagements internationaux de l’État français. »
117
étape préalable indispensable bien que parfois difficile pour s’assurer du succès d’un
projet dans le temps.
Le second type de problèmes, administratif et réglementaire, se subdivise en deux, soit
les problèmes liés aux niveaux de décision différents de chaque côté de la frontière et les
barrières juridiques et réglementaires. Le premier fait référence aux différents modes
d’organisations administratifs entre les États membres qui induisent des niveaux de
compétences territoriales différents. Cela a pour effet de rendre le dialogue parfois stérile
entre les partenaires et de provoquer un manque de parallélisme entre les structures
administratives. Le second fait référence aux fait que dans l’Union européenne, les
politiques de santé relèvent de la compétence des États membres. Ainsi, les lois et
procédures administratives sont fort différentes. Par exemple, la planification se faisant
au niveau national, la population frontalière extérieure au territoire de l’État n’est pas
prise en compte. Avec l’utilisation grandissante d’un service hospitalier par la population
du pays voisin, on risque un engorgement des infrastructures. Aussi, la «nonagglomération
transfrontalière» conduit à la duplication d’équipements et de services et
donc à des coûts plus élevés. Prises séparément, les sections nationales de ces
agglomérations n’ont pas le poids nécessaire pour réclamer des structures qui pourtant
seraient nécessaires pour répondre à la demande. Un autre aspect de ce type de problèmes
vient du fait que chaque pays à son propre système d’assurance maladie et ceux-ci
souffrent d’une certaine étanchéité. À l’heure actuelle, seul trois cas de figure permettent
d’obtenir des soins de santé dans un autre État membre. Il s’agit des soins d’urgence, du
cas de résidence hors du pays d’affiliation ou dans le cas d’obtention de soins avec
autorisation préalable de l’assurance maladie. De plus, les modes de gestion n’étant pas
les mêmes de part et d’autre de la frontière, les différences de calculs, de coûts etc.
entraînent des écarts considérables dans l’évaluation de remboursements.
Le troisième et dernier type d’obstacles relevés par l’étude relève de la complexité et des
difficultés des montages opérationnels et financiers. Le programme Interreg est
déterminant puisqu’il peut aller jusqu'à financer 50% d’un projet. Le problème vient du
manque d’informations et de connaissances du programme par les porteurs de projets. De
plus, pour ceux qui se sont prévalu du programme, il est apparu que les procédures sont
complexes et très longues.
118
La seconde grande section de l’étude fait état des quelques cas de coopérations
transfrontalières sanitaires. Je m’en tiendrai ici à l’exposition de la frontière francoespagnole.
À cette frontière il existe une grande variété de thèmes d’action. C’est
essentiellement sur le littoral basque que se concentrent ces projets avec une densité
remarquable entre le CH de la côte basque et le complexe hospitalier de San-Sebastián.
(Voir annexe 5) La majeure partie de ces actions concerne l’observation et l’échange de
connaissances. Par exemple, des études comparatives sur la prise en charge de malades
polytraumatisés ou en accidents cardio-vasculaires, de la concertation dans l’organisation
en cas de catastrophe, la régulation des appels sur les numéros d’urgence, etc. Ces liens
entre les deux hôpitaux sont reconnus depuis 1998 par un jumelage qui se traduit par un
échange de personnel, de données et de façons de faire. À l’échelle régionale, c’est la
création d’un observatoire de la santé du Pays basque qui se chargerait de mettre en
commun les données sanitaires produites par la France et l’Espagne concernant le Pays
basque.
Enfin, la troisième grande section, la dernière de l’étude, s’efforce de proposer des pistes
pour répondre aux blocages évoqués précédemment. Il s’agit d’augmenter le soutien aux
porteurs de projets, de sensibiliser les acteurs locaux, de proposer un argumentaire sur
l’intérêt de la coopération transfrontalière dans le domaine sanitaire, etc.
Synthèse du cahier de la MOT # 4 : La coopération transfrontalière sanitaire.
Cette étude m’a été fournie par la Mission Opérationnelle transfrontalière (MOT) par
courriel en janvier 2004. Il s’agit d’une publication de vulgarisation et de synthèse de la
coopération transfrontalière sanitaire.
Après un éditorial de Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de
France et président de la Fédération européenne des Hôpitaux, traitant du rôle de la MOT
et des développements de ce type de coopération, ce cahier s’attarde à exposer les
fondements de la coopération. Les origines sont difficiles à trouver puisqu’elle s’est
développée avant et à l’extérieur de cadres institutionnels. La coopération organisée et
menée par des porteurs de projets est très récente. Elle s’est développée dans des bassins
de vie transfrontaliers «aux caractéristiques épidémiologiques très proches». La frontière,
119
qui représente un obstacle juridique et administratif, n’empêche pas la propagation des
épidémies d’un pays à l’autre.
Les premiers arguments de la coopération sont des recherches de complémentarité, tant
au niveau des équipements que du savoir ou de la disponibilité en personnel. Cela
implique la mise en place de réseaux locaux d’acteurs transfrontaliers. L’évolution de ce
phénomène est très liée à la densité des populations concernées et c’est pourquoi il est
plus intense à la frontière belge et allemande. Cependant, on note une forte progression
au sud, malgré la présence d’une frontière glacis qui est moins propice aux échanges
qu’une frontière creuset comme c’est le cas au nord de la France.
La coopération se fait selon plusieurs thèmes. Les échanges d’expériences et la formation
sont ceux que l’on retrouve le plus fréquemment. La prise en charge des frontaliers reste
quant à elle un axe fort de la coopération. Les domaines où les obstacles se font encore
ressentir malgré les efforts sont ceux, classiques, des conventions de sécurité sociale ou
de création de structures juridiques. Malgré un support grandissant des élus locaux, ceuxci
restent toujours dans le camp des facilitateurs mais rarement dans celui des initiateurs
de projets.
En troisième partie, ce cahier fait état des différents obstacles et enjeux de la coopération
dans le domaine sanitaire, à l’échelle transfrontalière. Bien que non spécifique au
domaine sanitaire, la barrière culturelle et linguistique est très importante et ralentie
considérablement le développement de la coopération. Dans le domaine sanitaire cela se
traduit par une incompréhension des partenaires, de leurs méthodes et pratiques, etc.,
mais surtout incompréhension avec les patients.
Ensuite ce sont les problèmes administratifs et réglementaires qui ralentissent
considérablement la coopération. Il existe en Europe une grande diversité de systèmes de
santé qui rend les tentatives de les mettre en parallèle parfois stériles. Les problèmes
juridiques et réglementaires sont parfois très difficiles à régler, en particulier la
planification sanitaire qui est pensée en terme de politique nationale, sans tenir compte
d’une possible complémentarité, ce qui conduit souvent à une duplication des efforts et
des équipements dans un espace transfrontalier. De plus, malgré un rapprochement entre
les différents systèmes de protections sociales, la coordination simplifiée dans les zones
120
transfrontalières n’est pas pour demain. Même dans les secteurs où il existe des accords
dûment signés, les temps de remboursement restent très longs. À cela s’ajoute le
problème de la mobilité des personnes, l’étude s’interroge sur la quantité de personnes
tentées, par exemple, de traverser la frontière où les salaires peuvent être plus élevés.
Enfin, dans le domaine des obstacles administratifs et juridiques, la difficulté des
montages organisationnels pèse lourd sur les porteurs de projets. La mise en oeuvre de
conventions bilatérales devrait permettre de lever une partie de ces obstacles.
Pour ce qui est des enjeux, ils sont de plusieurs ordres mais tous se basent sur l’idée que
la coopération transfrontalière sanitaire est en période transitoire. La plupart des porteurs
de projets sont allés au bout des possibilités actuelles de coopération. Ainsi, ils proposent
de répondre aux principaux obstacles mentionnés précédemment. Il s’agirait donc de
promouvoir une meilleure connaissance de l’«autre», d’institutionnaliser un volet
transfrontalier aux «Schémas régionaux d’organisation sanitaire», développer la
formation aux langues, poursuivre la mise en complémentarité des équipements, etc.
La voie préconisée par cette étude est la prise en compte de la dimension transfrontalière
dans les démarches de planification. C’est ce qui semble se faire puisque le schéma
national des services collectifs sanitaires «prend acte des coopérations existantes,
reconnaît la nécessité d’envisager des formes de coopération plus institutionnalisées à
travers des conventions multipartites portées par les États membres parties au projet».
Aussi, directement sur la question des régions transfrontalières, l’étude stipule qu’il est
désormais anachronique de penser la planification sanitaire uniquement à l’intérieur des
frontières nationales. Ainsi, même si la planification demeure un acte de souveraineté, les
schémas régionaux d’organisation sanitaire ont déjà commencé à prendre en compte la
dimension transfrontalière. De plus, à l’échelle européenne, suite aux arrêts Kholl et
Decker (28/04/98) de la Cours de justice des communautés européennes (CJCE), une
jurisprudence a été développée qui favorise l’accès aux soins ambulatoires par un patient
dans un autre État membre de l’Union européenne. Divers autres arrêts de la CJCE
approfondissent la jurisprudence en matière de santé. Au final, cette étude soutient que
les États, même s’ils conservent la souveraineté de définir les règles de leur régime de
sécurité sociale, doivent désormais se conformer au droit communautaire.
121
En terminant, ce cahier fait état de quatre cas de coopération transfrontalière sanitaire et
les explique brièvement afin de soutenir que chaque projet possède une personnalité
propre.
Compte rendu du document de synthèse du plan de gestion des déchets ménagers et
assimilés dans la zone transfrontalière de l’Eurocité basque Bayonne-San-Sebastián.
Cette étude m’a été fournie lors de mon passage à Bayonne en juillet 2004.
Il s’agit d’une étude conduite par deux groupes de consultants, DPA et Trivalor sud
Ouest. Cette étude brosse un portrait général de la situation actuelle de la gestion des
déchets sur le territoire du Gipuzkoa et du département des Pyrénées-Atlantiques. Il
propose ensuite 4 scénarios de gestion transfrontalière en fonction de projections
démographiques et de «production de déchets» dans un avenir rapproché. Les quatre
scénarios proposés se basent sur une différence d’échelle entre le territoire du Bidasoa-
Txingudi pour le 1er scénario, allant jusqu’au Gipuzkoa et au département des Pyrénées-
Atlantiques au scénario 4.
Ce travail nous apprend que jusqu'à présent, la gestion des déchets municipaux est faite
dans une logique locale et nationale. Les propositions qu’elle fait sont pensées dans une
optique transfrontalière, dans une mise en cohérence du territoire entre Bayonne et San-
Sebastián. Cependant, outre le fait que ces propositions sont basées sur des grands
principes communautaires en matière de pollution et d’environnement, l’étude n’apporte
aucune explication concrète quant à la législation ou aux positions des différents acteurs
impliqués. Elle ne fait que proposer des scénarios et laisse l’entière responsabilité aux
acteurs d’en choisir un et d’essayer de le mettre en oeuvre. Il n’y a pas de chapitre sur la
faisabilité administrative ou légale des projets, sur les obstacles potentiels… Cependant,
si un des scénarios proposés devait être mis en oeuvre, cela affecterait concrètement le
concept de frontière.
Synthèse du guide pratique frontalier.
Ce document m’a été remis par Mme Pilar Fuertes lors de mon passage au Consortio
Bidassoa-Txingudi le 23 juillet 2004.
122
Il s’agit d’un document de travail destiné à toute personne voulant connaître ses droits et
obligations en vivant et travaillant dans la région frontalière du Bidasoa-Txingudi. Il est
construit sous la forme de questions et réponses sur les différents sujets qui peuvent
préoccuper les résidents et travailleurs transfrontaliers. L’ouvrage se présente non
seulement comme un outil d’harmonisation d’un modèle de développement socioéconomique
de la région mais aussi pour répondre à un manque de connaissances quant à
la situation de transfrontalier. Il existe deux systèmes juridiques de part et d’autre de la
frontière, ce guide se propose de les comparer et de les expliquer pour la vie quotidienne
des résidents du Biassoa-Txingudi.
Le chapitre 0 introduit aux principes sur lesquels se base le contenu du guide. Il s’agit du
principe de libre circulation des personnes, des services et des capitaux tel qu’expliqué
par le traité de Rome. Ces trois droits sont définis comme suit :
1. La libre circulation des travailleurs implique que tout citoyen européen, étant ainsi
assimilés aux nationaux, a le droit d’exercer un emploi dans tous les pays européens,
principalement en matière de droit du travail. La libre circulation interdit toute
discrimination entre travailleurs communautaires et nationaux en matière d’emploi, de
rétributions, de conditions de travail et d’obligations fiscales et sociales. Ainsi : tout
citoyen européen a le droit de répondre aux offres effectives de travail au sein de l’Union
européenne et de se déplacer librement sur le territoire communautaire à cette fin.
2. La liberté d’établissement implique l’accès aux activités non-salariées et à leur
exercice, ainsi que la constitution et la gestion de sociétés.
3. La libre prestation de services implique la suppression de restrictions au sein de
l’Union, en facilitant la possibilité de prestations de services au sein de l’Union par les
citoyens établis dans un État membre autre que celui dans lequel est exécutée la
prestation. 15
Ces droits sont tempérés par le fait que les États membres peuvent les régir pour des fins
d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique. Aussi, certains corps d’emploi
sont régis par des ordres professionnels auxquels cas les travailleurs doivent s’y
15 Guide pratique frontalier, page 11.
123
soumettre. Mais cela se fait «par des normes européennes spécifiques transposées au droit
national de chaque État membre».
À cela s’ajoute le principe de citoyenneté européenne qui garanti le droit de résidence
d’un citoyen européen dans n’importe quel État membre.
Le reste du document est divisé en chapitres représentant chacun un cas de figure
différent, soit de résider en France en travaillant au Gipuzkoa sans être Français ou d’être
non Espagnole travaillant en France et vivant au Gipuzkoa etc. De chacun de ces
exemples, le document fait ressortir les droits et obligations des personnes concernées.
Ainsi, dans le cas d’un travailleur frontalier, c'est-à-dire qui travaille dans le pays voisin
de sa résidence, ce travailleur et toute sa famille reçoit les soins médicaux dans le pays de
sa résidence et ce peu importe l’endroit où il cotise. Cela fonctionne de telle manière que
le système de santé français, pour prendre un exemple, prodiguera les soins de santé au
travailleur et à sa famille vivant en France et ira se faire rembourser par le système de
santé basque, où le travailleur paye ses cotisations via son employeur. Et l’inverse est
aussi vrai. Cette coopération s’étend aux cas d’urgence sanitaire, nous explique le
document, où le travailleur et toute sa famille peuvent être pris en charge au Gipuzkoa
(ou en France).
Dans le cas des prestations de chômage, la réglementation européenne prévoie que le
travailleur peut réclamer ses allocations de chômage dans son pays de résidence même
s’il ne s’agit pas du pays où il a cotisé. Cependant, certaines règles spécifiques
s’appliquent comme le nombre de mois travaillés etc. S’il s’agit d’un chômage partiel,
alors c’est l’État dans lequel le travailleur cotise encore qui versera les allocations, même
si le travailleur ne réside pas dans cet État membre.
Le guide pratique frontalier aborde ensuite la question des aides sociales. Le travailleur
résidant en France mais travaillant au Gipuzkoa a droit à l’entière couverture sociale
française pour lui et sa famille. De même, celui qui travaille en France mais réside au
Gipuzkoa peut aussi être couvert par la sécurité sociale française dans certains cas.
En ce qui a trait aux obligations fiscales, deux cas de figure sont présentés. Dans le cas
d’un salarié, la Convention Hispano-française détermine qu’il doit produire sa déclaration
124
de revenu dans son pays de résidence. Inversement, pour un travailleur à son compte,
celui-ci doit produire sa déclaration dans le pays où il pratique son métier sous le statut de
travailleur non résident. Un troisième cas est présenté, celui des travailleurs de la fonction
publique. Comme tout autre travailleur, ces derniers ont droit aux couvertures médicales
et sociales dans leur pays de résidence, qu’ils soient nationaux ou non, mais la
Convention Hispano-française prescrit qu’ils doivent payer leurs impôts dans le pays
pour lequel ils travaillent comme fonctionnaires.
Dans son troisième chapitre, où il traite des activités économiques, le guide pratique
frontalier reprend le droit communautaire pour expliquer les cas des travailleurs détachés.
Ce statut se défini par une période d’en principe moins de 12 mois. Dans ce cas, le
travailleur reste soumis à la législation de la sécurité sociale du pays d’envoi. Pour ce qui
est des prestations de maladie, le travailleur peut les recevoir du pays d’envoi, mais aussi
du pays de détachement en suivant une procédure adéquate (Formulaire E 128 ou E 106).
Le chapitre quatre nous informe des droits et obligations des travailleurs qui pratiquent
leur emploi des deux côtés de la frontière. En principe, ils sont protégés par le droit social
européen afin que leurs prestations leurs soient reconnues. Ainsi, les prestations peuvent
être payées même si le travailleur réside dans un État membre de l’Union européenne
autre que celui dans lequel il a cotisé. Dans le cas de la pension de retraite, toutes les
périodes cotisées sont enregistrées jusqu’à l’âge de la retraite. Pour toutes les cotisations
d’au moins un an, le pays où la cotisation s’est effectuée versera la pension peu importe
le pays de résidence. Pour les périodes de moins d’un an, c’est le dernier pays où la
période de cotisation dépasse les douze mois qui assume les versements. Enfin, si le
travailleur retraité déménage du pays où il a établi son droit de pension, celui-ci est
maintenu. De même, le droit aux soins médicaux et dentaires, aux médicaments et à
l’hospitalisation est assuré dans le pays de résidence même si la pension est versée par un
autre pays.
Synthèse du document : Les transports transfrontaliers dans les agglomérations
transfrontalières.
Ce document m’a été remis par Olivier Denert lors de mon passage à la MOT le 9 juillet
2004.
125
Il s’agit d’une étude effectuée par la MOT pour le compte du Ministère de l’équipement,
du logement, des transports, du tourisme et de la mer, la Direction des transports
terrestres et la Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction. Le
document s’appuie sur l’étude de 14 cas de régions où il existe du transport
transfrontalier. Le territoire dont il est question dans notre étude, celui de l’Eurocité
basque, fait partie des 14 cas pris en compte dans le travail de la Mission opérationnelle
transfrontalière.
L’étude commence par faire un état des lieux de la mobilité transfrontalière. Il s’avère
qu’il existerait plus de 250 000 travailleurs résidant en France mais occupant un emploi
de l’autre côté de la frontière. Le processus inverse ne concernerait qu’un millier de
travailleurs. Cependant, les auteurs font tout de suite une mise en garde sur les autres
données concernant la mobilité transfrontalière. Ainsi ils affirment que «ce type de
données implique l’addition de tous les flux, toutes motivations confondues, sur
l’ensemble des frontières et des agglomérations transfrontalières. Dans l’état actuel des
statistiques françaises, cet objectif ne semble pas encore possible à atteindre» (MOT,
2002). Cependant, l’étude affirme que, toutes motivations confondues, c’est la voiture
particulière qui est le plus largement utilisée. En ce qui a trait au transport public sur le
territoire de l’Eurocité, 73,5% est pris en charge par le transport ferroviaire et 26,5 par le
bus.
Au niveau des compétences, chaque pays possède un mode d’organisation différent. En
France, la loi LOTI de 1982 prévoit une certaine décentralisation qui laisse une large
place aux communes. Dans les pays limitrophes c’est une situation comparable, la
compétence est partagée entre les différentes échelles. En Espagne, c’est entre Madrid et
les Communautés autonomes. Les Communautés autonomes sont compétentes dans le
cas du chemin de fer si ce dernier se trouve intégralement sur le territoire de la
Communauté autonome. Dans la mesure où il traverse plus d’une Communauté, il est de
compétence centrale. Le Pays basque possède sa propre société de transport, Euskotren.
Le financement du transport public vient des communes en France et de la Communauté
autonome en Pays basque. Cependant, le financement du matériel est à la charge de la
126
société exploitante alors que les investissements d’infrastructures sont assumés par les
administrations et par l’État pour les infrastructures lourdes.
L’utilisation du transport public transfrontalier est très variable d’une région à l’autre. La
ligne estivale entre Hendaye et Hondarribia transporte 556 personnes par jours en
moyenne et fonctionne du 15 juin au 15 septembre. Son utilisation est essentiellement
récréative. L’entreprise espagnole PESA SA offre un circuit tout au long de l’année entre
Bayonne et San-Sebastián avec deux allés/retours par jours. Ce trajet sert des utilisateurs
pour deux raisons principalement, c'est-à-dire le mouvement pendulaire domicile-travail
ou domicile-école.
Le travail de la MOT souligne le fait que les accords de Bayonne de 1995 permettent aux
collectivités françaises de mettre en oeuvre des compétences en transports, qu’elles
disposent déjà, pour réaliser des projets transfrontaliers.
Le cas du transport transfrontalier sur le territoire de l’Eurocité basque se trouve dans la
catégorie des montages simples. C'est-à-dire que c’est une même compagnie qui offre le
même service qui s’étend des deux côtés de la frontière (de Bayonne jusqu’à San-
Sebastián). La compagnie PESA SA dessert les villes de San-Sebastián et Irun au Pays
basque espagnol et Hendaye, St-Jean de Luz, Biarritz, Anglet et Bayonne au Pays basque
français.
L’étude nous présente le mode de fonctionnement administratif du transport
transfrontalier. Des trois cas, deux concernent le transport en période estivale
uniquement. Pour la ligne PESA SA, le Ministère du transport espagnol doit demander un
avis favorable au département français des Pyrénées-Atlantiques pour ensuite donner une
autorisation à la compagnie de transport. C’est le processus identique mais inversé pour
la ligne estivale de la compagnie française ATCRB. Le troisième cas de figure recoupe
les deux autres. Il s’agit de la ligne estivale entre la plage d’Hendaye et la ville de
Hondarribia via Irun. Les deux compagnies offrent le même service, les deux
administrations doivent se donner un avis favorable mutuellement pour fournir une
autorisation à leur compagnie de transport respective (ATCRB en France et AUIF en
Espagne) Ces dernières doivent ensuite signer un accord.
127
Le dernier cas concerne le transport par train. La ligne Euskotren se rend jusqu’en gare
d’Hendaye et effectue 35 aller/retours par jours. Une raison technique explique l’arrêt du
TOPO en gare d’Hendaye. Les voies ferrées ont un écartement plus grand en Espagne
qu’en France. Outre ce constat technique, le rapport de la MOT relate le cadre juridique.
Ainsi, la loi Solidarité Renouvellement Urbain du 13 décembre 2000, par son article 125,
stipule que les Régions sont chargées de l’organisation des services ferroviaires de
voyageurs à l’échelle régionale. Ceci exclut les services internationaux. Cependant,
depuis le 1er janvier 2002, la création et le développement des liaisons ferroviaires
transfrontalières de proximité sont à la charge des Régions (Aquitaine dans notre cas) et
non plus de la SNCF. Enfin, l’article 133 de la loi SRU permet aux Régions de «conclure
une convention avec une autorité organisatrice de transport d’une Région limitrophe d’un
État voisin pour l’organisation de services ferroviaires régionaux transfrontaliers de
voyageurs.» Enfin, l’étude relate le fait que dans beaucoup de cas l’initiative dans la
création de lignes de transport transfrontalières est venue des transporteurs eux-mêmes.
C’est le cas de la ligne ATCRB et AUIF sur le territoire qui nous concerne ici
(L’Eurocité).
Le rapport de la Mission opérationnelle transfrontalière relate, en fin de parcours,
quelques difficultés rencontrées lors de la gestion du transport transfrontalier. C’est
principalement une question d’échelle et de compétences qui est en cause. Ainsi, les
textes européens et français sont issus de deux logiques différentes. Alors que les textes
de loi français se consacrent uniquement au transport intérieur, ceux émanant de
Bruxelles traitent de l’emploi et du marché. Et même à l’échelle nationale, en France du
moins (l’étude est muette sur la situation en Espagne), la loi donne la compétence à
l’administration de chaque échelle pour la gestion du transport à son échelle, ce qui crée
un cloisonnement puisque chaque administration défend vigoureusement ses
prérogatives. Cette situation se reflète à l’international, il est déjà difficile de faire
coopérer les différents niveaux dans un contexte national, cette difficulté se dédouble
lorsqu’il est question de faire coopérer des administrations de différents niveaux entre
deux États. Finalement, les auteurs de cette étude disent que «L’existence même de ces
lignes est souvent le fruit de l’opportunité saisie et même de l’interprétation juridique des
128
règlements européens qui régissent les routiers internationaux de voyageurs ! Dans ces
conditions, aucune norme ne peut être établie puis qu’aucune règle n’est partagée.»
Synthèse du document : Estudio de Prospección sobre las infraestructuras de
transporte en la Eurociudad Vasca Bayonne- San Sebastián. Fase III Informe
sintetico.
Ce rapport de synthèse m’a été donné par Dany Arbulu lors de mon passage à la
Deputacion foral de Gipuzkoa le 16 juillet 2004. Il s’agit d’un document produit par le
travail conjoint de trois firmes de consultants sur l’évolution de la réflexion sur
l’aménagement du transport transfrontalier dans l’Eurocité.
Le premier chapitre fait état du diagnostic des consultants sur la situation actuelle du
transport. Le premier constat est qu’il existe des contrastes importants caractérisants la
région. Le contexte institutionnel et la répartition des compétences de façon très
différente de chaque côté de la frontière rendent la coordination très difficile. Un
problème de premier ordre relevé par les auteurs est la grande disparité dans l’offre de
service de part et d’autres de la frontière. Alors que le service est régulier, fiable et
complet au sud, c’est tout le contraire au Nord où le service est insuffisant, irrégulier et
peu fiable. De plus, malgré les problèmes techniques de l’élargissement de voies et de la
tension électrique des moteurs, les auteurs soutiennent que : «la causa principal se
encuentra sobre todo en la falta de acuerdo (falta de coordinacíon en los horarios, en las
tarifas, en los puntos de comunicacíon…)». Ensuite, bien que le réseau routier assure une
continuité transfrontalière, celui-ci souffre d’une saturation, qui prend une ampleur
considérable dans la période estivale.
Le transport de marchandises représente aussi un problème important du transport
transfrontalier. 80% de ce transport de marchandises provient de l’extérieur de l’Eurocité
et traverse la frontière à Irun-Hendaye. De plus 90% de ce transport de marchandises
s’effectue par la route et le trafic de camionnage croît au rythme préoccupant de 10% par
année. Le mode ferroviaire ne représente que 4% du transport de marchandises.
Le transport maritime quant à lui représente 14% des flux d’échanges et 56% des flux de
transits. Quant aux deux aéroports, ils sont très peu utilisés, fortement concurrencés par
ceux de Vitoria, Madrid, Bordeaux et Paris. (Voir annexe 6 pour la localisation des pôles
de transport au sein de l’Eurocité).
Enfin, comme le démontre la carte en annexe 6, l’Eurocité dispose de noeuds intermodaux de transport. Cependant, ceux-ci sont redondants et peu coordonnés entre eux. Cela a  pour effet de freiner leur développement.
Suite à ces constats de la situation actuelle, le groupe de consultants propose une dizaine
de défis à relever en matière de transport sur le territoire de l’Eurocité. La réponse à ces
défis devrait consolider et rendre plus cohérent le territoire de l’Eurocité. Le reste de
l’étude ne fait que des propositions de projets pour solutionner les problèmes de la
situation actuelle mais il ne me semble pas pertinent de les expliquer ici puisqu’ils ne
nous apprennent rien sur la frontière. Cette réalité n’est pas prise en compte dans les
projets proposés par le groupe pour réaménager le transport sur ce territoire. Ils ont pris
conscience des problèmes, proposent des aménagements qui répondent aux problèmes
mais ne font pas état de la manière de les mettre en application et de leur relation à la
situation transfrontalière.


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18 février 2014

1914- 1918 1ère GUERRE MONDIALE

premiere guerre mondiale

 

 

 

Conscrits Hendayais


 

 

 

Monument aux morts de Hendaye

Sculpteur : Ducering   Monument inauguré le 7 décembre 1921

Le groupe sculptural, devant un hémicycle architectural, représente la France, tenant sur ses genoux un poilu expirant.  Une souscription organisée par la ville frontalière espagnole d’Irun, voulant participer à l’édification du monument, a rapporté la somme de 1700 F


 

 

 

récit souvenir


L'anniversaire de la victoire sur les Allemands et le devoir de mémoire pour les poilus qui avaient donné leur vie au service de la patrie, en France ou dans les  terres étrangères était une cérémonie très importante à l'époque.La guerre
était terminée mais le souvenir en était toujours présent, , l'hécatombe avait était lourde   et presque toutes les familles  avaient eu un fils ou un parent, qui reposait sur les terres des combats.
Après la messe, devant la Mairie, se regroupaient les élus  , les personnalités locales , une foule importante d'Hendayais, l'Harmonie municipale au grand  complet
Au son de la marche funèbre de Chopin, tout ce monde, Maîre en tête descendait la rue du Port , puis prenait le Boulevard de la plage. Arrivés au  Vieux fort le Maire faisait une allocution , toujours émouvante, puis les élèves des écoles  intervenaient,  l'un disait le nom du soldat , un autre disait : " Mort pour la France  " dans un recueillement général .
Puis une Chorale des écoles entonnait un hymne qui avait été dûment préparé, et l'harmonie municipale cloturait la cérémonie. par la Marseillaise.
Au fil du temps, avec la mort des principaux intéressés,  la cérémonie a perdu de sa solennité, mais demeure toujours pour rappeler les sacrifices  de toutes les guerres .,


la villa Mauresque transformée en maison de soins

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Extrait de Citation à l'ordre du Régiment

224 R.A.C Ordre n° 84 du 14 août 1918    Le Lieutenant Colonel Lesueur commandant le 224 RAC cite à l'ordre du régiment

ARGOITIA Prosper matricule 6945 classe 1911 2C Infirmier 2715

" Infirmier d'élite. D'un courage et d'un dévouement à toute épreuve. A montré durant la nuit du 13 au 14 Août, beaucoup d'abnégation et de sang froid en se pôrtant au secours des blessé et en relevant les morts,  malgré un violent bombardement des obus de gros calibre ! ( déjà cité ).

Le Lieutenant Colonel Lesueur cdt le 224 

signé Lesueur

Extrait certifié conforme le 7/8/1919 Le chef d'Escadron Chanel

ruban croix de guerre

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1913: La digue de la plage est prolongée dans la direction des Deux-Jumeaux; de nombreuses villas commencent à s'élever sur le bord de mer.

La Ville réitère sa demande de liaisons téléphoniques directes avec Bayonne et Irun.

1914-1918. Les hôtels et l’Hôpital Marin accueillent les blessés et les refugiés de

 la grande guerre.

1914-1918 : Dès les premiers jours de septembre 1914, la ville, où tous les partis fraternisent, s'organise pour recevoir et soigner les blessés; des hôpitaux temporaires sont ouverts dans la villa Marie, la villa Perla ainsi que dans le Casino, qu'offrent leurs propriétaires respectifs.

Plus de 50 réfugiés belges sont installés dans des maisons particulières. En 1916, des prisonniers alsaciens sont mis à la disposition des cultivateurs.

1915. Un pont sur la Bidassoa permet enfin le transit routier entre les deux pays; piétonnier jusqu’en 1917 des véhicules à partir de cette année. La moitié espagnole du pont étant propriété d’Irun il fallait payer un péage pour l’utiliser.

1915: Le bâtiment des Douanes est édifié à l'extrémité du pont international. En cours de construction, ce dernier ouvrage, intégralement dû à la Municipalité d'Irun, fut achevé l'année suivante.

1917 : En raison des événements vécus par la France en 1916, nos amis Espagnols en retardèrent l'inauguration jusqu'au 1" février de cette année 1917 et firent généreusement le don à notre pays de la moitié du pont, dont la construction eut normalement dû lui incomber; ils ne nous laissaient que la charge d'entretenir cette partie.

Ainsi, Hendaye cessait d'être tributaire de bateliers ou d'un bac et, dorénavant, communiquait au-delà de la Bidassoa avec Irun accueillant en sa magnifique avenue « de Francia ».

1917 : La concession du tramway (ligne Casino-Gare) est transférée à une filiale — V.F.D.M. — de la Cie du Midi. Les rails du tramway de la ligne exploitée par cette filiale, le long de la corniche, de Saint-Jean-de-Luz à Hendaye, sont enlevés et envoyés aux aciéries travaillant pour la Défense Nationale.

1918. L’armistice est célébré à Hendaye avec la participation des habitants d’Irun, Leon Iruretagoyena, leur maire, en tête. L’aide apportée par Mr Iruretagoyena aux refugiés lui vaudra d’être décoré de la Légion d’Honneur.

1914-1918 : Dès les premiers jours de septembre 1914, la ville, où tous les partis fraternisent, s'organise pour recevoir et soigner les blessés; des hôpitaux temporaires sont ouverts dans la villa Marie, la villa Perla ainsi que dans le Casino, qu'offrent leurs propriétaires respectifs.

Plus de 50 réfugiés belges sont installés dans des maisons particulières. En 1916, des prisonniers alsaciens sont mis à la disposition des cultivateurs.

 

 

 

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25 février 2014

19721974 Fête HENDAYE AUTREFOIS

 

Veme republique

 

 

 

errecart

HENDAYE D'AUTREFOIS
pour le 25ème anniversaire de la Société

PEPITO et le Gaztelu-Zahar

 

 

1972  Fête des 25 ans de GAZTELU ZAHAR

 

 


HENDAYE d'AUTREFOIS

 

 

 

 

lassallette

Ce fut un triste jour pour Hendaye que ce 1er janvier 1993 qui vit la disparition des frontières et donc de toute l'activité économique liée au transit de marchandises. Un choc, se souvient le maire, 64 ans - un des deux seuls édiles socialistes du Pays basque.
 En bon gestionnaire, il avait cependant anticipé l'événement en lançant les travaux d'aménagement de la pointe Sokoburu pour organiser- autour du tourisme, de la plaisance et de la thalassothérapie - une activité de substitution aujourd'hui prometteuse.
 L'année 1998 fut une autre année marquante, avec la naissance du Consorcio de Txingudi, Hendaye-Irun-Fontarrabie, le premier exemple dans l'histoire européenne d'une communauté transfrontalière. Un acte pionnier qui se concrétisera cette année avec la réalisation d'un parc des expositions. M.-P. B.

 

1982. La Floride ensemble portuaire. Des travaux récents ont doté la zone de la Floride d’installations pou la navigation de plaisance et pour la pêche (criée et ateliers compris).
1992. Suppression de la douane entre l’Espagne et la France en application de l’Acte Unique Européen qui culmine le marché unique européen à travers les  quatre libertés: de circulation des marchandises et des services, des prestations et des installation d’entreprises, des capitaux, des personnes.

1992. Suppression de la douane entre l’Espagne et la France en application de l’Acte Unique Européen qui culmine le marché unique européen à travers les  quatre libertés: de circulation des marchandises et des services, des prestations et des installation d’entreprises, des capitaux, des personnes.
1993. Inauguration du port de plaisance de Hendaye.

1997. L’Observatoire Transfrontalier Bayonne-Saint Sébastien est crée à l’initiative conjointe de la Communauté d’agglomération de Bayonne-Anglet-Biarritz et la Diputacion Foral de Guipúzcoa. 

1998. Le Consorcio Bidassoa-Txingudi réunit les communes de Hendaye, Irun et Fontarabie pour harmoniser le développement économique, le tourisme et les activités sociales et culturelles. Il est régi par le droit espagnol.

 

 

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2001. L’Eurocité Basque Bayonne Saint Sébastien. Il s’agit d’un groupement européen d’intérêt économique qui agit à travers l’Agence transfrontalière pour le développement de l’eurocité basque Bayonne-Saint Sébastien 

 

 

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2010. Projet d’Euro région Aquitaine-Euskadi.
 Hendaye serait le siège de la nouvelle structure qui se régirait par le droit français.

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ecenarro 2

 

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hendaye autrement

cliquer sur la photo pour l'agrandir

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Démolition du Sotua



Jardin des déportés

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BIBLIOGRAPHIE

 Gabriel et Jean-Raoul Olphe-Galliard  : Hendaye
Abbé Michelena  :Hendaye son histoire
Jean Fourcade :  Urrugne 
Jean Fourcade : Trois cents ans au Pays Basque d'histoire
 ( le livre d'histoire Paris )
Joseph Nogaret  : Hendaye  ( 1811/1890 )
Joseph Nogaret : Saint jean de Luz
Claude Choubac : La Bidassoa
 Théodoric Legrand : Essai sur les différents de Fontarrabie avec le Labourd
Georges Langlois)La véritable histoire de Hendaye-Plage
Duvoisin: le Corsaire Pellot
Ducéré Edouard (1849 )
Thierry Sandre :  le corsaire Pellot
Alfred Lassus : Hendaye ses marins ses corsaires
Lauburu : Histoire et civilisation  Basques

Narbaitz  : le Matin Basque
Eugène Goyheneche  : le Pays Basque
Manex Goyeneche Histoire Pays Basque T : 1.2.3.4
Philippe Veyrin : les Basques
Rectoran : Corsaires Basques et Bayonnais
Thierry du Pasquier : les Baleiniers Basques
Josane Charpentier : La sorcellerie  au Pays Basque ( Ed . Guénégaud Paris )
Jean-Claude Lorblanches: les soldats de Napoléon en Espagne 1837
 ( Edition l'Harmattant )
Louis de Marcillac  : Histoire de la guerre entre la France et l'Espagne 1793/1795
Correspondance d'Escoubleau de Sourdis : 1636
Oiasso  : 4 siècles de présence romaine
 Gipuzkoakultura
Le Journal du Pays Basque
Supery
Regis Boyer   Heros et dieux du Nord  Ed.Tout l'Art
Internet
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Société des Sciences, Lettres & Arts de Bayonne (Bulletin, et notamment : J. de Jaurgain, E. Ducéré, J.-B. Daranatz, M. Degros...)
Musée Basque de Bayonne (Bulletin, et notamment : P. Arné, Pierre de Lancre...) Cardaillac (X. de) : Fontarabie.
Langlois (G.) : La véritable histoire de Hendaye-Plage.
Legrand (T.) : Essai sur les différends de Fontarabie avec le Labourd.
Nogaret (J.) : Petite histoire du pays basque français.
Nogaret (J.) : Saint-Jean-de-Luz : des origines à nos jours.
Olphe-Gaillard (J. & J.-R.) : Hendaye : Son histoire.
Paquerie (Ch. de la) : Un coin du pays basque.
Sandre (Thierry) : Le corsaire Pellot.
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REMERCIEMENTS PARTICULIERS à Mme Jacqueline Sanchez pour son aide dans la traduction de l' écrit habituel en langage informatique

 

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11 mars 2014

SECONDE GUERRE MONDIALE

 

seconde guerre mondiale

  

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  SOMMAIRE

 

DE SOUZA-MENDES

 OCCUPATION

ENTREVUE HITLER / FRANCO  VIDEO

RESISTANCE

ORDOKI

EVADES de FRANCE

FFI

DEPORTATION

LIBERATION

RESEAU COMETE

RESEAU COMETE FILM VIDEO

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La Seconde Guerre mondiale, ou Deuxième Guerre mondiale est un  conflit armé à l'échelle planétaire qui dura du  1er septrmbre 1939 au . 2 septembre 1945  Ce conflit planétaire opposa schématiquement deux camps : les Alliés et l'Axe.

Provoquée par le règlement insatisfaisant de la Première Guerre Mondiale et par les ambitions expansionnistes et hégémoniques des trois principales nations de  l'Axe Allemagne nazie; Italie fasciste et Empire du Japon, elle consista en la convergence, à partir du   3 septembre 1939, d’un ensemble de conflits régionaux respectivement amorcés le   18  juillet 1936 en  Espagne  (la  Guerre d'Espagne  ), le   7 juillet 1937en  Chine (la guerre sino-japonaise ), et le  1er septembre 1939 en Pologne puis par l'entrée en guerre officielle de l'ensemble des grandes puissances de l'époque :  France-Royaume uni et leurs empires dès le  3 septembre 1939,  URSS à partir de l'invasion allemande de juin 1941,    Etats-Unis le   7 décembre 1941 dans un conflit impliquant la majorité des nations du monde sur la quasi-totalité des continents. La Seconde Guerre mondiale prit fin sur le théâtre d'opérations européen le  8 mai 1945 par la capitulation sans condition du  IIIème Reich puis s’acheva définitivement sur le théâtre d'opérations Asie-Pacifique le  2 semptembre 1945 par la capitulation sans condition de , Empire de Japon dernière nation de l’Axe à connaître la défaite.

La Seconde Guerre mondiale constitue le conflit armé le plus vaste que l’humanité ait connu, mobilisant plus de 100 millions de combattants de 61 nations, déployant les hostilités sur quelque 22 millions de km², et tuant environ  62 millions de personnes dont une majorité de civils. N’opposant pas seulement des nations, la Seconde Guerre mondiale fut aussi la plus grande guerre idéologique de l’Histoire, ce qui explique que les forces de  collaboration  en Europe et en Asie occupées aient pu être solidaires de pays envahisseurs ou ennemis, ou qu’une   résistance ait pu exister jusqu’en plein cœur de l’Allemagne nazie en guerre. Guerre totale, elle gomma presque totalement la séparation entre espaces civil et militaire et vit, dans les deux camps, la mobilisation poussée non seulement des ressources matérielles – économiques, humaines et scientifiques – mais aussi morales et politiques, dans un engagement des sociétés tout entières.                                                                                                                          Wikipedia

 

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Avant l'Occupation

 

ALLEMANDE

 

 La frontière voit passer tous ceux qui cherchent à fuir l’occupant nazi.

 

 

  De  Souza Mendes

 

 


22 au 25 juin 1940 :

 Aristides de Souza Mendes

Consul du Portugal


Retrouvaille avec le pont ......  quelques années après

 

 

Plaque commémoratrice au jardin des Déportés

 

 

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occupation

L'arrivée des Allemands au Pont International 


 

Les forces hitlériennes  arrivèrent et le 27 juin en fin d'après midi le Herr Doktor Wist Brandt se trouva être le premier militaire d'occupation à parvenir au pont Santiago. Le 29 juin vers 11 heuresle général allemand parvenait à son tour au même endroit et il allait saluer son homologue espagnol le général Lopez Pinto, puis les deux généraux de concert traversèrent la frontière du côté français pour aller passer en revue un bataillon d'éclaireurs SS

Oihenart

 

 

Avion Allemand abattu par la R.A.F. anglaise


1946. Les Allemands étendent leur mur de l'Atlantique jusqu'à l'extrémité de la France occupée et installent à Hendaye une batterie complète en block­haus avec conduite de tir et souterrains au-dessus des Jumeaux, plus un blockhaus isolé à la pointe de la plage et plusieurs réduits à tourelles. Les Espagnols fortifient ensuite des crêtes en arrière d'Irun.


LE QUOTIDIEN


 

 

 

entrevue hitler franco

 

 

      

 

1940  Cette année-là, Hendaye est le théâtre d'un événement qui appartient à la grande histoire : l'entrevue que le général Franco et Hitler eurent en sa gare.

Ici, Hitler, au point culminant de sa force, a buté ! L'astucieux gallego, avec une finesse que nous dirions paysanne ou normande, a su lui refuser toute alliance et contrer ses projets; il rendit ainsi à la France et à l'Angleterre un immense service qu'il serait injuste et ingrat d'oublier.                  

 

 

ENTREVUE    HITLER  FRANCO

 

Deux divisions hitlériennes attendaient, dans les Landes, l'ordre de franchir la frontière; elles reçurent celui de s'en retourner.

Les habitants du quartier de la gare n'ont pas oublié le sinistre train, gris et camouflé, aux wagons plats, en tête et en queue, hérissés de canons anti-aériens, qu'ils purent entr'apercevoir en bravant la défense qui leur était faite de se mettre à la fenêtre. Ils se souviennent encore des coups de fusils tirés par les S.S. sur les fenêtres entr'ouvertes.

Le jour de l'entrevue Hitler-Franco renforcement de la sécurité

Pour notre part, nous avons eu la bonne fortune de rencontrer une personnalité française, ayant pu disposer de documents officiels, et qui a bien voulu rédiger la note ci-dessous publiée, avec son accord, in extenso.

Bien que son auteur ait eu la délicatesse de ne vouloir inclure sa signature dans un livre, ne lui devant rien d'autre, nous sommes en mesure d'affirmer la qualité de l'information, sa source d'une valeur historique incontestable.

L'entrevue Hitler-Franco en gare de Hendaye eut lieu le mercredi 23 octobre 1940, entre les deux rencontres à Montoire, près de Tours, de Hitler avec les dirigeants français (le 22 avec Laval seul, le 24 avec le Maréchal Pétain accompagné de Laval)

. Hitler voyageait à bord de son train blindé personnel. Il avait avec lui son ministre des Affaires Etrangères Ribbentrop.

Hitler venait demander à Franco son entrée en guerre aux côtés de l'Allemagne et de l'Italie dans le cadre d'une opération dite « Plan Félix », mise au point durant l'été notamment par l'amiral Raeder, commandant en chef de la flotte allemande.

 L'opération était destinée à fermer la Méditerranée aux Anglais par la prise de Gibraltar, et à prévenir une intervention anglaise et gaulliste en Afrique du Nord.

 Les Allemands se proposaient également d'établir des bases aux Canaries. L'affaire aurait lieu dans les premiers jours de 1941. Les forces motorisées allemandes traverseraient l'Espagne de Irun à la Linea.

L'attaque sur Gibraltar, prévue pour le 10 janvier, serait conduite par 2 000 avions de la Luftwaffe, des mortiers géants et les troupes d'élite, qui avaient déjà enlevé les forts de Liège.

 La vieille forteresse anglaise, mal armée, dépourvue d'une D.C.A. suffisante, ne pourrait pas opposer de résistance sérieuse à de tels moyens. Gibraltar, reconquise, serait aussitôt restituée à l'Espagne. En même temps, un corps blindé allemand occuperait le Portugal pour y prévenir un débarquement anglais.

Des contacts avaient déjà eu lieu à ce sujet à Berlin, au mois de septembre, entre Hitler, Ribbentrop et Serrano Suner, beau-frère de Franco, chef de la Phalange, considéré comme le n° 2 du régime espagnol et l'homme le plus favorable à l'Axe. Serrano Suner admirait Hitler, mais avait été choqué, durant son séjour à Berlin, par la brutalité de Ribbentrop, qui menaçait l’Espagne d’une occupation militaire si elle contrecarrait les plans du Führer.

La position de Franco était très délicate. Il ne pouvait pas oublier l'aide que lui avait apporté l'Allemagne durant la guerre civile avec les avions et les spécialistes de la Légion Condor

. Une partie de l'opinion publique espagnole était très favorable à une entrée en guerre aux côtés de l'Allemagne victorieuse. D'autre part, le pays était ruiné par trois années de batailles, presque au bord de la famine. II dépendait pour son ravitaillement en vivres, en pétrole de l'Angleterre et des Etats-Unis.

 Londres et Washington, malgré leur hostilité idéologique pour le régime franquiste, entretenaient avec lui des rapports corrects, afin de sauver Gibraltar. L'Angleterre exerçait, en outre, une forte pression sur les milieux financiers les plus influents de Madrid.

Le 23 octobre, le train de Hitler arriva, le premier, à Hendaye. Celui de Franco avait une heure de retard, que Hitler et Ribbentrop passèrent en déambulant et causant sur le quai. Franco arriva à trois heures de l'après-midi. Il était en petite tenue de général, avec le calot à glands. Les entretiens commencèrent dans le wagon de Hitler. On les connaît surtout par le récit du traducteur habituel de Hitler, Paul Schmidt, qui assista à toute l'entrevue.

La tactique de Franco était de ne rien refuser, mais de poser à son intervention des conditions, qui feraient reculer le Führer

. II laissa Hitler monologuer longuement, sans montrer la moindre réaction. Quand Hitler eut développé son plan, fixé la date du 10 janvier pour l'attaque de Gibraltar, Franco parla à son tour, « d'une voix calme, douce, monotone et chantante, rappelant celle des muezzins », dit Paul Schmidt.

II protesta de l'amitié et de la reconnaissance de l'Espagne pour le IIIè Reich et revendiqua pour elle l'honneur de reconquérir Gibraltar

. Mais il fallait qu'elle s'y préparât. Or, son armée était réduite à 300 000 hommes sans aucun équipement moderne. Son entrée en guerre aux côtés de l'Axe posait, en outre, un très grave problème de ravitaillement. Il fallait que l'Allemagne pût lui fournir 100 000 tonnes de céréales, du carburant. Franco réclamait, en outre, la majeure partie du Maroc français, le littoral algérien jusqu'à Oran et un agrandissement des colonies espagnoles en Afrique noire.

Les revendications espagnoles sur l'Afrique du Nord étaient particulièrement inadmissibles pour Hitler, qui, à ce moment-là, ne voulait pas « désespérer la France » et la faire basculer dans le clan gaulliste au Maroc et en Algérie, où le prestige de Pétain était considérable.

Le ton monocorde, la placidité de Franco portaient sur les nerfs du Führer. II faillit à un moment donné rompre l'entretien, puis se ravisa. Un dîner eut lieu dans son wagon-restaurant, à la suite duquel le dialogue des deux dictateurs se poursuivit encore pendant plus de deux heures.

Seul résultat de cet entretien de neuf heures, si désagréable à Hitler, qu'il aurait préféré, disait-il, se faire arracher trois ou quatre dents plutôt que de recommencer: les deux parties convenaient d'établir un vague traité, portant sur le principe de l'intervention espagnole, mais sans en fixer la date, et en la subordonnant à des livraisons d'armes et de ravitaillement, dont le détail n'était pas abordé.

 Les clauses restaient non moins imprécises pour ce qui concernait la possibilité de satisfaire les visées territoriales de l'Espagne en Afrique. Ribbentrop et Serrano Suner, devenu depuis peu ministre des Affaires Etrangères d'Espagne, étaient chargés de la rédaction de ce pacte, qui n'alla pas sans heurts violents entre eux.

A Hendaye, l'antipathie avait été réciproque entre les deux dictateurs. Pour Franco, Hitler était un comédien, qui montrait trop ses procédés. Pour Hitler, Franco était un homme courageux, mais sans envergure politique...

Comme Franco n'avait opposé aucun refus, les Allemands ne tardèrent pas à relancer l'affaire. En novembre, Hitler invita Serrano Suner à Berchtesgaden, pour n'obtenir de lui que des réponses aimablement dilatoires. Au cours de cette entrevue, Hitler parla, sans doute également, de son intention de faire passer au Maroc Espagnol au moins deux divisions allemandes. Il exposait, quelques jours plus tard, à Mussolini la nécessité de cette mesure.

En décembre, l'amiral Canaris, chef de l'Abwehr, rendit visite à Franco à Madrid, lui annonça l'intention de Hitler d'attaquer Gibraltar le 10 janvier, après que l'Espagne ait laissé libre passage à ses troupes.

Franco, nullement intimidé, répondit qu'il était impossible pour l'Espagne d'entrer en guerre à cette date, et que sa cobelligérance dépendrait du ravitaillement et des armes que l'Axe pourrait lui fournir.

Hitler demanda alors à Mussolini de servir d'intermédiaire pour fléchir Franco. L'entrevue du Duce et du Caudillo eut lieu le 1er février à Bordighera. Elle fut très cordiale. Mais Franco maintint sa thèse : l'Espagne ne pouvait entrer en guerre qu'après que l'Allemagne lui eût apporté une aide effective. Il se plaignait, en outre, que l'Allemagne eût choisi de collaborer avec la France plutôt que de satisfaire les revendications espagnoles sur l'Afrique du Nord. (Ce qui ne l'empêcha pas, en revenant d'Italie, d'avoir une rencontre cordiale avec Pétain à Montpellier et d'envisager avec lui la meilleure méthode pour résister aux Allemands sans les irriter.

Rentré à Madrid, il dénonça le protocole de Hendaye, qu'il considérait comme dépassé par les événements. Il contestait, en outre, comme il l'avait déjà fait, que la prise de Gibraltar pût avoir une valeur décisive pour la conduite de la guerre si le canal de Suez restait ouvert aux Anglais. ( F )

 

resistance

 

Réseau

Libé Nord

 

D'abord journal clandestin, dès décembre 1940, Libération-Nord se transforma en novembre 1941 en un mouvement de résistance. Se voulant l'expression des mouvances syndicales CGT non communiste, CFTC et de laSFIOclandestine, il s'est formé autour de Christian Pineau et de l'équipe du Manifeste des douze. Sans être seuls, les socialistes sont hégémoniques dans ce mouvement.

 CARRICABURU  .  PAUL PUJO

Résistance Fer . Marc

Le mouvement est créé au début de l'année 1943 par Jean Guy Bernard et Louis Armand secondé par tJean Marthelot, avec l'aide des directeurs de la SNCF Albert Guerville du réseau Cohors Asturie et Emile Plouviez. Résistance–Fer est considéré comme Réseau des Forces Françaises Combattantesqui sera rattaché à la Délégation Générale. Après l’arrestation de Jean-Guy Bernard en janvier 1944 c’est Armand qui prend la direction de Résistance Fer, sous le contrôle de Jacques Chaban Delmas


Réseau Castille

Fondée en septembre 1940, la Confrérie Notre-Dame est un réseau de renseignements ralliée à la France libre. C'est l'un des premiers réseaux du (BCRA). Ce réseau français libre est sans doute le plus important réseau de renseignements militaires de la Résistance. Il est aussi l'un des tout premiers créés en France, grâce à un agent exceptionnel envoyé vers la métropole dès l'été 40 par le 2e Bureau de la France Libre, Gilbert Renault dit « Raymond » (plus tard « Rémy »), qui donnera à son organisation le nom de Confrérie Notre-Dame afin de la placer sous la protection de la Vierge.

 À l'automne 1943, la trahison de deux radios, « Tilden » et « Alain », a des conséquences catastrophiques : elle entraîne une centaine d'arrestations, et Rémy doit se réfugier en Angleterre. Mais en décembre 1943, le réseau est reconstitué par Marcel Verrière (alias « Lecomte») à partir des cellules encore actives sous le nom de « Castille » et continuera à fonctionner jusqu'à la Libération. D'après les recherches effectuées, CND-Castille aura compté au total 1544 agents.

Henri dit Dominique PEYRESAUBES ( Résau Belge " Marc- France )arrété le 6 mars 1943 Déporté Buckenwald 14/9/1943 Mort au camp 26/10/43

André HATCHONDO ( +( Réseau CND, puis CND Castille après mars 1943) Parvenu jusqu'a la Libération sans arrestation malgré les hécatombes du réseau. Maire socialiste de Hendaye à la Libération

Pierre DETCHEPARE  ( Réseau LibéNord + Castille-1943 organisé par le Capitaine ( futur général )Bergé.. Organise des passages pour ces Réseaux..Comité Local de Libération

Pierre HARGOUET : Renseignements la frontière.Lieutenant FFI à la Libération.Liaison avec le commandant Passicot ( Réseau Ossau )

Philippe LARRAMENDI Pharmacien à Hendaye Réseau OSSAU

Commant Jean PASSICOT

Denise CALLAU Pharmacienne à Hendaye

Melle MONTAIGNE de ENA médecin à Hendaye

Jean GabrieL MONDET

 Ce relevé de Résistants  n'est évidemment pas exaustif il ne peut que   s'ajouter  au relevé des déportés.

 

 

 

 

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RESEAU NIVELLE BIDASSOA

Réseau  très local

Implanté à Saint Jean de Luz et dirigé par Jean Louis DUPREUIL industriel luzien originaire de Saint Etienne de BaïgorryLe réseau recueille des renseignements transmis au consulat anglais de Saint Sébastien.  le Réseau sera démantelé lors des rafles les 8 9 et 10 juin, plus d'une vingtaine de personnes seront arrêtées par les rafles de la Gestapo sur  les communes de Saint Jean de Luz  Ciboure dont le maire Mr Aberry et de Hendaye

Peu en reviendront

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Réseau NANA

Réseau Américain

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Réseau OSSAU

Comandant PASSICOT

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O.R.A

 

Organisation  Résistance  Armée

 

principal réseau de résistance francais organisé par le général de Gaulle depuis Londres,  et son représentant en France le colonel Rémy

.Ce réseau devait recueillir, le plus de renseignements possibles, sur les mouvements  des troupes d'occupation, et faciliter l'acheminement vers l'Angleterre des volontaires et des personnalités voulant rejoindre les Forces Françaises Libres.

Correspondant à Hendaye, 

Père Armand FILY

qui fournit un gros travail pour le réseau.

Père Joseph  Fily                  juin 1969 :

Il s’engage en 1939, (deuxième Bureau) et poursuit après l’armistice ses activités d’agent de renseignements (en particulier sur la Côte Cantabrique espagnole). 1941: Réseau Vengeance. Renseignement, organisation de passages clandestins de la frontière pour les réfractaires au S.T.O., résistants, aviateurs abattus. Il ne sera arrêté qu’au mois de juin 1944. À Dachau, le père Joseph sera choisi par Edmond Michelet pour devenir l’homme de confiance des intérêts français. C’est à ce titre, qu’il siège dans le Comité clandestin international en particulier dans le domaine de la solidarité permettra de sauver plusieurs centaines de déportés. Le père Fily reste pour tous les survivants de Dachau, une grande figure.

 

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RESEAU COMETE

 

Le réseau Comète est un groupe de résistance lors de la Seconde Guerre Mondiale. Actif en Belgique et en ,France ses membres ont aidé les soldats et aviateurs alliés abatuts par la DCA allemande à retourner au Royaume uni.

La ligne commençait à Bruxelles où les hommes étaient nourris, vêtus et recevaient de faux papiers d'identité avant d'être cachés. Le réseau les guidait ensuite vers le sud par France  occupée jusqu'en  Espagne neutre et Gibraltar (sous contrôle britannique).

L'Histoire de Comête sera racontée en détail .DEPUIS URRUGNE ET LES FERMES DE BIDEGAINBERRI ,  TOMAS ENEA  et JATXU BAITA , rejoignant la ferme de SAROBE en Espagne point de destination , en ayant fait  de nuit le tour des  3 couronnes , suivi du film racontant cette histoire.

 

L'HISTOIRE DU RESEAU

 

MARIA- LUISA GARAYAR ESCUDERO 

 et  MARITXU ANATOL .

  le FILM  TOME 6

Dans  DOCUMENTS

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Ordoki

 

 

KEPA  ORDOKI

 

Pedro Estaban Ordoki Vazquez  ( Kepa )

Défenseur d'Irun, futur commandant du Bataillon Gernika

Né le 3 Août 1912 à Irun quartier Meaca, dans la ferme Ibarla. En poursuivant ses études, il pratique divers métiers, en particulier dans le bâtiment. Il milite tout jeune au syndicat STV, puis à l'organisation de gauche ANV. Son service militaire terminé, il se marie au mois de mai 1936. Autant dire que le soulèvement franquiste  du 18 juillet le surprend en pleine lune de miel.Dès le premier jour  Kepa se jette pleinement dans le combat. Quoique nationaliste, il sera l'un des proches  du lieutenant Ortega et de Manuel Cristobal Errandonea. Dès les premières heures c'est lui qu'Antonio Ortega charge d'apporter une lettre à son homologue , le lieutenant des carabineros de Véra de Bidassoa, afin qu'il affirme, avec ses hommes, son engagement pour le camp de la république, ce qu'il obtient .Ordoqui fait partie du groupe de volontaires civils qui,pratiquement dépourvu d'armes de guerre, se trouve pris à Lesaca, dans le premier engagement avec les avant-gardes rebelles. Il sera par la suite de tous les combats, en particulier à San Martial, lors des héroîques journées de fin Août et début septembre 1936.

 

Irun perdu il n'abandonne pas le combat. Il ne passe pas  en France, mais fais retraite avec les derniers combattants par le Jaïzquibel. Après la chute de Saint Sébastien, il est blessé lors des durs combats du Sollube. En mars 1937, sa famille est capturée sur le tristement célèbre navire << Galdames >>. En juin, Pedro Ordoqui est nommé commandement du Bataillon Saint Andrès. Fait prisonnier ,il est successivement interné aux prisons de Larrinaga, Santona et Burgos., et le 3 septembre il est condamné à mort.Son exécution est reportée plusieurs fois.Le 28 juillet 1939 il s'évade de prison. Après un mois de marche clandestineil réussit à atteindre Biriatou.Arrêté par la gendarmerie française. interné au camp de Gurs, il s'évade à nouveau et passe dans la clandestiné.Mais une nouvelle arrestation survient, Kepa est cette fois arrêté avec des journeaux interdits déclarés subversifs.Lors de l'invasion Allemande de 1940, il passe en zone non occupée ( jusqu'au 11 novembre 1942 )Après cette date, à Luchon la Gestapo l'arrête. Torturé il doit être conduit à Peyresourde pour y être exécuté.. Et là encore miraculeusement Kepa réussit à s'enfuir..Repéré et intercepté dans un village, lors des fêtes locales, il trompe une fois de plus ses poursuivants par la promptitude dans sa fuite - 1 -

 

 

 

En 1944, Kepa met sur pied le bataillon Gernika, lequel avec 130 combattants volontaires d'Euskadi, mènera les durs combats pour éliminer les réduits bétonnés des poches allemandes de l'Atlantique.Du 14 avril 1945, jour du débarquement de l'offenssive, au 20 avrille bataillon Gernika participe à ces combats, écrivant une nouvelle page de la lutte des basques pour la démocratie et de la liberté, contre ceux là même qui, il y a 8 ans, presque jour pour jour, écrasaient sous les bombes la ville symbole de leur liberté.Près d'un tiers des << gudaris basques >> seront tués ou blessés. La guerre terninée, Keta Ordiki se retire à Hendaye. Entre temps, en son absence d'Irun une juridiction militaires l'a condamné à la peine de mort . En mars 1960 , il préside les funérailles du

 

   <> - 2 - Puis,  à son tour , meurtri à la fois par le cancer et par les douloureuses divisions du peuple basque, il s'éteint à l'âge de 81 ans, à l'hôpital de Bayonne, le 28 novembre 1993.

 

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1 Récit dans la collection en 7 volumes 1936 La guerra civil en Euskual Herria

 

( Directeur INAKI Egana ) tomre IV

 

2  Premier président de la République Basque

 

 

 

evades de france

 

 

Mes camarades, Raoul LANOT  en 1   , et  Jean RACHOU  en 2 . ont  franchi la Bidassoa , ont été fait prisonniers par la Guarda civil , enfermés au camp de Miranda et après quelques mois de détention , dirigés vers le Maroc.

Là ils se sont engagés dans la deuxième DB du Maréchal Leclerc , fait le débarquement de Normandie et Libéré Paris. Ils ont continué  leur  course vers  Strasbourg pour terminer au nid d'aigle de Hitler à Bertesgaden   dont ils se sont emparés. Tout celà sans jamais cesser de combattre. 

Joli parcours pour nos deux Hendayais de vingt ans.

 Il doit y en avoir beaucoup d'autres  que nous ignorons et que nous voudrions bien connaître.

A la libération nous nous sous nous retrouvés tous les trois à Paris. Nous  n'avons pas parlé de la guerre.

 

En 3 Je pense à Roger Caubet que rencontrais par le plus grand des hasards sur la place qui fait  façe à la grande poste d'Alger. Nous nous croisions, j'ai vu un marin avec son bérêt et son popon rouge.  Stupeur,.. venir de si loin et se retrouver si près,. Un grand moment pour nous deux

.Nous avons parlé longuement dans le café le plus proche .Il devait retrouver son navirre de guerre qui patrouillait en Médierranée à la recherche de sous marins allemands ou italiens ,assez nombreux. Ils nettoyaient le chemin que nous emprunterons lors du  débarquement en Provence.

Roger de retour sera facteur à la poste de Hendaye.

En 3  Loulou Rivière résistant de la première heure qui sera déporté et écrira le livre de ses souvenirs

En 4  le conteur.  

 

   

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second guerre m

 

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F.F.I    LISTE HARGOUET   114

 

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deportation

Etat des Déportés-de L.Rivière


Etat des déportés par  Gérard Lafon

 

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Hendaye toujours occupée par l'armée allemande allait connaitre une de ces journées les plus noires de son histoire . Une rafle de la Gestapo à  l'aube des  9 et 10 juin 1944 permit d'emmener vers les camps de déportation le Maire de Hendaye, son adjoint, ainsi que divers conseillers municipaux, le curé. de Hendaye-plage . Il faut souligner le courage de ces hommes, pour la plupart résistants et membres du groupe LibéNord qui, prévenus  de l'imminence de leur arrestation, après une décision commune, ne s'échappère pas, évitant à leur famille des représailles.

Léon Lannepouquet , maire depuis 1925, Jérome Faget adjoint, Dominique Testavin, secrétaire,Joseph Artola et et Jean Darbouet conseillers municipaux, Jean Courrège hôtelier, moururent à Dachau

A cette liste s'ajoutent L'abbé Simon  Paul ,curé de la plage.Seuls Julien Carricaburu, et le père Fily revinrent vivants .

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Notre commune peuplée de 6436  habitants paya un lourd tribut pour la victoire du 8 mai 1945

63 déportés se composant en 60 hommes et de 3 femmes dont une de 19 ans

10 hommes de moins de 20 ans 

 combattants  : 37 sont morts en martyrs 

3 internés en vue de déportation dont 1 fusillé 

34 combattants " Morts pour la France"

63 évadés de France  dont 2 sont morts 

165 prisonniers de guerre 

63 évadés de France " morts pour la France "

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Plaque à la mémoire des déportés

 

les camps d'internement

 

Auswitch

 

Auswitch


Ravensbruck


fours crématoires


 

 

Buchenwald


Nourriture du camp de DACHAU

Matin : 350 grammes de pain, 1 demi-litre de succédané de café

Midi : 6 fois par semaine 1 litre de soupe (avec carottes ou choux blanc)

1 fois par semaine i litre de soupe aux pâtes. 20 à 30 grammes de saucisson ou fromage et 3 quart de litre de thé

3 fois par semaine : 1 litre de soupe

 

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BORDABERRY Résidence du Général Brutinel

 

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Churchill à la plage

 

 

 

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11 février 2014

GUERRE DE LA CONVENTION 1789 et 1793

 

Capture

En novembre 1792, Carnot, par ordre de la Convention Nationale,  fait mettre en état de défense les ports de Hendaye et de Socoa :« ces places doivent être fournies     le plus tôt possible de munitions de bouche, telles que riz, viandes salées, etc. ».

 Quant aux commissaires, dont Lamarque, ils ordonnent qu'à dater de ce jour, 20 octobre An 1de la République, « il sera accordé une haute paye de 2 sols  par jour aux soldats, chasseurs et cavaliers cantonnés à Hendaye, Sare et Urrugne sur les observations, qui nous ont été faites, de la

cherté de la subsistance sur l'extrême frontière ».

L'arrière-campagne de la commune, tous les points stratégiques, les sommets des collines de Subernoa sont garnis d'ouvrages et de tranchées.

Mais la situation se gâte singulièrement avec la déclaration de guerre de la Convention à l'Espagne

 7 mars 1793.

 A ce moment, Hendaye était occupée par le 7è Bataillon de la Gironde comprenant trois cents hommes environ et par un effectif de 2.000 fantassins commandés par le général Duvergez.

 Ces troupes s'appuyaient, d'une part sur le fort d'Hendaye, et de l'autre sur la Redoute Louis XIV.

 En face, l'armée espagnole, forte de 22.000 hommes sous les ordres du général Caro, était disposée le long de la Bidassoa, de San Martial à Fontarabie. Le premier objectif des Espagnols, afin d'occuper les hauteurs qui descendent de la Rhune sur Urrugne et Ciboure, était de détruire le Fort d'Hendaye.

C'est le 23 avril 1793, par le

 << combat du camp d'Hendaye >>

 que s'ouvrit la campagne ; il est

ainsi appelé dans un récit du temps auquel nous emprunterons les précisions et détails

Le 23 avril,

Le 23 avril, ils ouvrirent le feu avec une telle violence, tant de Fontarabie que des collines qui, de la rive gauche, dominaient le fort, qu'au bout de peu de temps, le fort, l'église et la ville n'étaient plus qu'un monceau de ruines. A midi, les Espagnols s'emparaient du fort démantelé et à bout de munitions, tandis que la Redoute Louis XIV était prise à revers.

 Les Espagnols s'avancèrent jusqu'à Olette, mais ils y trouvèrent retranché le bataillon des Pyrénées ou chasseurs basques qui les battit et les repoussa au-delà de la frontière, mettant le siège devant Fontarabie qui se rendit aussitôt et fut incendiée

 le 25 avril 1793

,Sans que rien fit pressentir une attaque, un feu subit s'ouvre de Fontarabie sur Hendaye, alors que les habitants,sans méfiance, étaient plongés dans le sommeil ; la plupart d'entr'eux sont écrasés sous les décombres des maisons qui s'écroulent enflammées sous l'effet des bombes qui pleuvent sur la ville,

« une grêle de boulets,  et d'obus assaillit à la fois le camp, le fort et la redoute Louis-XIV.>>

 Cette explosion jeta le désordre parmi les Français et leur consternation fut au comble en voyant les habitants d'Andaye fuyant éplorés avec leurs femmes et leurs enfants, et cherchant à éviter les terribles projectiles qui détruisaient les maisons ».                                                        (N)

 et pour achever sa ruine, profitant du désordre inévitable qu'avait produit cette attaque inopinée, les Espagnols traversent la rivière et, par le moyen de torches, mettent le feu aux maisons que le bombardement n'avait pas atteintes.

A la nouvelle de cet événement, Reinier accourut avec ses troupes. L'ennemi à son tour, est refoulé sur l'autre rive, l'épée aux reins, par les Français qui se livrèrent, sur le sol espagnol, à des représailles.                                                                                                                    (N)

 

 

2 mai

Pourtant, tirant profit de l'incurie du général Servan qui, sous le prétexte de réorganiser ses troupes, avait ordonné l'évacuation d'Hendaye, les Espagnols reprirent l'offensive et, le 2 mai, entraient à Saint-Jean-de-Luz. Le 31 mai, un détachement venu de Béhobie occupait Hendaye qu'il acheva de détruire en y mettant le feu.

Les habitants s'étaient enfuis et beaucoup périrent de misère ; plusieurs furent rattrapés et emmenés en Espagne par les troupes. Ceux qui revinrent se virent contraints de prêter serment de fidélité au roi d'Espagne.

Le 4 Frimaire

 Le 4 Frimaire, la Convention, sur la proposition du Comité de Salut Public, décréta une allocation de 80.000 francs pour indemniser les citoyens hendayais. Suivant le rapporteur, les Espagnols font une guerre d'un nouveau genre : ils ont organisé des compagnies qu'ils appellent compagnies de voleurs ; lorsque l'artillerie a bombardé une ville, ils lancent ces compagnies armées de torches, et celles-ci incendient, pillent et égorgent hommes, femmes et enfants. Il est avéré que l'armée espagnole, dans sa marche en avant, détruisait toutes les maisons pour ne pas gêner les opérations.

Le 22 juin,

Le 22 juin, le générai Servan obligea de nouveau les ennemis à repasser la Bidassoa. Mais les deux armées, aussi mal organisées et équipées l'une que l’autre, les Espagnols ayant toutefois la supériorité du nombre, se tenaient mutuellement en respect le long de la rivière que, pendant un an, elles franchirent alternativement dans un sens ou dans l'autre, sans résultat décisif.

25 juillet 1794

La situation changea d'aspect lors de l'attaque d'ensemble lancée le 25 juillet 1794 par les soldats de la République, sous le commandement du général Muller épaulé à sa gauche par le général Moncey.

 1er août,

 L'armée espagnole était alors culbutée jusqu'à Oyarzun, tandis qu'une flotte improvisée s'emparait par surprise de Fontarabie, le 1er août, A leur tour, San Sébastian, Tolosa, Ondarroa et Vittoria tombaient sous les coups portés par Moncey.

en mars 1795, l'attaque française

Celui-ci, nommé commandant en chef en remplacement du général Muller, après un temps d'arrêt imposé par la mauvaise saison reprit, en mars 1795, son offensive en Biscaye.

 En juillet, il obligea les Espagnols à battre en retraite et à évacuer Bilbao et l'Alava. Il se disposait à investir Pampelune, lorsqu'il reçut, à San Sébastian, la visite du marquis d'Jranda, Simon d'Aragorry, qui, émigré de France, avait laissé à Hendaye un domaine placé sous séquestre dont il désirait récupérer la possession. C'était là le but avoué de sa démarche. Mais il était porteur d'une lettre du roi d'Espagne qui demandait la paix

 Cette  conquête relativemant facile, cette " occupation"compréhensive, méritent une  explication . Ce passage des troupes de la révolution souleva un intérêt non dissimulé

Cette guerre des Pyrénées a été occultée, contrairement à la guerre du Roussillon

Eugène Goyheneche écrit : Le centralisme Jacobin, le fanatisme politique  et religieux des révolutionnaires sont responsables de l'avortement d'un projet qui peut être eût changé le cours de l'histoire.

Une occasion manquée ?  

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Au début de la révolution le Capitaine Général de Guipúzcoa fait savoir au ministre Floridablanca que les femmes trafiquantes de comestibles qui faisaient l’aller-retour deux fois par semaine au marchés de Saint Jean de Luz, et de  Hendaye , facilitaient la contagion des idées révolutionnaires en Espagne; c’est vrai qu’il va y avoir beaucoup de francisés dans le Guipúzcoa et dans toutes les provinces basques.

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1795 Simon d'Aragorry, marquis d'Iranda, s'entremet à Saint-Sébastien pour la paix et à partir d'août le général Moncey ramène en France ses troupes de Bilbao.

1795. Simon d’Aragorry,  hendayais qui déploie ses affaires en France et en Espagne, et qui a été fait Marquis d’Iranda par Charles III d’Espagne, intervient pour obtenir la paix entre les deux pays qui concluent le Traité de Bâle, qui ouvre jusqu’en 1808 une alliance entre la France et l’Espagne face à la Grande Bretagne.

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Après ces batailles, Hendaye restait pantelant, palpitant encore après la mort. Presque toutes les maisons avaient été détruites par les projectiles ou par les incendies.

 De l'église ainsi que du fort il n'y avait plus que des ruines, dont la destruction fut parachevée

par deux compagnies envoyées à cet effet par les garnisons d'Irun et d'Oyarzun.

Quant aux habitants, les familles avaient fui, tandis que les hommes avaient été contraints, dès avril 1793, de s'engager dans la Légion des montagnes, celle des miquelets, créée pour l'enrôlement des basques français et espagnols: elle formait un bataillon avec six compagnies.

* Bref, la ruine était totale. 

La commune avait elle-même disparu en mars 1793 en tant

qu'entité administrative, son territoire ayant été de nouveau rattaché

à Urrugne. Elle recouvra vite son autonomie, à la fin de 1796

 dans le cadre du canton dont Urrugne demeura le chef-lieu jusqu'en 1802.

1796 le receveur des douanes est tué au cours d'une bagarre qui

l'opposa à 30 hommes armés ».

 

le port de Caneta n'est plus qu'une ruine


 

Et ce fut le traité de Bâle du 21 juillet 1795

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Ravagée par l'ennemi passant et repassant sur son territoire, Hendaye avait en outre perdu son autonomie administrative par une loi qui l'annexait à Urrugne. Cependant elle n'allait pas tarder à recouvrer celle-ci.                                                                                          (OG)

L'Espagne lance une contre-attaque et expulse de nouveau les Français.

Cependant, voyant qu'elle ne gagnait rien de la guerre et que la France était plus forte que ce qu'elle semblait, Manuel Godoy signe de façon séparée la paix de Bâle (1795).

En échange de l'arrêt des hostilités, l'Espagne reconnaît la République française , elle cède à la France la partie espagnole de l'île d'Hispaniola et les relations commerciales sont normalisées.

Pour la signature de ce traité Manuel Godoy reçut le titre de « prince de la Paix » (Príncipe de la Paz).

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La prise de Fontarabie mérite d'être rapportée, car elle fut d'une rare rapidité.

 Le 31 juillet, Lamarque, capitaine de gre­nadiers, à la tête d'une petite troupe, se présenta devant la place. Après un échange de quelques coups de feu et l'occupation d'un mamelon proche, il fit à l'ennemi une sommation ne lui accordant que six minutes pour se rendre.

 Le Conseil de Guerre, responsable de la défense, dut être terriblement affolé, car il y consentit aussitôt et constata seulement alors que 300 grena­diers avaient eu raison de 800 Espagnols soutenus par 50 bouches à feu

. Lamarque fut promu au grade d'adjudant-général, il le méritait bien.

La Convention rendit un décret portant que l'Armée des Pyrénées Occidentales avait bien mérité de la Patrie.

La paix revient, troublée seulement par des actes de brigandage et de vols comme en connut toute la France, pendant les guerres de l'Empire; le calme persistera relatif jusqu'en 1808, époque à laquelle Urrugne se reprit à voir défiler troupes et matériel .Restes du  vieux fort                                  (F)


Restes du  vieux fort 

milieu du XVII siècle.

 

 

 

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7 octobre 2014

Le Corsaire

4

LE CORSAIRE

 Etienne PELLOT

 Maillebiau

 

Pour Marcel Argoyti, ce passionné d'histoire locale

Etienne Pellot, avait-il deux femmes ? Ce célèbre corsaire, né à Hendaye le 1er septembre 1765, fut-il aussi maire de cette commune ? Ces deux questions méritent d’êtres posées et nous allons vous montrer pourquoi… A l’instar de Talleyrand «le Diable boiteux» Pellot reçut un surnom : «le Renard basque», et servit, lui aussi, sans aucun état d’âme le Royauté, la République et l’Empire. Mais ils ne furent pas les seuls !

Le jour de l’inauguration du monument dédié à Etienne Pellot (aujourd’hui déplacé au rond point de Belzenia au Bas Quartier), le maire Jean-Baptiste Errecart (1965-1981) brossait les grands traits de la vie du célèbre corsaire. La voix chargée d’émotion et les «r» roulés à la perfection, selon son habitude, il rappelait avec force de conviction: «Ses concitoyens lui confient les fonctions de maire qu’il assura de 1815 à 1820». En toute bonne foi, le premier magistrat hendayais se faisait l’écho de ce qui était écrit dans maints ouvrages plus ou moins savants.

Etienne Pellot

 

S’il avait consulté les vieux registres de l’état civil hendayais en l’An VIII de la République, à la date du 22 prairial (11 juin 1800), Jean-Baptiste Errecart aurait indubitablement trouvé le premier acte signé de la main de son lointain prédécesseur. Il s’agit de l’acte de décès de Jean Sallaberry: «Par devant moy Pellot maire de la commune de Hendaye (..)». Plus bas, il a fait figurer sa signature Etne . Pellot, maire.

 

Cette signature est accompagnée de celles des deux témoins de l’acte : Les citoyens Martin Bidart (cordonnier, 1er maire de Hendaye, en 1790) et Raimond Bergare (pêcheur). Peu après, sur les actes suivants, Etienne Pellot «enjolive» sa signature et écrit maire en entier…

 

 

 

Première signature de Pellot, maire, sur un acte. Sa signature quelques mois plus tard.

 


Mais l’état civil de Hendaye montre, aussi, le maire Etienne Pellot sous un éclairage plus familial. Ainsi cet acte de naissance de sa fille, daté du 3 brumaire de l’An VII (24 octobre 1798), signé du maire André Lissardy. Ce n’est pas le père qui procède à la déclaration de son enfant car il est en mer, comme précisé sur l’acte : «La tante maternelle a déclaré en l’absence du père, à moi soussigné, que Jeanne Sussiondo, épouse en légitime mariage du citoyen Pellot, capitaine de navire, actuellement en course, est accouché hier, deuxième du présent mois, à neuf heures du matin, d’un enfant femelle qu’elle m’a présentée, et auquel on a donné le prénom & nom de Marianne Pellot». Normal, pensez-vous certainement, que le corsaire Pellot soit en course, en mer, pour s’emparer de navires anglais ou autres… Ce qui est moins normal, en revanche, ce sont les noms qui apparaissent sur cet acte. Nous y reviendrons dans un instant !

 

Un autre enfant sera déclaré à Hendaye, Jean Pellot né le 18 thermidor de l’An X (5 août 1802). C’est Josèphe Pellot qui en fait la déclaration à la mairie car son frère Etienne Pellot «capitaine de marine, se trouvant absent» était certainement en mer. Auparavant, il avait eu un autre enfant, né à Urrugne le 27 prairial de l’An III (15 juin 1795). En l’absence du père, cette fille nommée Gratianne «de Jeanne Sussiondo épouse en légitime mariage du citoyen Etienne Pellot, officier marinier» fut déclarée par les citoyens «Jean Garat, marin, habitant de Hendaye et Gratianne Béchouet» à Jean Larramendy, officier public de l’état civil d’Urrugne.

 

Sur ces trois actes de naissance l’épouse, en légitime mariage, d’Etienne Pellot est Jeanne Sussiondo (orthographié «Souciondo» sur son acte de décès, à Hendaye, le 7 mars 1839). Or, tous les biographes sérieux du fameux corsaire écrivent qu’Etienne Pellot, à l’âge de 32 ans, s’était marié, à Urrugne, le 18 thermidor de l’An V (5 août 1797), à Marie Larroulet de la maison Galbarreta, sise à Subernoa (Urrugne). Son frère Pierre Pellot, 29 ans, était l’un des témoins de ce mariage. Voici la signature du corsaire au bas de l’acte, où il écrit son prénom et son nom en entier (comparer cette signature avec celle, plus haut, du maire).

 

.

La signature d’Etienne Pellot, sur son acte de mariage célébré à Urrugne.

Etienne Pellot aurait-il contracté deux mariages ? Avait-il fondé deux familles ? En un mot, était-il bigame ? Tout cela le laisserait supposer…

Ces deux épouses constitueraient une source d’étonnement total pour ceux qui connaissent la vie de Pellot à travers l’abondante littérature qui lui est consacrée. Forts de leur savoir, ils rétorqueraient que le corsaire hendayais était seulement le père d’un seul garçon et d’une seule fille. Celle-ci s’appelait Catherine Pellot et, comme bon sang ne saurait mentir, allait épouser, le capitaine de marine Etienne Passement… Leur acte de mariage va nous apporter des éclaircissements majeurs pour mieux comprendre l’imbroglio autour d’Etienne Pellot : «L’an mil huit cent vingt deux, et le dix-sept du mois d’avril par devant nous, Etienne Pellot, maire, officier public de l’état civil de la commune de Hendaye, (…) est comparu monsieur Etienne Passement (…) et mademoiselle Catherine Pellot, âgée de vingt-trois ans et, suivant son extrait baptistaire, fille majeure et légitime de monsieur Etienne Pellot, capitaine de navire, et de madame Marie Larroulet, son épouse, demeurant dans la maison de Priorenia, quartier de Subernoa, commune D’urrugne (sic) (…)».

Suivent les signatures d’Etienne Pellot, maire, d’Etienne Passement (époux), de Catherine Pellot (épouse), d’Etienne Pellot, «père de l’épouse», d’Etienne Durruty et d’Etienne Lissardy. Voici la clef de l’énigme… Non, Etienne Pellot n’était pas bigame, marié à Jeanne Sussiondo et à Marie Larroulet. Seule cette dernière fut, bien sûr, sa femme. C’est Etienne Pellot, le maire présidant ce mariage, qui était l’époux de Jeanne Sussiondo.

Et oui, il y avait, en même temps à Hendaye, deux Etienne Pellot, ayant à peine douze ans de différence d’âge. Pour corser le tout, ils étaient capitaines de navire tous les deux. Ainsi, le célèbre corsaire, le Renard basque, n’a jamais été maire. Et le maire n’aurait jamais été corsaire (jusqu’à de plus amples renseignements...). Sur l’acte de mariage Passement Etienne et Pellot Catherine, du 17 avril 1822, figurent les deux signatures : celle du maire et, plus bas, celle du corsaire. Pour ne pas rajouter à a confusion des esprits le maire signe Pellot, tout court, alors que le père de la marié signe Etne. Pellot, père de l’épouse…

 

 

Sur l’acte de mariage de Catherine Pellot apparaissent les noms d’Etienne Pellot :

 

le corsaire et le maire.

Etienne Pellot, célèbre corsaire, d’après un portrait

longtemps conservé à Priorenia.

Etienne Pellot, le maire de Hendaye, est mort le 22 mai 1836. Son acte de décès précise : «Pellot Etienne, âgé de quatre-vingt trois ans, capitaine de navire, époux de la dame Soussiondo, Jeanne, est décédé en sa maison». L’adjoint au maire Ansoborlo en oublie même d’écrire le nom de la maison : «Gastebaita» ! Sa veuve Jeanne Souciondo est décédée à son tour le 7 mars 1839, à Hendaye. En revanche, Etienne Pellot, le corsaire, est mort à l’age très respectable de 91 ans, le 2 avril 1856, en sa maison de Prioreteguy ou Priorenia qui borde la Bidassoa. Sur l’acte de décès sont mentionnés : «ancien capitaine de timonerie, ex enseigne auxiliaire, chevalier de l’ordre royal de la Légion d’honneur». Alors sur le territoire d’Urrugne, la robuste bâtisse d’Etienne Pellot, avait été édifiée sur l’emplacement du prieuré de Subernoa et de son église paroissiale placée sous le vocable de Saint-Jacques.

Priorenia, la maison du corsaire Pellot, ici dans les années 1970, appartenait à la famille Durruty.

Transformée en appartements Priorenia, peut être un peu trop restaurée… est devenue Frégate !

Avant l’an 2000, le domaine de Priorenia, abandonné, a été vendu à un promoteur. Sur cet emplacement devenu « Résidence Port Bidassoa» se dresse un ensemble de petits immeubles, au cœur d’un lieu sécurisé : «Entrée interdite, entrada prohibida, Sarrea debekatua»... Au cœur de ces nouvelles constructions la maison Priorenia, a été transformée allègrement pour recevoir des appartements. La vénérable demeure du corsaire Pellot est devenu un bâtiment appelé Frégate !

Etienne Pellot et Etienne Pellot semblent égaux dans la lente et inexorable mort de l’oubli… Ce mois de novembre 2011, le vieux cimetière hendayais était tout fleuri de généreux bouquets de chrysanthèmes et autres fleurs multicolores, aux fragrances subtiles ou pas. Parmi cet enchantement floral, sous un ciel d’été de la Saint-Martin, quelques tombes restaient vierges de tout bouquet. Là, personne n’était venu symboliquement rappeler l’attachement aux chers défunts reposant dans la terre hendayaise. Parmi les tombes sans aucune fleur se détachaient deux concessions proches par leur aspect affichant une certaine monumentalité et par leurs croix placées du côté de la mer. Il s’agit bien entendu des tombes des deux Etienne Pellot (voir photos ci-dessous). Sur celle du corsaire est gravé, sur le piédestal de la croix : «Familles Durruty, Passement, Pellot». Un peu plus haut dans le cimetière se trouve la tombe du maire où, dans le marbre, est inscrit : «Famille Pellot»… Mais où est seulement mentionné, dans la pierre, le nom de son fils, mort célibataire : «Jean Pellot 1802-1874».

Tombe d’Etienne Pellot, corsaire de Hendaye. Tombe d’Etienne Pellot, maire de Hendaye.

Ces deux photographies ont été prises au vieux cimetière, le mercredi 9 novembre 2011.

Christian Maillebiau 

 

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13 août 2013

Jean D'ALBARRADE

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Jean D'ALBARRADE      I

arriva à HENDAYE, avec son père Etienne, professeur d'hydrologie à Eskola-Handi, à l'âge de 4 ans

il fut Corsaire et Ministre de la Marine

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suivi de sa biographie de Ministre

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il naquit le 31 août 1743 dans la maison l'Espérance.

Il était fils d'Etienne d'Albarade, professeur d'hydrographie et de Marie Capdeville. A quinze ans, le 14 mars 1759, il est reçu matelot pilotin à bord de la flûte du roi l'Outarde, capitaine Darragorry, et faisait bientôt voile pour Québec.

Le 2 octobre 1760, il s'embarquait comme lieutenant à la part sur le corsaire le Labourd de Saint-Jean-de-Luz, armé de 18 canons et de 207 hommes d'équipage placé sous les ordres de son compatriote Pierre Naguile.

Durant cette campagne, dont le résultat se solda par treize prises sur l'ennemi, d'Albarade reçut une grave blessure à la tête. A peine rétabli, il passe sur la goélette la Minerve, corsaire bayonais commandé par le capitaine Dolâtre.

Dès sa première sortie (1) la Minerve enlève à l'abordage et à la vue de trois navires de guerre ennemis le Jency, de Lancastre. Cramponné à la vergue de fortune, d'Albarade s'élance le premier.

Aidé de quelques matelots basques, il tue et blesse tout ce qui se présente devant lui et force l'équipage anglais à fuir dans la cale.

Epouvanté, le capitaine du Jency saute sur le pont de la goélette et rend son épée à Dolâtre.

Quoique dangereusement atteint à la tête et au pied, d'Albarade reçoit en témoignage de ses services la difficile mission de conduire en France en port sûr la prise à laquelle il a si brillamment coopéré (2).

La Minerve ayant été obligée de désarmer pour réparer ses avaries, le commandant Laverais engage d'Albarade comme lieutenant en premier à bord de la Triomphante, autre frégate bayonnaise forte de 160 hommes d'équipage. A cette époque, les ports de Bayonne et de Saint-Jean-de-Luz « regorgeaient Le 2 février 1762, au 5 mai suivant, le capitaine Laverais croise le long de la côte d'Espagne. Enfin sa bonne étoile le met en présence d'un convoi anglais et, grâce à de savantes manoeuvres, il s'empare de cinq gros navires qui, amenés à Bordeaux, Bayonne et Lorient donnent au vainqueur une prime magnifique Le 17 juin 1762, d'Albarade entre au service de l'Etat en qualité de matelot aide-pilote de la

Malicieuse et tint campagne sous les ordres du lieutenant de vaisseau de Chateauvert jusqu'au 5 mai 1763. Licencié presque aussitôt, il sert successivement comme capitaine à 90 livres par mois à bord du Régime, de la Marie, de la Sainte-Anne et du Saint- Jean,capitaines La Courteaudière, Clemenceau, Peyre et Nicolas Marie. Enfin le 5 septembre 1779, un riche armateur de Morlaix, plein de confiance en la bravoure et le savoir de notre jeune héros lui confie le commandement de la Duchesse de Chartres, superbe corsaire défendu par 12 canons et plusieurs pierriers.C'est à cette période de sa vie maritime que d'Albarade, désormais seul maître après Dieu sur le navire qu'il commande, commence à acquérir la réputation du plus audacieux des capitaines de la marine marchande de son temps.

Chargé d'établir une croisière dans le canal Saint-Georges, il s'empare, trois jours après son départ, de deux voiles richement chargées. Forcé de relâcher un instant, il reprend sa route le 11 septembre 1778 et, le même jour, capture le Général Dalling, dont la cargaison est estimée 600.000 livres (2.400.000 francs-or 1914). Le lendemain, au sortir d'un profond brouillard, il tombe au milieu d'une flotte ennemie. S'aidant du vent, il prend chasse aussitôt. Serré de très près par le Lively (le Léger) et le Swalow

(l'Hirondelle) armés : le premier de 16 canons et de 150 hommes d'équipage ; le second de 14 canons et de 97 hommes. L'un et l'autre possédaient des pierriers et des obusiers. Profitant de ce que la mer, devenue très houleuse, incommodait fortement la Duchesse de Chartres, le Général Dalling, en dépit des 13 matelots français placés sur son bord, coupe l'amarre et va se réfugier sous le pavillon des Anglais. Il ne restait plus qu'à combattre. D'Albarade s'y prépare vaillamment et, comme la mer avait inondé une partie de la soute aux poudres, il se décide pour l'abordage. Dans cette intention, il fait apporter sur le pont un tonneau plein d'armes diverses : « Matelots, s'écrie-t-il, nous n'avons que de ceci à pouvoir faire usage aujourd'hui ! Ceux qui en manqueront viendront en prendre dans la barrique !

(sic) ». Cependant les ennemis s'approchaient vivement espérant que la Duchesse de Chartres se rendrait aussitôt (1). Ils se postèrent l'un au vent, l'autre sous le vent, à portée de fusil. Le Lively au vent tira un coup de canon et vint se présenter par le travers de la Duchesse de Chartres qui continuait sa route tranquillement et sans mouvement, sous les quatre voiles majeures (2), faisant deux lieues et demie à l'heure. L'Anglais, lassé de ce calme apparent, se laissa culer, fit feu de toute sa bordée et manœuvra pour passer sous le vent. Au même instant, le Swalow commença aussi son feu par toute sa volée. Ainsi la Duchesse et le capitaine, attentif, guettait un instant favorable qui servirait ses desseins. Le moment venu, le Lively étant sous le vent, le capitaine d'Albarrade, avec sa même voilure, arriva dessus avec vivacité et l'aborda effectivement au vent. Il ordonna à sa mousqueterie de faire feu. En abordant, M. d'Albarade fut blessé au haut du bras gauche par une balle de mousquet qui pénétra dans la poitrine et fractura le sternum ; le bras lui resta immobile, il perdit beaucoup de sang. La douleur d'une blessure aussi dangereuse ne lui arracha qu'une exclamation. Plusieurs de ses gens placés près de lui répétant qu'il était blessé, il leur en imposa en disant : « Taisez-vous, ce n'est rien ! » et il continua de commander et d'encourager son équipage. Le Lively, s'étant vu serrer de si près, travaille à se dégager, marchant mieux, il réussit et fila de l'avant, son grand porte-haubans écrasé. Malgré sa blessure, le capitaine d'Albarade ne se déconcerte pas. Il commandait avec la même précision et avec son sang-froid ordinaire dans des manœuvres aussi précipitées, aussi délicates que hardies et dangereuses. Il fit arriver aussitôt que son beaupré fut dégagé du Lively et fit faire sa décharge à toute sa batterie du vent à brûle-pourpoint sur le derrière de l'Anglais qui le chauffe à son tour et, du même mouvement, il courut sur le Swalow qu'il aborda aussi au vent, qu'il tint bon allongé et qui fit de vains efforts pour se dégager. Ce fut encore en l'abordant que M. d'Albarade fit faire feu de sa mousqueterie. Les gens du devant de l'Anglais fléchissant, il ordonna à son équipage de sauter à bord de l'ennemi. L'arrière se présenta bien, étant sur le plat-bord ; quelques- uns ayant été blessés, les autres furent arrêtés par les ennemis qui opposèrent une résistance qu'on ne put surmonter. Ceux en avant du grand mât de la Duchesse de Chartres que rien ne pouvait arrêter, au lieu de profiter du moment et de sauter à bord de l'Anglais, furent se cacher, à l'exemple d'un homme qui, par état et par devoir était fait pour montrer l'exemple du courage dans le péril (1). Les ennemis s'apercevant de cette retraite reprirent courage et se présentèrent avec force résistance. Si les Français du devant, en tout ou partie, eussent sauté à bord de l'ennemi, cette alternative n'aurait, pas eu lieu. Ils auraient fait diviser ceux qui défendaient l'arrière de l'ennemi et les Français de l'arrière de la Duchesse de Chartres, toujours parés pour sauter à bord du Swalow, trouvant un jour, s'en seraient rendus maîtres.

Cette belle occasion si bien amenée ayant été manquée, M. d'Albarade, sans se décourager et plein d'espérance de la retrouver, chercha à rallier et à encourager son équipage, l'exhortant à empêcher l'ennemi de passer à son bord. Il y avait trois quarts d'heure qu'on tenait l'Anglais accroché, que l'on se battait avec acharnement, qu'on employait réciproquement la force et les ressources de l'art pour se détruire jusqu'à se jeter avec la main d'un bord à l'autre des boulets de canon, des pinces, etc. Voyant enfin le moment de pouvoir pénétrer, M. d'Albarade exhorte derechef son équipage, ordonne à son monde, à l'arriére, qui avait arraché des lances des mains des Anglais, de se tenir paré. Il passe en avant pour conduire ses gens et les faire sauter devant lui à bord de l'ennemi; mais à peine avait-il fait quelques pas qu'il fut renversé sur le pont par un boulet de canon qui lui tomba en mourant sur le côté gauche et qui, achevant de lui assommer la poitrine, le laissa sans respiration. Un moment après, pouvant prononcer quelques paroles, il fit appeler le sieur Cottes, un de ses premiers lieutenants, déjà blessé à la tête d'un coup de pique, lui recommanda l'honneur du pavillon, lui remit le sabre qu'il tenait encore en main et, perdant beaucoup de sang qui sortait à gros bouillons, retomba sans connaissance sur le pont en priant qu'on l'y laissât.

Ayant recouvert quelque force et rouvert les yeux, loin du bonheur, au delà de toute espérance dont il avait été près de jouir et que son courage et ses manœuvres lui avaient mérité, le capitaine se trouva au pouvoir des Anglais. Son état-major lui représenta que l'équipage, le voyant étendu sur le pont, l'avait cru mort et que, en le pleurant et le regrettant, on avait amené.

A Pembroke (1) 1) Pembroke, province d'Ontario, Haut-Canada où il fut conduit prisonnier, d'Albarade reçut un accueil plein de sympathie. A peine à terre, ses vainqueurs lui rendirent son épée, le laissant libre sur parole, mais mandant pour le soigner un expert-chirurgien. Enfin, lorsqu'en janvier 1780 il quitta Pembroke, on lui délivra les certificats les plus honorables. Nous ne rapporterons qu'une seule de ces attestations :

« Nous, dont les noms sont ci-dessous, certifions que la défense de la Duchesse de Chartres, commandée par M. d'Albarade, a faite pendant une heure avec des forces inférieures contre deux sloops de guerre appartenant à Sa Majesté Britannique : le Swalow,commandé par le capitaine « Le plus fort et le meilleur voilier d'entre les corsaires, constate- t-il en octobre 1781, l'Aigle

(1), capitaine d'Albarade, qui avait été(1) Armé de 40 canons, monté par 360 hommes d'équipage, choisis avec le plus grand soin par leur capitaine, l'Aigle, sortait des ateliers de M. Dujardin de Saint-Malo dont la réputation de constructeur de premier ordre était alors européenne. Ce fut le premier vaisseau de commerce doublé de cuivre.

Brikeston, etle Lively, commandé par le sieur Inglefield, est telle qu'elle fait honneur au pavillon français. En conséquence de quoi les vainqueurs lui ont rendu son épée et ses armes et se sont eux-mêmes intéressés au rétablissement de sa santé. Ce brave capitaine jouit ici du respect et de l'estime qu'il mérite si bien. En témoignage de quoi nous lui avons délivré le présent certificat pour lui servir ce que de raison. A Pembroke, ce... janvier 1780. Signé : J. Campbell, membre du Parlement et lieutenant-colonel du régiment de Cardignan ; J.-L. Egod, capitaine au dit régiment ; J. Kinvangtz ; R. Stevenson ; J. Allen, chirurgien ; G. Weeb, major de Pembroke ; D. Allen, capitaine d'infanterie. La défense que le capitaine d'Albarade fit lorsqu'il fut attaqué par les sloops de S. M. le Lively et le Swalow a été noble et doit mériter la bienveillance de tous ceux qui en ont été témoins, en conséquence il emporte dans sa patrie mes souhaits les plus sincères pour son parfait rétablissement. Signé : Inglefield, capitaine du Lively. » Loin de nuire à sa gloire, le combat soutenu par la Duchesse de Chartres rendit d'Albarade encore plus populaire. A la date du 11 février le Mercure de France annonçait que deux superbes frégates corsaires venaient d'appareiller à Saint-Malo : l'Aigle et la Duchesse de Polignac,commandées la première par M. d'Albarade, la seconde par M. Gan- delon. Depuis cet instant, le journal de la Cour ne cesse de chanter les éloges de notre compatriote. Chacune de ses prises est enregistrée et annoncée pompeusement au-devant de la flotte de la Jamaïque, vient d'entrer à Dunkerque. Le mauvais temps l'avait forcé de faire le tour des Trois Royaumes et s'il n'a pas rencontré ce qu'il cherchait, du moins il s'est emparé de trois navires. L'un est une belle frégate armée pour la côte d'Afrique ; elle se rendait à Ostende pour y prendre le pavillon impérial ; le second est un bâtiment chargé de lin fin, de chanvre, etc., le troisième portait des bois de construction.

L'Aigle,dont le capitaine d'Albarade est toujours très satisfait, a pris, depuis le commencement de sa croisière, 21 bâtiments dont 5 corsaires, 4 lettres de marque et le reste, navires marchands faisant en tout 26 canons et 464 prisonniers.

Cependant d'Albarade fut l'objet d'une dénonciation calomnieuse d'après laquelle on l'accusa de détourner les marins de la flotte royale pour les embaucher dans les navires corsaires. Dans une lettre pleine de dignité, d'Albarade réfuta ces accusations dont il parvint à se justifier.

Le gouvernement du roi Louis XVI ayant acheté l'Aigle, d'Albarade obtint, avec l'agrément du roi (1782), le commandement du vaisseau le Fier, de Rochefort. Dès lors il eut rang de capitaine de frégate dans la marine de l'Etat. En 1787, le roi le nommait chevalier de Saint- Louis. Pendant la Révolution, d'Albarade fut ministre de la Marine en 1793 et parvint au grade de contre-amiral. Nous ne le suivrons pas au cours de cette brillante carrière, ce qui nous ferait sortir du cadre de cette étude. D'Albarade mourut à Saint-Jean-de-Luz en 1819. Après sa mort, Louis XVIII eut la curiosité de faire chercher, au domicile du défunt, la croix et le brevet de l'ordre de Saint-Louis donnés au corsaire par Louis XVI le 11 août 1787, pour s'assurer s'il les avait déposés à la municipalité, conformément au décret du 28 juillet 1783, ou s'il leur en avait substitué d'autres comme firent bien des gens à cette époque. Malgré tous les soins apportés par le commissaire de la Marine à Bayonne, cette recherche resta infructueuse. On ne trouva qu'une très petite croix de Saint-Louis que le vieux contre- amiral avait coutume de porter depuis le retour des Bourbons. D'après la rumeur publique, d'Albarade, prévoyant une fin prochaine, aurait avalé la croix de Saint-Louis. Il tenait à emporter au delà de ce monde le témoignage certain de sa belle existence de marin.

1) C'est l'affaire qui a donné lieu à l'établissement du certificat que Dolâtre délivra à d'Albarade (voir page 286) avec d'autres détails non mentionnés par le capitaine.

(2) Archives de la Marine, certificats n°" 1 et 2.

2) Le récit de ce beau fait d'armes se trouve dans le Mercure de France, octobre 1778, page 34. Le journaliste ajoute « Les détails que nous allons rapporter sont l'ouvrage d'un marin et prouvent entièrement que la manœuvre du brave M. d'Albarade contre des forces aussi supérieures est très hardie et du commandement le plus expérimenté. »

(3) Voiles majeures.Ensemble des basses voiles et des huniers de Chartres était prise entre deux feux et le capitaine, attentif, guettait un instant favorable qui servirait ses desseins.

BIOGRAPHIE des MINISTRES FRANÇAIS de 1789 à ce jour (1826)

Jean DALBARADE

Jean DALBARADE (et non Albarade) ou d’Albarade, est né Biarritz, près de Bayonne, vers 1741. Son père, professeur d’hydrographie, tenait une école dans la commune de Hendaye.Le jeune Dalbarade embrassa la carrière de la marine dès son enfance, et commença par être mousse. Il fit différents voyages au Canada, sur des bâtiments de commerce : il devint bientôt officier, et se fit remarquer sur des navires armés en course contre l’Angleterre. A l’âge de 20 ans, il eut le commandement d’un corsaire de 14 canons, avec lequel il se battit, pendant plusieurs heures, contre deux navires de guerre anglais, beaucoup plus forts que le sien ; ce fut au moment de monter à l’abordage sur l’un d’eux que Dalbarade fut renversé sur son banc de commandement par une volée de mitraille. Il fut pris et conduit en Angleterre, où il fut porté en triomphe pour sa belle défense ; le récit de son combat fut inséré dans les journaux anglais et français. Dalbarade guérit en Angleterre de ses nombreuses blessures ; mais il a toujours gardé dans son corps trois balles qu’on n’a jamais pu en extirper.

Lors de la guerre d’indépendance des Etats-Unis, Dalbarade fut employé comme officier auxiliaire sur les bâtiments de l’Etat. Les dames de la cour ayant fait construire la frégate l’Aigle, de 44 canons, choisirent M. Dalbarade pour la commander. Il fit avec cette frégate, qu’il équipa à son gré, avec des marins basques, plusieurs croisières heureuses, dans lesquelles il prit un grand nombre de bâtiments anglais, dont plusieurs armés en guerre. Après s’être acquis une grande réputation avec cette frégate, le gouvernement confia à Dalbarade le commandement du vaisseau de guerre Le Fier, sur lequel il remplit la mission difficile de porter des troupes dans l’Inde. Dalbarade eut alors quelques discussions avec la compagnie hollandaise des Indes, retourna en France en 1778, et soutint longtemps un procès contre cette compagnie, qu’il finit par gagner. Louis XVI le nomma capitaine de vaisseau et chevalier de Saint-Louis.

Il était inspecteur des classes des côtes de l’Océan lorsque la révolution éclata : Dalbarade en embrassa les principes avec ardeur. Monge ayant été nommé ministre de la marine, appela Dalbarade auprès de lui en qualité d’adjoint. Il occupait le poste de chef de la 6ème division du ministère, lorsque Monge se retira en le désignant pour son remplaçant.

En effet, la convention nationale nomma Dalbarade ministre de la marine, le 10 avril 1793. La liberté ne pouvait avoir de plus ferme soutien, et l’administration de ministre plus zélé ; il ne put cependant se soustraire aux envieux qu’importunaient son mérite et la faveur dont il jouissait. Ils saisirent le prétexte des troubles survenus à Marseille et à Toulon, après le 31 mai 1793, pour le dénoncer à la convention. Il se justifia pleinement des griefs qu’on lui imputait. L’année suivante, ayant été dénoncé de nouveau, il démontra que toutes ces mesures avaient été dictées par le véritable amour de la patrie, et réduisit ainsi ses détracteurs au silence. Remplacé le 2 juillet 1795, il reprit du service dans la marine, avec le grade de contre-amiral, et fut chargé du commandement du port de Lorient. Après l’incendie du vaisseau Le Quatorze Juillet, il fut dénoncé et traduit devant une cour martiale, où il fut accusé de négligence dans l’exercice de ses fonctions, et déclaré déchu de tout commandement. Ce jugement, auquel l’esprit de parti avait présidé, ne flétrit point la réputation de M. Dalbarade .

Il s’occupait depuis longtemps du soin de faire réformer l’arrêt inique qui avait occasionné sa destitution, lors de la révolution du 18 brumaire. Dalbarade, qui avait tout fait pour la république, jugea qu’elle allait s’éteindre entre les mains du premier consul, et vota contre lui. Dès lors il ne fut plus employé.

Lorsqu’il était entré au ministère, Dalbarade avait des capitaux qui pouvaient lui assurer une existence honête ; mais ces capitaux lui furent remboursés en papier-monnaie, de sorte que lorsqu’il quitta le ministère, il n’avait plus rien. Cela ne doit pas étonner ceux qui ont pu juger du patriotisme, de la probité et du désintéressement de ce brave marin. IL vécut longtemps après sa destitution avec une pension de 2,000francs, et se retira en 1802, chez le fils d’un de ses compatriotes, qui l’accueillit et le garda dans sa maison jusqu’en 1813, époque à laquelle le département des Basses-Pyrénées fut envahi par les troupes anglo-espagnoles. Une petite propriété qu’il avait à Hendaye, fut alors dévastée. Dalbarade se réfugia à Paris, où il était au moment de la restauration. C’est à Louis XVIII qu’il a dû l’augmentation de sa retraite, qui fût portée à 4,000 francs. Il ne put jamais parvenir à faire liquider des arrérages assez considérables, qui lui étaient dus du temps de la république. Il se retira de nouveau à Saint-Jean de Luz, où il est mort le 30 décembre 1819, regretté de toute la population, et tout particulièrement des marins basques, dont il avait toujours été le protecteur. Cet ancien ministre est mort pauvre, et son mobilier a été réparti entre quelques créanciers qu’il avait, et qu’il a toujours regretté de ne pouvoir payer.

Ceux qui ont connu personnellement Dalbarade, ne souscriront jamais à un tel jugement. Nommé ministre à l’époque où les plus illustres républicains étaient aux prises avec le monstre de l’anarchie qui s’apprêtait à dévorer la France, il se déclara l’un de leurs adversaires, et fut le complice muet de tous les crimes qui précédèrent et suivirent le 31 mai.

Brave comme militaire, Dalbarade qui était honête homme au fond, et ne manquait pas d’instruction comme officier de marine, manquait de toutes les connaissances adminstratives, nécessaires à un ministre. Quoi qu’il fut considéré, depuis longtemps, comme le constant auxiliaire des anarchistes, les comités de gouvernement, renouvelés par trimestre après le 0 thermidor, l’avaient conservé en qualité de commissaire de la marine, titre substitué à celui de minitre, aboli par un décret de la convention du premier avril 1794. Ce fut le 1er avril 1795, jour où éclata contre la convention une insurection anarchique, que Dalbarade fut destitué de ses fonctions de commissaire de la marine.

Il serait possible que son opinion politique, connue, eut influé sur ce jugement.

D’autres ont été employés après avoir voté comme lui ; l’extrême médiocrité de ses talents fût la seule cause qui décida Napoléon à ne plus l’employer.

On n’a jamais songé à contester la probité de Dalbarade ; ceux qui se croyaient en droit de l’accuser sur d’autres points, seraient les premiers à le justifier sur celui-là.

 

 

 

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19 août 2013

SUHIGARAYCHIPI

5

 UN CORSAIRE HENDAYAIS Coursic

SUHIGARAYCHIPI          I

dit COURSIC

CORSAIRE HENDAYAIS

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ÉDOUARD DUCÉRÉ


 

Il est vraiment, surprenant que les brillants corsaires qui combattirent et luttèrent contre les ennemis de la France à toutes les époques, et principalement sous l'ancien régime, n'aient pas laissé plus de traces de leurs hauts faits.

Nous ne croyons pas cependant, ainsi que l'affirment plusieurs écrivains, qu'il faut eu accuser la paresse de ces braves marins plus prompts à manier le sabre que la plume. Quelques-uns d'entre eux ont laissé des souvenirs et même des journaux de bord qui ont été publiés et dont l'intérêt est des plus vifs.

Mais c'est là l'exception et pour la presque totalité d'entr'eux on ne trouve dans les écrits du temps qu'un nom auquel est joint un (aitd'armes puis la plus pénible obscurité.

Les marins de notre région si fertile en célébrités de ce genre, n'échappent guère à cette règle, nous connaissons bien les noms de la plupart d'entr'eux, mais les détails de leur vie aventureuse nous échappent complètement.

Heureusement que quelques documents miraculeusement sauvés les ont préservé de l'éternel oubli.Et cependant les pièces relatant leurs croisières et leurs combats ont existé. Le doute n'est pas possible à cet égard. Mais que sont devenues les anciennes archives de l'Amirauté de Rayonne, et celles non moins précieuses de l'Inscription maritime de notre ville ? M. Goyetche, dans son histoire de Saint-Jean de-Luz assure avoir vu les comptes d'armement d'une des plus puissantes maisons de cette ville sous Louis XIV, et nous-mème avons eu entre les mains, le répertoire des documents de ce genre conservé au siècle dernier à l'arsenal maritime de Bayonne.

Mais toutes ces pièces qui auraient pu éclairer d'une vive lumière les exploits de nos marins ont disparu, sans qu'on puisse dire si elles ont été détruites où si, reléguées dans quelque réduit ignoré, elles reparaîtront quelque jour pour la plus grande joie de nos érudits.

Parmi ces marins nés dans notre ville, un surtout mérite une étude particulière. Sur celui-ci, il semble que le voile de l'oubli se soit quelque peu soulevé, et nous permette d'entrevoir non sa puissante personnalité, mais quelques-unes de ses actions de guerre. Nous allons dire sur ce personnage ce que nous avons appris d'autant plus volontiers qu'une figure semblable honore le pays dans lequel il a vu le jour,

Nous avons choisi ce vaillant parce que, après lui avoir consacré quelques pages clans un de nos ouvrages précédemment publiés, le savant D' Hamy à eu la bonne fortune de trouver aux archives nationales, un document de grand prix qui jette une vive lumière sur une de ses plus aventureuses expéditions. Le savant membre de l'Institut, a fait précéder la pièce trouvée par lui d'un savant commentaire et a même eu l'obligeance de nous envoyer quelques pièces dont il n'avait pu taire usage. Nous lui en exprimons ici toute notre reconnaissance.

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Au milieu des corsaires Savonnais qui se firent le plus remarquer sous le règne de Louis XIV, Johannis de Suhigaraychipis, dit Croisic le plus souvent Coursic, c'est-à-dire le petit corsaire, dans le langage familier du pays, mérite certainement d'occuper l'un des premiers rangs (1).

Malheureusement., pour celui-ci, comme pour beaucoup d'autres, on ne sait rien de .son commencement. Il est certain qu'il ne s'éleva pas jusqu'au commandement d'un navire aussi important qu'une frégate légère sans avoir acquis une double réputation de vaillant militaire et de prudent marin.

Nous savons cependant qu'après avoir longtemps navigué à bord de navires marchands et fait de nombreux voyages aux îles d'Amérique, le capitaine Coursic, aidé de quelques amis, équipa en 1691, la frégate la Légère ; admis à faire la course contre les ennemis de l'Etat, il devint bientôt, grâce à son audace, un sujet de terreur pour les Espagnols, aussi bien que pour les Hollandais. L'enthousiasme excité par son succès devint si grand, que le duc de Gramont, gouverneur de Bayonne (2), sollicita la faveur d'entrer de moitié dans l'armement de la Légère.

Cette association fut des plus fructueuses, car en moins de six ans, le capitaine Coursic captura plus de cent navires marchands. C'était, à un point tel, écrivait M. de Préchac, conseiller au Parlement de Navarre, au ministre Pontchartrain, que les gens du duc cle Gramont, qui sans doute avaient suivi l'exemple de leur maître, s'enrichissaient par les prises des armateurs, ainsi que l'on appelait les corsaires à cette époque. Le secrétaire du duc venait d'acheter une terre cle cinq mille écus. que M. cle Lons lui avait vendu pour payer sa charge de lieutenant de roi (1).

On aurait aimé à savoir par le menu le détail des croisières de Coursic mais, nous l'avons dit, tous les documents composant les anciennes archives de l'amirauté de Bayonne ont disparu et il est a craindre que ceux qui existent encore ne subissent le même sort.. Quoi qu'il en soit,, nous ne savons rien de ces premières années de Coursic, et seule une correspondance du duc de Gramont, nous signale quelques-uns de ses plus brillants faits d'armes, racontés d'ailleurs avec une sécheresse désespérante.

Au mois de septembre 1691, le capitaine Coursic suivait à la piste une escadre ennemie où il fit, dit le duc de Gramont, la plus jolie action du monde. Ayant manœuvré avec la plus grande audace, il captura entre un galion et deux frégates de quarante pièces de canon, une des flûtes hollandaises qui suivaient le convoi et la ramena à Saint-Jean-cle-Luz. Ce navire, chargé de fer, de piques, d'armes et de safran, iuL estimé plus de cent mille francs.

Au mois d'octobre, nouvelle prise à bord de laquelle se trouvait un Espagnol de qualité, nommé le marquis de Tabernicad le los Vallès. D'ailleurs pas cle détails plus circonstanciés.

Cependant une des actions du brave capitaine Hendayais est un peu mieux expliquée dans une longue lettre adressée par le duc de Gramont au ministre Pontchartrain. L'affaire paraît avoir eu lieu au mois d'octobre 1691, et montre jusqu'à quel degré pouvait se déployer l'audace de l'aventureux marin.

Ayant presque achevé sa croisière, et consommé la presque totalité des vivres qu'il avait sur son bord, le capitaine Coursic faisait voile de !a côte de Portugal à la rade de Saint Jean-de-Luz où il devait aller se ravitailler en eau et en biscuit. Dans la nuit, du 3 au 4, il fut tout à coup surpris par un si gros temps qu'il lui fut de toute impossibilité de continuer sa route, ni même de tirer quelque secours de sa conserve dont il se trouvait à ce moment à une portée de canon, et dont la violence de la tempête le sépara immédiatement. Il ne devait plus la rejoindre pendant le reste de cette navigation. Il se trouvait fort embarrassé, par le manque presque complet de vivres, et il en était réduit à l'eau-de-vie, pour toute boisson. Dans une circonstance aussi critique, il réunit ses officiers en conseil, et il prit le parti en homme sage et résolu de relâcher au premier endroit possible de la côte d'Espagne, afin d'essayer de se procurer des vivres de gré ou de force.

Il arriva ainsi à la hauteur du cap Ortigueso, à l'est, duquel se trouvait situé un très gros village, nommé Barios, et où se trouvait une sorte de rade. Ce fut là qu'il se résolut d'aborder. Il découvrit de loin un navire qui tenait la même route que sa frégate, et auquel il donna la chasse le croyant espagnol. Lorsqu'il se fut assez rapproché pour savoir qui il était, il reconnut que c'était sa conserve l'Embuscade, dont il avait été séparé pendant la tempête. Elle s'était, trouvée clans l'obligation de relâcher comme lui, car elle faisait de l'eau à couler bas, ce qui ne l'avait pas empêché d'ailleurs de faire deux prises anglaises, qui étaient mouillées à côté d'elle dans cette même rade et sous son canon.

Cependant le capitaine Coursic était fort pressé de terminer son affaire et le lendemain matin de bonne heure, il envoya faire ses compliments aux alcades de Banios, et demanda qu' il lui fût permis de faire quelques barriques d'eau. Cela fait, il leur promettait « foi de basque », qu'il lèverait l'ancre et se retirerait sans leur faire aucun mal. Les autorités de Barios répondirent avec la plus grande politesse, qu'il n'avait qu'à envoyer ses chaloupes à terre et qu'on leur ferait donner toute l'eau qui serait nécessaire pour l'alimentation de ses équipages.

Coursic se confiant à celle réponse, fit monter un canot par 25 hommes et les envoya à terre avec les barriques vides. Mais en y arrivant, le canot, fut accueilli par une décharge de cinq cents coups de mousquet que les Espagnols lui adressèrent. Ceux-ci étaient rangés en bon ordre derrière des retranchements qui régnaient le long du rivage.

On pense quel fut l'étonnement de Coursic en voyant un accueil semblable, auquel il était si loin de s'attendre. Mais il était un homme trop déterminé pour s'en émouvoir outre mesure. Il se hâta cependant de rappeler son canot par un coup de canon, et fit aussitôt ses préparatifs pour tirer vengeance du manque de foi des Espagnols et de deux de ses matelots basques qui avaient été blessés.

Il envoya emprunter la chaloupe de l'Embuscade, mit 80 hommes seules deux embarcations, s'embarqua avec eux et alla débarquer sous la protection de son canon. Il rangea son monde en bataille sur la plage, et. se dirigea droit au retranchement de l'ennemi avec ordre absolu à se marins basques de ne tirer qu'à bout portant. Il y avait dans le retranchement espagnol, au moins trois cents hommes et une trentaine de cavalleros commandant la milice du pays, qui, au son du tocsin, s'étaient rendus à leurs postes désignés d'avance pour donner les ordres nécessaires à une forte résistance.

Aussitôt qu'il fut arrivé à portée du retranchement., le capitaine Coursic prit toutes ses dispositions en homme de guerre consommé,fit plusieurs détachements pour l'attaquer à droite et à gauche, et après avoir essuyé une décharge générale des Espagnols, comme la fortification qu'il voulait enlever n'était pas dans un état parfait et que les Basques qui composaient sa troupe. « sont naturellement ingambes » il y entra avec ses hommes, tua roide 24 espagnols qui restèrent sur place, en blessa 30,dont le moindre avait un coup de poignard dans le ventre et fit 40 prisonniers. L'assaut, fut vivement poussée

Cependant l'action était Unie, car dit, le duc de Gramont, toute la canaille espagnole et les alfiérez s'étaient retirés sur le sommet, des montagnes, et les troupes de débarquement se chargèrent, de demi- piques, de mousquetons, d'épées et.de rondaclies, en un mot. de toutes les armes qui servaient. « à l'équipement de jacquemart», qui était ordinairement en usage chez les Espagnols.Ils reprirent leurs rangs, et se dirigèrent droit au village afin de s'assurer si les habitants étaient tranquilles.

Ils n'y laissèrent ni un mouton, ni un cochon, ni une poule, ni un meuble dans une seule maison, et pour couronner le tout, le capitaine Coursic se disposait à y faire mettre le feu pour leur faire ses adieux et, leur laisser un souvenir de leur mauvaise foi.

En ce moment, le curé, le crucifix à la main, les femmes éplorées et les enfants criant, le supplièrent à genoux de les préserver de l'incendie, « ce qu'il leur accorda pris de compassion, quoique corsaire. » Il fit un traité avec le curé et. les principaux notables du lieu, dans lequel il était dit que malgré toutes tes défenses du roi d'Espagne, de donner aucune assistance à un Français, chaque fois qu'à cause du mauvais temps où pour toute autre raison, il se trouverait dans la rade de Barios, tout ce qu'il demanderait pour sa subsistance et celle de ses équipages lui serait délivré, ((agréablement ».

Voilà, ajoute le duc de Gramont, quelle fut la fin de la bataille et les formes du traité entre le corsaire et les Espagnols.

Cela fait, le capitaine Coursic regagna son bord avec toutes ses dépouilles et mit aussitôt à la voile avec l’Embuscade, qui avait fait quatre bonnes prises pour le roi. Quant au duc, la campagne avait été pour lui moins fructueuse que les autres, car il n’avait de part qu’aux vieilles selles des caballeros espagnols. Quant aux poules et autres victuailles, elles avaient été digérées depuis longtemps. Cependant le gouverneur de Bayonne disait que l'action était, glorieuse pour Sa Majesté et qu'elle faisait plus d'éclat en Galice que si la citadelle d'Anvers avait été prise. Ce qui lui suffisait.

Les encouragements du noble duc et des gens riches du pays furent si efficaces que les corsaires basques et bayonnais firent rage.

Le grand nombre de frégates qui furent armées pour la course, ruinèrent le commerce des Espagnols. Les deux seuls vaisseaux de guerre qu'ils possédaient sur cette côte furent désarmés, pour qu'on n'eût pas la douleur et l'humiliation de les voir capturer.

Pas un seul bâtiment de Fontarabie, de Saint-Sébastien ou de Bilbao, ne pouvait se risquer hors du port, sans être pris aussitôt. L'audace des corsaires devenait extrême et les vaisseaux anglais et hollandais éprouvaient un pareil sort.

Dans moins de huit mois, les corsaires aidés par les frégates légères du roi, avaient pris 125 vaisseaux marchands et, au moment où le duc de Gramont donnait ces détails à Sa Majesté , il y avait un si grand nombre de navires capturés à Saint-Jean-de-Luz « que l'on passe de la maison où logeait votre Majesté à Ciboure, sur un pont de vaisseaux attachés les uns aux autres ».

L'effroi et le tumulte régnaient dans les provinces espagnoles et le monde y criait misère.

Mais le capitaine Coursic n'était pas au bout de ses exploits, et le 15 février 1692, la Gazette de France enregistrait la curieuse relation suivante :

« Le capitaine Coursic, commandant la Légère, frégate de 24 canons, étant à la hauteur du port de San Antonio, en Biscaye, découvrit deux vaisseaux hollandais qui faisaient route vers Saint-Sébastien, et leur donna la chasse deux jours, et le 16, il aperçut un des deux vaisseaux, qui était de 500 tonneaux, de 36 pièces de canon et de 100 hommes d'équipage.

Le 17, il le rejoignit sur les neuf heures, et après la première décharge, il l'aborda, nonobstant l'inégalité de son vaisseau. Mais il fut repoussé deux fois, et obligé de s'éloigner par le grand feu des ennemis.

En arrivant derrière, il reçut un coup de mousquet à l'épaule, ce qui ne l'empêcha pas de demeurer sur le pont pour encourager ses Basques. Mais au troisième abordage, ils firent de si grands efforts qu'ils se rendirent maîtres du pont. Les Hollandais avaient préparé des coffres à poudre qui enlevèrent deux matelots et s'étaient retranchés dans les chateaux d'arrière et d'avant et entre deux ponts, d'où ils faisaient un feu extraordinaire. Néanmoins, ils y furent forcés et le vaisseau pris après trois quarts d'heure d'un combatsi sanglant que de tout équipage il ne reste que dix-huit hommes, la plupart blessés dangereusemenl. On trouva le capitaine hollandais qui, quoique blessé à mort, s'était traîné jusqu'à Sainte-Barbe pour mettre le feu aux poudres et faire sauter les deux vaisseaux. On l'en empêcha, et il mourut presque aussitôt.

Ce vaisseau était chargé de cordages, de voiles, de mâts, de poudre et de toutes les munitions nécessaires pour un galion neuf, construit au port de Passages, près de Saint-Sébastien, qui servit d'amiral à la flotte d'Espagne. C'est la troisième lois que les agrès de ce galion ont été perdus. Le premier vaisseau qui les apportait fut pris par le sieur du Vigneau. Le second fut coulé à fond par un vaisseau armé de Brest, et enfin ce dernier a été amené au port de Bayonne. Il y a eu 35 basques blessés et cinq tués en cette occasion, qui a duré cinq heures, à la vue de Saint-Sébastien.

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Quelques jours après, notre capitaine se remettait en course. A peine avait-il franchi l'embouchure de l'Adour, qu'un navire de guerre de la marine anglaise, la Princesse, montée par 120 hommes d'équipage et armée de 64 canons, en croisière dans le golfe de Gascogne, l'attaquait sans lui donner le temps de se reconnaître. Malgré son infériorité, Coursic se hâta de riposter ; commencé à huit heures du matin, le combat ne cessa qu'à trois heures de l'après-midi. De la plage du Boucau, une partie de la population bayonnaise avait assisté à cette lutte émouvante, qui devait se terminer par le triomphe du brave commandant de la Légère. Aussi, lorsque celui-ci, après avoir amariné sa prise et viré de bord, fit son entrée dans l'Adour, il fut accueilli par les applaudissements frénétiques de ses compatriotes. Le duc de Gramont, son associé, écrivit aussitôt au ministre pour lui annoncer ce nouveau succès ; son enthousiasme était si grand, sa croyance en Coursic si profonde qu'il suppliait M. de Pontchartrain de l'autoriser à équiper quelques nouveaux corsaires, sous la conduite de Coursic, afin de les envoyer détruire la flotte nouvelle que l'Espagne s'apprêtait à mettre à la mer. Le duc demandait encore que le roi fît délivrer au vaillant capitaine une médaille rappelant la prise de la Princesse (1).

Les deux lettres suivantes adressées par M. de Pontchartrain au gouverneur de Bayonne, achèveront d'édifier nos lecteurs sur l'importance du nouveau service rendu à l'Etat par le brave corsaire.

« A Paris, le 5 mars 1693.

« A M. le Duc de Gramont,

« MONSIEUR,

« La cargaison de la Princesse, prise par le sieur Coursic estant toute composée de munitions destinées aux vaisseaux du Roy, j'éscris au sieur de Laboulaye (1) de la faire passer sous votre bon plaisir àRochefort, où Sa Majesté en fera payer la valeur à qui de droit. Nous avons aussy besoin du bastiment que ie Roy achètera pareillement ou frétera comme vous le jugerez plus à propos ; le bastiment pris et laplupart des munitions de son chargement sont d'une nature à ne pouvoir estre acheptées que par Sa Majesté, et rien ne peut mieux convenirque cela dessus dit.« Je viens de recevoir la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire du 27 du mois passé ; je connois de quelque importance il est de tascher de vous rendre maîtres de la flotte qui doit sortir des ports d'Espagne, et je feray pour cela tout ce qui sera praticable, sans traverserles autres projets de Sa Majesté ; mais nous ne sommes guère enestât de faire des entreprises de ce costé. Cependant, lorsque les vaisseauxde Rochefort sortiront, Sa Majesté pourra leur ordonner d'allerfaire un tour sur la coste d'Espagne avant d'aller à Brest, ainsy je vous supplie de continuer à m'informer de tout ce que vous apprendrez de la navigation des ennemis sur vos costes, affîn que j'accomode à cela celle des vaisseaux de Sa Majesté, autant qu'il se pourra (2). »

La seconde lettre du puissant ministre de Louis XIV, annonçait au gouverneur de Bayonne, la brillante récompense que Sa Majesté venait de délivrer au brave corsaire, en le faisant entrer de plain-pied dans les rangs de la marine royale, qui ne pouvait qu'être honorée par une telle recrue :

« A Versailles, le 22 mars 1692.

« A M. le Duc de Gramont,

« MONSIEUR,

« J'ay rendu compte au Roy de ce que vous m'avez fait l'honneur de m'escrire par votre lettre du 12. Sa Majesté a eu pour agréable d'accorder(1) Commissaire général de la marine du Ponant au département de la Guyenne.(Arch. de Bayonne, CC. 805).(2) Dépêches de la marine de Ponant. Archives de la Marine, B2. — A. 75, f° 446.au sieur Coursic un brevet de capitaine de frégate légère, et je vous l'envoyerais incessamment. Sa Majesté a estimé que cela lui convenoit mieux et hiy feroit plus de plaisir qu'une médaille.« A l'esgard de l'armement eu course dont je vous aye déjà escript, Sa Majesté voudra bien vous y donner intérest aussy bien qu'à M. Plassèque, lorsqu'il conviendra à son service de faire cet armement. Mais elle n'estime pas que ce soit à présent, luy paraissant que l'envie de la course fait fuir son service aux matelots basques ; ainsy Sa Majesté ne veut pas qu'on travaille à la liste des matelots nécessaires pour lesquels elle a fait remettre des fonds, qu'ils ne soient partis pour Rochefort ; elle est persuadée que cet avancement feroit un bon effet, pour son service ; mais elle est encore plus pressée du vaisseau de guerre, qu'elle a fait armer en ce port

« J'ay eu l'honneur de vous escrire que M. de Réols devait aller avec 4 vaisseaux sur les costes d'Espagne et qu'il a voit ordre de suivre ce que vous prescririez (1). »

Investi de ce nouveau grade, le capitaine Coursic sentit son audace grandir, et la campagne suivante devait montrer au roi que la récompense qu'il venait de lui accorder avait été bien placée.

Une nouvelle expédition allait suivre, plus audacieuse encore que les précédentes, mais, pour l'intelligence de notre récit, il convient de revenir quelque peu en arrière. Notre tâche est d'ailleurs rendue facile, car c'est au savant Dr Hamy que l'on doit la découverte et la publication des documents qui jettent clartés sur une campagne que nous n'avons déjà que très sommairement racontée

Aussi est ce à ce travail que nous empruntons l'essentiel de notre étude sur l'un des plus beaux faits d'armes du capitaine Coursic

Depuis 1688, la lutte devenait chaque jour plus violente et plus acharnée entre Louis XIV el les alliés de la ligue d'Augsbourg. Particulièrement après les batailles de Beachen-Head et de la Hougue, on ne s'attachait plus à détruire seulement la flotte de guerre des ennemis, mais on s'efforçait encore de ruiner leur commerce, « en brûlant et anéantissant les navires marchands, en bombardant les ports ouverts, etc., afin d'atteindre dans leurs sources les plus profondes la fortune publique et privée. Dès lors plus cle batailles rangées, la course en escadre ou par navire isolé. Tourville à Lagos ; Jean Bart un peu partout, dans la Manche et ailleurs; et, d'autre part, les attaques anglaises de Saint-Malo, du Camaret, de Dunkerque et l'affreux bombardement de Dunkerque (1).

En même temps, la France songeait à renouveler les attaquesd de la baleine si fructueusement exercée par cette nation.

Personne n'ignorait en France l'importance cle ces produits qui enrichissaient le commerce des ennemis. En 1636, il y avait déjà seize vaisseaux baleiniers hollandais et les profits annuels étaient évalués à environ 800.000 livres. En France, on avait pensé à diverses reprises à prendre part à ces bénéfices, en créant une Compagnie de pêche.

Ce fut en 1621, que la « Royale et Générale Compagnie de commerce pour les voyages de long cours et Indes orientales » avait été fondée, par François du Nerps, sieur de Saint-Martin. Elle devait aussi entreprendre la pêche des baleines. En 1632, une autre Compagnie destinée à exploiter seulement cette pêche, fut aussi formée par l'association de quelques marins basques et de quelques marchands cle Rouen. Elle arma quelques navires qui furent placés sous le commandement du capitaine basque Joanis Vrolicq, qui toutefois ne put réussir au Spitzberg contre les Hollandais. Une nouvelle Compagnie se forma plus riche et plus puissante encore que la précédente, mais sans plus de succès. Vingt-cinq grands navires furent armés en guerre, et la Compagnie dite du Nord exploita son privilège. Mais le succès dut être peu profitable, car à partir de 1671, il n'est plus fait que de vagues mentions de la présence de bâtiments français dans les eaux de la mer Glaciale.

« Les Hollandais y sont demeurés seuls, et lorsque Panetié, achevant sa croisière cle '1674, pousse jusqu'au 77° degré, il ne rencontre devant lui que le pavillon des Etats.

« Avec ses trois frégates, le marin boulonnais se rend maître de dix navires de Hollande, en charge deux avec le contenu des autres, « qui était lard des baleines et quelques fanons », en brûle sept et fait servir le dernier à « reporter les équipages clans leur pays ».

Nous allons voir maintenant quel fut le résultat de la campagne de 1693, à laquelle le capitaine Coursic devait prendre une part si active et quoique le chef de la petite escadre fût notoirement insuffisant.

« Comme on n'avait pas sous la main d'officiers supérieurs connaissant les mers polaires, on dut se contenter de donner le commandement à l'un des capitaines de vaisseau attachés pour l'instant au port cle Bayonne, le seul du littoral où l'on put réunir aisément un équipage expérimenté. Ce fut M. de la Varenne, nommé capitaine du Pélican, depuis le 28 janvier 1693, mais on adjoignit à ce chef improvisé tout un corps d'officiers basques, parmi lesquels brillait au premier rang Johannis de Suhigaraychipi », plus connu sous le nom de Croisic ou de Coursic, et qui devait commander la frégate légère l'Aigle. Le commandant du Favory était Louis de Harismendy, de Bidart, qui avait le même grade que Coursic (1). Il avait Larréguy comme capitaine en second; Etchebehere enseigne, et un certain nombre d'officiers mariniers, également basques, qui allaient prêter un précieux concours à l'expédition.

Le commandant La Varenne, qui était rentré à Bayonne avec le Bizarre, met ce bâtiment en état d'aller à l'île d'Aix, et recrute sur place 250 hommes d'équipage: On lui envoie cle Rochefort un certain nombre d'officiers mariniers et un peu plus tard les soldats qui devaient compléter son équipage. Il y eut de longs retards causés par la lenteur de l'armement, et un peu plus tard, par l'échouage et la sortie du port du Pélican (2). Enfin, il alla rejoindre dans la rade de Saint-Jean-de-Luz l'Aigle et le Favory, auxquels s'était joint le Prudent cle Saint-Malo, commandé par Jacques Gouin de Beaucherie, qui devait plus tard s'illustrer dans la mer du Sud.

Voici donc la petite escadre rassemblée et prête à prendre la mer pour une expédition aussi longue que dangereuse. Examinons maintenant ce qu'étaient ces frégates légères qui furent, pendant le règne de Louis XIV, la terreur du commerce ennemi. Rien ne nous est resté sur cet armement fait à Bayonne en 1693, et les comptes établis ont disparu probablement à tout jamais. Les frégates légères étaient des navires de 100 à 300 tonneaux, celles qui nous occupent devaient être de ce dernier tonnage. En 1680, d'après Dostériac, la frégate légère de 200 tonneaux avait 84 pieds de quille (27m28), 95 pieds de longueur totale (30m85), 24 pieds de largeur au maître ban (7m 79}, 10 pieds (3m24) cle creux. Les frégates légères de Coursic et de ses compagnons étaient de 26 canons, et devaient avoir de 220 à 250 hommes d'équipage.

Tout était prêt, les équipages au complet, les vivres faits, et le chef de l'expédition avait reçu un ordre du roi. L'instruction très détaillée qui était datée du Quesnoy, le 2 juin 1693, était adressée au sieur de la Varenne, commandant le vaisseau du Roi le Pélican. Il y était dit, que Sa Majesté ayant résolu de détruire les vaisseaux ennemis qui faisaient la pèche de la baleine en Groenland, elle avait, fait choix du sieur de la Varenne pour le commandement de cette expédition. Le roi était persuadé qu'il s'en acquitterait avec entière satisfaction, mais on verra plus loin qu'on aurait pu faire un meilleur choix. Le sieur de la Boulaye, intendant de la marine à Bayonne, devait lui donner les pilotes pratiques des mers dans lesquelles il devait opérer, ainsi que les officiers mariniers qui connaissaient les ennemis du roi qui faisaient ordinairement la pèche.

L'intendant de la marine à Bayonne avait écrit, qu'il y avait dans ce port un vaisseau de Saint-Malo, armé en course et monté de 50 pièces de canons, qui pouvait être employé à cette expédition. Sa Majesté était persuadée, qu'avec ce navire, le Pélican, monté par le sieur de la Varenne et les frégates l'Aigle et le Favory il devait être à même d'exécuter celte entreprise avec succès. Cependant on lui permettait de mener avec lui d'autres corsaires de Bayonne et de Saint-Jean-de-Luz, s'ils voulaient, se joindre à l'expédition (1).

L'intention du roi était que la petite escadre se mît en route le 20 juin 1093 au plus lard, et qu'elle se dirigeât directement, vers les endroits où les pilotes que le sieur de la Boulaye devait lui donner lui indiqueraient où se faisait cette pèche.


Le commandant devait prendre ses mesures pour que la nouvelle de son arrivée dans ces parages ne donnât pas le temps à aucun de ces vaisseaux de s'enfuir, et pour cela il devait faire garder les passages par quelques-uns des vaisseaux qu'il commandait et exécuter l'expédition avec les autres.

Il était en outre averti que celle pêche était faite par les Anglais, les Hollandais et les Hambourgeois, et que la plupart de ces derniers et une partie des Hollandais avaient arboré le pavillon de Danemark.

Le roi lui ordonnait de brûler ou de couler à fond sans quartier, tous ceux qui auraient le pavillon anglais, hollandais ou Hambourgeois. Quant à ceux qui se couvriraient de la bannière danoise, le commandant devait examiner s'ils étaient effectivement danois ou bien s'ils étaient masqués. Il devait laisser continuer la pêche à ceux qui appartiendraient à cette dernière nation, et même leur fournir tous les secours qui dépendraient de lui. Quant à ceux qui lui paraîtraient suspects et que les Basques reconnaîtraient pour Hambourgeois et hollandais, il devait les amariner, faire achever leur cargaison avec celles du vaisseau qu'il aurait brûlé ou coulé à fond si cela se pouvait sans trop de retard et de difficulté, et les envoyer en France sous l'escorte de deux des bâtiments de son escadre, avec ordre à celui qui commanderait de venir atterrir au cap Finistère, pour y savoir des nouvelles de la flotte ennemie et pouvoir l'éviter. Il devait faire mettre sur ces vaisseaux les équipages de ceux qui auraient été brûlés ou coulés à fond, mais dans le cas où il aurait eu trop de monde, le roi lui permettait de conserver quatre ou cinq vaisseaux, d'y faire embarquer les équipages et de les renvoyer clans leur pays, mais après leur avoir enlevé les marchandises et les engins de pêche, et les avoir gardés jusqu'après le départ des vaisseaux qu'il devait expédier pour la France.

Après avoir expédié ce convoi, il devait, avec les vaisseaux qui lui resteraient, aller croiser vers les Orcades, où il trouverait quatre vaisseaux cle Saint-Malo, auxquels il devait se joindre et croiser avec eux dans ces parages, tant que les vivres qu'il aurait pourraient le lui permettre.

Si ces vaisseaux faisaient quelques prises considérables, il devait les faire amariner et les expédier ainsi que cela lui avait été déjà expliqué, c'est-à-dire en ne manquant pas de reconnaître le cap Finistère ; quant aux prises qui seraient de peu de valeur, il devait les faire brûler ou couler à fond et en faire mettre les équipages à terre, soit aux Orcades, soit sur les côtes d'Ecosse.

Comme le roi pouvait avoir de nouveaux ordres à donner à M. de la Varenne pendant cette croisière, il voulait qu'il envoyât de temps à autre une frégate aux iles Feroë qui reconnaissent le roi du Danemark et où on pourrait lui envoyer des ordres, et comme, dans ce cas, il pourrait avoir besoin des corsaires de Saint-Malo, dont il était question, on lui envoyait un ordre du Roi, pour les obliger à le suivre.

S'il ne recevait pas d'ordres nouveaux, et lorsqu'il ne resterait plus de vivres que pour revenir en France, il devait quitter sa croisière pour se rendre à Bayonne, mais il devait faire en sorte de ne partir qu'en même temps que les corsaires cle Saint-Malo.

Il devait suivre le plus possible la route des vaisseaux de Hollandelors qu'ils reviennent des Indes, dans le cas où ils ne seraient pas encore passés. S'il venait à les rencontrer, le Roi s'en rapporterait à lui pour la manière de les combattre, mais en tout cas il voulait qu'ils fussent attaqués. S'il était assez heureux pour en prendre quelques-uns, il devait les amener en France en prenant les précautions qui avaient été déjà indiquées.

En attendant le jour indiqué pour son expédition du Groenland, le Roi voulait qu'il allât croiser sur les côtes d'Espagne, pour tâcher d'enlever quelques-uns des vaisseaux anglais et hollandais qui y étaient attendus,

Sa Majesté donnait ordre en même temps au duc de Gramont de lui faire part des avis qu'il pourrait avoir pour l'arrivée de ces vaisseaux, et qu'il eût à se conformer à ce que le gouverneur de Bayonne lui dirait à ce sujet.

Armé d'instructions aussi explicites, M. de la Varenne sortit de la rade de Saint-Jean-de-Luz le 30 juin au matin. Nous avons vu que la petite escadre se composait du Pélican, monté par le commandant de l'expédition, l'Aigle, par le capitaine Croisic, le Favory, par le capitaine de Harismendy, et le Prudent, corsaire de Saint-Malo, commandé par le sieur de Beauchesne.

Ce même jour et se trouvant à environ deux lieues en mer, les trois capitaines se rendirent à bord du commandant en chef. M. de la Varenne leur donna à chacun une lettre du duc de Gramont, par laquelle il leur donnait ordre d'obéir au commandant pendant cette expédition, ainsi que cela lui avait été ordonné par le Roi. De plus, il ordonnait aux deux capitaines de lui donner deux pilotes chacun, qui fussent au courant de la pêche de la baleine, ainsi que le sieur de Larreguy, capitaine en second à bord du Favory, ce qui fut aussitôt exécuté (1).

Le temps ne fut guère favorable car les vents contrarièrent la marche de la petite escadre ; le 5 juillet, c'est-à-dire au bout de six jours, elle était encore en vue de Santona à l'est de Santander, où ils aperçurent trois vaisseaux tenant la route du Nord. A midi, le vent ayant porté au Nord-Est, les frégates continuèrent leur route. Dans la même journée, le commandant de la Varenne communiqua à ses capitaines les ordres du Roi, et une instruction de M. de Gramont, relativement à l'expédition.

Le 20 juillet, l'escadre était parvenue au 63° parallèle, et ce même jour, vers neuf heures du matin, le capitaine Croisic se rendit à bord du commandant, pour lui représenter l'importance qu'il y avait à ne pas perdre un moment pour tâcher de se rendre au plus tôt au lieu de destination. Cette démarche obligea le sieur de la Varenne à faire arborer le pavillon du conseil, auquel obéirent aussitôt les capitaines de Harismendy et de Beauchesne. Le commandant demanda aux officiers réunis si l'on trouvait à propos de continuer la route pour le Spitzberg, quoi qu'il croyait que le temps était déjà bien avancé pour pouvoir réussir. Ainsi se manifestait chez M. de la Varenne, cet esprit d'indécision qui faillit compromettre gravement le succès de l'expédition. Il ajouta qu'il vaudrait peut-être mieux se rendre vers les îles Feroë ou les Orcades, pour y croiser, ce qui, comme on l'a vu, n'était que la deuxième partie du programme dicté par le Roi. Toutefois, ne voulant rien ordonner sans avoir l'avis de ses capitaines, ceux-ci conférèrent entre eux et avec le capitaine Larréguy, ils décidèrent qu'il fallait poursuivre leur route pour le Spitzberg, car le vent était favorable, et on pouvait encore y arriver assez à temps pour nuire aux ennemis, se conformant ainsi aux ordres du Roi. Le commandant se rangea à cet avis. Le procès-verbal de cette décision fut aussitôt rédigé et signé par M. delà Varenne et ses officiers commandants.

'On suivit donc la même route, jusqu'au 28 au matin, où l'escadre eut connaissance de la terre de Spitzberg. Le 29, on aperçut un navire venant des glaces, et l'ayant chassé, le Prudent qui le joignit le premier, s'assura que c'était un Danois n'ayant capturé aucune baleine et qui se retirait dans quelque baie. L'escadre le retint avec elle de crainte qu'il n'allât donner l'alarme, et s'étant approchée de la terre en la côtoyant un peu, on aperçut deux navires à l'ancre dans la baie de la Madeleine où les opérations militaires durent commencer aussitôt. C'étaient encore des navires Danois qu'on fit appareiller et qui suivirent l'escadre.

Mais il en fui empêché par le calme et aussitôt après par le vent contraire qui survint et qui favorisait les vaisseaux qui étaient dans la baie du Nord. Il en sortit en effet trois à la vue des Français, car ils avaient reçu de la baie du Sud, l'avis de l'arrivée des frégates ; il n'y avait par terre qu'une demi-heure de chemin de l'une à l'autre baie.

La fuite de ces trois vaisseaux fit craindre aux Français qu'ils n'avertissent de leur présence tous ceux qu'ils pourraient rencontrer, et par conséquent créer un grand obstacle pour la réussite de l'expédition.

Le même jour, dans la soirée, les trois navires étant encore en vue, l'ardent Croisic qui revenait de la baie du Sud, où il avait bien fait son devoir, rejoignit le Favory. Le commandant et le Prudent restèrent dans la baie, avec quatre navires hollandais et les Danois ; il y avait encore dans cette baie quatre .autres navires, parmi lesquels s'en trouvaient deux hollandais qui s'enfuirent par un passage inconnu au commandant. Aussitôt que M. de la Varenne en eut avis, il envoya sa grande chaloupe commandée par un lieutenant, mais celui-ci fut obligé de revenir ayant trouvé une résistance supérieure à ses forces.

Le 30 ,1e Favory prit une pinasse hollandaise neuve, avec 10 pièces de canon, mais n'ayant aucune baleine, elle même jour, la frégate l'Aigle, forma sa sortie après avoir pris une flûte hollandaise. Le 31, le Favory capturait encore deux flûtes hollandaises et une danoise et, escorté par ces prises, il se rendit vers minuit à la baie du Sud où se trouvaille commandant. Ici, le rédacteur de notre relation nous apprend que : « Il est à remarquer que dans la saison que nous avons été en Groenland, le soleil y éclaire aussy bien la nuit que le jour, jusqu'à la tin d'août, sans quoy ces endroits seroient. impraticables tant à cause des glaces que. de la rigueur du climat. »

Le ler août,

l'Aigle arriva de la baie du Sud à trois heures du matin, avec deux flûtes hollandaises qu'il avait prises parmi les glaces et en brûla une troisième. Il avait vu environ 30 navires de la même nation. 11 se rendit à bord du vaisseau du commandant avec le capitaine de Harismendy et lui lit la relation de ce qu'il avait découvert. Il l'assura que ces navires ne pourraient demeurer longtemps au même endroit, à cause du danger qu'ils couraient en étant pris par les glaces, ainsi que cela leur était arrivé plusieurs fois. Ainsi, il regardait comme infaillible la capture de la plupart de ces navires, soit en les attendant le long des glaces, soit en pénétrant dans la baie si on en trouvait quelque occasion favorable.

. M. de la Varenne répondit qu'il louait fort son zèle et qu'il consentait que Croisic fît cette expédition avec le Favory et l'Aigle et que lorsque le Prudent, qui en ce moment était en mer, serait de retour, il l'enverrait pour le rejoindre. Quant à lui, il allait rester dans la petite baie pour garder les vaisseaux hollandais et danois qui avaient été pris. Il ne manqua pas cependant de recommander au capitaine Croisic. de revenir le plus tôt possible, car il avait le dessein de repartir immédiatement.

Aussitôt el sans perdre un moment, l'Aigle et le Favory appareillèrent et firent route vers le Nord. Mais le calme et un vent faible les empêchèrent de rien découvrir jusqu'au i"' août. Enfin, ils rencontrèrent la banquise, ayant environ deux lieues en latitude, et s'étendan à perte de vue. Ayant remarqué quelques ouvertures, les frégates se disposèrent à les traverser et s'y engagèrent résolument. Ils aperçurent aussitôt quelques vaisseaux et. la mer libre, et le 3 août, ils se trouvèrent à l'entrée de la baie aux Ours, où ils virent neuf vaisseaux mouillés près de la terre. Les capitaines Croisic el de Harismendy, après avoir tenu conseil, se résolurent à les attaquer, malgré les difficultés qu'ils éprouvèrent, de la part de quelques glaces. Mais après une heure de marche, ils furent contraints de mettre au plus près du vent une petite voilure afin d'éviter les glaces. Une de ces brumes si fréquentes clans ces parages s'étant élevée, les incommoda beaucoup.

Le 6 août vers minuit, le temps devint clair, on ne vit. plus que trois vaisseaux qui étaient à l'embouchure de Beerbay, ou baie aux Ours, là où le jour auparavant on en avait vu neuf. Ils virent en. même temps quatre autres vaisseaux entrant dans cette même baie, et les Français pensèrent aussitôt; qu'on y trouverait les ennemis en très grand nombre. On considéra cette occasion comme très favorable à un bon coup de main, et les frégates se mirent aussitôt en route. Le calme qui survint encore, obligea chaque frégate d'armer quatre chaloupes pour chacune d'elles, car ils avaient eu soin de s'en pourvoir en les empruntant aux vaisseaux déjà capturés. Ils s'approchèrent de la baie la sonde à la main, et trouvèrent à son embouchure une langue de terre surmontée d'une petite hauteur, sur laquelle avait été arboré le pavillon hollandais au- dessus d'un retranchement anné de canons.

Les équipages ne doutèrent pas que cette précaution prise par les ennemis ne fût pour eux de quelque embarras, mais cela n'arrêta en rien leur détermination, et. ils continuèrent à s'approcher de l'entrée de la baie. Lorsqu'ils parvinrent devant la batterie, ils furent salués de quelques coups de canon qui ne leur firent aucun mal, et de ce point, ils découvrirent le fond de la baie, où se trouvaient rangés quarante navires hollandais parmi lesqu'els on distinguait les pavillons d'amiral , vice-amiral et contre-amiral, qu'ils avaient sans doute choisi pour cette occasion. Tous les vaisseaux étaient rangés en bon ordre par la bataille, et leur ligne affectait la forme d'un croissant. Cependant les frégates françaises, toujours remorquées , s'approchèrent des ennemis à demi-portée d'un canon de trois tirs de balles, ce qui fut tout ce qu'elles purent faire à cause du calme du courant. Elles mouillèrent sur une ancre et présentèrent le travers moyen de croupières. En ce moment les ennemis poussèrent le cri de Vive le Roi, suivi cle beaucoup de « hurlements ».que les Français ne purent comprendre. Cependant les frégates étaient en ordre, et les équipages, impatients de commencer le feu, témoignaient assez par la joie générale qu'on allait remporter une victoire complète. « Le nombre des vaisseaux ennemis les ayant plus tot animes et causé la moindre appréhension, comme ils ont fait connaissance pendant le plus grand feu et jusqu'au combat fini. »

Tout étant ainsi disposé, le capitaine Croisic envoya une chaloupe à bord du Favory, afin que le capitaine cle Harismendy se rendîtà bord . Croisic lui proposa d'envoyer une chaloupe aux Hollandais pour les inviter à se rendre. Ce projet ayant été adopté, une embarcation de Aigle fut aussitôt équipée ; elle arbora le pavillon blanc et fut commandée par d'Etchebéhère, un des enseignes de l'Aigle, qui parlait bien la ciguë hollandaise. Les conditions étaient, conformément aux ordres , qu'on leur fournirait les vaisseaux et les vivres nécessaires pour venir en Hollande ; et qu'à faute par eux d'accepter ces propositions ils devait s'en remettre à la force des armes.

La chaloupe partit au même moment et comme elle s'approchait du vaisseau faisant la fonction d'amiral, la chaloupe des Hollandais, escortée cle plusieurs autres, vint au-devant des Français, et après que les capitaines hollandais eurent entendu la sommation faite par l'enseigne, répondirent seulement qu'ils étaient surpris de la témérité des Français puisqu'ils se disposaient à les attaquer lorsqu'ils étaient en si grand nombre et surtout dans un endroit aussi dangereux. Qu'ils ne le connaissent sans doute pas, puisqu'ils s'y exposaient, qu'eux-mêmes ne s'étaien réfugiés que clans la dernière extrémité et afin d'y rassembler toutes leurs forces, et le considérant en quelque sorte comme impraticable à ceux qui n'en avaient pas une connaissance parfaite. Puis ajoutèrent que les Français les prenaient sans doute pour les plus grands coquins du monde de les sommer de se rendre « à deux moyennes frégates , qu'ils en étaient bien éloignés et qu'ils n'avaient qu'à faire tous leurs efforts, que pour eux ils s'acquitteraient de leur devoir. Telle fut leur réponse.Puis, comme la chaloupe française revenait et se trouvait à moitié du trajet à parcourir, les Hollandais tirèrent plusieurs coups de canon, tant sur les frégates que sur la chaloupe, qui fut atteinte, mais sans avoir eu personne cle blessé. Un autre coup aussi heureux atteignit la chaloupe du capitaine de Harismendy comme il revenait sur son bord, ayant attendu sur l'Aigle, la réponse des Hollandais.

Le 6 août 1693, entre 8 et 9 heures du matin, le combat commença de la manière la plus acharnée. La grande canonnade des vaisseaux hollandais dura jusqu'à une heure cle l'après-midi, et celle des français y .répondit sans cesse, et se continua même après que celle des'ennemis se fut éteinte. D'ailleurs les Hollandais étaient très nombreux el. la plupart, de leurs navires étaient armés de 10, 12, 14 et même 20 canons. Ils avaient environ 45 hommes par navire, tous bons matelots, aussi leur artillerie était-elle bien servie, et la canonnade était aussi nourrie qu'une mousqueterie. Du côté des Français le feu était tout aussi pressé, et, il faut le dire, beaucoup mieux ajusté. Chaque frégate tira au moins 1600 coups, et si la mer n' « eut esté tant soit peu agitée, au lieu qu'elle estoit aussy tranquille que clans une fontaine » la plupart des vaisseaux auraient coulé à fond. Il n'était pasdouteux cependant, que quelquesuns d ' e n t re eux n'aient eu ce sort pour peu qu'ils aient trouvé la mer agitée.

Après cinq heures de ce rude combat, les ennemis ralentirent insensiblement leur feu tandis que les frégates continuaient avec la même vigueur, ce qui leur faisait espérer de voir les Hollandais arborer le pavillon blanc, pour demander quartier, car ils ne tiraient plus qu'à intervalles fort éloignés. Mais pendant ce temps, les Français aperçurent divers vaisseaux ennemis qui, ayant coupé leurs câbles, se faisaient remorquer par des chaloupes. Chacun d'entre eux en avait au moins six, et ils faisaient tout leur possible pour sortir de la baie à la faveur de ces embarcations et du courant. Il ne restait plus qu'une seule chaloupe à chaque frégate, les autres ayant été coulées pendant le combat, et on ne put faire autre chose que de faire porter des ancres à louer sur le passage, pour se haler dessus, et s'approcher, ce qui fut fait avec toute la diligence possible. Pour ne point perdre de temps, on coupa les câbles, mais ils ne réussirent pas entièrement, et ils ne purent réussir à se saisir que de seize vaisseaux, les autres remorqués par leurs chaloupes échappèrent par la fuite; parmi les navires capturés, et qui d'ailleurs étaient très maltraités, deux furent brûlés dans la baie, comme ne pouvant plus naviguer.

Les vaisseaux attaqués par les deux frégates avaient au moins entre tous 300 canons et 1500 hommes. Cependant il s'en serait échappé bien peu sans le secours de leurs chaloupes et le temps qui les favorisa. Et, . l'auteur de la relation, s'il y avait eu une troisième frégate, pour super plus d'espace dans la baie, qui était très large, non seulement perte des vaisseaux ennemis était infaillible, mais encore ils ne se -aient pas mis en défense. D'ailleurs ce qui les avait excité à faire une forte résistance, c'était la croyance que les. frégates françaises n'étaient que de 24 pièces de canon, et qu'elles seraient faciles à réduire. Si au contraire le commandant la Varenne ou le capitaine Beauchesne s'étaient nivés là, il n'en aurait pas coûté un coup de canon, ce fut du moins ce l'assurèrent les capitaines des navires hollandais capturés. Pendant ce combat, l'Aigle et le Favory avaient reçu de nombreux coups de canon, tant dans la coque des frégates que dans la mâture et gréement. L'Aigle avait été obligé de changer son mât de misaine et jumeler ses basses vergues. Le Favory avait eu un mât de hune et sa rague d'artimon rompus, un canon crevé et deux de démontés. Cependant, il était étonnant qu'il n'y eût pas eu plus d'avaries au cours d'un combat si long et si acharné.

Le monde qui fut perdu par l'Aigle dans cette occasion resta ignoré. Favory eut deux hommes tués, parmi lesquels se trouvait le sieur de Larreguy, capitaine en second cle cette frégate, qui avait été embarqué sur le Pélican par ordre du duc de Gramont.

Le capitaine Larreguy avait prié le commandant de la Varenne de lui permettre de s'embarquer sur le Favory pour aller à cette expédition, et il ne croyait pas être nécessaire dans la baie du Sud. Il mourut glorieusement d'un coup de canon à la cuisse après avoir donné de grandes marques de sa valeur et de son expérience. La frégate le Favory eut encore plusieurs blessés, « desquels il en restera d'estropiés. » Le dommage reçu par les Hollandais avait été très grand, car en outre es navires capturés, la pêche avait été interrompue, et ils n'avaient pu prendre de baleines dans cet endroit où elles étaient en grand nombre, le jour même où ils furent aperçus par les frégates françaises, ils avaient toutes leurs chaloupes à la mer. On avait même trouvé dans cette même baie, 5 grosses baleines de (30 à 70 pieds que les Hollandais n'avaient pas encore eu le temps de dépecer. Quand aux vaisseaux pris,il en avaient presque tous en pièces dans les entreponts et à fond de cale, qui avaient été récemment tuées, et dont une bonne partie était détruite par la corruption.

D'ailleurs cette année, la pêche n'a vait guère été heureuse. Les Hollandais aussi bien que les Danois, avaient quitté les grandes glaces sans avoir presque pris de baleines, et il n'y avait eu qu'une pinasse hollandaise qui eut le bonheur d'en prendre douze et était partie pour la Hollande avant l'arrivée des Français. Selon les rapports des capitaines, les Hollandais avaient perdlu clans les glaces 8 vaisseaux et les Danois 11. Les uns et. les autres se plaignaient de la rareté des baleines dans les glaces, ce qui les avait obligés de se rendre dans la baie de Beerbay, où l'expérience leur apprit que la pêche était quelquefois très fructueuse pendant l'arrière-saison. Ils ne se seraient pas trompés cette même année sans l'interruption qui avait été causée par l'arrivée des Français. Il y avait même un vaisseau qui étant, revenu des glaces sans aucune baleine, avait terminé entièrement sa cargaison. Aussi pouvait-on considérer cette perte comme beaucuup plus grande que celles des vaisseaux qui avaient été pris.

« Le dit Beerbay, dit 1' enseigne Etchebéhère, qui, nous l'avons vu, est. l'auteur supposé de cette intéressante relation, est un endroit très dangereux. puisqu'il y a des années qu'on ne peut en approcher à cause des continuelles glaces en empêchent l'accès,, et si parfois elles donnent quelque intervalle pour y entrer, les vaisseaux qui y vont sont souvent surpris par lesdites glaces sans pouvoir en sortir, comme il advint mi l'année 1683, que 13 vaisseaux hollandais y restèrent entièrement, les équipages desquels eurent le bonheur de se sauver ayant laissé des chaloupes par dessus les dites glaces pour aller dans d'autres baies plus au sud dans lesquelles ils rencontrèrent des vaisseaux pour passer en Hollande. »

 L'enseigne ajoutait, que l'Aigle et le Favory étaient les premiers vaisseaux français qui fussent entrés dans cette baie, car même les vaisseaux basques qui avaient autrefois fait le voyage du Groenland, n'y avaient jamais été, et seulement les Hollandais s'y rendaient pour compléter leur pêche quand elle n'avait pas été fructueuse dans les parages acoutumés. Encore, le lieu était-il très dangereux, et les frégates françaises purent voir à deux portées cle canon les glaces qui se rapprochaient avec une grande vitesse et si le vent eût soufflé du Nord ou du Nord-Est, elles eussent été probablement enfermées, aussi bien que leurs ennemis. Mais heureusement, le peu cle vent qu'il y eut le soir après le combat, venait du Sud, ce qui éloigna les glaces et favorisa la sortie du lendemain.

Les Français ne restèrent dans cette baie que le moins qu'il leur fut possible, craignant d'y être enfermés et. ayant les glaces toujours en vue. Les Hollandais mêmes leur faisaient voir par leurs craintes qu'il n'y avait pas un moment à perdre. Aussi les frégates quittèrent-elles ces parages le 7 au soir avec onze navires, et elles arrivèrent le 10 dans la baie du Sud. Le 9, elles avaient rencontré M. de Beauchesne qui avait pris le même jour cleux flûtes hollandaises, l'une de 16 pièces cle canon et l'autre de 14 avec lesquelles il entra dans cette baie.

Ils y trouvèrent le commandant de l'expédition. M. de la Varenne, , pendant son séjour dans la baie du Sud, avait pris deux navires Hollandais qui se trouvaient en vue. Le 12, le commandant appareilla vers les Orcades, avec le Pélican et le prudent, y laissa l'Aigle et le Favory, avec ordre au capitaine Croisic d'expédier les flutes qui avaient été prises et de brûler les autres, ce qui fut immédiatement exécuté

Le 14, Y Aigle et le Favory, escortant il vaisseaux hollandais appareillèrent, et n'étant qu'à peu de distance de la baie du Sud, il survint une pluie tellement épaisse qu'il fut impossible de s'entrevoir, ce qui obligea le capitaine Croisic de mettre en panne ainsi que le Favory, et de ne point trop s'écarter des flûtes, et on tira des coups de canon a intervalle pour faire savoir où se trouvaient les frégates, afin de s' approcher. On resta 8 heures environ dans le même état, et une petite éclaircie étant survenue, on n'aperçut plus que cinq des navires,comme le vent était devenu favorable pour la route, et jugeant que trois autres avaient plus avant, et qu'on les retrouvait bientôt il fit partir le matin du 15

jusqu'à midi, mettant de temps en temps en panne car le temps n'était pas très clair, et tirant encore le canon de temps à autre. Dans la soirée du même jour, le temps étant devenu assez air, on n'aperçut encore aucun des navires, ce qui força le capitaineCroisic s'écarter et à forcer de voile de côté et d'autre pour tacher de s découvrir, mais en vain.

11 revint donc sur ses pas pour rejoindre l'autre frégate, et continua m voyage vers Bayonne en escortant, les cinq vaisseaux qui restaient, mformément à l'ordre écrit que lui avait donné M. de Varenne et qu'il jmmuniqua au capitaine de Harismendy. Aussitôt après Croisic conti- ua sa route pour aller aux Orcades ou aux Féroé, où il devait se joindre j commandant La Varenne ainsi que celui-ci lui en avait donné l'ordre vant son départ.

Malgré tout dans cette expédition des frégates françaises, les ennemis avaient perdu 28 vaisseaux en y comprenant les quatre qui furent, rencontrés dans la baie du Sud. il seulement furent conservés pour lâcher de les ramener en France. Les autres furent incendiés soit peu dant le séjour de M. de la Varenne dans la baie du Sud, soit après son départ, et par l'ordre du capitaine Croisic.

Ce dernier, par son courage, son énergie et son audace, avait été le véritable auteur des dommages soufferts par les ennemis dans la baie de Beerbay, ainsi que de la perte éprouvée par leur pêche dans ces quartiers. En effet, quoiqu'il eût été parfaitement secondé par le Favory et par son ami le capitaine de Harismendy, il est évident que l'expédition n'aurait pas été entreprise, si par sa vigilance Croisic n'eût découvert les ennemis, et qu'en ayant fait le rapport au commandant, il ne lui fil comprendre en même temps l'importance d'aller les attaquer si l'on trouvait une occasion favorable. On a vu comment l'Aigle et le Favory, partant pour cette dangereuse expédition, parvinrent jusqu'au 81° degré et demi de latitude, « endroit rarement fréquenté, » dit l'auteur de cette relation, et quelle réussite couronna leur audace et leur bravoure.

Le retour en France fut aussi heureux que rapide. Le Favory arrivait le premier entre Biarritz et Capbreton, avec les cinq flûtes qu'il escortait, et l'intendant de marine La Boulaye s'empressait de le faire rentrer à Bayonne, pour le remettre aussitôt en état de reprendre la mer. L'Aigle le suivait de près, et le 21 du même mois, il ne manquait plus qu'un seul des bâtiments capturés qui arrivait bientôt sous la conduite de Hacquette.

M. de la Varenne qui avait été retardé par des ordres qu'il avait reçus pendant sa route, mouillait clans la rade de Belle-Isle dans les premiers jours du mois d'octobre. Il fut blâmé pour son inertie. Par une lettre datée de Versailles le 16 septembre, il lui était vivement reproché de n'avoir pas fait plus de mal aux ennemis, ce qui n'eût pas manqué d'arriver, s'il s'était trouvé avec l'Aigle et le Favory, lorsqu'ils rencontrèrent les 44 bâtiments qu'ils avaient combattus. Cependanton lui donnait l'ordre d'aller croiser avec son escadre le long des côtes d'Espagne. En même temps Croisic recevait une lettre cle félicitations pour le courage qu'il avait déployé. Le 6 octobre, M. de la Varenne remettait par ordre le commandement duPélican au capitaine de frégate du Vigneau, qui en prit le commandement avec les trois enseignes, le sieur de Neuilles, le sieur cle la Frégonnière, le sieur de Goureul et le capitaine cle flûte de Lescolle.

Le plan de l'expédition avait été remis au duc de Gramont qui le fit passer sous les yeux du roi. « Sa Majesté, écrivait le m i n i s t r e de la marine au gouverneur de Bayonne, Sa Majesté a vu avec plaisir le plan que vous lui avez envoyé de la baye ou le sieur Croisic et Harismendy ont attaqué les pêcheurs hollandais. Sa Majesté a été très satisfaite de ce que ces deux officiers et leurs équipages ont fait en cette occasion et vous pouvez les assurer qu'Elle se souviendra quand il y aura lieu de leur faire plaisir. » Croisic et Harismendy reprirent bientôt la mer pour proléger le retour des terreneuviers français et essayer cle capturer ceux des anglais. La carrière du marin bayonnais qui s'annonçait si brillante, fut brusquement interrompue. L'année suivante il fut tué à Terre-Neuve, et son corps fut enseveli dans le cimetière cle Plaisance, où une pierre tombale rappelle encore aujourd'hui son nom et la date de sa mort E . DUCÉRÉ.

Bayonne, le 17 décembre 1907,

Mort de Coursic. — Terre-Neuve était la porte d'entrée du Canada, la base de nos chasseurs de baleine et de nos pêcheurs de morue. Aussi Canadiens, Basques, Malouins s'employèrent-ils à en déloger l'adversaire. Malheureusement .ils opérèrent en ordre dispersé. Les baleiniers basques furent les premiers à s'en apercevoir au retour du Spitzberg, en 1694. Les forts de Saint-John's Harbour, à pied d'œuvre, leur parurent impossible à enlever. Dans la baie du Forillon, le 10 septembre 1694, l'Aigle, au moment d'attaquer, s'échoua. Quatre batteries et un parti de mousquetaires le maltraitèrent au point que « le lieutenant et l'enseigne bleus » Tipitto d'Azpilcueta, d'Hendaye et d'Etcheverry, de Bidart, s'enfuirent en chaloupe. Le vaillant Coursic était blessé. Il ne devait plus revoir Bayonne et le pays basque. Le capitaine Duvignau demeuré sur le pont avec les officiers bayonnais Pierre de Vergés, Léon de Lanne, Miquito, le capitaine des soldats François Labeyrie se battirent pendant huit heures dans cette position désastreuse avant d'être remorqué par leFavori de Louis Harismendy.

 

 

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13 août 2013

Les Pinasses Basque

2 LES PINASSES BASQUES

DE L'ILE DE RE

La première expédition navale, dans laquelle nous voyons apparaître une flottille de pinasses bayonnaises, est relative au siège de l'île de Ré en 1627. Nous n'avons pas à faire l'historique de ce siège sur lequel il a été tant écrit, mais nous devons cependant parler de l'état des assiégés au moment où l'autorité royale se décide à les secourir. Le fort de Saint- Martin-de-Ré, étroitement bloqué par la flotte anglaise, n'avait été commencé que depuis treize mois environ et il était, au moment même du siège, dans un tel état de délabrement que trente hommes pouvaient entrer de front par la porte; enfin, quoique le roi n'y eût pas épargné des dépenses, les parapets n'étaient pas encore revêtus et les vivres et les munitions manquaient presque totalement. Toiras, maréchal de camp, fit avertir le roi de ce dénuement, Richelieu fit faire des préparatifs pour un prompt ravitaillement. Il écrivit à M. de Gramont (1) et le pria d'acheter à Bayonne et à Saint-Jean-de-Luz jusqu'à trente pinasses, dont le nombre fut ensuite réduit à quinze. Elles devaient être conduites de Bayonne et Saint-Jean-de-Luz aux Sables-d'Olonne où
(1) de Gramont était maire et gouverneur de Bayonne.
le duc d'Angoulême devait en prendre le commandement. Un grand nombre d'autres navires furent rassemblés de tous les côtés, depuis les côtes d'Espagne jusqu'en Hollande. Les Anglais avaient construit une estacade défendant les approches de la citadelle et, à l'aide de deux ou trois carcasses de vaisseaux, ils élevèrent une sorte de fort armé de plusieurs pièces de canon. Enfin, une quantité de gros câbles, soutenus à la surface de la mer par des barriques vides, fermèrent tous les passages permettant d'arriver à la citadelle. Toiras, voulant faire prévenir le roi, fit choix de trois habiles nageurs qui se hasardèrent à faire la traversée. Le premier se noya ; le second, épuisé de fatigue, alla se rendre aux ennemis ; le troisième réussit à passer « persécuté des poissons pendant près d'une demi-lieue » (1). Bientôt après, arriva aux Sables-d'Olonne le capitaine Vallin avec les pinasses de Bayonne et Saint-Jean-de-Luz. D'après Duvoisin, la flottille de Hendaye était commandée par Jean Pellot, ancêtre du célèbre corsaire dont nous aurons à nous occuper plus tard. Une médaille d'or distribuée par le roi aux chefs de ces escadrilles, resta longtemps en la possession de la famille Pellot. Les habitants de Saint-Jean-de-Luz avaient répondu avec empressement à l'appel qui leur avait été fait. Ils armèrent quinze pinasses de ce genre et chargèrent de vivres et de munitions vingt-six flûtes (2) organisant ainsi une flottille imposante. Un seul de ses négo­ciants, Johannot de Haraneder fit spontanément don au roi de deux na­vires munis d'artillerie et dignes de figurer dans son armée navale. L'escadrille de Saint-Jean-de-Luz, commandée par le sieur d'Ibagnette, joignit celle de Bayonne dirigée par le capitaine Yallin. A la tête de quinze pinasses, chargées chacune de cinquante tonneaux de farine, pois, fèves, biscuits et morue; vingt barils de poudre grosse et dix de menu plomb, mèches, etc., Vallin mit à la voile le 5 septembre 1627 avec sa petite escadre et passa si près de la flotte ennemie qu'il essuya ses volées de canon qui ne lui causèrent heureusement pas de très sérieux dommages. Il passa, grâce à la rapidité d'allure de ses pinasses et à leur faible tirant d'eau, au-dessus des câbles de l'estacade et il alla aborder près du fort Saint-Martin, vers deux heures du matin où son secours rendit le courage à la garnison affaiblie par toutes sortes de privations. Il repartit deux jours après, ses pinasses chargées de ma-


Mémoires de Richelieu.
Flûte. Navire de charge à fond plat, large, gros et lourd dont la poupe était ronde au xviie siècle. Un bâtiment de guerre transformé pour un temps en navire de charge et n'ayant qu'une partie de son artillerie, est dit armé en flûte.
Le roi récompensa ce beau fait d'armes par l'envoi d'une chaîne d'or et mille trois cents écus aux matelots.
Cependant, ce secours ne devait pas suffire. Toiras fit bientôt savoir au cardinal qu'il n'avait de vivres que pour quarante jours et il fut convenu qu'on tenterait un dernier effort. M. de Gramont, gou­verneur de Bayonne, reçut du roi la lettre suivante datée du 20 sep­tembre 1627 :
« Le Roi désire que M. de Gramont lui envoie cent ou six-vingts (120) matelots basques pour trois ou quatre mois avec quinze ou vingt pinasses. Si on peut en avoir jusqu'à vingt et deux cents matelots, ce serait un grand coup. Ceux des matelots qui voudront rester pour toujours auront les entretènements que M. de Gramont arrêtera... Si ce secours est envoyé avec diligence, Sa Majesté en aura un grand ressentiment (1). Fait ce 20 mars 1627 (2). »
A cet appel, la ville de Bayonne s'empressa d'armer dix pinasses dont le commandement fut remis au sieur d'Andoins. Il arriva le 6 octobre aux Sables-d'Olonne, rendez-vous général de la flotte de ravitaillement. Une foule de flibots (3), traversiers (4) et barques, montés de quatre cents matelots, trois cents soldats et gentilshommes, formaient une escadre commandée parles capitaines Desplan, de Beaulieu, Persac, Launay, Ravilles, Cahusac, d'Andoins et plusieurs autres. Le 7 octobre elle mit enfin à la voile, vers dix heures du soir et par une nuit des plus obscures. Nous laisserons parler un mémoire du temps qui nous donne sur cette affaire des détails les plus circonstanciés.
Ressentiment est mis ici pour contentement.


Mémoires de Richelieu.


« Le marquis de Maupas, grandement entendu à la marine, bien cognoissant les terres comme estant du pays et ayant passé et repassé depuis huict jours dans une seule barque au milieu des ennemis, avec M. le marquis de Grimaud mena l'avant-garde à la droite, MM. de Persac et Ravilly et avec eux, dans leur barque, les sieurs Danery, La Gaigne, Roquemont, le commissaire Calottis ; à gauche, les sieurs de Brouillis, capitaine au régiment de Chapus et de Cusac, Gribauval, Ravigny, La Roque-Foutiers, Jonquières et plusieurs autres gentils­hommes volontaires ; et après eux, les quatre barques que M. le Cardinal avait fait équiper par le capitaine Richardière père, conduites par le capitaine La Treille, Audouard, Pierre Masson et Pierre Martin, tous bons pilotes.
« Suivait le corps de bataille, composé de dix pinasses, outre les 15 précédentes que Monsieur, frère du Roi avait fait venir de Bayonne par Saint-Florent, conduites par le sieur d'Andoins, leur général, à la teste et le sieur Tartas, son lieutenant. A la queue, autour des dites pinasses, il y avait douze traversiers, comme plus forts et plus grands. En l'arrière-garde était le flibot du sieur de Marsillac, bien armé et munitionné, sous la conduite du capitaine Canteloup et portait le jeune Beaumont, nourry page de M. le Cardinal, avec paroles de créance tant au sieur de Toiras qu'aux autres capitaines et volontaires de la citadelle. Après luy, estoit sa chalouppe et cinq grandes barques d'Olonne dans lesquelles estoient quantité de gentilshommes volontaires et, par l'ordre exprès de M. le Cardinal, qui avait aussi lettres et chiffres, le sieur de Lomeras, gentilhomme du Languedoc, enseigne au régiment de Champagne, pour avoir passé et repassé déjà une fois avec M. de Vallin.
« En cet ordre, le plus près qu'ils le pouvaient les uns des autres, ils allaient, cotoyant la grand'terre pour n'estre point veus ni découverts par les vedettes des ennemis qui n'estoient qu'à une lieue des sables.
« Or il arriva que, comme cette flotte allait cinglant à pleines voiles et que l'on croyait être déjà devant Saint-Martin (de Ré), Dieu fit cesser le vent tout à coup, en telle sorte qu'il fallut demeurer près de deux heures sans pouvoir aller ni à droite, ni à gauche. Alors chacun, tout étonné et croyant demeurer à la merci de l'ennemi si le jour les surprenait, se mirent à prier Dieu, le prieur sur tous, faisant vœux et prières et se recommandant à la Vierge, luy faisant vœu, au nom du Roy, de luy faire bastir une église sous le nom de Notre-Dame-de-Bon- Secours, en mémoire de cette journée s'il luy plaisait envoyer le vent
favorable. Soudain, ils furent exaucés, car le vent se rafraîchit et les rendit fort gaillards. En telle sorte que, chacun ayant repris sa piste et son ordre, en moins de demi-heure ils virent le feu que M. de Toiras faisait faire en la citadelle et, à terre, ceux que Richardière père faisait faire vis-à-vis l'encoignure qu'il fallait traverser. Et là, quittant la coste de la Tranche, chaque pilote regardant sa boussole, ne pensant plus qu'à passer courageusement, entrèrent dans la forêt des navires ennemis.
« Les premières sentinelles les ayant laissé passer sans dire mot, après que tout eut passé, ils commencèrent à les envelopper et canonner si furieusement que l'on eût dit que c'était de la grêle.
« Cependant les chaloupes et galiotes (1) des ennemis vinrent après pour les agrapper, en sorte que ceux qui étaient à la grande terre, croyaient tout perdu, comme aussi il y avait de l'apparence. Au contraire, M. de Toiras espérant toujours bien du bonheur du Roi et de la France, oyant le bruit de tant de canonnade de part et d'autre, fit redoubler les feux sur les bastions et, comme un second Josué, prie Dieu de faire arrêter la mer qui s'en retournait, de peur que son secours ne périt. Et, de fait, il était en grand danger, car un coup de canon emporta le chirurgien du capitaine Maupas, entre M. le marquis de Grimaud et le sieur prieur de Brémont qui étoit au milieu, de la barque, la croix en main. Un autre emporta la misaine ou mast de devant qui tomba sur le dit marquis et un troisième perça la barque et lui fit prendre l'eau. Dans ce péril, le dit marquis, sans s'étonner, jette son manteau, sur le corps du chirurgien, descend à fond, allume

(1) Galiote. Galère de 16, jusqu'à 25 bancs ou rames à 3 hommes sur chacune. Elle ne portait point de rambate ou construction élevée à la proue.
une chandelle avec de la mèche et, voyant d'où venait le mal, avec un linceul et autres linges qu'il trouva, bouche le trou. Cependant le prieur travaille à vuider l'eau qui était à la poupe. Le quatrième coup de canon leur emporta un matelot et, incontinent, quatre chaloupes et un heu (1) d'Angleterre vinrent aborder la barque. Le marquis étant remonté, joint le capitaine Maupas, lequel ayant disposé ses mousque­taires et piquiers donna l'ordre à ceux qui devaient tirer ses pierriers et canons et jeter les feux d'artifice, fit tenir chacun à son poste et défendit qu'on ne tirât qu'il ne l'eût commandé. Aussitôt les ennemis abordèrent criant : «Amène! amène!» Maupas, son pistolet en mains crie : « Tire ! » lâchant son pistolet. Alors toute son artillerie déchargea. Après, on en vint aux mains et feux d'artifice furent tirés de part et d'autre. Le sieur de Grimaud, chevalier de Montenac et de Villiers, sur les deux côtés de la barque, un sergent sur le derrière et le prieur partout, se défendant si vaillamment qu'après un long combat, les ennemis se retirèrent avec beaucoup de pertes et peu de ceux du Roy. Et, croyant en porter plus d'avantage furent attaquer les pinasses où ils trouvèrent à qui parler, car d'Andoins coupa la main d'un Roche- lais qui voulait ravir son gouvernail. Un coup de pierrier lui fit voler en l'air son contremât et blessa légèrement deux matelots. En mesme temps, toutes les chaloupes de l'ennemi, en nombre de 150, vinrent fondre, qui d'un côté, qui de l'autre sur toute la flotte. On demeura longtemps aux prises sans que les ennemis pussent entrer dans pas une barque du Roy, en sorte que s'étant retirés, les nostres, croyant être hors de tout péril, et s'exhortant à courage les uns aux autres, voici que d'autres difficultés se présentent, car les ennemis tenaient de grands mâts de vaisseau en vaisseau attachés les uns aux autres et force grands bois et cordages de vaisseau en vaisseau pour empêcher les passages. Mais, au lieu de perdre courage, chascun mit la main au coutelas pour couper les câbles et, avec piques et hallebardes, faire enfoncer les mâts et bois qui les empêchaient (d'avancer). Et, par mal­heur, Coussage, contre-maître et lieutenant de Maupas, ayant coupé avec son tarrabat un grand câble qui empêchait le passage de leur barque, ce câble tomba et s'embarrassa dans le gouvernail de la barque de Rasilly et, par une secousse de mer, d'une grande impétuosité

(1) Heu. Navire d'environ 300 tonneaux. Portait un seul mât vers l'avant. Avait en saillie du sommet du mât à la poupe une longue pièce de bois nommée corne. Cette corne et le mât n'avaient qu'une même voile. Les Anglais appelaient ce bateau : hoy.
l'entraîna contre la ramberge (1) où ce câble estoit attaché, où soudain il fut accroché et investi par une douzaine de chaloupes et, après un combat où il lui était impossible de résister plus longtemps commanda plusieurs fois qu'on mît le feu aux poudres pour ne pas tomber entre les mains des ennemis, à quoi on ne voulut obéir. La Guitte, gentilhomme nourri, page de la reine d'Angleterre, fendit un de ses ennemis auparavant que de se rendre. Enfin, il fallut céder à la force, et prendre la composition que les ennemis offrirent, savoir : dix mille écus que M. de Rasilly leur promit pour lui et ses compagnons. Les sieurs Danery, Calottis, Roquemont et La Gaigne firent des merveilles en ce combat; d'abord, quelques-uns furent tués, mais point de noblesse.
« Or, cependant que les ennemis étaient acharnés à ce butin, 29 bar­ques arrivèrent heureusement à la citadelle, entre trois et quatre heures du matin. Aussitôt la sentinelle qui était sur le bastion de la Reine criant : « Qui vive ! » il lui fut répondu par quantité de voix éclatantes : « Vive le Roy ! » ce qui mit au cœur de ceux du dedans une grande allégresse.
« Là, une chaloupe de La Rochelle s'étant glissée au milieu des vaisseaux du Roy, comme si elle eût été de la troupe, pour brusler cette flotte, fut reconnue à leur jargon par le sieur d'Andoins qui s'en douta ; mais, à cause de l'impatience de M. de Toiras, fit sauter tout le monde à terre et demeura avec ses mousquetaires dans la pinasse pour remédier à ce qui pourrait arriver, demanda le mot et le contre mot à la chaloupe rochelaise ce que ne sachant, fit connaître qui elle était et, sur l'heure, la chargea si furieusement que plusieurs furent tués et estropiés et beaucoup faits prisonniers.
« M. de Toiras, voyant un si beau secours inespéré, courut aussitôt jusque dans l'eau embrasser la fleur de ses amis et tout le reste ensuite. Après les premiers compliments, chacun fut conduit à la hutte de quelque soldat pour se sécher, ayant été contraints de descendre dans l'eau jusqu'à la ceinture (2). »
Après divers combats, les Anglais se rembarquèrent. Le capitaine d'Andoins, comblé d'éloges par le roi et par le cardinal, s'empressa de faire parvenir à la ville de Bayonne son rapport de mer, dans lequel il rendit compte de la mission qui lui avait été confiée.
(1) Ramberge (au xviic siècle). Navire anglais de 120 à 200 tonneaux, allant à voiles et à rames, destiné pour le service et la sûreté des grands navires, comme la patache. (2) Archives curieuses de l'Histoire de France, par Cimber et Daniou.

 

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22 juillet 2013

liste des documents

 LA LIQUEUR DE HENDAYE

 

 LES PINASSES A L'ILE DE RE

 

 D'ALBARRADE

 

 ETIENNE PELLOT

 

 UN CORSAIRE HENDAYAIS Coursic

 

 Suhigaraychipi Bayonnais ou Hendayais

 

 URTUBIE

 

 TRAITE DES PYRENEES

 

 GUERRE DE LA CONVENTION

 

 Guerre NAPOLEON ESPAGNE

 

 Le faux Martin Guerre

 

   ILE DES FAISANS

 

 LOTI  SAN MARTIAL

 

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BIBLIOGRAPHIE

 

 Gabriel et Jean-Raoul Olphe-Galliard  : Hendaye

Abbé Michelena  :Hendaye son histoire

Jean Fourcade :  Urrugne 

Jean Fourcade : Trois cents ans au Pays Basque d'histoire

 ( le livre d'histoire Paris )

Joseph Nogaret  : Hendaye  ( 1811/1890 )

Joseph Nogaret : Saint jean de Luz

Claude Choubac : La Bidassoa

 Théodoric Legrand : Essai sur les différents de Fontarrabie avec le Labourd

Georges Langlois : La véritable histoire de Hendaye-Plage

Duvoisin: le Corsaire Pellot

Ducéré Edouard (1849 )

Thierry Sandre :  le corsaire Pellot

Alfred Lassus : Hendaye ses marins ses corsaires

Lauburu : Histoire et civilisation Basques

Narbaitz  : le Matin Basque

Eugène Goyheneche  : le Pays Basque

Manex Goyeneche Histoire Pays Basque T : 1.2.3.4

Philippe Veyrin : les Basques

Rectoran : Corsaires Basques et Bayonnais

Thierry du Pasquier : les Baleiniers Basques

Josane Charpentier : La Sorcellerie au Pays Basque ( Ed . Guénégaud Paris )

Jean-Claude Lorblanches: les soldats de Napoléon en Espagne 1837

 ( Edition l'Harmattant )

Louis de Marcillac  : Histoire de la guerre entre la France et l'Espagne 1793/1795

Correspondance d'Escoubleau de Sourdis : 1636

Oiasso  : 4 siècles de présence romaine

 Gipuzkoakultura

Le Journal du Pays Basque

Supery

Regis Boyer   Heros et dieux du Nord  Ed.Tout l'Art

Internet Reportages  PHOTO    : TVPI

Photographies :  Harrieta 171

 

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Ce premier recueil est réalisé en grande partie avec des compilations autorisées par les auteurs, les éditeurs, ou tombées dans le domaine public et de tous ceux qui se sont penché sur notre passé et les faire revivre.

Notre seule ambition est de faire connaître à tous les curieux de Hendaye, les histoires  qui ont jalonné ces 20 siècles  hélas en grande partie dramatiques. Nos archives ont toujours été détruites pendant les  longues guerres qui se sont succédées, Nos voisins et amis d'Espagne ont été un peu plus chanceux que nous

.Ils disposent  d'une foule de renseignements historiques qui nous seraient précieux. 

Ce  blog  sans doute imparfait, doit être ouvert  c'est à dire prêt à la discussion. Ce n'est qu'avec le temps et l'aide des lecteurs que nous pourrons nous satisfaire

 

 

 

 

 

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19 août 2013

Croisic

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SUHIGARAYCHIPI

était il Bayonnais ou Hendayais   

Etait-il natif de Bayonne, Joannis de SUHIGARAYCHIPI dit Coursic, dit Croisic, ce grand marin, qui peut être considéré comme l'un des plus prestigieux capitaine des ports de Bayonne et du pays du Labourd et dont le ministre de Pontchartrain avait dit à Madame de Gramont qu'il était meilleur corsaire que bon sujet de Sa Majesté .

Capitaine de navire marchand et en son temps capitaine de corsaire, il devint capitaine de frégate du roi comme Louis de Harismendy, natif de Bidart, qui peut être considéré comme son égal.

Plusieurs auteurs ont confirmé son origine bayonnaise dans leurs ouvrages.

Il est vrai que certaines archives municipales de Bayonne permettaient de supposer que ce glorieux capitaine était né dans cette ville.

Dans certains registres est signalée la maison de Croisic à la rue de la Galuperie.

En outre dans un registre paroissial, est mentionné , à la date du 24 novembre 1638, le baptême dans l'église cathédrale, de Jehan, fils de Joannis de Suhigaraychipy et de Magdeleine de Sopite.

Mais cette famille était-elle de Bayonne, ou bien ce qui est probable, s'y était elle réfugiée comme beaucoup d'autres familles, lors de l'invasion en octobre 1636, par les troupes espagnoles de certaines paroisses frontalières du Pays de Labourd, et avait-elle prolongé son séjour après le départ en octobre 1637 des envahisseurs, sa maison ayant peut-être été pillée et brûlée comme beaucoup d 'autres maisons de ces paroisses et principalement de Hendaye et de Ciboure ?

Par ailleurs, ce baptême, concernait-il celui qui devait être connu sous le nom de Croisic, nom que portera une partie de sa descendance ?

ORIGINE HENDAYAISE DE COURSIC

Il peut être affirmé que Coursic était natif de

Hendaye. Sa date de naissance et celle de son baptême sont inconnues, car en 1793, les Espagnols entrés dans le territoire de Hendaye, avaient emportés les registres de cette paroisse

En outre, bien que cette période ne soit pas concernée il y a lieu de préciser que les registres d'état civil de cette ville pour la période 1793-1813 , avaient été brûlés par les '' alliés '' lors de leur arrivée en France en 1813

Cependant, les archives des notaires d'Urrugne, de Ciboure et Saint Jean de Luz afférentes aux 17eme et 18eme siècles, conservées par les Archives Départementales des Pyrenées Atlantiques permettent de retrouver trace de certaines familles de Hendaye.

Parmi ces minutes notariales, se trouve le contrat de mariage, établi à Hendaye le 23 janvier 1679 par Me de Bereau, notaire royal de Ciboure, de ce fameux Joannis de Suhigaraychipy, qualifié de marinier, et de Saubadine de Haramboure , les deux habitant Hendaye.

Le futur époux était assisté de son beau-frère Joannis de Morcoitz, époux de Marie de Suhigaraychipy La future épouse était la fille de Miguel de Haramboure et de Marie de Hiriart sieur et dame de la maison de Sansignene de Hendaye.

Elle était assistée de Joanissona Detcheverry et de Marie de Haramboure, conjoints sieur et dame de la même maison, son beau-frère et sa soeur .

Un des témoins était Martin de Haramboure, capitaine de navires, ancien jurat de la paroisse de Hendaye, oncle de la future épouse ( et beau-frère de l'époux car marié à Jeanne de Suhigaraychipy

Précédemment, le 24 février 1675 , en la paroisse de Biriatou et par le même notaire, avait été établi le même contrat de mariage d'un autre Joannis de Suhigarachipy , aussi marinier habitant aussi à Hendaye, et de Domindigne Daspicoetta, fille de Gracianne de Chanchic, veuve du premier lit de feu Martin de Daspicoetta de Biriatou et veuve en deuxième noces de Joannis de Haramboure, sieur de la maison d'Arroupea de Biriatou.

Le futur époux était assisté de ses beau-frères, Martin de Haramboure et de Joannis de Morcoitz, maîtres de navires de Hendaye ..

Il est précisé dans ce dernier contrat, que la mère de Joannis de Suhigaraychipy était Marie de Margerie. Par ailleurs, divers actes notariés prouvent que les deux futurs époux, concernés par ces deux contrats de mariage, étaient deux frères

.Ils avaient tous deux comme beau-frères Joannis de Morcoitz.

Ce dernier a été, en 1691, troisième lieutenant sur la frégate La Légère commandée par Croisic dont le frère, l'autre Joannis s'y trouvait embarqué en qualité de deuxième lieutenant.

En 1690 , Coursic résidait encore à Hendaye , selon les mentions figurant sur un acte notarié daté du 12 septembre 1690 Cet acte était établi à la demande de André Darretche , capitaine de navires de Saint jean de Luz pour être notifié à Joannis de Suigaraychipy di Coursic habitant Hendaye en vue d'obtenir conformément à la décision du Conseil d'Etat du 21 juillet 1690 la main levée des trois quarts du vaisseau le Saint Antoine de Saint Jean de Luz et de l'ensemble de la cargaison de morue.

Ce navirre venant de Terre-Neuve avait été pris par Coursic, car 1/4 appartenait à des Espagnols.

Par ailleurs, sur le registre paroissial, Coursic capitaine de frégate du Roi, parrain à un baptême célébré à Bayonne le 6 janvier 1691 est porté comme résidant à Hendaye.

Sur le même registre, de nouveau parrain à Bayonne le 16 janvier 1691 , est porté comme résident à Hendaye

Il est probable que c'est vers 1691 que Croisic et sa famille s'est installé à Bayonne achetant la maison qui sera nommée la maison de Croisic, à la rue de la Galuperie .

A ce sujet il y a lieu de préciser que les noms des maisons n'étaient pas fixées suivant les mêmes règles selon qu'elles étaient situées en milieu rural ou en milieu urbain.

En milieu rural basque selon l'usage ou la coutume, il était attribué aux maisons, un nom compte tenu, soit de la situation par rapport au voisinage ou à la nature environnante, soit de leur forme, de couleur, de leur ancienneté, ce nom n'étant pas modifié par le temps.

Au centre de Bayonne, les maisons étaient nommées par le nom de leur propriétaire.

Le nom se modifiait donc lorsque il y avait un changement de propriétaire.

La maison de Croisic a été ainsi nommée après son achat par Croisic.

Après le décès de ce dernier, sa veuve Saubadine de Haramboure a acheté une maison située rue Pannecau ; un Procès Verbal de prise de possession par elle de cette maison a été établi le 5 décembre 1696 par Me de Laborde notaire royal de Bayonne ( 7 )

ASCENDANCE DE CROISIC .

Joannis de Suigaraychipy était le fils de Joannes de Suhigaraychipy et de Marie de Margerie résidant à Hendaye.

Ces derniers s'étaient mariés en février 1640. Un acte notarié daté du 28 février 1642 cite en effet leur contrat de mariage établi en février 1640

La date de naissance de leur fils '' Coursic ''devait se situer entre 1640 et 1646

Il peut être affirmé sans crainte d'erreur, que l'enfant Jehan de Suigaraychipy Baptisé à Bayonne le 24 novembre 1638 n'était pas celui qui allait devenir Croisic .

Les noms et prénoms sont en effet différents , s'agissant de la mère Marie de Margerie, mère de Croisic, était la fille unique de Esteben de Margerie, marchand de Hendaye, et de Marie d'Agorette sieur et dame de la maison de Péricorena de Hendaye.

Veuf Esteben de Margerie avait épousé en deuxième noces Marie Daguerre. a testé le 6 avril 1654 devant Me Diharce notaire royal

LE PERE DE CROISIC CAPITAINE DE NAVIRE.

Un acte daté du 31 décembre 1641 cite le navire la Marie de Saint Vincent de Ciboure, de 180 tx.armé de 6 pièces de canon, 2 pétards, 20 mousquets navire qui doit partir pour la pêche et chasse des baleines sous la conduite de Joannes de Suhugaraychipy, marchand marinier de Hendaye.

Un autre acte daté du 17 novembre 1665 cite le navire le Saint André de 150 TX qui est revenu de la pêche aux baleines, et dont le maître postif était Joannes de Suhigaraychipy dit Guichona, habitant la paroisse de Hendaye .

Il est probable qu'il s'agissait du père de Croisic.

ORIGINE DU NOM DE SUHIGARAYCHIPY

Ce nom est celui d'une maison d'Urrugne, citée dans divers actes, et notamment dans un acte notarié daté du 20 juin 1647, le maître de cette maison étant alors Pascoal de Suhigaraychipy .

Dans plusieurs paroisses du pays du Labourd et de Basse-Navarre, il existait une maison nommée Suhigaray. Mais il semble qu'une maison appelée Suhigaraychipy ne se trouvait qu'à Urrugne , où, par ailleurs, existait et existe encore la maison Suhigaray.

Durant les 17 eme et 18eme siècles, diverses personnes vivant dans la paroisse d'Urrugne ont continué à porter ce nom qu'elles devaient à un ancêtre né dans la maison de Suhigaraychipy .

Croisic né à Hendaye, paroisse voisine d'Urrugne, devait avoir son père, ou son grand-père né dans cette même maison.

CONCLUSION

Il est certain que Joannis Suhigaraychipy dit Coursic, dit par la suite et généralement Croisic n'était pas natif de Bayonne .

Les informationsqui ressortent de ces documents de son époque tendent à prouver qu'il était de la paroisse de Hendaye.

Pour terminer, il y a lieu de rappeler qu'a Terre-Neuve, en l'église de Placentia , se trouve la tombe de Croisic décédé au cours d'une de ses croisières.

Sur la pierre tombale ont été gravées les mentions suivantes :'' CY GIS IOANNES DE SUIGARAICHIPI DIT CROISIC CAPITAINE DE FREGATE DU ROY 1694 '' ENVIEUX POUR L'HONNEUR ' DE ) MON ( Sr LE ? ) PRINCE J' ALLAIS

NE SUIVANT SA CARRIERE ATTAQUER LES ENNEMIS EN LEUR MESME ( PAYS )

Décédé à Plaisance TERRE NEUVE en 1694

(Bulletin Sté Sciences Lettres et Arts de Bayonne

DUCERE un corsaire basque sous Louis XIV

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19 août 2013

URTUBIE

7

URTUBIE    I

 les Tartas d'Urtubie

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C'est en 1341 que Martin de Tartas reçoit du roi d'Angleterre, l'autorisation de construire un château de pierres avec murailles et fossés, parce qu'il n'en existe pas d'autre à trois lieues de là.

Les lettres patentes en faveur de Martin de Tartas, Seigneur d'Urtubie, sont signées par le roi Édouard III d'Angleterre à Westminster, le 4 mai 1341.

Mais Martin mourut tragiquement à Bayonne en 1343, sans postérité, et c'est son frère Auger de Tartas qui achève la construction d'Urtubie.

Il prête serment de fidélité et hommage féodal à Edouard III au Palais de l'Archevêché de Bordeaux.

Après lui, la propriété passe à son fils Adam, capitaine des gardes de l'Infant Don Carlos, héritier du trône de Navarre, puis, en 1377, à son petit-fils, Pierre Arnaud et ensuite à son arrière-petit-fils, Esteban d'Urtubie, qui meurt sans postérité en 1437

.XVe siècle : les Sault et les Montréal

C'est la fille du frère d'Esteban, Domilia Martinez d'Urtubie qui hérita du château.

Elle avait épousé vers 1415, Saubat de Sault. 1609

Après elle, la seigneurie d'Urtubie, avec le château, passe à son fils Jean de Sault, qui épousa vers 1445, Maria Tereza de Lazcano, dont il eut une fille, Marie, héritière de Sault et d'Urtubie.1789. Abolition du Biltzar du Labourd dans le cadre de la construction de l’état-nation. Simon Amespil maire-abbé de Hendaye sera le dernier représentant hendayais dans la dernière réunion de cette institution abolie en 1790 quand l’Assemblée Nationale approuve la division de la France en 83 départements, dont celui qui réunit le Labourd, La Basse Navarre et la Soule avec le Béarn.

En 1448, Jean de Sault alla combattre les Gamboa, en Guipuzcoa, avec le seigneur de Lazcano, son beau-père, qui était le chef du parti des "onazinos".

Peu de temps après, Jean de Sault mourut et sa veuve, Maria-Tereza se remaria en 1456 avec Jean de Montréal, conseiller du roi d'Aragon et trésorier général de Navarre, veuf de Dona Maria de Larraya.

Jean de Montréal passa dans le camp de l'infant Don Carlos, qui le nomma son conseiller, ce qui entraîna la confiscation de ses biens espagnols au profit d'un gentilhomme navarrais.

La guerre se poursuivit jusqu'à ce qu'un pacte fût signé le 23 janvier 1460 : Jean de Montréal fut réintégré dans ses biens et dignités, et il s'installa à Urtubie auprès de sa femme, Maria-Tereza de Lazcano.

Jean II de Montréal, fils aîné de Jean, avait environ dix-sept ans lorsqu'il épousa Marie d'Urtubie, fille du premier lit de sa marâtre.

En Janvier1609 ce fut le sieur d'Urtubie, soutenu par le sieur d'Amou qui s'adressant au roi Henri IV lui même le supplia d'envoyer des commissaires pour '' nettoyer le Labourd de ses sorciers '' p.30 Car en plus de son assistancs aux procés, le roi avait le président d'Espagnet de régler les vives querelles que se faisaient Français et Espagnols, d'une rive à l'autre de la Bidassoa, querelles qui s'envenimaient facilement

Il eut l'honneur de recevoir en 1463 le roi Louis XI qui séjourna à Urtubie lorsqu'il fut appelé comme médiateur par les rois de Castille et d'Aragon.

C'est ainsi que l'on peut lire dans les chroniques de Philippe de Commynes que le roi visita " un petit château nommé Heurtebise..." Louis XI, lors de son départ emmena Jean II avec lui comme chambellan ; ce dernier devait participer en 1494 à la conquête du royaume de Naples avec Charles VIII.

Jean II de Montréal et Marie d'Urtubie ont eu deux enfants : Louise, qui épousa en 1480 Jean de Beaumont-Navarre, petit fils de Charles III, roi de Navarre, et Louis, connu sous le seul nom d'Urtubie, élevé comme enfant d'honneur à la cour de Charles VIII, qui devint, en 1496, écuyer tranchant.

Mais pendant l'absence de Jean II d'Urtubie, qui guerroyait sous le ciel d'Italie, Marie d'Urtubie, sa légitime épouse, se jugeant sans doute déjà veuve, épousa, en 1469, Rodrigo de Gamboa d'Alzate en Navarre et de Renteria en Guipuzcoa.

Le couple reçut la bénédiction nuptiale en l'église Saint- Vincent d'Urrugne et eut six enfants.

L'aîné, Jean, dit "Ochoa", va revendiquer l'héritage d'Urtubie, ce qui entraînera une longue querelle successorale, qui se terminera en 1574
En effet, Jean II de Montréal revendique ses droits après la mort de Rodrigo d'Alzate et, par arrêt du parlement de Bordeaux en date du 13 juin 1497, est réintégré en la jouissance de la personne et des biens de Marie d'Urtubie, sa femme légitime.

Mais cette dernière, une femme de caractère, déjà surnommée "la bigaine", refuse de se soumettre à cet arrêt et emploie des moyens expéditifs : elle fait brûler le château d'Urtubie et se retire en Navarre chez les Gamboa d'Alzate, où elle meurt en 1503.

Le roi Louis XII, par lettres datées de Bourges du 20 avril 1505, permet à Jean II de Montréal de "réédifier et fortifier la dite place d'Urtubie de telles grandes et puissantes fortifications qu'il pourra faire et que bon lui semblera". Louis de Montréal, fils de Jean II, ne fut mis en possession de tout l'héritage de Marie d'Urtubie qu'après l'intervention du gouverneur de Guyenne, agissant sur l'ordre du roi, après de nombreuses difficultés et bagarres avec Jean d'Alzate, dit "Ochoa".

Louis de Montréal fut nommé "bailli de Labourd", le 17 octobre 1511, et fit reconstruire le château, son père, Jean II de Montréal s'étant retiré au château de Sault.

On ne connaît pas exactement la date à laquelle fut reconstruit le château détruit par Marie d'Urtubie.

En fait, le château ne fut pas entièrement détruit puisque subsistèrent le donjon, le chemin de ronde et la porterie, qui permettent encore aujourd'hui d'imaginer ce que devait être le premier château fort.

Le château fût donc "agrandi" entre 1506 et 1540 par Louis de Montréal, mort en 1517 dans un combat contre les Guipuzcoanos, et par son fils Jean III.

Aux constructions antérieures fût adjoint un corps de bâtiment correspondant au grand salon actuel et la grosse tour avec l'escalier de pierres à vis suspendu.

, par le mariage de Jean II d'Alzate d'Urtubie, petit-fils du second mariage, avec sa cousine issue de germains, Aimée de Montréal d'Urtubie, petite fille du premier mariage.

Entre-temps, l'histoire de la succession allait connaître bien des rebondissements.

3a - XVIe et XVIIe siècles : les d'Alzaté d'Urtubie

La propriété d'Urtubie alla par mariage à Aimée de Montréal, fille de Jean III, qui épousa en 1574 Jean d'Alzate qui comme nous l'avons vu plus haut descendait lui aussi de Marie d'Urtubie et dont le père avait obtenu des maîtres des requêtes du roi la propriété de la seigneurie d'Urtubie en 1563.

Leur petit fils, Salvat d'Alzate d'Urtubie, obtint en 1654 que Louis XIV érige la terre d'Urtubie en vicomte et confirme la charge de bailli d'épée du Labourd qu'il avait accordée aux d'Urtubie.

C'est Salvat qui à la suite de son père André modifiera la toiture du château et construira la chapelle.

Ces travaux avaient pour objet de rendre le château digne des fonctions du Vicomte d'Urtubie qui fut entre autre, gouverneur du Labourd

. C'est également Salvat qui installa à Urtubie la très belle collection de tapisseries de Bruxelles du XVIème siècle encore en place de nos jours.

La propriété d'Urtubie passa ensuite aux héritiers de Salvat, nés de son premier mariage, c'est à dire André, puis Henri et Ursule, sa fille, qui en 1733 avait épousé Pierre de Lalande-Gayon.

3b -XVIIIe siècle : les Lalande d'Urtubie

Ce sont Pierre de Lalande et son épouse, Ursule d'Alzate d'Urtubie, qui réalisèrent les travaux qui ont donné au château et au parc leur physionomie actuelle.

Les travaux furent achevés en 1745 et comprenaient le corps de bâtiment correspondant au petit salon actuel, la terrasse, l'escalier Louis XY une partie importante du Châtelet d'entrée et l'Orangerie.

C'est Pierre-Eloi de Lalande, arrière petit-fils d'Ursule, qui, en 1830 a cédé les domaines d'Urtubie et de Fagosse à François III de Larralde-Diustéguy, son cousin et cinquième descendant de Salvat d'Urtubie et de sa seconde épouse, Jeanne-Marie de Garro. Un échange de lettres entre Pierre-Eloi de Lalande et François III de Larralde-Diustéguy, témoigne de la satisfaction du vendeur de voir la propriété demeurer dans la même famille.

4a - XIXe siècle : les Larralde-Diusteguy

François III de Larralde, maire d'Urrugne, marié en 1819 avec Maria Antonia de Polio y Sagasti, a transmis la propriété au plus jeune de ses fils, Henri de Larralde-Diustéguy, maire d'Urrugne pendant 56 ans et conseiller général des Basses Pyrénées pendant 40 ans. Henri demeura célibataire et laissa Urtubie à sa soeur Gabrielle, mariée à Jules Labat, maire de Bayonne et député des Basses Pyrénées qui eut l'honneur de recevoir en séjour chez lui à Biarritz l'Empereur Napoléon III et son épouse venus en 1854 suivre les travaux du Palais Impérial.

4b - XXe siècle : les Comtes de Coral

Henri de Larralde Diustéguy a vécu les dernières années de sa vie dans la partie du château construite en 1745. A sa mort, survenue en 1911, la Comtesse Paul de Coral, fille de Gabrielle de Larralde Diustéguy a aménagé différentes pièces du château, dont la salle chasse, pour les rendre plus habitables et conformes à une vie de famille agréable.

Après elle, c'est son fils aîné, le Comte Bernard de Coral et sa femme Hélène qui se sont installés à Urtubie. Continuant la tradition familiale, Bernard de Coral a été maire d'Urrugne de 1929 à 1945 et de 1947 à 1965. Il a été aussi député des Basses-Pyrénées de 1934 à 1941 et conseiller général de Saint-Jean-de-Luz de 1951 à 1963. Le Comte de Coral et son épouse ont obtenu en 1974, l'inscription de la propriété à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques,

Leur fils unique le Comte Paul-Philippe de Coral et son épouse ont ouvert le château à la visite et ont décidé d'y aménager des chambres d'hôtes pour faire découvrir à un large public les charmes de la côte basque et la richesse de son passé.

Comte de Coral

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                             KEPA ORDOKI

Pedro Esteban Ordoqui Vazquez (Kepa) 

Nationaliste basque

 

« Toda guerra es cruel en si misma, y si es civil, todavia mas. »)

Défenseur d’Irun, futur commandant du Bataillon Gernika.

(Libération de la France, 1944/1945)

 

Pedro Esteban Ordoqui (Kepa) est né le 3 août 1912 à Irun, quartier Meaca, dans la ferme Ibarla. En poursuivant ses études, il pratique divers métiers, en particulier dans le bâtiment. Il milite tout jeune au syndicat S.T.V., puis à l’organisation nationaliste de gauche A.N.V. Son service militaire terminé, il se marie au mois de mai 1936. Autant dire que le soulèvement franquiste du 18 juillet le surprend en pleine lune de miel.

Dès le premier jour, Kepa (c’est ainsi que l’appellent ses camarades basques), se jette pleinement dans le combat. Quoique nationaliste, il sera l’un des proches du lieutenant Ortega et de Manuel Cristóbal Errandonea. Dès les premières heures, c’est lui qu’Antonio Ortega charge d’apporter une lettre à son homologue, le lieutenant des cabineros de Vera de Bidasoa, afin qu’il affirme, avec ses hommes, son engagement dans le camp de la République, ce qu’il obtient. Kepa Ordoqui fait partie du groupe de volontaires civils qui, pratiquement dépourvu d’armes de guerre, se trouve pris à Lesaca, dans le premier engagement avec les avant-gardes rebelles. Il sera par la suite de tous les combats, en particulier San Martial, lors des journées héroïques de fin août et début septembre 1936.

Irun perdu, il n’abandonne pas le combat. Il ne passe pas en France, mais fait retraite avec les derniers combattants par le Jaizquibel. Après la chute de San Sébastien, il est blessé lors des durs combats du Sollube. En mars 1937, sa famille est capturée par le tristement célèbre navire « Galdames ». En juin, Pedro Ordoqui est nommé commandant du bataillon San Andres. Fait prisonnier, il est successivement interné aux prisons de Santo

ňa, Larriňaga et Burgos, et le 3 septembre il est condamné à mort. Son exécution est reportée plusieurs fois. Le 28 juillet 1939 il s’évade de prison. Après un mois de marche clandestine, il réussit à atteindre Biriatou. Arrêté par la gendarmerie française, interné au camp de Gurs, il s’évade à nouveau et passe alors dans la clandestinité. Mais une nouvelle arrestation survient, Kepa est cette fois arrêté avec des journaux interdits déclarés subversifs.

Lors de l’invasion allemande de 1940, il passe en zone non occupée (jusqu’au 11 novembre 1942). Après cette date, à Luchon (Haute-Garonne) la Gestapo l’arrête. Torturé, il doit être conduit à Peyresourde pour y être exécuté. Et là encore, miraculeusement, Kepa réussit à s’enfuir. Repéré et intercepté dans un village, lors de fêtes locales, il trompe une fois de plus ses poursuivants par sa promptitude dans sa fuite.

En 1944, Kepa met sur pied le bataillon Gernika, lequel avec 130 combattants volontaires d’Euskadi, mènera les durs combats pour éliminer les réduits bétonnés des poches allemandes de l’Atlantique. Du 14 avril 1945, jour du déclenchement de l’offensive, au 20 avril, le bataillon Gernika participe à ces combats, écrivant une nouvelle page de la lutte des basques contre les ennemis de la démocratie et de la liberté, contre ceux-là même qui, il y a huit ans, presque jour pour jour, écrasaient sous les bombes la ville symbole de leur liberté. Près d’un tiers des gudaris basques seront ou tués ou blessés

La guerre terminée, Kepa Ordiqui se retire à Hendaye. Entre-temps, en son absence d’Irun, une juridiction militaire l’a condamné à la peine de mort.

En mars 1960, il préside les funérailles du Lehendakari Aguirre.

Puis, à son tour, meurtri à la fois par le cancer et par les douloureuses divisions du peuple basque, il s’éteint à l’âge de 81 ans, à l’hôpital de Bayonne, le 28 novembre 1993.

 

 

 

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19 août 2013

TRAITE DES PYRENEES

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FRANCE et ESPAGNE

TRAITE DES PYRENEES       I

 

Traité pour déterminer la frontière depuis l'embouchure de la Bidassoa jusqu'au point où confinent le Département des Basses-Pyrénées, l'Aragon et la Navarre. Signé à Bayonne le 2 décembre 1856

Convention additionnelle au Traité susmentionné. Signée à Bayonne le 28 décembre 1858

Textes authentiques : français et espagnol.

Classés et inscrits au répertoire à la demande de la France le 3l juillet'

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Ceux de ces propriétaires qui laisseraient passer le délai qui vient d'être fixé sans demander leurs titres seront censés renoncer aux droits que leur donnent les stipulations du présent Traité.

Art. 20. La navigation dans tout le cours de la Bidassoa, depuis Chapite- lacoarria jusqu'à son embouchure dans la mer, sera entièrement libre pour les sujets des deux Pays, et ne pourra, sous le rapport du commerce, être interdite à personne, tout en exigeant cependant la soumission aux règlements en vigueur dans les lieux où les opérations commerciales seront faites.

Art. 21. Les habitants de la rive droite, comme les habitants de la rive gauche, pourront librement passer et naviguer, avec toute sorte d'embarcations à quille ou sans quille, sur la rivière, à son embouchure et dans la rade du Figuier.

Art. 22. Ils pourront également, les uns et les autres, et en se servant de toute espèce d'embarcations, pêcher avec des filets ou de toute autre manière, dans la rivière, à son embouchure et dans la rade, mais en se conformant aux règlements qui seront établis d'un commun accord et avec l'approbation des

Autorités supérieures entre les délégués des municipalités des deux rives, dans le but de prévenir la destruction du poisson dans la rivière et de donner aux frontaliers respectifs des droits identiques et des garanties pour le maintien du bon ordre et de leurs bonnes relations.

Art. 23. Tout barrage quelconque fixe ou mobile, qui serait de nature à gêner la navigation dans la Bidassoa, est interdit dans le cours principal de la rivière où se trouve la limite des deux Pays.La nasse qui existe aujourd'hui en amont du pont de Béhobie, sera enlevée au moment où le présent Traité sera mis à exécution.

Art. 24. Le Gouvernement de S. M. Impériale s'engage à faire remettre à la municipalité de Fontarabie qui jouit de la nasse dont il est question dans l'article précédent, une somme, une fois payée, représentant, à cinq pour cent d'intérêt, le capital du prix moyen qui lui a été payé pendant les dix dernières années pour le fermage de cette nasse. Le payement de ce capital précédera l'enlèvement du barrage de la nasse prescrit par l'article précédent : cet enlèvement devra avoir lieu immédiatement après le payement effectué.

Art. 25. Toute embarcation naviguant, passant ou péchant dans la Bidassoa, demeurera soumise exclusivement à lajuridiction du Pays auquel elle appartiendra,et ce ne sera que sur les îles et sur le territoire ferme, soumis à leur juridiction, que les Autorités de chaque Etat pourront poursuivre les délits de fraude, de contravention aux règlements ou de toute autre nature que commettraient les habitants de l'autre Pays; mais pour prévenir les abus et les difficultés qui pourraient résulter de l'application de cette clause, il est convenu que toute embarcation touchant à l'une des rives, y étant amarrée ou s'en trouvant assez rapprochée pour qu'il soit possible d'y entrer directement du rivage, sera considérée comme se trouvant déjà sur le territoire du Pays auquel appartient cette rive.

Art. 26. Le pont de Béhobie, sur la Bidassoa, construit moitié par la France et moitié par l'Espagne, appartient aux deux Puissances, et chacune d'elles restera chargée de l'entretien de la moitié qui lui appartient.Il sera placé aux deux extrémités de la ligne où se rejoignent les travaux exécutés de part et d'autre, un poteau aux armes des deux Nations pour indiquer la limite de chacune des Souverainetés.

Vol, 1142, 11-838324______United Nations — Treaty Series • Nations Unies — Recueil des Traités 1979

Art. 27. L'île des Faisans, connue aussi sous le nom d'île de la Conférence, à laquelle se rattachent tant de souvenirs historiques communs aux deux Nations, appartiendra, par indivis, à la France et à l'Espagne.Les autorités respectives de la frontière s'entendront pour la répression de tout délit qui serait commis sur le sol de cette île.Les deux Gouvernements prendront, d'un commun accord, toutes les

mesures qui leur paraîtront convenables pour préserver cette île de la destruction qui la menace, et pour l'exécution, à frais communs, des travaux qu'ils jugeront utiles à sa conservation ou à son embellissement.

Art. 28. Les Traités, les Conventions et les Sentences arbitrales, ayant rapport à l'abornement de la frontière comprise entre le sommet d'Analarra et l'embouchure de la Bidassoa, sont annulés de fait et de droit dans tout ce qui est contraire aux clauses stipulées dans les articles précédents, à dater du jour où le

présent Traité sera mis à exécution.

Art. 29 et dernier. Le présent Traité sera ratifié le plus tôt possible par LL. MM. l'Empereur des Français et la Reine des Espagnes, et les ratifications en seront échangées à Paris, dans le délai d'un mois, ou plus tôt, si faire se peut.Il sera mis à exécution quinze jours après la clôture des procès-verbaux qui, en vertu de ce qui a été convenu dans l'article 10, constateront la pose des bornes et des signaux de reconnaissance dont l'établissement aura été jugé nécessaire pour déterminer la frontière avec précision, et pour relier ensemble les sommets et les cours d'eau dont le Traité fait mention, comme formant les points principaux

de la ligne divisoire entre les deux Etats.EN FOI DE QUOI les Plénipotentiaires respectifs ont signé le présent Traité, fait en double à Bayonne le 2 décembre 1856 et y ont apposé le sceau de leurs

armes

1 Signé par Baron Gros — .2 par Général Callier — •' Signé par Francisco M, Marin —

4 Signé par Manuel de Monteverde —

Vol. 1142,11-83

On a vu qu'une fois de plus les Hendayais ne recueillirent de ce traité d'autres avantages que le souvenir des fastes historiques qui se déroulèrent sur leur territoire et qu'ils durent attendre vingt ans encore la reconnaissance du droit de libre navigation sur la Bidassoa.

ll aura fallu attendre les traités de Bayonne en 1856 - 1858

pour que la paix entre Hendaye et Fontarrabie soit définitive

soit pendant 653 ans

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19 août 2013

LE FAUX MARTIN GUERRE

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LE FAUX MARTIN GUERRE    I

Par Gayot de Pitaval
« Causes célèbres et intéressantes, avec les jugements qui les ont décidées »
(T.I, page 1, Paris 1735)

C’est probablement l’affaire la plus curieuse
qu’il ait été donné à un tribunal français de juger.
On peut observer sur le vif que les anciens juges,
dont on a beaucoup médit sans tenir compte
des connaissances et des mœurs de leur époque,
cherchaient d’abord scrupuleusement à cerner la vérité,
ensuite à statuer en accord avec le droit et l’équité.

N.B. Afin de faciliter la lecture de ce document,
nous avons ajouté des titres qui ne figurent pas dans l’original,
et remplacé quelques termes obsolètes par des mots contemporains.

Rien n’est plus admirable que cette variété prodigieuse que Dieu a mis dans les visages des hommes, dans l’air qui résulte de l’assemblage des mêmes traits. Un auteur a dit que la Nature, lasse quelquefois de diversifier ses portraits, fait des copies où elle imite parfaitement ceux qu’elle a tracés. C’est ce qu’elle a exécuté dans Arnaud du Tilh, qu’elle fit très semblable à Martin Guerre. Il se prévalut si bien de cette ressemblance, qu’il aurait remplacé pendant sa vie Martin Guerre absent, si celui-ci ne fût revenu, et n’eût dissipé l’illusion. Encore Arnaud du Tilh , après avoir été confronté à Martin Guerre sous les yeux d’un Parlement, balança-t-il quelque temps les lumières des Juges, même après la confrontation.

L’Histoire, qui nous présente plusieurs célèbres imposteurs qui ont abusé de la ressemblance qu’ils avaient avec les personnes dont ils voulaient usurper le nom, les biens et l’état, ne nous en offre point qui ait poussé l’impudence et l’effronterie plus loin que le faux Martin Guerre.

Source de ce document : Rapport du Conseiller Coras

Voici toutes les circonstances de cette histoire merveilleuse, dont Monsieur Coras, rapporteur du procès, a fait part au public : il l’a enrichi de savantes observations. Il serait à souhaiter que les Juges nous fissent l’histoire des procès extraordinaires dont ils ont fait le rapport : ils nous apprendraient, à l’exemple de Monsieur Coras, les véritables motifs des jugements qui ont été rendus.

Quelque curieuses que soient les observations de Monsieur Coras, comme il promène son lecteur dans des recherches qui ne sont pas de son sujet, je ne m’égarerai point avec lui. Je ne le suivrai point dans ces traits d’érudition déplacés, qui étaient alors en usage parmi les savants, et que le bon sens, qui met chaque chose à sa place, retranche à présent de nos ouvrages.

Martin Guerre, avant sa disparition

Martin Guerre, né à HENDAYE dans le Labourd , âgé d’environ onze ans, épousa, au mois de Janvier 1539, Bertrande de Rols de la Ville d’Artigues, au Diocèse de Rieux : ils étaient à peu près de même âge ; elle unissait la sagesse à la beauté, suivant le témoignage de Monsieur Coras, qui dit que dans le temps du procès elle était jeune, sage et belle. Ces deux époux jouissaient d’une fortune honnête : on ne parle point de leur naissance ; mais on juge qu’ils étaient d’une condition un peu au-dessus de celle du simple paysan. Dès que le paysan n’est pas assujetti absolument à gagner sa vie, il prend l’essor au-dessus de son rang ; et c’est ce que la Fontaine appelle un demi-bourgeois, un demi-manant.

Martin Guerre demeura avec sa femme neuf ou dix ans : les huit ou neuf premières années il eut le sort de Tantale : quelque brûlant désir qu’il eût, il ne pouvait posséder sa femme ; il se croyait maléficié, ensorcelé. La crédulité, qui régnait davantage en ce temps là que dans celui-ci, le confirmait dans cette opinion. Il devait plutôt penser que l’âge tendre où il était lui refusait des plaisirs qui lui étaient réservés dans un âge plus avancé. En effet, lorsqu’il approcha de vingt ans, il fut en état de faire usage des appâts de sa femme. Bertrande de Rols, qui se croyait ensorcelée aussi bien que son mari, s’imagina que le charme était rompu ; parce que, suivant le conseil qu’on lui donna, elle fit dire quatre messes, mangea quelques hosties et fouaces. Ainsi on se sert de la crédulité même pour guérir le mal qu’elle a causé.

Un trait de la sagesse de cette femme fut la résistance qu’elle fit à ses parents, qui lui conseillèrent, dans le temps de cette disgrâce, de se séparer en justice d’avec son mari. Elle fit voir que sa tendresse n’avait pas besoin d’être soutenue par les plaisirs des sens. Un fils, appelé Sanxi, fut le fruit de leur mariage dans la dixième année. Martin Guerre, ayant fait à son père un larcin de blé qui n’était pas considérable, s’absenta pour se dérober à sa colère. Il fut tenté de voyager, soit qu’il commençât à se lasser de sa femme, car celles qui sont les plus charmantes ne sont pas plus privilégiées que les autres, et ne mettent pas leurs maris à l’abri du dégoût que la possession traîne ordinairement après elle ; soit que le libertinage eût des attraits pour lui. Quoi qu’il en soit, il fut huit ans sans donner de ses nouvelles à sa femme. C’est alors qu’une femme négligée, pour ne pas dire méprisée par un mari absent, a besoin de toute sa vertu pour ne pas succomber. La médisance n’a pourtant rien publié contre la conduite de Bertrande de Rols, quoique l’absence de son mari ait été de huit années.

Survenance d’un imposteur : Arnaud du Tilh

Arnaud du Tilh, dit Pansette, du lieu de Sagias, se présenta. Comme il avait les mêmes traits, les mêmes linéaments de visage que Martin Guerre, il fut reconnu pour être le véritable mari de Bertrande de Rols par les quatre sœurs du mari, son oncle, et les parents de la femme, et par elle-même. Il avait étudié son rôle parfaitement, et ayant connu Martin Guerre dans ses voyages, il avait appris de lui ce qu’il avait fait de plus particulier avec sa femme, les paroles qu’ils avaient tenues, qu’ils n’avaient confiées dans leur lit qu’aux ténèbres ; les époques de certains événements secrets. Enfin Martin Guerre avait révélé à Arnaud du Tilh des mystères qu’un mari couvre ordinairement du voile du silence. L’imposteur était parfaitement instruit de mille circonstances particulières. On peut dire qu’il savait son Martin Guerre parfaitement mieux encore que Martin Guerre lui-même.

Bertrande de Rols, qui aimait son mari, et qui soupirait ardemment après sa présence, fut d’abord facilement persuadée que le faux Martin Guerre était le véritable. Elle se livra entièrement à l’imposteur, qui pendant plus de trois ans la posséda et en eut deux enfants, l’un desquels mourut peu de temps après sa naissance.

On n’a jamais mieux imité un mari, Jupiter ne joua pas mieux son rôle à l’égard d’Alcmène. Bien des gens croiront que Bertrande de Rols aida à se tromper elle-même, parce que l’erreur lui plaisait ; et ne penseront point qu’une ressemblance soit si exacte qu’elle puisse parfaitement tromper une femme à qui un mari se décèle entièrement. Qu’on ait eu une longue habitude et une grande familiarité avec une personne, non seulement ses traits, son port, sa démarche, sa voix dans ses inflexions, ses gestes ordinaires, s’imprimeront vivement dans notre esprit ; mais un je ne sais quoi dans son air, dans ses façons. On saisit ce qui serait imperceptible à tout autre. Il n’est pas possible qu’un imposteur ait ce je ne sais quoi, ces différences si délicates ; à plus forte raison une femme, à qui rien n’échappe dans un mari, doit-elle être à l’abri de l’imposteur qui veut le représenter. Son imagination la doit vite faire revenir d’une erreur qui l’aura surprise, parce qu’elle comparera l’idée du mari absent avec l’imposteur en original. Mais, comme les absents ont tort auprès de certaines femmes, on voudra peut être croire que cet original eut raison auprès de Bertrande de Rols, étant confronté avec l’idée qui représentait un absent.

Doutes des proches, notamment de Pierre Guerre

Quoi qu’il en soit, Pierre Guerre, oncle de Martin Guerre, et plusieurs autres personnes ayant ouvert les yeux, les ouvrirent à Bertrande de Rols, en lui rappelant les véritables idées de son mari. Elle mit l’imposteur entre les mains de la Justice, l’ayant fait arrêter sur la plainte qu’elle rendit, et sur l’information qui fut faite en conséquence par devant le Juge de Rieux. Elle demanda, dans une requête, qu’il fût condamné à une amende envers le Roi, à demander pardon à Dieu, au Roi, et à elle, tête découverte, et pieds nus et en chemise, tenant une torche ardente en ses mains ; disant que, faussement, témérairement, traîtreusement, il l’a abusée en prenant le nom et supposant la personne de Martin Guerre, dont il se repent, et lui demande pardon ; qu’il soit condamné envers elle à une amende de dix mille livres, aux dépens, dommages et intérêts : voilà quelles furent ses conclusions.

Ceux qui l’ont déjà condamnée diront, qu’étant lasse de l’imposteur, ou plutôt s’étant brouillée avec lui, elle prit la résolution de le perdre, et de s’en délivrer ; que les femmes passent facilement d’une extrémité à l’autre, et que, si l’imposteur avait eu plus d’adresse et de complaisance, il aurait paré son infortune.

Mais comme je ne suis point naturellement malin, j’aime mieux, en conservant la vertu de Bertrande de Rols, lui attribuer une grande facilité, et même plutôt une grande indigence d’esprit. Sur ce principe, je croirai qu’elle a pu être abusée par l’imposteur ; qu’ayant douté ensuite, elle n’a pas eu la force d’éclaircir son doute, et qu’elle a mieux aimé y persévérer que de faire un éclat. Je croirai que la vérité lui envoyait de temps en temps des éclairs, qu’elle retombait après cela dans des ténèbres qu’elle n’avait pas le courage de dissiper. Voilà l’état où elle fut pendant le règne de l’imposteur. Enfin cette même facilité qu’elle a eue à croire le faux Martin Guerre l’a entraînée à croire Pierre Guerre, et à poursuivre l’imposteur. Les gens faciles agissent ordinairement par les impressions d’autrui.

Arnaud du Tilh traduit devant le Juge de Rieux

Arnaud du Tilh allégua d’abord pour sa défense, par devant le Juge de Rieux, que nul malheur n’égalait le sien, puisqu’il avait une femme et des parents qui avaient le cœur si mauvais que de lui contester son état et son nom, pour le dépouiller de son bien, qui pouvoir valoir sept à huit mille livres ; que Pierre Guerre, qui lui intentait ce procès, était guidé par une animosité dont la cupidité était la source ; que les gendres de son oncle épousaient sa passion ; que pour satisfaire à leur avarice ils l’accusaient de prendre le nom de Martin Guerre, et d’en supposer la personne ; qu’ils avaient suborné sa femme, et l’avaient engagée aux dépens de son honneur dans cette accusation calomnieuse, inouïe et horrible dans la bouche d’une femme légitime ; accusation qui était le comble du crime le plus noir, si elle n’était pas l’ouvrage de sa facilité.

Il faisait ensuite son histoire, en racontant la cause de son absence, et rendait compte de la vie qu’il avait menée depuis ; disant qu’il avait servi le Roi à la guerre pendant sept ou huit années ; qu’il avait passé ensuite au service du Roi d’Espagne, où il avait été quelque mois ; qu’enfin brûlant du désir de revoir sa femme, son enfant, ses parents, sa patrie, il était revenu à Artigues ; que malgré le changement que le temps avait fait à son visage, puisqu’étant parti ayant du poil follet au menton, il était revenu ayant de la barbe, il avait eu pourtant la satisfaction d’être reconnu par ce même Pierre Guerre son oncle, qui avait à présent la barbarie de le vouloir méconnaître ; que ce même oncle l’avait comblé alors de caresses, et qu’il n’avait perdu son amitié que parce qu’il lui avait demandé compte de sa gestion et de ses revenus, que celui-ci avait administrés pendant son absence ; que s’il avait voulu lui sacrifier son bien, on ne le ferait pas passer pour un imposteur ; que son oncle n’avait rien oublié pour le perdre, et lui ôter la vie ; qu’après l’avoir épié plusieurs fois, il l’avait attaqué avec avantage, l’avait jeté à terre d’un coup d’une barre de fer, et qu’il l’aurait assommé, si sa femme, n’ayant point d’autre moyen pour le sauver, ne se fût étendue sur lui, et ne lui eût servi de bouclier pour recevoir les coups. Qu’enfin lui et ses gendres avaient cru qu’en ourdissant la trame de cette accusation ils viendraient mieux à leurs fins, parce qu’ils surprendraient la Justice, et tiendraient de sa main les biens dont ils le dépouilleraient.

II demanda que sa femme lui fût confrontée, persuadé qu’elle n’était pas capable d’étouffer entièrement la vérité, n’étant pas aveuglée par la passion qui transportait ses persécuteurs. Il demanda encore que ses calomniateurs fussent condamnés, suivant les lois de l’équité aux mêmes peines qu’ils voulaient lui faire subir ; que Bertrande de Rols fut tenue dans une maison où elle fût à l’abri de la subornation, et de toutes les impressions de Pierre Guerre et de ses gendres, qui ne pourraient pas l’approcher. Enfin il demandait d’être renvoyé absous de l’accusation, avec dépens et dommages-intérêts.

L’instruction devant le Juge de Rieux

Il subit un ample interrogatoire, où il rendit raison de toutes les questions que le Juge lui fit sur la Biscaye, sur le lieu de la naissance de Martin Guerre, le père, la mère, les frères, les sœurs et les autres parents du même ; sur l’année, le mois, le jour de ses noces, son beau-père, sa belle mère, les personnes qui y étaient, celles qui traitèrent le mariage, les différents habits des conviés, le prêtre qui célébra le mariage, les circonstances les plus particulières qui arrivèrent le jour de la noce et le lendemain, jusqu’à nommer les personnes qui l’allèrent voir à minuit le jour de la noce dans son lit nuptial. Il parla de Sanxi son fils, du jour qu’il naquit ; il parla de son départ, des personnes qu’il rencontra sur son chemin, des propos qu’il leur tint, des villes qu’il avait parcourues en France et en Espagne, des personnes qu’il avait vues dans ces deux royaumes, et afin qu’on pût être éclairci parfaitement de ce qu’il disait, il citait des personnes qui pouvaient confirmer ce qu’il déposait.

On fut convaincu, par les éclaircissements qu’on prit, qu’il n’avait rien avancé qui pût servir à le confondre. On ne pouvait pas mieux retracer tout ce qu’avait fait Martin Guerre. Mercure ne rappela pas mieux à Sosie toutes ses actions, que le faux Martin Guerre rappela celles du véritable.

On ordonna que Bertrande de Rols, et certaines personnes que l’accusé avait citées dans son interrogatoire seraient interrogées. Bertrande de Rols dans ses réponses rapporta tous les faits qu’avait déposé l’accusé avec une parfaite conformité ; excepté qu’elle dit l’histoire du charme qui liait la puissance de son mari, et qu’elle raconta comment au bout de huit ou neuf ans le charme fut rompu. Elle ajouta qu’elle ne voulut point se rendre aux sentiments de ses parents, qui lui conseillèrent d’obtenir une séparation de corps d’avec son mari : elle n’avait garde d’oublier ce trait héroïque de sa vertu. Elle dit que Sanxi son fils, qu’elle conçut, fut la preuve évidente qu’il n’y eut plus de fascination. Ainsi la magie blanche de l’Amour l’emporta sur la magie noire du Démon.

L’accusé ayant été interrogé sur cet ensorcellement, répondit sur le maléfice, sur les cérémonies qu’on avait pratiquées pour le rompre, comme s’il eût ajusté ses réponses à celles de Bertrande de Rols. On le confronta à cette femme, et à tous les témoins ; il requit de nouveau qu’elle fût isolée, afin que ses ennemis n’abusassent pas de sa facilité : on lui accorda ce qu’il demandait.

Il fournit des reproches contre les témoins qui déposèrent contre lui : il demanda qu’il lui fût permis de publier un monitoire pour avoir révélation de la subornation de Bertrande de Rols, et pour vérifier les reproches qu’il opposait aux témoins. II obtint encore cette demande : mais on ordonna en même temps qu’on ferait une enquête d’office sur les lieux au Pin, à Sagias, et à Artigues, de tous les faits qui pouvaient concerner Martin Guerre, l’accusé, et Bertrande de Rols, et l’honneur et la réputation des témoins confrontés. Les révélations du monitoire, et les dépositions des enquêtes constatèrent la vertu de Bertrande de Rols, qui ne s’était point démentie pendant l’absence de son mari.

À l’égard de 1’accusé, de cent cinquante témoins environ qui furent ouïs, trente à quarante déposèrent qu’il était véritablement Martin Guerre, pour avoir eu de grandes habitudes avec lui dès son enfance ; et ils le reconnurent à certaines marques et cicatrices que le temps n’avait point effacées.

D’autres témoins, en plus grand nombre, déclarèrent que l’accusé était Arnaud du Tilh, dit Pansette, pour l’avoir vu et fréquenté dès le berceau. Le reste des témoins, jusqu’au nombre de soixante et davantage, dirent qu’il y avait une ressemblance si frappante entre l’un et l’autre, qu’ils n’osaient pas assurer si l’accusé était Martin Guerre, ou Arnaud du Tilh.

On ordonna deux rapports de la ressemblance, ou dissemblance, de Sanxi Guerre avec l’accusé, et avec les sœurs de Martin Guerre. Il résulte du premier rapport que Sanxi Guerre ne ressemble point à l’accusé, et il résulte du second qu’il ressemble aux sœurs de Martin Guerre.

Arnaud du Tilh condamné par le Juge de Rieux

Enfin, par la sentence définitive du premier Juge, Arnaud du Tilh est déclaré atteint et convaincu d’être un imposteur, et condamné à perdre la tête ; et on ordonna que son corps après sa mort serait mis en quatre quartiers.

Voilà tout ce que M. Coras nous apprend de la sentence. Le premier Juge condamna l’accusé, comme s’il eût été inspiré ; car après ce qu’on vient de rapporter, à ne suivre que les lumières humaines, son jugement était téméraire. On est obligé de convenir que l’information, les révélations du monitoire et l’enquête laissaient du moins la vérité dans le doute. Or dans le doute un premier juge ne s’expose-t-il pas à être blâmé quand il franchit le pas, et condamne hardiment un accusé dont l’innocence se présente à l’esprit aussitôt que le crime ? Comptait-il pour rien la faveur du mariage et des enfants ? N’était-ce pas le cas d’ordonner du moins un plus amplement informé ?

Appel d’Arnaud du Tilh devant le Parlement de Toulouse

Arnaud du Tilh s’étant rendu appelant au Parlement de Toulouse, cette Cour crut qu’il fallait peser cette affaire plus mûrement que ne l’avait fait le premier juge. Elle ordonna d’abord que Pierre Guerre et Bertrande de Rols seraient confrontés en pleine Chambre l’un après l’autre à l’accusé.

Dans ces deux confrontations il eut une contenance si assurée, et un front si ouvert, que les juges crurent y lire qu’il était le véritable Martin Guerre, tandis qu’ils lisaient sur le front de Pierre Guerre et de Bertrande de Rols déconcertés, qu’ils étaient des calomniateurs. Mais, comme ces confrontations ne pouvaient pas être de parfaits tableaux de la vérité, on ordonna qu’on ferait d’office une enquête sur plusieurs faits importants, dans laquelle on entendrait d’autres témoins que ceux qui avaient déjà été ouïs.

Cette nouvelle enquête, au lieu de conduire à la lumière de la vérité dans l’esprit des juges, n’y apporta que l’obscurité du doute et de l’incertitude. De trente témoins qui furent ouïs de nouveau, neuf ou dix déclaraient que c’était le véritable Martin Guerre ; sept ou huit, que c’était Arnaud du Tilh ; le reste, balançant toutes les circonstances et tous les caractères de la ressemblance, disaient qu’ils ne pouvaient rien assurer de certain et de positif.

Tout cela, dit Monsieur Coras, jetait les juges dans une grande perplexité. Ils pensaient autrement que le premier juge, et ils ne se laissaient pas guider par des lueurs.

L’instruction devant le Parlement de Toulouse

En rassemblant toutes les dépositions, on trouvait que quarante-cinq témoins assuraient que l’accusé n’était point Martin Guerre, mais Arnaud du Tilh ; et ils apportaient des raisons pertinentes de leurs créances, en disant qu’ils avaient fréquenté l’un et l’autre, et qu’ils les avaient connus parfaitement, ayant bu et mangé avec eux depuis leur enfance. Parmi ces témoins, il en faut distinguer dont la qualité donne un grand poids à leurs témoignages.

Le premier témoin est un oncle maternel d’Arnaud du Tilh, appelé Carbon Bareau, qui le reconnut pour son neveu, et lui voyant les fers aux pieds pleura amèrement, en déplorant la triste destinée d’une personne qui lui appartenait de si près. On ne peut pas soupçonner qu’un si proche parent, dont le sang parle en faveur de l’accusé, ait voulu trahir la vérité. C’est à la force de cette même vérité qu’il faut attribuer ce témoignage qui condamnait son neveu : témoignage si contraire aux sentiments de la nature. Il y a d’autres témoins qui ont contracté avec Arnaud du Tilh ou qui ont été présents aux actes qu’il avait passés et les avaient signés ; et ils produisent ces actes.

Presque tous ces témoins disent que Martin Guerre était plus haut et plus noir ; qu’il était grêle de corps et des jambes, un peu voûté, portant la tête entre deux épaules, le menton fourchu et élevé dans le sommet ; que sa lèvre de dessus était pendante, qu’il avait le nez large et camus, la marque d’un ulcère au visage, une cicatrice au sourcil droit. Or Arnaud du Tilh était petit, trapu, fourni de corps, ayant la jambe grosse : il n’était ni camus ni voûté ; il avait pourtant au visage les mêmes marques que Martin Guerre.

Le cordonnier qui chaussait Martin Guerre déposa qu’il le chaussait à douze points, et que l’accusé ne se chaussait qu’à neuf. Un autre Témoin dépose que Martin Guerre était habile dans le jeu des armes et à la lutte : l’accusé n’y entendait rien. Jean Espagnol, hôte du lieu de Touges, a déposé que l’accusé se découvrit à lui, et lui dit de ne le pas déceler ; que Martin Guerre lui avait donné tout son bien. Valentin Rougie a aussi déposé que l’accusé, voyant que ce témoin le connaissait pour Arnaud du Tilh, lui fit signe du doigt de ne rien dire. Pelegrin de Liberos a fait la même déposition, et dit que l’accusé lui avait donné deux mouchoirs, à la charge d’en donner un à Jean du Tilh son frère.

Monsieur Coras observe que la Loi qui ne veut pas qu’on ajoute foi à un témoin qui parle par ouï-dire ne comprend pas ceux qui disent avoir ouï-dire aux accusés. Une histoire qui passe par différentes bouches est sujette à être altérée : on la brode, et on l’embellit ; mais le témoin qui l’a puisée dans sa source n’est pas sujet à ces inconvénients.

Deux autres témoins ont déposé qu’un soldat de Rochefort passant par Artigues fut surpris que l’accusé se dît Martin Guerre : il dit tout haut qu’il était un imposteur, que Martin Guerre était en Flandres ; qu’il avait une jambe de bois à la place de celle qui lui avait été emportée d’un coup de boulet devant Saint-Quentin, à la bataille de Saint Laurent.

On employait contre l’accusé le rapport dont on a parlé, qui constate que Sanxi Guerre n’a aucune ressemblance avec lui.

On ajoutait que Martin Guerre était de Biscaye, où le langage Basque qu’on y parle est bien différent du Français et du Gascon. L’accusé ignore le Basque, et n’en sait tout au plus que quelques mots qu’il place de temps en temps par affectation dans son discours.

Plusieurs témoins ont déposé qu’Arnaud du Tilh dès son enfance a eu les plus mauvaises inclinations ; qu’il a depuis été consommé dans le crime, que le larcin lui était familier. C’était un jureur, un renieur de Dieu et un blasphémateur. D’où il s’en suivait qu’il était bien capable de jouer le rôle d’un imposteur, et que l’impudence qu’il témoignait était dans son caractère.

Voilà les sortes de raisons qui découvraient l’imposture. Mais elles étaient obscurcies par les raisons suivantes.

Trente ou quarante témoins affirmaient qu’il était Martin Guerre, et appuyaient leur témoignage, en disant qu’ils avaient eu des liaisons avec lui dès son bas âge ; qu’ils avaient souvent bu et mangé ensemble.

Parmi ces témoins, il fallait considérer les quatre sœurs de Martin Guerre, qui avaient été élevées avec lui, dont la sagesse était dans une très bonne odeur. Elles ont toujours assuré constamment que l’accusé était Martin Guerre leur frère ; les deux beaux-frères de Martin Guerre, mariés chacun à une de ses soeurs, rendaient le même témoignage. Pouvait-on penser que quatre sœurs élevées avec Martin Guerre se trompassent ensemble. Si l’imposteur avait quelque différence, même la moins remarquable, ne l’auraient elles pas saisie ?

Des témoins qui ont assisté aux noces de Martin Guerre et de Bertrande de Rols ont déposé en faveur de 1’accusé. Catherine Boere a dit que sur le minuit elle apporta aux nouveaux mariés la collation qu’on appelle Media noche, ou le réveillon, et que 1’accusé était bien l’époux qu’elle trouva couché avec Bertrande de Rols. La plus grande partie des témoins qui parlèrent en faveur de l’accusé apportent, pour preuve de leurs témoignages, que Martin Guerre avait deux soubredents à la mâchoire de dessus, une goutte de sang extravasé à l’oeil gauche, l’ongle du premier doigt enfoncé, trois verrues à la main droite, une autre au petit doigt : toutes ces marques l’accusé les avait. Par quel jeu la Nature, qui les avait données à Martin Guerre, les aurait-elle imitées si précisément dans une autre personne ?

D’autres témoins ont déposé qu’il y avait partie liée entre Pierre Guerre et ses gendres pour perdre l’accusé ; qu’ils avaient sondé Jean Loze, Consul de Palhos, pour savoir s’il voudrait leur fournir de l’argent pour conduite cette trame à sa fin ; qu’il les avait refusés, en leur disant que Martin Guerre était son parent ; qu’il donnerait plutôt de l’argent pour le sauver que pour le perdre. Ils ajoutent que le bruit commun à Artigues est que Pierre Guerre et sa cabale poursuivent l’accusé contre la volonté de sa femme, et que plusieurs personnes ont souvent ouï dire à Pierre Guerre que l’accusé était Martin Guerre son neveu.

Presque tous les témoins qui ont été ouïs assurent que lorsque l’accusé arriva à Artigues il saluait, et appelait de leurs noms, tous ceux qui étaient de la connaissance et de l’intime familiarité de Martin Guerre ; qu’il rappelait à ceux qui avaient peine à le reconnaître la mémoire des lieux où ils avaient été, des parties de plaisir qu’ils avaient faites, des conversations qu’ils avaient eues depuis dix ans, quinze ans, vingt ans ; comme si toutes ces choses avaient été faites fraîchement : et ce qui est de plus remarquable, c’est qu’il se fit connaître à Bertrande de Rols en lui retraçant des mystères du lit nuptial, et les circonstances des événements les plus secrets ; il lui dit même, après les premières caresses qu’il lui fit, va me chercher ma culotte blanche, doublée de taffetas blanc, que j’ai laissée dans un coffre. Bertrande de Rols est convenue de ce fait, et elle a dit qu’elle trouva la culotte dans le lieu indiqué, où elle ne la savait pas.

Pasquier dit que l’accusé s’attribua une aventure que Martin Guerre avait eue dans une campagne où il était allé avec sa femme. Il n’y avait que deux lits pour Martin Guerre et sa femme, un frère et une sœur, les deux femmes couchèrent ensemble, et les deux hommes dans l’autre lit ; Martin Guerre, pendant le sommeil de son camarade de couche, conduit par l’amour conjugal qui s’irrite des obstacles ainsi qu’un autre amour, alla fort doucement chercher sa femme qu’il trouva éveillée ; il revint à son lit avant le jour : dès cette nuit-là il était devenu père. L’accusé nomma le prêtre qui avait baptisé l’enfant, le parrain et la marraine.

De là il s’ensuit que Martin Guerre seul pouvait avoir ces idées, et qu’il n’y avait que son cerveau qui put être rempli de toutes ces traces ; qu’un autre ne pouvait pas les rassembler en si grand nombre. Qu’on suppose un imposteur, qui n’a connu aucune personne dans un lieu où il voudra représenter un homme qui y aura demeuré ; qui y aura eu une infinité de liaisons, où il aura joué pendant l’espace de plusieurs années bien des scènes, qui se sera communiqué à des parents, des amis, des gens indifférents, des gens de toute espèce ; qui aura une femme, c’est-à-dire une personne sous les yeux de laquelle il est plus des deux tiers de la vie, une personne qui l’étudie continuellement, avec qui il multiplie les conversations à l’infini sur tous les tons imaginables. Comment cet imposteur pourra-t-il tenir son rôle devant tous ces gens-là, sans que sa mémoire soit jamais en défaut ?

Disons plutôt, comment aura-t-il pu mettre dans sa mémoire tant d’espèces ? En supposant qu’il les y ait pu mettre, comment se réveilleront-elles quand il le faudra à point nommé ? Et pour les y pouvoir mettre, combien de conversations a-t-il dû avoir avec celui dont il veut jouer le rôle ? Celui-ci peut-il jamais lui tout dire, lui tout développer ? Il faut donc supposer, pour que le véritable Martin Guerre ait eu cette complaisance, qu’il s’est accordé avec le faux, dont il a voulu être supplanté. De l’impossibilité morale, et même physique à un imposteur de si bien jouer son rôle, il s’ensuit que l’accusé est le véritable Martin Guerre.

Il faut encore observer qu’il résulte du rapport de la ressemblance entre l’accusé et les sœurs de Martin Guerre, qu’il ne peut pas y en avoir une plus parfaite entre leurs airs et leurs traits de visage. Ceux qui ont fait le rapport disent que deux œufs ne sont pas plus semblables.

La conduite de Bertrande de Rols, femme de Martin Guerre

Ce qui ne doit pas laisser le moindre doute, et mettre dans tout son jour la fraude et la calomnie qui ont été machinées contre l’Accusé, c’est la conduite que Bertrande de Rols a tenue avec lui dans ce procès. Quand elle lui fut confrontée, l’accusé l’interpella par la religion du serment de le reconnaître, il la fit juge de sa cause, il lui dit qu’il se soumettait à une peine capitale, si elle jurait qu’il ne fût pas Martin Guerre : l’imposture se serait-elle soumise à une pareille épreuve ? Il n’y avait que l’assurance que donne la vérité qui pût obliger l’accusé à se livrer ainsi à celle qui le poursuivait. Que répondit-elle ? qu’elle ne voulait ni jurer, ni le croire. N’était-ce pas comme si elle disait, quoique je ne puisse pas trahir la vérité qui me condamne et qui parle pour vous, je ne veux pourtant point la reconnaître dans le temps même qu’elle m’échappe malgré moi ; parce que j’ai fait trop de progrès pour retourner en arrière.

Voyons la conduite qu’elle a tenue avec l’accusé avant le procès. Elle a vécu trois ou quatre ans avec lui sans se plaindre : elle s’est livrée à lui comme une femme à son mari, et a vécu tout ce temps là avec lui sous les douces lois du mariage. Est-ce que l’accusé a un rapport si parfait avec Martin Guerre, qu’il n’y ait pas la moindre différence que sa femme ait pu apercevoir ? La nature s’est-elle tellement attachée à les faire ressembler, qu’elle ait voulu que la femme de Martin Guerre ne pût reconnaître l’erreur ? Dans un corps si semblable a-t-elle voulu loger une âme du même caractère ? Car Bertrande de Rols ne cite là-dessus aucune différence. Quand quelqu’un lui disait que l’accusé n’était pas Martin Guerre, ne le démentait-elle pas en prenant un ton aigre et choquant ? Ne lui a-t-on pas ouï dire qu’elle le reconnaissait mieux que personne, et qu’elle ferait mourir ceux qui diraient le contraire ? Et pour faire voir qu’il n’était pas possible que l’accusé ne fût Martin Guerre, ne disait-elle pas que c’était lui, ou un Diable en sa peau ?

Combien de fois s’est-elle plainte de Pierre Guerre et de sa femme, qui est sa mère, parce qu’ils voulaient l’obliger à poursuivre l’accusé comme un imposteur ? Ils la menaçaient même de la chasser de sa maison, si elle ne prenait ce parti. Il est évident qu’elle est à présent séduite et esclave de la passion de Pierre Guerre et de sa mère.

On rapporte que l’accusé ayant été constitué prisonnier pour une autre affaire, de l’autorité du Sénéchal de Toulouse, à la requête de Jean d’Escornebeuf le cadet, et Pierre Guerre étant sa secrète partie adverse, on lui soutint qu’il n’était pas Martin Guerre. Bertrande de Rols se plaignit de ce que Pierre Guerre et sa femme la sollicitait continuellement de faire un procès à l’accusé sur son nom et sur son état, afin de le faire condamner à une peine capitale.

Quand il fut élargi en vertu du jugement du Sénéchal qui prononça entre les parties un appointement de contrariété, Bertrande de Rols le reçut avec des démonstrations de joie, le caressa, lui donna une chemise blanche, s’abaissa jusqu’à lui laver les pieds. Après qu’elle lui eut rendu ce service, il usa de tous les privilèges de mari. Cependant dès le lendemain Pierre Guerre, comme procureur de Bertrande de Rols, accompagné de ses gendres, eut l’inhumanité de le faire conduire en prison. Il est certain que la procuration qu’il alléguait ne fut passée que fort tard sur le soir. Qui ne voit que Bertrande de Rols n’eut pas la force de résister à l’ascendant tyrannique que Pierre Guerre avait pris sur elle ? Ce qui confirme cette vérité, c’est qu’elle envoya à l’accusé, prisonnier, de l’argent pour sa nourriture et un habit.

Il s’ensuit évidemment que, puisque Bertrande de Rols l’a connu pendant un long temps pour son mari, et qu’à présent on fait violence à ses sentiments et à ses lumières, il est incontestablement Martin Guerre. Si un ancien a dit qu’il n’appartenait qu’à un mari de bien connaître sa femme, par la même raison on peut dire qu’il n’appartient qu’à une femme de bien connaître son mari.

Bilan de la seconde instruction

Après tant de raisons convaincantes, la Cour n’était elle pas obligée de reconnaître l’accusé pour Martin Guerre, puisque dans le doute même elle devait prendre ce parti qui favorisait le mariage, et l’état de l’enfant qui en était issu ? Suivant la loi civile et les interprètes, quand bien même on ne considérerait que l’accusé, on se déterminerait toujours à ce jugement ; parce qu’il vaut mieux dans le doute s’exposer à laisser un coupable impuni qu’à perdre un innocent.

Il ne sert de rien d’alléguer que si l’accusé a plusieurs témoins qui déposent en sa faveur, il y en a encore un plus grand nombre qui déposent contre lui ; parce que les dépositions de ceux qui se déclarent pour lui doivent prévaloir, étant plus vraisemblables, et étant en outre en faveur du mariage et de l’état des enfants. C’est une règle constante, qu’on ajoute plus de foi à deux témoins qui affirment qu’à mille témoins qui nient. Aristote, dans son troisième livre de métaphysique, en rapporte la raison : celui, dit-il, qui affirme a une raison de créance plus certaine que celui qui nie. II faut ajouter que ce qui fait prévaloir une affirmation, c’est qu’elle est précise et circonstanciée ; au lieu qu’une dénégation est vague et indéfinie.

A l’égard du témoignage de Carbon Barreau et des autres, qui ont rapporté des faits particuliers et spécieux, ils ont été valablement reprochés, et les objets bien prouvés. Le langage du soldat qu’on rapporte n’est d’aucune considération, puisqu’il n’a point été ouï : ce n’est donc qu’un ouï dire qui ne fait aucun foi en justice.

Quant aux signalements de Martin Guerre qu’on oppose, ils se trouvent dans l’accusé, si on excepte sa grosseur qu’on dénie à Martin Guerre, et la hauteur de la taille qu’on attribue à celui-ci. Il n’est pas étrange que Martin Guerre, qui était grêle et menu, si l’on veut, étant extrêmement jeune, après une si longue absence paraisse plus gros et plus fourni. Combien d’exemples pareils pourrait-on citer ? Un homme qui devient gros semble aux yeux être devenu plus petit. La dissemblance de Sanxi Guerre avec l’accusé ne prouve rien. Combien de fils qui n’ont aucun rapport avec leur père ? Sa ressemblance avec ses sœurs est d’un plus grand poids, puisque c’est une ressemblance de personnes à peu près de même âge, parvenus dans un état où la nature ne fait plus de changement.

On ne doit faire aucun fonds sur ce qu’on allègue, que l’accusé ne parle point le Basque, qui est le langage du lieu de sa naissance. N’apprend-on pas, par les enquêtes qui ont été faites, que Martin Guerre est sorti de son pays à l’âge de deux ans, ou environ ?

Le caractère de libertin et de débauché qu’on donne à Arnaud du Tilh n’est pas un argument contre l’accusé, puisqu’on démontre qu’il est Martin Guerre. On ne l’a point accusé de débauche, ni de libertinage, dans les trois ou quatre années qu’il a vécu avec Bertrande de Rols. Ces plaidoyers pour et contre sont ceux que fit Monsieur Coras pour éclaircir la vérité, lorsqu’il rapporta le procès, si on excepte le style, et la manière de rendre les moyens. Voici ce qu’il répliqua contre l’accusé.

Les témoins qui déposent contre lui nient en affirmant ; puisqu’en disant qu’il n’est pas Martin Guerre, ils affirment qu’il est Arnaud du Tilh. Ainsi la règle n’a ici aucune application. D’ailleurs une dénégation qui est restreinte par les circonstances du temps, du lieu et des personnes, cesse d’être vague, et elle a autant de force qu’une affirmation.

A l’égard des marques et cicatrices qu’on voit dans l’accusé, et qu’on a reconnues dans Martin Guerre, ce fait n’est point prouvé par plusieurs témoins qui s’accordent ; mais chaque marque a un témoin singulier qui assure l’avoir vue dans Martin Guerre. C’est une règle, que mille témoins singuliers ne font aucune preuve ; on excepte l’usure, la concussion. Quant aux soubredents et aux traits et linéaments du visage, qu’on dit être les mêmes dans Martin Guerre que dans l’accusé, combien l’histoire cite-t-elle de ces sortes de ressemblances ? Sura, étant proconsul en Sicile, y rencontra un pauvre pêcheur qui avait précisément les mêmes traits de visage, et la même taille en grosseur et grandeur que lui ; les mêmes gestes que Sura avait accoutumé de faire étaient familiers à ce pêcheur ; il avait la même contenance, et ouvrait comme lui d’une façon particulière la bouche en riant et en parlant. Ils étaient tous deux bègues : ce qui donna lieu à Sura de dire qu’il était surpris d’une si parfaite ressemblance, puisque son père n’avait jamais été en Sicile. « Que votre surprise cesse, lui dit le pêcheur, ma mère a été plusieurs fois à Rome ». Pline rapporte ce fait (livre VII, chap. XXIII) ; et Valère, cuisinier du grand Pompée, ne lui ressemblait-il pas parfaitement ? Combien d’autres exemples ne pourrait-on pas alléguer ? Si la ressemblance était un argument invincible, tant de célèbres imposteurs, qui ont voulu s’en prévaloir, n’auraient jamais été confondus.

On ne doit point se laisser imposer par tous les traits qu’a rapportés l’accusé dans ses conversations. Il a, dit-on, dans le cerveau précisément les mêmes traces que doit avoir Martin Guerre, il connaît les mêmes personnes, il rappelle exactement les époques, les circonstances des événements qu’a eus celui qu’il représente. C’est un habile comédien, qui n’est monté sur le théâtre pour y jouer son rôle qu’après l’avoir bien étudié : c’est un fourbe ingénieux qui a bien ourdi sa trame, qui a eu l’art d’habiller le mensonge des vêtements de la vérité, et qui couvre du voile de l’impudence les méprises qu’il fait, et empêche par là qu’elles ne fassent leur impression. Monsieur Coras allègue qu’Arnaud du Tilh était soupçonné de magie, et il insinue que par cette voie il avait acquis les connaissances qu’il faisait valoir. Cette raison, qui pouvait faire quelque effet dans ce temps là, n’en ferait point à présent.

L’accusé ne doit tirer aucun avantage du refus que Bertrande de Rols a fait de jurer qu’il n’était pas Martin Guerre. Un serment en matière criminelle n’étant pas une preuve, le refus n’en doit pas faire une contraire. Il y a d’ailleurs des personnes timides, superstitieuses, qui, effrayées par les impressions que leur inspire le serment, ne veulent pas même jurer pour la vérité.

Il ne faut point s’arrêter à l’erreur où a été Bertrande de Rols pendant plus de trois ans, et à la répugnance qu’elle a pu avoir de poursuivre l’imposteur, et aux démarches qu’elle a faites qui ont démenti son accusation. Cette conduite est le tableau d’une personne timide, incapable de prendre une résolution violente, et qui étant d’un caractère plein de bonté ne saurait se déterminer à tramer la perte de quelqu’un, particulièrement d’une personne avec qui elle n’a rien eu de réservé, et qu’elle a regardée comme un autre elle-même. Quand on est de ce naturel bon et craintif, on souffre si l’on est poussé à poursuivre une vengeance qui a pour objet une peine capitale, on a le cœur déchiré ; on se repent de s’être engagé si avant, on tâche de retourner en arrière, et si l’on revient sur ses pas on recule encore. Tel est l’état de Bertrande de Rols, qui a plus d’humanité pour un imposteur que d’indignation contre lui.

Tels étaient les moyens de l’accusé et des accusateurs, et telles étaient leurs réponses et leurs répliques, mises en oeuvre par Monsieur Coras. Dans ce conflit de raisons qui révélaient et obscurcissaient la vérité, et n’en laissaient voir que des éclairs auxquels les ténèbres succédaient, la cause de l’accusé allait prévaloir, en faveur du mariage et de l’état de l’enfant.

Le retour de Martin Guerre

Mais voici le véritable Martin Guerre qui se présente, comme s’il fût descendu du Ciel dans une machine. Monsieur Coras dit que son retour fut un miracle de la Providence, qui ne voulut pas permettre le triomphe de l’imposteur. Il vient, dit-il, d’Espagne, il a une jambe de bois, comme l’avait raconté un soldat, suivant la déposition d’un témoin. Il présente sa requête à la Cour, il fait l’histoire de l’imposteur, il demande à être interrogé. La Cour ordonne qu’il sera arrêté, qu’il subira l’interrogatoire, et qu’il sera confronté à l’accusé, à Bertrande de Rols, à ses sœurs et aux principaux témoins qui ont affirmé opiniâtrement que l’accusé était Martin Guerre.

Il est interrogé sur les mêmes faits qu’on avait demandés à l’accusé : il donne les marques, les enseignes auxquelles on peut le reconnaître ; mais les indices qu’il administre ne sont pas si certains, ni en si grand nombre que ceux que l’accusé à fournis. On les confronte ensemble ; Arnaud du Tilh, qui a armé son front de l’effronterie même, traite Martin Guerre d’imposteur, de maraud, d’homme aposté par Pierre Guerre ; et déclare en élevant sa voix qu’il consent à être pendu, s’il ne prouve pas la fourberie et la machination, et ne couvre pas de confusion ses ennemis. Et sur le ton sur lequel il a commencé, il interroge Martin Guerre sur plusieurs faits passés dans sa maison qu’il devait savoir. Martin Guerre ne répond point avec la même fermeté et la même assurance qu’avait répondu Arnaud du Tilh. De sorte qu’on pouvait dire que le tableau que présentait l’imposteur était plus ressemblant à la vérité, que celui qu’en offrait la vérité elle-même.

Les commissaires, ayant fait retirer Arnaud du Tilh, interrogèrent Martin Guerre sur plusieurs faits secrets et particuliers qu’il devait savoir, et sur lesquels ni l’un ni l’autre n’avaient pas été encore interrogés. On vérifia que Martin Guerre avait répondu juste. On interrogea ensuite en particulier Arnaud du Tilh : il répondit sur dix ou douze demandes qu’on lui fit avec la même justesse ; ce qui le fit soupçonner de magie, dit Monsieur Coras, suivant l’opinion qu’on en avait à Artigues et dans les lieux circonvoisins.

La Cour, pour s’éclaircir parfaitement de la vérité, et dissiper jusqu’au moindre nuage, ordonna que les quatre sœurs de Martin Guerre, chaque mari de chacune des deux sœurs, Pierre Guerre, les frères d’Arnaud du Tilh, et les principaux témoins qui s’étaient obstinés à le reconnaître pour Martin Guerre, comparaîtraient pour choisir entre les deux le véritable. Tous se présentèrent, excepté les frères d’Arnaud du Tilh, que les injonctions de la Cour et les peines dont ils furent menacés ne furent point obliger de venir. La Cour jugea qu’il y aurait de l’inhumanité à les contraindre à déposer contre leur frère ; leur refus de comparaître déposait d’ailleurs contre lui.

La sœur aînée vint la première, et après s’être arrêtée un instant à considérer Martin Guerre, elle le reconnut et l’embrassa en pleurant ; et s’adressant aux Commissaires : voici, leur dit-elle, mon frère Martin Guerre : j’avoue l’erreur où ce traître abominable, poursuivit-elle en montrant Arnaud du Tilh, m’a jetée et entretenue pendant si longtemps, aussi bien que tous les habitants d’Artigues. Martin Guerre mêla ses larmes avec celles de sa sœur en recevant ses embrassements.

Les autres le reconnurent de même, aussi bien que les témoins qui avaient été les plus obstinés à reconnaître Arnaud du Tilh pour Martin Guerre.

Après toutes ces reconnaissances, on appela Bertrande de Rols, qui n’eut pas plutôt jeté les yeux sur Martin Guerre, que toute éplorée et fondant en larmes, tremblante comme une feuille agitée par le vent, pour me servir de la comparaison de Monsieur Coras, elle accourut l’embrasser, lui demandant pardon de la faute qu’elle avait faite en se laissant séduire et abuser par les artifices et les impostures d’un misérable. Elle fit alors pour se justifier un petit plaidoyer que la nature ennemie de l’art lui suggéra. Elle dit qu’elle avoir été entraînée par ses belles-sœurs trop crédules, qui avaient reconnu que l’imposteur était son mari ; que la grande passion qu’elle avait de le revoir aida à la tromper ; qu’elle avait été confirmée dans son erreur par les indice que ce traître lui avait donnés, et par des récits de faits si particuliers qu’ils ne pouvaient être connus que de son véritable mari ; que dès qu’elle avait ouvert les yeux, elle avait souhaité que l’horreur de la mort cachât l’horreur de sa faute, et que, si la crainte de Dieu ne l’eût retenue, elle n’aurait pas hésité à se tuer elle-même ; que ne pouvant soutenir l’affreuse idée d’avoir perdu son honneur et la réputation d’être chaste, elle avait eu recours à la vengeance, et avait mis l’imposteur entre les mains de la Justice, et l’avait poursuivi si vivement qu’elle l’avait fait condamner par le premier Juge à perdre la tête, et son corps après sa mort à être mis en quatre quartiers ; que son ardeur à le poursuivre n’avait point été ralentie, après qu’il eut interjeté appel de la sentence. L’air touchant dont parlait Bertrande de Rols, ses larmes et sa beauté étaient bien plus éloquents que son plaidoyer : l’expression de sa douleur, répandue sur son visage consterné, plaida merveilleusement pour elle.

Le seul Martin Guerre, qui avait été si sensible aux témoignages d’amitié de ses sœurs, parut insensible à ceux de sa femme ; et après l’avoir écoutée sans l’interrompre, il la regarda d’un air farouche, et, prenant un maintien sévère, il lui dit d’un ton méprisant : cessez de pleurer, je ne puis et ne dois point me laisser émouvoir par vos larmes : c’est en vain que vous cherchez à vous excuser par l’exemple de mes sœurs et de mon oncle. Une femme a plus de discernement pour connaître un mari, qu’un père, une mère et tous ses parents les plus proches ; et elle ne se trompe que parce qu’elle aime son erreur. Vous êtes la seule cause du désastre de ma maison ; je ne l’imputerai jamais qu’à vous.

Les Commissaires alors s’efforcèrent de persuader Martin Guerre de l’innocence de Bertrande de Rols, confondue par les foudroyantes paroles de son mari ; mais ils ne purent amollir son cœur, ni fléchir sa sévérité ; le temps seul lui fit changer de sentiment.

Monsieur Coras ne dit point quelle contenance tint Arnaud du Tilh, présent à toutes ces reconnaissances. Il y a apparence qu’il ne se déconcerta point : s’il se fût troublé, Monsieur Coras n’aurait pas oublié cette circonstance. Arnaud du Tilh était un de ces scélérats déterminés, qui bravent la foudre dans le temps qu’elle les écrase. Mais les grands motifs de la Religion l’ébranlèrent, lorsqu’il fut à la veille de subir le dernier supplice. L’imposture n’eut plus aucun retranchement où elle pût se réfugier, et fût entièrement démasquée ; et la vérité se leva sur l’horizon de la Justice avec un grand éclat.

La condamnation d’Arnaud du Tilh

La Cour, après une mûre délibération, prononça l’Arrêt qui suit.

Vu le procès fait par le Juge de Rieux à Arnaud du Tilh, dit Pansette, soi disant Martin Guerre, prisonnier à la Conciergerie, appelant dudit Juge, etc.

Dit a été que la Cour a mis et met l’appellation dudit du Tilh, et ce dont a été appelé, au néant ;

Et pour punition et réparation de l’imposture, fausseté, supposition de nom et de personne, adultère, rapt, sacrilège, plagiat, larcin et autres cas par ledit du Tilh commis, résultants dudit procès :

La Cour l’a condamné et condamne à faire amende honorable au devant de l’Église du lieu d’Artigues, et icelui à genoux, en chemise, tête et pieds nus, ayant la hart au col, et tenant en ses mains une torche de cire ardente, demandant pardon à Dieu, au Roi et à la Justice, auxdits Martin Guerre et Bertrande de Rols mariés ; et ce fait sera ledit du Tilh délivré ès mains de l’Exécuteur de la haute Justice, qui lui fera faire les tours par les rues et carrefours accoutumés dudit lieu d’Artigues ; et la hart au col, l’amènera au devant de la maison dudit Martin Guerre, pour icelui, en une potence qui à ces fins y sera dressée, être pendu et étranglé, et après son corps brûlé.

Et pour certaines causes et considérations à ce mouvant la Cour, celle-ci a adjugé et adjuge les biens dudit du Tilh à la fille procréée de ses œuvres et de ladite de Rols, sous prétexte de mariage par lui faussement prétendu, supposant le nom et personne dudit Martin Guerre, et par ce moyen décevant ladite de Rols ; distraits les frais de Justice ;

et en outre a mis et met hors de procès et instance lesdits Martin Guerre et Bertrande de Rols ; ensemble ledit Pierre Guerre oncle dudit Martin ;

et a renvoyé et renvoie ledit Arnaud du Tilh audit Juge de Rieux, pour faire mettre le présent Arrêt à exécution selon sa forme et teneur.

Prononcé judiciellement le 12ème jour de Septembre 1560.

Monsieur Coras observe que la sentence du Juge de Rieux fut infirmée dans la peine qu’il avait ordonnée ; parce que la décapitation, à laquelle il avait condamné Arnaud du Tilh, est la peine des criminels nobles. Un larcin, une trahison insigne qui mériteraient une peine capitale, commis par une personne d’une extraction noble, seraient pourtant punis du supplice de la potence : mais le gibet serait plus haut et plus élevé qu’il ne l’est d’ordinaire. Monsieur Coras cite là-dessus Balde.

Arnaud du Tilh a été condamné pour avoir commis sept grands crimes : fausseté de nom, supposition de personne, adultère, rapt, sacrilège, larcin, plagiat (ce dernier crime est celui qu’on commet en retenant une personne qui est en puissance d’autrui ; on est encore coupable de ce crime, suivant le droit civil, lorsqu’on dispose d’une personne libre, en la vendant, ou l’achetant comme un esclave).

Il faut remarquer la disposition de cet Arrêt, qui adjuge les biens d’Arnaud du Tilh à la fille qu’il a eue de Bertrande de Rols, à cause de la bonne foi de la mère. Cet Arrêt est conforme à un Arrêt du 5 mars 1547, rapporté par Chopin. Voici l’espèce : Un homme marié épousa une seconde femme qui ignorait ce mariage ; l’arrêt adjugea la succession du père à leurs enfants.

« Met hors de procès et d’instance Martin Guerre et Bertrande de Rols ». Monsieur Coras nous apprend dans ces termes « que les plus grandes difficultés du procès, auxquelles la Cour travailla le plus, furent si Martin Guerre et Bertrande de Rols étaient en voie de condamnation ». Martin Guerre paraissait coupable, parce qu’en abandonnant sa femme il était la cause du désordre qui était arrivé ; mais son plus grand crime était d’avoir porté les armes contre son Prince à la bataille de saint Laurent, où il avait eu une jambe emportée d’un coup de canon. M. Coras dit que la Cour considéra qu’il y avait eu plus de légèreté que de malice dans la conduite de Martin Guerre ; que, s’il avait donné l’occasion de l’adultère qu’avait commis Bertrande de Rols, c’était une occasion éloignée ; qu’il ne pouvait par conséquent être coupable au tribunal des hommes ; qu’il n’avait pas eu un dessein formel de porter les armes contre son Prince ; qu’étant allé en Espagne, il avait été laquais du Cardinal de Burgos, et puis du frère de ce Cardinal, qui l’avait emmené en Flandres ; qu’il avait été obligé de suivre son maître à la bataille de saint Laurent, où il avait combattu malgré lui, ne pouvant pas se dérober aux yeux de son maître ; que d’ailleurs il avait, par la perte d’une jambe, expié la peine de ce crime qu’on lui imputait.

À l’égard de Bertrande de Rols, elle paraissait plus coupable que Martin Guerre. Pouvait-on comprendre qu’elle eût pu être abusée par l’imposteur, si elle n’eût pas voulu l’être, et si l’erreur n’eût pas eu pour elle des attraits ? Une femme à qui un mari s’est livré si longtemps n’en saisit-elle pas des traits distinctifs, que le plus habile imposteur ne peut jamais avoir ? Quand la nature se serait mise en frais de la ressemblance la plus parfaite, ne laisse-t-elle pas toujours, dans la copie qu’elle semble faire, des différences imperceptibles à tout le monde, à la vérité ; mais non pas à une épouse ? Ce qui prouve que l’erreur avait de grandes charmes pour elle, c’est que pendant plus de trois ans on a travaillé en vain à lui dessiller les yeux. Cependant la grande opinion qu’on avait de sa sagesse, et son excuse, soutenue de l’exemple des sœurs de Martin Guerre, et de tant de personnes abusées de la même erreur ; la ressemblance frappante de l’imposteur avec celui qu’il représentait ; les indices qu’il donnait, jusqu’à rapporter les circonstances les plus mystérieuses, les époques les plus précises des événements qui n’avaient été confiés qu’au Dieu Hymen ; la crainte qu’elle avait de se déshonorer si elle poursuivait l’imposteur, et de succomber dans l’accusation, n’étant pas certaine de son erreur ; toutes ces raisons, jointes à la règle qui veut que dans le doute l’innocence se présume, firent pencher la Cour en faveur de Bertrande de Rols.

« Et a renvoyé et renvoie ledit du Tilh audit Juge de Rieux, pour faire mettre ce présent Arrêt à exécution selon sa forme et teneur ». M. Coras remarque qu’il était convenable de renvoyer l’exécution de l’arrêt au Juge de Rieux, lequel avait tout mis en usage pour rechercher la vérité et rendre une bonne justice. Il ajoute qu’il est de la dignité des Cours souveraines de maintenir et conserver l’autorité des Juges inférieurs, et que le Bien public exige qu’elles les fassent révérer ; que les Lois le leur commandent. Je dirai que leur propre intérêt les y engage ; parce que les juges subalternes sont l’image des juges supérieurs. Une autre raison qui les oblige à renvoyer l’exécution des jugements par devant les juges inférieurs, c’est que les crimes ayant été commis.


dans le ressort de ces derniers, il est important pour le Bien public que l’exemple de la punition du crime se fasse dans le lieu où il a été commis, afin d’y imprimer la crainte de la Justice.

Les aveux d’Arnaud du Tilh

Pour mettre l’arrêt en exécution, Arnaud du Tilh fut ramené à Artigues ; il fut ouï dans la prison par le Juge de Rieux : il confessa fort au long son imposture, le 16 septembre 1560. Il avoua qu’il s’était déterminé à commettre ce crime, parce qu’étant de retour du camp de Picardie, quelques amis intimes de Martin Guerre le prirent pour lui. Il s’informa d’eux de l’état de Martin Guerre, de ce qui concernait son père, sa femme, ses sœurs, son oncle et ses autres parents ; de ce qu’il avait fait avant qu’il quittât le pays. Ces nouvelles lumières, se réunissant à celles qu’il avait acquises dans les conversations qu’il avait eues avec Martin Guerre, le mirent parfaitement en état de faire face à tous ceux qui voulurent l’éprouver. Il nia de s’être servi de charmes, d’enchantement, et d’aucune espèce de magie. Il confessa encore divers autres crimes ; et il persista dans sa confession toutes les fois qu’il fut interrogé là-dessus.

Étant au pied de la potence dressée devant la maison de Martin Guerre, il lui demanda pardon et à sa femme, il parut pénétré d’une vive douleur et d’un repentir amer et douloureux, et il implora toujours la miséricorde de Dieu par son Fils Jésus-Christ, jusqu’à ce qu’il fût exécuté : son corps ensuite fut brûlé.

 

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16 septembre 2013

L'Ile des Faisans

L'Ile des Faisans

 ou de la Conférence       I  

Le courrier reçu ci-dessous a suscité la curiosité des historiens d'Oroitza qui tentent d'y apporter une réponse. Deux d'entre eux ont formulé un avis que vous pourrez trouver ci-dessous : d'une part Pedro Sanchez Blanco et Axel Brücker. Si vous pensez pouvoir indiquer des compléments ou d'autres éléments de réponse, vous pouvez prendre contact avec notre association par le biais du formulaire Contact.

L'ILE DES FAISANS ou DE LA CONFERENCE

APPARITION ET SIGNIFICATION DU NOM « FAISANS »



(Réponse à Mme. THERESE RAFFAUD d’Anglet)

D’'Après Luis de Uranzu dans « Lo que el rìo viò » la dénomination Île des Faisans apparaît pour la première fois dans le «Compendio Historial» de Esteban de Garibay publié à Anvers en 1571 «..la isleta llamada de los Faisanes que el río hace junto a la orilla de Francia....» (…la petite île appelée des faisans que la rivière fait du côté de la rive de France…) et ceci en parlant de la Bataille de Saint Martial de 1522 entre Charles V et François 1er qui appuyait la dynastie de Bourbon-Albret pour reconquérir la Navarre conquise en 1512 par Ferdinand le Catholique, grand-père de Charles 1er d’Espagne et V d’Allemagne.

Antérieurement l'Ile (ou l’ensemble des îles voisines) a été connu sous le nom de île ou des îles «de l'Hôpital» en raison de son appartenance au Prieuré-Hôpital de Saint Jacques de Subernoa situé à gauche de l'actuel Pont Santiago entre Irun et Hendaye (selon Jean Fourcade). Dans quelques cartes élaborées lors de la célébration de la Conférence de la Paix apparaît le nom « d’Île de l’Hôpital », mais plus nombreuses sont les cartes de l’époque où figure le nom d’Île des Faisans qui se maintiendra jusqu’à aujourd’hui en même temps que le nom d’Île de la Conférence.

A partir de 1659 en raison de la Conférence de la Paix qui, sur cette île, réunit la France et l'Espagne, on la connaîtra en France comme l'Île de la Conférence (Luis de Uranzu et Jean Sermet).

D'où provient le nom des « faisans » donné à l'île dans l'oeuvre de Garibay ?

Luis de Uranzu recense trois possibles origines et significations du nom « faisans » appliqué à la petite île :

- les outardes et les vanneaux, oiseaux très présents dans les marécages seraient appelés faisans dans le Pays Basque d'outre- Bidassoa.

- le terme faisan aurait son équivalent hasan en langue gasconne et donc le nom de l’île serait un apport de plus du gascon à la toponymie des côtes du Labourd et du Guipuzcoa.

- Le gérondif faisant -s- s’emploierait comme substantif dans le langage juridique ; comme sur l’Île on aurait fait des faceries, le nom faisans dériverait des « faisants des faceries » (Philippe Veyrin)

Un livre, pas encore identifié par Mme Raffaud, présenterait deux possibilités :

- le terme faisant équivaudrait à pontonnier (celui qui s’occupe d'un bac, un passeur, qui reçoit le pontonnage)

- le terme faisance peut signifier redevance due pour un bien appartenant à autrui, le faisant pouvait être le péager chargé de recouvrir la redevance due pour le passage de la Bidassoa, soit par le gué de Béhobie soit par celui du Prieuré.

A la vue de ce qui précède on peut :

- affirmer que le nom faisans désigne depuis le XVIe siècle la petite île qui à partir de 1659 sera aussi appelée « de la Conférence »

- refuser que « faisans » (faisanes en espagnol) puisse dériver de « faisans de faceries » (ceux qui font des faceries) pour trois raisons :

1° Le terme faceries est la traduction en français des « facerias » terme espagnol qui aurait donné en tout cas la dénomination « d’Île des Faceries » ;

2°Les faceries sont encore aujourd’hui des traités entre communes pyrénéennes portant sur la jouissance partagée des pacages limitrophes ou pour résoudre les problèmes propres aux sociétés montagnardes, or, rien de cela n’est vraisemblable entre les deux rives de la Bidassoa en aval de Vera de Bidassoa car il n’y a pas de pacages. On peut d’autre part constater que les affrontements à propos de navigation et pêche ont été constants du XVe au XXe siècle. En plus, il n’y a aucune preuve que dans l’île en question des faceries (et encore moins des Traités de bonne Correspondance –identifiés sans raison par Philippe Veyrin aux faceries) auraient été conclues C’est seulement à partir de 1659 que l’Île des Faisans accueillera les réunions des commissionnaires français et espagnols pour résoudre sans succès jusqu’en 1856 la délimitation frontalière dans la Bidassoa et les conflits entre les habitants des deux rives. (Selon René Cuzacq, cité par J. Sermet).

3° Il est douteux que l’on ait pu substantiver le terme « faisant » appliqué aux faceries terme qui appartient au droit coutumier.

- refuser l’équivalence faisant-pontonnier, hasardeuse et par manque de preuves documentaires et linguistiques.
- admettre comme hypothèse que le nom faisans appliqué à l’île en question procède de l’abondance des outardes et des vanneaux dans l’estuaire de la Bidassoa.
- douter de l’hypothèse que « faisans » dérive du mot hasan gascon.
- suivant la proposition de Mme Rafaud, émettre une hypothèse : le passage de la Bidassoa par les gués en aval de Biriatou impliquerait une redevance en nature ou en argent, une faisance ; à partir de ce fait, soit on s’acquittait de la redevance en passant par l’île, soit l’ensemble de faisances perçues étaient gardées dans l’île qui, dans les deux cas, pourrait être appelée Île des Faisans dont la prononciation espagnole donnerait faisanes.

Quelques questions à résoudre pour vérifier les hypothèses émises antérieurement :

Est-ce que l’on peut expliquer phonétiquement le passage de la prononciation « e » de faisan en français à « aï » de faisan en espagnol ?

La même interrogation se pose à propos du pluriel « faisans » en français et en espagnol « faisanes » ( « s »final prononcé).

Si d’après le « Dictionnaire Historique de l’ancien langage françois ou Glossaire de la langue françoise : depuis son origine jusqu’au siècle de Louis XIV, par La Curne de Sainte-Palaye 1875 1882 », faisan s’écrivait « faisant » et le terme « faisance ou fesance » signifiant redevance apparaît au XIVe siècle en Normandie, comment expliquer le pluriel « faisanes » en espagnol ? L’arrivée d’un terme normand aux abords de la Bidassoa est-il vraisemblable?

CONCLUSION

Jean Sermet dans La Controverse artificielle sur l’identification de l’Île des Faisans écrit: « il faut se résigner à ne pas mettre en rapport les Faisans de notre île avec les usages des faceries et se résoudre pour le moment à ne pas apporter de solution à l’origine de ce nom ».

La collaboration de linguistes et d’experts en ornithologie pourrait aider à éclaircir quelques unes des interrogations signalées plus haut, et surtout la découverte du livre dont le souvenir de Mme Raffaud a déclenché ces pages.

BIBLIOGRAPHIE

Pour les controverses sur la signification du nom des « faisans » et l’identification toponymique mise en question par certains :

Jean Sermet, Île des Faisans, Île de la Conférence, Annales du Midi, Toulouse LXXIII, n° 3 1961 &

La controverse artificielle sur l’identification de l’Île des Faisans, Bulletin d’études de la Bidassoa n° 4 Irun 1987

Luis de Uranzu, Lo que el rìo viò, edit. La Gran Enciclopedia Vasca, Bilbao 1975, p. 189-228

Jean Fourcade, Île des Faisans, Île de la Conférence, S.S.LA. de Bayonne, nouvelle série, n° 118, 2ème trimestre 1968, p. 775-780

Philippe Veyrin, Les Basques de Labourd, de Soule et de Basse Navarre, leur histoire et leurs traditions, Musée Basque Bayonne 1942 ? p. 148-150

Pedro Sanchez Blanco  d’OROITZA

Dans son livre, Fulcanelli et le Mystère de la Croix d’Hendaye (Editions Séguier) Axel Brücker (membre de l’association Oroitza) consacre un chapitre entier à la signification possible de l’Ile des Faisans, basée sur la langue française, la langue de la diplomatie, et sur son rapprochement possible avec l’appellation qu’elle prit par la suite d’Ile de la Conférence sans jamais s’installer vraiment dans le langage courant.

Les « faisans » de l’île des Faisans

« Point de faisans dans l’île ! » écrit Victor Hugo, en traversant la Bidassoa, avec Juliette Drouet, pour se rendre à Irùn. « C’est la règle générale. A Paris, au Marais, (où habitel’écrivain), il n’y a pas de marais ; rue des Trois-Pavillons, il n’y a pas de pavillons ; rue de la Perle, il y a des gotons (des prostituées en argot) ; dans l’île des Cygnes (près de la Tour Eiffel), il n’y a que des savates naufragées et des chiens crevés. Quand un lieu s’appelle l’île des Faisans… il y a des canards ! O voyageurs, curieux impertinents, n’oubliez pas ceci ! »

Mais alors, où sont passés les faisans de l’île aux Faisans ?… ils sont passés, justement, dans la langue française… dans la « diplomatique », comme dirait Grasset d’Orcet, la langue des diplomates, comme le rappelait Fulcanelli.

Contrairement à une légende, bien entretenue, il n’y a jamais eu de faisans dans cette île minuscule. Ils eussent vite été dérangés et attrapés ! Rappelons que cette île, située en plein milieu de la Bidassoa, en aval du pont de Béhobie, est minuscule, à peine trente mètres de large et une centaine de long, minuscule, mais immense par son importance historique. Historique et politique, puisqu’elle bénéficie d’un statut unique en Europe !

En effet, l’Ile de la Conférence, de son nom officiel, ou Ile des Faisans, appartient en commun aux royaumes de France et d’Espagne. Indivision perpétuelle, seule exception en droit international, ce qui fut ratifié par le Traité de Bayonne du 2 décembre 1856. Enfin, une convention du 27 mars 1901 établit « les droits de police et de justice » sur l’île !

C’est ainsi que l’île des Faisans, une vingtaine d’arbres, est devenue un « condominium de droit international » ! Le droit de police et de justice sur l’île incombe depuis 1901, alternativement tous les six mois, au Royaume d’Espagne, non au Guipúzcoa mais à Madrid, et à la République française. Les gouvernements respectifs, qui ne manquent pas de fonctionnaires, en prennent, alternativement, chaque semestre, la lourde responsabilité.

La France, représentée par le capitaine de frégate commandant la station navale de la Bidassoa, lointain successeur de Pierre Loti, en prend le commandement chaque 12 août à 0 heure, jusqu’au 11 février à minuit. Pourquoi, le 12 août ? Pourquoi le 11 février ? Écrivez à l’administration ou au Quai d’Orsay, en joignant une enveloppe timbrée pour la réponse !

Prévenons donc les « malfaisants » qu’ils risquent, s’ils volent un sac, de se retrouver emmenés à la prison d’Hendaye, jusqu’au onze février, mais, plus grave, de se retrouver dans une prison madrilène, à partir du 12 février et ce jusqu’au 10 août ! Sauf qu’il n’y a pas de sac, ni même de faisan, à voler sur l’île des Faisans.

Et comme rien n’est simple sur la Bidassoa, il y a deux îles des Faisans ! Une, plus grande, proche de la rive française, collée à Hendaye et, la plus célèbre, celle qui a gardé ce drôle de nom, malgré toutes les tentatives pour la nommer Ile de la Conférence, en souvenir de la Paix des Pyrénées, le traité de l’Ile des Faisans signé en 1659.

Pourtant, ce nom d’Ile de la Conférence n’est pas un mauvais nom, mieux, il est une bonne « traduction » d’Ile des Faisans.

Cette île aurait pu s’appeler « Ile du Traité », ou, « Ile de la Paix ». Et, si elle s’appelle vraiment « Ile de la Conférence », les Espagnols devraient alors l’appeler parfois « Isla de la Conferencia », mais ils l’ont toujours appelée « Isla de los Faísans » ou Faísanos. Pourtant, tous les noms des lieux que nous partageons avec l’Espagne sont les mêmes, à l’orthographe près.

Mais alors, les Espagnols, eux, auraient-ils vu des faisans sur cette île ? Des faisans qu’ils n’auraient pas partagés avec nous, qui se seraient envolés de leur côté ?

Non, Ile des « Faisans », parce que, depuis des temps très anciens, cet îlot était, comme d’autres lieux du Pays Basque, un des endroits où les représentants des communes voisines se retrouvaient, en terrain neutre, pour discuter des affaires communes : Pâturages, pour des communes de chaque côté des Pyrénées, pêches et navigation pour les communes de chaque côté de la Bidassoa. Chaque commune dépêchait des représentants qui discutaient, parlementaient et parvenaient à des accords, des droits et des obligations, des limites, que l’on nommait des « faceries ». Quand on parvenait à un accord, on se serrait la main de part et d’autre de la table des négociations. Ces accords particuliers entre communes des royaumes de France et d’Espagne, ne concernaient pas les nations, mais seulement ces communes, et, par un droit coutumier, avaient force de lois. Ces faceries auxquelles les Basques sont très attachés ont duré, pour la plupart, jusqu’à nos jours. On peut encore voir au col de Lizuniaga, là où passe le « tracé » de la frontière entre les deux nations, au lieu dit « Luzuniako Mugarria », la monumentale table de pierre, sorte de menhir renversé, sur laquelle se négociaient les faceries entre Sare et ses voisines de Navarre.

Rappelons que les Basques ne connaissaient pas l’écriture. Ils en gardent encore, de nos jours, un profond respect de la parole donnée, de la chose dite !

Les « facerios » entre Andaye, Irùn et Fontarabie, qui délimitaient les droits de passage, de fermage et de pêche se traitaient sur l’ « Ile des Faceries » ou « Isla de los Facerios ».

Comme le rappelait Alain Lamassoure dans son discours au Sénat sur le projet de Traité avec l’Espagne relatif à la coopération transfrontalière, alors qu’il était ministre délégué au Budget et porte-parole du Gouvernement : « Ce traité fait suite à un traité précédent passé entre nos deux pays en 1856, soit voilà plus de cent ans. A l'époque, il s'agissait de régler des problèmes de bornage et des droits de pacage entre éleveurs par ce que l'on appelait un traité de bonne correspondance : certains éleveurs frontaliers avaient le droit de jouissance de pâturages, soit pour toute la durée de la saison - l'estive - soit, comme le disait joliment le traité, « de soleil à soleil », c'est-à-dire avec l'obligation de regagner son propre territoire à la nuit tombante. Il existait déjà une originalité par rapport à notre droit international classique : les communes pyrénéennes étaient, en France, les seules habilitées à passer des accords internationaux, les « faceries », et les élus locaux de l'époque étaient considérés comme des « faisans », au sens, non pas des volatiles , (sourires dans l’assemblée) mais des acteurs qui agissent, qui « font », traduction française du mot espagnol « faceros ». L'île des Faisans, sur la Bidassoa, était, en fait, l'île des diplomates.

On retrouve également ce mot « faisan » en argot, ce parler imagé si cher à Fulcanelli. On dit « méfiez-vous, c’est un faisan » d’un homme qui vous « roule dans la farine », qui vous « entourloupe » en argumentant très habilement, d’un bon vendeur qui vendrait n’importe quoi, d’un parlementaire ou d’un diplomate très rusé. De là à voir dans le plumage rouge du faisan une allusion à la couleur de la robe du cardinal Mazarin, l’un des plus grands diplomates et des plus corrompus de l’Histoire de France, il n’y a qu’un pas qu’un Hendayais ne saurait franchir !

Personnellement, je pencherais volontiers pour une autre interprétation, une interprétation encore plus diplomatique et relevant plus de la tradition, de la coutume, et, de la langue française, ainsi que de l’observation des îlots sur la Bidassoa.

On trouve dans les dictionnaires anciens le mot « faisances », au pluriel justement : « Tout ce qu’un fermier s’oblige par son bail de faire ou de fournir », les faisances, sont, en termes paysans, les droits et obligations sur les terres. Elles sont souvent coutumières, mais ont force de règlements.

Il suffit, là encore, pour comprendre, de se promener le long de la Bidassoa, entre Irùn et Hendaye, pour voir les petites parcelles des îlots cultivés par les riverains. Ces îlots, recouverts parfois, par très grande marée, sont extrêmement fertiles. Ils y cultivent des tomates, des petits pois, des fleurs que les femmes iront vendre au marché.

Ces petites îles n’appartiennent à personne. Elles ne sont sur le territoire d’aucune nation. Elles ont été, depuis des générations, réparties en petites parcelles. Tous ensemble, les riverains veillent à l’entretien commun des parcelles et au renforcement permanent des petites digues en terre qui empêche la Bidassoa d’inonder les plantations.

L’occupation et l’entretien de ces terres relèvent d’un droit coutumier, de « faisances », respectées à la lettre.

Encore une fois, c’est la langue française qui l’emporte, la langue de la diplomatie :

La plus petite des îles sur la Bidassoa, celle qui servit de tout temps de lieu de rencontre, de négociations, celle qui n’était pas cultivée, mais laissée en jachère, s’appelle, en réalité, «l’Ile des Faisances ».

C’est donc diplomatiquement que cette île fut choisie pour abriter les fréquentes négociations entre les communes riveraines, mais aussi entre le Labourd et la Navarre, autrefois souveraine jusqu’à la mer, comme entre les royaumes de France et d’Espagne, et, plus tard, la négociation historique entre Mazarin et don Luis de Haro.

« L’Ile des faisances », devint alors, par déformation, par ignorance, l’Ile des Faisans, appelée aussi Ile de la Conférence. Mais c’est bien le nom d’Ile des Faisans qui est resté de nos jours et nul ne saurait porter le snobisme à l’appeler « Ile de la Conférence ».

Il ne reste que la fable de La Fontaine « Les Deux Chèvres » pour nous rappeler ce nom très diplomatique :

« L'une vers l'autre allait pour quelque bon hasard.
Un ruisseau se rencontre, et pour pont une planche.
Deux belettes à peine auraient passé de front

Sur ce pont :
D'ailleurs, l'onde rapide et le ruisseau profond
Devaient faire trembler de peur ces amazones.
Malgré tant de dangers, l'une de ces personnes
Pose un pied sur la planche, et l'autre en fait autant.
Je m'imagine voir, avec Louis le Grand,

Philippe Quatre qui s'avance

Dans l'île de la Conférence.
Ainsi s'avançaient pas à pas,

Nez à nez, nos aventurières,
Qui toutes deux étant fort fières,
Vers le milieu du pont ne se voulurent pas
L'une à l'autre céder. »

Point de faisans, monsieur Hugo, sur l’Ile des Faisans, mais deux chèvres, monsieur de La Fontaine… deux chèvres qui :

« Faute de reculer, leur chute fut commune :

Toute deux tombèrent dans l’eau.

Cet accident n’est pas nouveau

dans le chemin de la fortune. »

Point de faisans, mais des moustiques !

Des moustiques et une humidité qui coûtèrent à l’Espagne, et au monde entier, la perte d’un des plus grands peintres de tous les temps.

En effet, à cet endroit, la Bidassoa, qui n’est qu’un tout petit fleuve, se remplit et se vide selon les marées. Une eau devenue saumâtre, arrêtée par la baie de Chingoudy qui monte avec les marées. Certaines grandes marées retiennent l’eau, au niveau de l’Ile des Faisans, jusqu’à la limite du recouvrement. D’ailleurs, cette île n’est qu’une formation d’alluvions du fleuve, un mélange de terres et de bois qui se sont échoués jusqu’à former un îlot, qui, aujourd’hui aurait, peut être, disparu s’il n’avait pas été renforcé par des pierres.

A marée basse, et très basse par grande marée, on passerait presque à pied depuis la rive espagnole. Le lit est fait de vase qui, par grandes chaleurs, dégage une odeur épouvantable. Cette humidité et les moustiques eurent raison de bien des gentilshommes qui suivaient les négociateurs du Traité de Paix. Certains mêmes ne revinrent jamais de ce voyage.

Quand on contemple cet endroit, il est difficile d’imaginer le faste qui fut déployé sur cette parcelle de terre… et de vase.

Jamais un traité politique ne fut entouré d’une telle splendeur depuis le Camp du Drap d’Or.

La France détacha pour l’organisation et la décoration l’un des hommes les plus élégants, et des plus fastueux, le Marquis de Chouppes et l’Espagne, le Baron de Watteville.

Deux appartements privés, l’un espagnol, l’autre français, ouvraient sur la salle des négociations dont chaque moitié rivalisait en splendeur.

Pour la décoration de la « partie espagnole », le Roi envoya Velázquez. Oui, Velázquez, le magnifique, que l’on reconnaît sur la tapisserie des Gobelins, dessinée par Le Brun. Velázquez fut terriblement incommodé pendant les travaux par l’humidité de la Bidassoa. Il attrapa, comme d’autres, une sorte de paludisme.

Il eut le bonheur de se voir félicité et remercié par les deux grands rois, d’assister au mariage le 9 juin, où il se fait, une fois encore, remarquer par sa belle élégance. Mais il n’eut que le temps de rentrer, avec son roi, à Madrid pour y mourir… le 7 août. Le Roi commanda des funérailles grandioses pour celui qui fit tant pour la grandeur de l’Espagne. Et, pour la petite histoire, sa veuve, l’amour de sa vie, doña Juana, ne lui survécut que de sept jours et fut enterrée près de lui, dans la paroisse de Saint-Juan.

L’année suivante, mourraient également les deux artisans de la paix, Mazarin et Luis de Haro…les deux « faisans » de l’Ile des Faisans, que Victor Hugo, pour lui laisser le mot de la fin, avait surnommés « Mazarin, l’athlète de l’astuce et Louis (sic) de Haro, l’athlète de l’orgueil. »

Aujourd’hui encore, les rives de ce petit fleuve, écrivent de jolies pages de l’histoire de France et d’Espagne, mieux, de l’Europe… puisque, bravant tous les obstacles administratifs et politiques, surmontant des siècles de jalousies, de rivalités et de guerres, les villes d’Irùn, Fontarabie et Hendaye se sont rassemblées dans un cadre juridique extraordinaire, unique en Europe, le « Consorcio transfrontalier Bidasoa-Txingudi ».

Ce consorcio, inspiré du droit espagnol, entre trois communes de deux nations n’a pas nécessité moins d’un traité entre le royaume d’Espagne et la République française et d’une reconnaissance juridique par le Parlement Européen.

Il est extraordinaire de constater que c’est dans cette petite baie de Chingoudy que se construit véritablement l’Europe dont ont rêvée ses pères fondateurs.

Pour avoir tant souffert de nos divisions, de nos royaumes ennemis, les rives de la Bidassoa continuent d’écrire la Paix.

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Ceux qui trouvent qu’Hendaye n’est pas la plus basque des villes du Labourd, au mépris de son histoire, de sa tragédie, ne savent pas qu’elle est la seule à vivre et à se gouverner à l’intérieur d’un Pays Basque débarrassé de ses frontières « historiques ».

A Hendaye, comme l’avait déjà remarqué dans son voyage Victor Hugo, on ne parle pas plus le Français que le Basque et l’Espagnol. Oui, on y parle les trois langues. Ici, on ne parle pas de l’Europe, on est un peu loin de Strasbourg et de Bruxelles, non, on fait l’Europe !

La Bidassoa n’est plus une frontière, elle est redevenue, après tant de siècles, le cœur du Pays des Basques.

Le Conseil de l’Europe, à Strasbourg, dans son comité directeur sur la démocratie locale, en 2002, relevait et citait en exemple l’agglomération trinationale de Bâle (France-Allemagne-Suisse) et le Consorcio Bidassoa-Txingudi, comme les deux exemples les plus parfaits de coopérations transfrontalières.

Pourtant, il n’y a pas si longtemps, en 1936, les riverains de la Bidassoa étaient, une fois encore, les témoins horrifiés de la folie des hommes avec la Guerre civile espagnole, triste répétition, « mise en bouche », de ce qui allait devenir la Seconde Guerre Mondiale, la plus monstrueuse guerre de tous les temps.

Irùn fut rasée par les nationalistes, et ceux qui trouvent qu’Irùn « n’est pas très belle » feraient mieux de se découvrir devant les restes de ce qui était, en effet, une jolie ville…

Le Pont d’Hendaye est un lieu de mémoire que traversèrent, en larmes, les survivants de cette tragédie et les défenseurs de la République.

Ils traversaient le pont pour y déposer les armes. Certains d’entre eux profitaient de la France pour tâcher de reprendre le combat sur la Catalogne, jusqu’à… « la muerte ! »

Parmi eux, un jeune combattant basque des Bataillons d’Amuategui de 18 ans, Luis Ecenarro. Il était loin de croire, bien sûr, qu’il ne pourrait plus jamais revenir dans la patrie qu’il défendait courageusement. Il ne pouvait imaginer, non plus, que son fils deviendrait un jour le premier citoyen de la ville, et mieux, en tant que Maire d’Hendaye, l’un des premiers présidents du Consorcio d’Irùn-Fontarabie-Hendaye.

Que ceux qui trouvent qu’Hendaye n’est pas « très basque », pas très « typique », se taisent !

Et cette même année 1936, Hendaye, malgré le triste voisinage de la guerre civile et l’arrivée ininterrompue des réfugiés, inaugure, dans la joie et la fraternité, sa deuxième église, l’église Sainte Anne, « l’église de la plage » , comme on l’appelle aujourd’hui.

Joli nom, sainte Anne, sainte patronne de tous les marins, pour une église au bord de la plage. Le premier « curé de la plage », l’abbé Paul Simon, ancien professeur du Lycée Janson de Sailly, reçoit chaleureusement, ce jour là, le maire « radical-socialiste » Léon Lannepouquet qui vient s’asseoir au premier rang de l’église. Dieu seul sait alors que la guerre d’Espagne va bientôt s’étendre au monde entier, comme une épidémie, comme une sorte de guerre civile mondiale… Dieu seul sait que le jeune curé et le maire se retrouveront bientôt, tous les deux, dans le même camp…à Dachau, en Allemagne, et n’en reviendront jamais.

Hendaye… « sa belle plage de sable fin aux portes de l’Espagne »… son histoire

aussi, au cœur de la France !

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16 septembre 2013

Loti San Martial

LOTI

SAN MARTIAL      I

HENDAYE, huit heures du matin, le 30 du beau mois de juin. Un peu tard pour me rendre dans la montagne espagnole, au gai pèlerinage du jour. Les autres pèlerins, j'en suis sûr, sont déjà en marche et j'arriverai le dernier.

Tant pis ! En voiture, afin de regagner le temps perdu, je pars pour Saint-Martial, espérant rattraper encore la procession qui m'a certainement beaucoup devancé.

Au sommet d'un coteau pointu, en avant de la grande chaîne pyrénéenne, la vieille chapelle de Saint-Martial est perchée, et, d'ici, des bords de la Bidassoa, on l'aperçoit en l'air, toute blanche et toute seule, se détachant sur le haut écran sombre des montagnes du fond. C'est là que, depuis quatre siècles à peu près, il est d'usage de se rendre tous les ans à même date, pour une messe en musique et en costumes, à la mémoire d'une ancienne bataille qui laissa sur cette petite cime nombre de morts couchés dans la fougère.

L'ermitage de Saint-Martial un quart de siècle avant l'érection de sa nouvelle tour.

Il a plu toute cette nuit ; les campagnes mouillées sont vertes à l'infini, vertes de ce vert frais et printanier qui dure à peu près jusqu'à l'automne, en ce pays d'ombre et d'averses chaudes. Surtout cette montagne de Saint-Martial est verte particulièrement, à cause des fougères qui la recouvrent d'un tapis, et il y croît aussi des chênes, aux feuilles encore tendres, qui y sont clairsemés avec grâce comme, sur une pelouse, les arbres d'un parc. Puisque je suis en voiture cette fois, c'est par la nouvelle route carrossable que je monte vers la chapelle blanche de la cime. Mais d'autres chemins, - d'étroits sentiers, des raccourcis à peine tracés dans l'herbe et les fleurettes sauvages, - conduisent plus directement là-haut. Et tout cela qui, en dehors de ce jour consacré, reste d'un bout de l'année à l'autre solitaire, tout cela est plein de monde à cette heure, plein de pèlerins et de pèlerines en retard comme moi, qui se dépêchent, qui grimpent gaiement avec des rires. Oh ! les gentilles toilettes claires, les gentils corsages roses ou bleus des jeunes Basquaises, toujours si bien attifées et si bien peignées, qui aujourd'hui promènent des nuances de fleurs sur tout ce manteau vert de la montagne !

Par les sentiers ardus grimpent aussi des marchands de bonbons, de sucreries, de vins doux et de cocos, portant sur la tête leurs marchandises, en édifices extravagants. Et des bébés, des bébés innombrables, grimpent par troupes, par familles, allongeant leurs petites jambes, les plus jeunes d'entre eux à la remorque des plus grands, tous en béret basque, bien entendu, et empressés, affairés, comiques. On en voit qui montent à quatre pattes, avec des tournures de grenouilles, s'accrochant aux herbes. Ce sont du reste les seuls pèlerins un peu graves, ces petits-là, les seuls qui ne s'amusent s'amusent pas : leurs yeux écarquillés expriment l'inquiétude de ne pas arriver à temps, la crainte que la montagne ne soit trop haute ; et ils se dépêchent, ils se dépêchent tant qu'ils peuvent, comme si leur présence à cette fête était de nécessité capitale.

Hendaye et la Bidassoa vues de Saint-Martial au milieu du siècle dernier.

La route carrossable, en grands lacets, où mes chevaux trottent malgré la montée roide, croise deux, trois, quatre, cinq fois les raccourcis des piétons, et à chaque tour je rencontre les mêmes gens, qui, à pied, arriveront aussi vite que moi avec ma bête de voiture. Il y a surtout une bande de petites jeunes filles de Fontarabie, en robes d'indienne rose, que je rencontre tout le temps. Nous nous connaissions vaguement déjà, nous étant vus à des fêtes, à des processions, à des courses de taureaux, à toutes ces réunions de plein air qui sont la vie du pays basque, et ce matin, après le deuxième tournant qui nous met l'un en face des autres, nous commençons de nous sourire. Au quatrième, nous nous disons bonjour. Et, amusées de cela, elles se hâtent davantage, pour que nos rencontres se renouvellent jusqu'en haut. Mon Dieu ! comme j'ai été naïf de prendre une voiture pour aller plus vite, sans songer que ces lacets n'en finiraient plus ! Aux points de croisement, elles arrivent toujours les premières, un peu moqueuses de ma lenteur, un peu essoufflées aussi, mais si peu ! la poitrine gentiment haletante sous l'étoffe légère et tendue, les joues rouges, les yeux vifs, le sang alerte des contrebandiers et des montagnards en mouvement dans toutes leurs veines...

*
* *

A mesure que nous nous élevons, le pays, qui alentour paraît grandir, se révèle admirablement vert au loin comme au près. A notre altitude, tout est boisé et feuillu, c'est un monde d'arbres et de fougères. Et, plus verte encore que la montagne, la vallée de la Bidassoa, déjà très bas sous nos pieds, étale, jusqu'aux sables des plages, la nuance éclatante de ses maïs nouveaux. Au delà ensuite, vers l'horizon du nord, le golfe de Biscaye se déploie, infiniment bleu, le long des dunes et des landes de France, dont on pourrait suivre la ligne, comme sur une carte, jusqu'aux confins de la Gascogne.

Mais, tandis que toute cette région des plaines et de l'Océan s'aime en profondeur, au contraire les Pyrénées, du côté opposé, derrière le coteau que nous gravissons, nous font l'effet de monter avec nous, toujours plus hautes et plus écrasantes au-dessus de nos têtes ; au pied de leurs masses obscures, encore enveloppées des nuages et des dernières averses de la nuit, on dirait un peu des jouets d'enfant, cette petite montagne où nous sommes et cette petite chapelle où nous nous dépêchons d'aller.

Décidément, je suis en retard, car j'aperçois, en levant les yeux, la procession bien plus prés d'arriver que je ne croyais ; elle est déjà dans le dernier lacet de la route, presque à toucher le but, la multitude de ses bérets carlistes chemine en traînée rouge, dans le vert magnifique des fougères. Et voici la cloche de la chapelle qui, à son approche, entonne le carillon des fêtes. Et bientôt voici les coups de fusil, signalant qu'elle arrive ! C'est fini, nous aurons manqué son entrée.

A part quelques pauvres bébés, restés en détresse parmi les herbes, nous sommes les derniers ou à peu près, ces petites filles et moi, ces petites filles en robe rose ou bleue, qui n'ont pas perdu leur distance dans les raidillons de la fin. Ma voiture en va qui semble lointaine. Quelque chose peut-être monte à ce moment vers le ciel, quelque chose de cette prière dite sur une montagne, au-dessus des clochers et des villages, au milieu de la magnificence des verdures de juin, entre les Pyrénées sombres et le déploiement bleu de la mer...

Mais l'impression religieuse est furtive ici, avec toute cette jeunesse excitée. La fanfare, qui d'abord jouait des morceaux presque lents et pensifs, ne peut longtemps s'y tenir passe bientôt à des rythmes plus gais - et tout à coup se lance délibérément dans un air de fandango.

 

 

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27 septembre 2013

Les Bateliers

LES BATELIERS

TITO HUMBERT


Vu la loi du 5 avril 1884 qui reconnaît l’autonomie communale et le règlement, par les délibérations du Conseil Municipal, des affaires de la commune, la municipalité considère qu’il importe de prendre des mesures relatives au maintien de la sûreté et de la tranquillité publiques, à Hendaye, le 14 novembre 1891.

« - Toute sollicitation importune pour … offres de passages sur la Bidassoa … sont interdits dans la cour de la gare et dans les rues de Hendaye,

- Les bateliers se tiendront au port d’embarquement pour le passage à Fontarabie et porteront, d’une manière apparente, soit au béret soit au bras, le numéro correspondant au bateau pour lequel ils sont patentés. »


Les problèmes subsistent toujours, il n’y a pas de consensus au niveau de la tarification des passages, notamment.

Le 5 septembre 1894, le maire Monsieur Vic, arrête :

« Considérant que pour éviter des réclamations souvent produites par les personnes qui se rendent en barque du port de Hendaye à la jetée de Fontarabie, il est de toute nécessité de fixer les voyageurs sur les prix habituels de passage que les bateliers peuvent exiger d’eux,

- Art.1 : Le prix d’une traversée de Hendaye à Fontarabie ou de Fontarabie à Hendaye ne pourra être moindre de 0,15 centime ni excéder 0,50 centime par personne,

- Art.2 : Le prix de parcours par eau de Hendaye à la plage (grève d’Ondaralxou) ne pourra être moindre de 0,10 centime ni excéder 0,30 centime par personne,

- Art.3 : Les contraventions aux dispositions du présent arrêté seront constatées par procès verbaux et poursuites, conformément à la loi. »

 

En novembre 1894, le Directeur des Douanes demande à Monsieur Vic de dresser une liste des embarcations françaises patentées ou francisées (par le paiement des droits) qui sera échangée entre les deux pays par les maires des communes respectives. Chaque mairie recevra, en échange, les noms des passeurs ou armateurs voisins. Ainsi, Fontarabie et Hendaye devront posséder la nomenclature de toute la flottille qui assure la navette entre les deux villes. Les bateliers, après avoir signalé les noms de l’embarcation et de son propriétaire, connaissent le numéro d’immatriculation de leur outil de travail.

Le Directeur des Douanes ne pouvait pas imaginer qu’un bateau présenterait, à tribord, une immatriculation espagnole et, à bâbord, une française !

En décembre 1908, le commandant de la canonnière « Le Javelot » constate, en particulier, que le samedi, les bateliers surchargent leur embarcation. Il prend, alors, la décision d’interdire de faire embarquer plus de 10 personnes, enfants compris (11 avec le batelier). En temps de crue, lorsque le courant devient plus fort, ce nombre sera réduit à 6. D’ailleurs, les patrons doivent obéissance aux gradés du stationnaire qui jugeront de devoir faire débarquer des passagers. Pareil arrêté est pris par le commandant du stationnaire espagnol, « Le Mac-Mahon ».

Au cours des délibérations du Conseil Municipal du 3 août 1912, il est encore question de l’action des bateliers français et espagnols qui troublent les rues de la cité hendayaise, par leurs sollicitations et leurs exigences envers les voyageurs. Une nouvelle réglementation est adoptée.

Il faut préciser que les bateliers ont souvent connu des injustices et exclusions qui les privaient de leur seul moyen d’existence, eux et leur famille.

Affaire de la batellerie de Hendaye

Au cours des années 1884-1885, l’épidémie de choléra fit huit cent mille victimes, en Espagne. En juin 1884, le gouvernement espagnol décida que les voyageurs allant de France en Espagne, par Hendaye, devaient subir une quarantaine dans des lazarets installés à Irun, Behobia et Fontarabie qui s’avérèrent insuffisants pour recevoir les voyageurs s’y présentant. Ces derniers devaient attendre à Hendaye que le gouvernement espagnol voulut bien les recevoir. Dès que les lazarets furent prêts, le Vice-consul d’Espagne ordonna que le transit soit assuré par la Bidassoa et non par la voie ferrée. Pendant les deux ou trois premiers jours, le service fut fait indistinctement par tous les bateliers du port de Hendaye, patentés ou non, inscrits ou non inscrits mais, cela ne plaisait pas au Syndic des Gens de Mer de Hendaye, propriétaire de l’un des bateaux servant au transport des voyageurs. Ce personnage, le Vice-consul espagnol et le Commissaire de Surveillance Administrative de la gare de Hendaye s’unirent pour évincer les bateliers français. Ils imaginèrent que les voyageurs s’embarqueraient hors du port hendayais ; ainsi, le Vice-consul était libre d’imposer aux voyageurs telles barques que bon lui semblait pour aborder sur la rive espagnole. Suite aux protestations faites par les bateliers et la municipalité, intervint le Commissaire de l’Inscription Maritime de Saint-Jean de Luz qui menaça les bateliers, exclus, de peines disciplinaires, telles que l’envoi à Rochefort ou tout autre port de l’Etat s’ils persistaient à dénoncer la décision du Vice-consul. Le Conseil Municipal espérait que « l’autorité compétente saurait faire sentir à ces fonctionnaires non patriotes, l’inconvénient qu’il y a à méconnaître les convenances et les devoirs que leur imposent leurs charges et leur qualité de Français ». Après l’application stricte des articles et traités spécifiques concernant la navigation sur la Bidassoa, aucune peine disciplinaire ne put être prononcée, les propriétaires des barques espagnoles renoncèrent au transport et, seules, les embarcations françaises patentées purent circuler, exception faite pour celle du Syndic des Gens de Mer, montée par un de ses domestiques.

Les derniers bateliers

Après la deuxième guerre mondiale, la vie économique tournait au ralenti, tant en France qu’en Espagne, après la guerre civile : des denrées manquaient de chaque côté de la Bidassoa. Des passeurs espagnols venaient jusqu’à Hendaye, le battela chargé de bouteilles de vin, principalement, qui étaient échangées contre des miches de pain, la plupart du temps.

Des élèves de Fontarabie suivaient une scolarité dans les écoles hendayaises. Par tous les temps, ils étaient transportés par les passeurs.

Au début des années 1960, le nombre des bateliers a considérablement diminué. Du côté français, Paolo Errazquin et Jean Suertegaray assuraient, encore, la liaison internationale. Les efforts physiques devaient être de plus en plus pesants chez ces deux Hendayais, atteints par la limite d’âge mais, quelles que soient les conditions météorologiques, ils continuaient, avenants, à exercer leur métier. Depuis Fontarabie, deux frères, Teodoro et Juanito Araneta, transportaient les passagers jusqu’à Hendaye. Quand les usagers du passage étaient nombreux, ils n’hésitaient pas à affréter une deuxième barque qu’ils accrochaient à la leur et on les voyait accoster, au débarcadère, avec deux embarcations remplies à ras bord. Souvent, en retournant à leur port d’attache, ils invitaient des jeunes du quartier du Port qu’ils ramenaient, ensuite, à Hendaye lors de la traversée suivante. Ces riverains peuvent témoigner du régime que les deux frères suivaient pour garder la forme, dans la journée : pain, pommes et clarete !

De nouveaux ponts, des services de bus, de tramways ont contribué à des déplacements plus rapides : le métier de rameur-passeur a disparu progressivement. Aujourd’hui, un service de bateaux à moteur continue de déposer les usagers se rendant de chaque côté de la Bidassoa. On n'entend plus le bruit des rames frottant contre les estropes et les tolets mais, en cinq minutes, on est rendu à destination. Les embarcadères ont été déplacés à Sokoburu et à l’ancienne criée de Fontarabie : au moment des fêtes, on retrouve les files d’attente et l’atmosphère festive. Le cadre est toujours aussi majestueux. On n’est pas très loin de ce que demandait Walter Starki, directeur de l’Institut Britannique de Madrid, au passeur espagnol qui l’emmenait à Fontarabie : « Ne ramez pas si vite. J’ai toute ma vie devant moi. Je vous donnerai quatre pesetas au lieu de deux, si vous abandonnez vos rames et si vous me permettez de contempler, lentement, ce beau paysage ».

 

 

 

 

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27 septembre 2013

Entrevue Hitler Franco

ENTREVUE HITLER FRANCO

Deux divisions hitlériennes attendaient, dans les Landes, l'ordre de franchir la frontière; elles reçurent celui de s'en retourner.

Les habitants du quartier de la gare n'ont pas oublié le sinistre train, gris et camouflé, aux wagons plats, en tête et en queue, hérissés de canons anti-aériens, qu'ils purent entr'apercevoir en bravant la défense qui leur était faite de se mettre à la fenêtre. Ils se souviennent encore des coups de fusils tirés par les S.S. sur les fenêtres entr'ouvertes.

Pour notre part, nous avons eu la bonne fortune de rencontrer une personnalité française, ayant pu disposer de documents officiels, et qui a bien voulu rédiger la note ci-dessous publiée, avec son accord, in extenso.

Bien que son auteur ait eu la délicatesse de ne vouloir inclure sa signature dans un livre, ne lui devant rien d'autre, nous sommes en mesure d'affirmer la qualité de l'information, sa source d'une valeur historique incontestable.

L'entrevue Hitler-Franco en gare de Hendaye eut lieu le mercredi 23 octobre 1940, entre les deux rencontres à Montoire, près de Tours, de Hitler avec les dirigeants français (le 22 avec Laval seul, le 24 avec le Maréchal Pétain accompagné de Laval)

. Hitler voyageait à bord de son train blindé personnel. Il avait avec lui son ministre des Affaires Etrangères Ribbentrop.

Hitler venait demander à Franco son entrée en guerre aux côtés de l'Allemagne et de l'Italie dans le cadre d'une opération dite « Plan Félix », mise au point durant l'été notamment par l'amiral Raeder, commandant en chef de la flotte allemande.

 L'opération était destinée à fermer la Méditerranée aux Anglais par la prise de Gibraltar, et à prévenir une intervention anglaise et gaulliste en Afrique du Nord.

 Les Allemands se proposaient également d'établir des bases aux Canaries. L'affaire aurait lieu dans les premiers jours de 1941. Les forces motorisées allemandes traverseraient l'Espagne de Irun à la Linea.

L'attaque sur Gibraltar, prévue pour le 10 janvier, serait conduite par 2 000 avions de la Luftwaffe, des mortiers géants et les troupes d'élite, qui avaient déjà enlevé les forts de Liège.

 La vieille forteresse anglaise, mal armée, dépourvue d'une D.C.A. suffisante, ne pourrait pas opposer de résistance sérieuse à de tels moyens. Gibraltar, reconquise, serait aussitôt restituée à l'Espagne. En même temps, un corps blindé allemand occuperait le Portugal pour y prévenir un débarquement anglais.

Des contacts avaient déjà eu lieu à ce sujet à Berlin, au mois de septembre, entre Hitler, Ribbentrop et Serrano Suner, beau-frère de Franco, chef de la Phalange, considéré comme le n° 2 du régime espagnol et l'homme le plus favorable à l'Axe. Serrano Suner admirait Hitler, mais avait été choqué, durant son séjour à Berlin, par la brutalité de Ribbentrop, qui menaçait l’Espagne d’une occupation militaire si elle contrecarrait les plans du Führer.

La position de Franco était très délicate. Il ne pouvait pas oublier l'aide que lui avait apporté l'Allemagne durant la guerre civile avec les avions et les spécialistes de la Légion Condor

. Une partie de l'opinion publique espagnole était très favorable à une entrée en guerre aux côtés de l'Allemagne victorieuse. D'autre part, le pays était ruiné par trois années de batailles, presque au bord de la famine. II dépendait pour son ravitaillement en vivres, en pétrole de l'Angleterre et des Etats-Unis.

 Londres et Washington, malgré leur hostilité idéologique pour le régime franquiste, entretenaient avec lui des rapports corrects, afin de sauver Gibraltar. L'Angleterre exerçait, en outre, une forte pression sur les milieux financiers les plus influents de Madrid.

Le 23 octobre, le train de Hitler arriva, le premier, à Hendaye. Celui de Franco avait une heure de retard, que Hitler et Ribbentrop passèrent en déambulant et causant sur le quai. Franco arriva à trois heures de l'après-midi. Il était en petite tenue de général, avec le calot à glands. Les entretiens commencèrent dans le wagon de Hitler. On les connaît surtout par le récit du traducteur habituel de Hitler, Paul Schmidt, qui assista à toute l'entrevue.

La tactique de Franco était de ne rien refuser, mais de poser à son intervention des conditions, qui feraient reculer le Führer

. II laissa Hitler monologuer longuement, sans montrer la moindre réaction. Quand Hitler eut développé son plan, fixé la date du 10 janvier pour l'attaque de Gibraltar, Franco parla à son tour, « d'une voix calme, douce, monotone et chantante, rappelant celle des muezzins », dit Paul Schmidt.

II protesta de l'amitié et de la reconnaissance de l'Espagne pour le IIIè Reich et revendiqua pour elle l'honneur de reconquérir Gibraltar

. Mais il fallait qu'elle s'y préparât. Or, son armée était réduite à 300 000 hommes sans aucun équipement moderne. Son entrée en guerre aux côtés de l'Axe posait, en outre, un très grave problème de ravitaillement. Il fallait que l'Allemagne pût lui fournir 100 000 tonnes de céréales, du carburant. Franco réclamait, en outre, la majeure partie du Maroc français, le littoral algérien jusqu'à Oran et un agrandissement des colonies espagnoles en Afrique noire.

Les revendications espagnoles sur l'Afrique du Nord étaient particulièrement inadmissibles pour Hitler, qui, à ce moment-là, ne voulait pas « désespérer la France » et la faire basculer dans le clan gaulliste au Maroc et en Algérie, où le prestige de Pétain était considérable.

Le ton monocorde, la placidité de Franco portaient sur les nerfs du Führer. II faillit à un moment donné rompre l'entretien, puis se ravisa. Un dîner eut lieu dans son wagon-restaurant, à la suite duquel le dialogue des deux dictateurs se poursuivit encore pendant plus de deux heures.

Seul résultat de cet entretien de neuf heures, si désagréable à Hitler, qu'il aurait préféré, disait-il, se faire arracher trois ou quatre dents plutôt que de recommencer: les deux parties convenaient d'établir un vague traité, portant sur le principe de l'intervention espagnole, mais sans en fixer la date, et en la subordonnant à des livraisons d'armes et de ravitaillement, dont le détail n'était pas abordé.

 Les clauses restaient non moins imprécises pour ce qui concernait la possibilité de satisfaire les visées territoriales de l'Espagne en Afrique. Ribbentrop et Serrano Suner, devenu depuis peu ministre des Affaires Etrangères d'Espagne, étaient chargés de la rédaction de ce pacte, qui n'alla pas sans heurts violents entre eux.

A Hendaye, l'antipathie avait été réciproque entre les deux dictateurs. Pour Franco, Hitler était un comédien, qui montrait trop ses procédés. Pour Hitler, Franco était un homme courageux, mais sans envergure politique...

Comme Franco n'avait opposé aucun refus, les Allemands ne tardèrent pas à relancer l'affaire. En novembre, Hitler invita Serrano Suner à Berchtesgaden, pour n'obtenir de lui que des réponses aimablement dilatoires. Au cours de cette entrevue, Hitler parla, sans doute également, de son intention de faire passer au Maroc Espagnol au moins deux divisions allemandes. Il exposait, quelques jours plus tard, à Mussolini la nécessité de cette mesure.

En décembre, l'amiral Canaris, chef de l'Abwehr, rendit visite à Franco à Madrid, lui annonça l'intention de Hitler d'attaquer Gibraltar le 10 janvier, après que l'Espagne ait laissé libre passage à ses troupes.

Franco, nullement intimidé, répondit qu'il était impossible pour l'Espagne d'entrer en guerre à cette date, et que sa cobelligérance dépendrait du ravitaillement et des armes que l'Axe pourrait lui fournir.

Hitler demanda alors à Mussolini de servir d'intermédiaire pour fléchir Franco. L'entrevue du Duce et du Caudillo eut lieu le 1er février à Bordighera. Elle fut très cordiale. Mais Franco maintint sa thèse : l'Espagne ne pouvait entrer en guerre qu'après que l'Allemagne lui eût apporté une aide effective. Il se plaignait, en outre, que l'Allemagne eût choisi de collaborer avec la France plutôt que de satisfaire les revendications espagnoles sur l'Afrique du Nord. (Ce qui ne l'empêcha pas, en revenant d'Italie, d'avoir une rencontre cordiale avec Pétain à Montpellier et d'envisager avec lui la meilleure méthode pour résister aux Allemands sans les irriter.)

Rentré à Madrid, il dénonça le protocole de Hendaye, qu'il considérait comme dépassé par les événements. Il contestait, en outre, comme il l'avait déjà fait, que la prise de Gibraltar pût avoir une valeur décisive pour la conduite de la guerre si le canal de Suez restait ouvert aux Anglais. ( F )

 

 

 

 

 

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15 avril 2014

APPENDICE

 

APPENDICE  

I

FUENTERRABIA. — PRIVILEGIO DE FUEROS Y TERMINOS

Praesentibus et futuris notum sit quod ego Aldefonsus Dei gratia rex Castellæ et Toleti una cum uxore mea Alienor et cum filio meo Kerdinando dono et concedo vobis concilio de Fouterrabia presoenti et futuro forum de Sancto Sebastiano perpetuo habendo. Dono etiam vobis et concedo istos termiuos subscriptos: videlicet de ribo de Ojarzum usque ad ribum, de Fonterrabia, et de peña de Aya usque ad mare et de Lesaca usque ad mare, et de Belfa usque ad mare, et terminum de Irun cum omnibus inde habitantibus. Item dono vobis Guillelmum de Lazon et socios suos, ut siut vestri vicini. Item concedo vobis ilium portum de Astuniaga, quod sit semper vester, tali tamen pacto quod uno quoque anno detis pro illo portu quinquaginla marvotinos. Item, mando llrmiter quod in omnibus vestris terminis ullus sit ausus ganatos ad pascendum mittere nisi cum vestra voluntate. Si quis vero hanc cartam infringere vel diminuere proesumpserit, iram Dei omnipotentis plenariae incurrat, etreg ae parti quatuorcenlum aureos in cauto persolvat, et dammum super hoc vobis iilatum duplicalum restituat. Facta carta apud Palentiam decima octava die aprilis era millessima bicentessima qnadragessima prima. Et ego rex Aldefonsus regnans in Castella et Toleto hanc cartam, quam - fieri scripsi, manu propia roboro et confirmo. — Siguen las firmas de los prelados y ricos-hombres.

II

SAN SEBASTIAN. — FUEROS DADOS POR EL REY DE NAVARRA.

D. SANCHO

In Dei nomine, amen. Hæc est carta auctoritatiset confirmationis, quam ego Sancius Dei gratia rex Navarrae, filius regis Garciæ, facio omnibus, tam majoribus quam minoribus, proesentibus et futuris, qui populati sintetin antea populabuntur in Sancto Sebastiano. Placet mihi libenti animo et spontanea voluntate quod dono et concedo vobis et successoribus vestris bonos foros et bonos costumes.

In primis placet mihi et dono pro fuero, quod non vadant in hoste nec in cabalgata, et quod supradicti populatores sint liberi et ingenui ab omni malo fuero et ab omni mala costume in perpetuum. Similiter dono et concedo eisdem populatoribus de Sancto Sebastiano, qui per mare ad Sanctum Sebastianum arribaverint, vel per terram ad predictam villam cum sua mercatura venerint, quod non dent lezdam ibi,_nec in-tota mea terra ; hoc solummodo retineo, quod si aliqui de populatori bus ad Bajonam troselos vel aliquam mercaturam comparaverint et per Sanctum Sebastianum transierint, ut in alio loco vendant prcedictam mercaturam, donent lezdam, et qui in Sancto Sebastiano vendiderint proedictam mercaturam, non dent lezdam. Similiter volo et dono pro fuero, quod propriae naves de Sancto Sebastiano sint firmiter liberae et ingenuae, quod non dent Portazgo nec lezdam : sed naves extraneae donent lezdam, de unaquaque navi decem solidos novae monete, et de uno quoque trosello quod de navi stractum fuerit duodecim denarios, de arribage insuper suam lezdam ; sed mimis tertiam partem quam daret pro fuero in Pampilona. Extraneus homo donet de unaquaque carga de piscibus sex denarios ; de unaquaque carga de cera sex denarios de arribage et suam lezdam, minus tertiam partem, qua daret in Pampilona de carga de cubro sex denarios ; de carga de stagno sex denarios et suam lezdam, de carga de plumbo sex denarios et suam lezdam; de unaquaque traca de coriis duos denarios: de media traca unum denarium, et si minus fuerît nihil donet. Quicumque anem, et vinum, et carnem ad proedictam populationem portaverit, non det lezdam. Similiter volo, et dono pro fuero populatoribus Sancti Sebastiani, ut faciant furnos, balneos et molendinos ; et possideant ipsi, et omnis generatio illorum libfros et ingenuos, et ut rex nullum censum nonquaerat in eis.

Et dono pro fuero ut aliquis non hospitet in domibus propriis vicini, nisi voluntate senioris domus, et ut nullus nisi Navarrus sit populator in populatione, nisi voluntate regis et consilio omnium vicinorum. Quicuuaque populaverit in Sanct6 Sebastiano, si debitor fuerit, non respondeat suo creditori, nec ipse nec fidejusor ejus usque ad duos annos. Quicumque rancuram habuerit de populatore de Sancto Sebastiano, veniat accipere directum in Sancto Sebastiano ; et si non voluerit accipere directum in Sancto Sebastiano, et pignora levaverit, pectet mille solidos domino regi. Si contigerit quod aliqua navis frangatur in termino de Sancto Sebastiano, et mercatores navis receperint navem, et totas suas mercaturas, dent decem solidos et suam lezdam, sicut superius est terminatum. Dono ad populatores de Sancto Sebastiano pro termino de Undarribia usque ad Oriam, et de Arenga usque ad Sanctum Martinum de Arano, totum saltum quod ego habeo in terminum ilium totum quod ibi est de regalengo ; et insuper habeant, semper per totam meam terram pascua, et silvas et aquas in omnibus locis, sicut homines habent qui in circuitu sunt. Et ubicumque populatores de Sancto Sebastiano comparaverint hereditatem, vel habitaverint in termino de Sancto Sebastiano, vel foras in suis hereditatibus, habeant comparationem liberam et inge- nuam sine ullo malo interdicto vel caso et si per unum annum et unum die lenuerint sine inquietatione, si quis eisposteainquietare vel tollere voluerit donet regi sexaginta solidos, et insuper confirmet hereditatem. Similiter dono pro fuero, quod non faciant pellum-nec duellum cumhominibus deforis per nullo pacto, sed ponat testes, unum Navarrum et unum Francum ; et si testes non habuerit, donet unam juram: etquodnullus sitcaptusilando fidanzas de directo, et si directum non potuerit complere, desuo pede reddat Et si aliquis de populatoribus cum aliqua femina faciat fornicationem voluntate mulieris, non det calumniam, nisi fuerit maritata; sed si foreiaverit earn, pariet eam, vel accipiat uxorem, et hoc est pariare; et si mulier non est digna ut sit uxor illius, ille qui forciaverit, earn debet illi dare lalem per maritum, ut fuisset honorata antequam habuisset eam, secundum providentiam alcaldi, et duodecim bonorum vicinorum; et si non voluerit illi dare talem per maritum, accipiat eam in uxorem : et sit noluerit facere nullum de supradictis duobus, mittat suum corpus in manibus parentum mulieris ad voluntatem illorum ; et si mulier forciata se reclamaverit prima, velsecunda. vel tertia die, et probaverit per veridicos testes' faciat ille, qui forciaverit eam, directum supradictum et reddat regi sexaginta solidos : post tres dies transactos nihil valeat ei.

Et si aliquis contra vicinum suum arma traxerit, scilicet lanceam, aut spatam, mazam, vel cultellum, pariet mille solidos, vel perdat pugnum ; et si unus occiderit alium, pariet quingentos solidos et si unus alium cum pugno percusserit, vel per capillos apprehenderit, pariet sexaginta solidos ; et si in terram jactaverit pariet duocentos sexaginta solidos. Et si aliquis in domo vicini sui intraverit, vel pignoraverit, et pignos traxerit per vim, pariet vigenti quinque solidos domino domus, sed si fidanza fuerit, bene potest pignorare, sicutest fuerum. Merinus regis non accipiat calumniam de ullo homine de Sancto Sebastiano nisi per laudamentum de duodecim bonis vicinis; et nul'us ex hominibus de Sancto Sebastiano vada ad judicium in ullo loco; nisi intus in Sancto Sebastiano : et si homo de Sancto Sebastiano fuerit inventus foras in aliquo loco, et homo de foris habuerit rancuram de illo, veniat cum illo ad Sanctnm Sebastianum et accipiat directum ad forum de Sancto Sebastiano, quia non volo, ut accipiat directum alcaldis de foris. Et si aliquis falsam mensuram, vel pensum, vel cubitum, vel cordam tenuerit, pariet regi sexaginta solidos. Et nullus homo possit esse ingenuus contra Francos de Sancto Sebastiano de aliquo debito; et homines de foris ex quo intus fuerit in Santo Sebastiano; propter malivolentiam aliquam vel propter homicidium quod haheat contra alium non se debent percutere, vel nulla arma debent tenere ; et si contraxerint, pectent mille solidos ; et si omnes populatores se levaverint, et occiderint illum qui alium percusserit, non est ibi calumnia.

De borto. Si hortus aut vinea portas habuerit, donet viginti quinque solidos domino vinsee aut horti, si per semetipsum potest ilium destringere, sed si per semetipsum non potest illum destringere, medietas calnmnioe erit domino villae, et altera medietas cujus vinea erit aut hortus : et istam calumniam dabit ille, qui per vim in vinea aut in horto intraverit, et hoc quod per vim rapuit reddet seniori.

De molendino. Si quis intraverit molendinum per vim reddat viginti quinque solidos domino molendini, et regi sexaginta solidos.

De horto et vinea. Si aliquis furatus fuerit in domo aut in horto, atque in vinea dabit ibi calumniam si potest probari, sexaginta solidos seniori vineae et latro debet reddere furtum, sed tertium furti seniori domus, et de anitaturas tres tosigas aut tres solidos.

De arbore inciso. Si quis incident arborem vicini sui per vim de horto, aut de vinea clausa, pariet viginti quinque solidos. et debet tornare similem arborem in eodem loco, et etiam debet reddere fructum unius cujusque anni, quem arbor incisa deferebat seniori arboris, donec arbor sitnutrita, vel levet fructum.

Si in vinea plana arborem incident, aut in campo, pariet quinque solidos, et faciat jam dictas facendas, et si quis sarmentum aut vimen inciderit in vinea aliena, de primo sarmento, aut de primo vimine, pariet quinque solidos, et de omnibus aliis, de unaquoque duodecim denarios; et si quis coligit caules n die, si non clauserit, pariet quinque solidos et reddat hoc, quod prehendidit et si clausum fuerit vigenti quinque solidos ; et si non potest probare cum testimoniis, debet jurare ille qui negat, et si noluerit, qui probat potest illum tornare per batalla.

Si custos vinearum aut camporum viderit aliquem intrantem in vinea, aut pacentem campos custos vineæ fuerit verberatus in- die, si non potuerit probare per testes, accipiat juram de illo de quod fecit querellam. Si vero nocte verberatus fuerit, levabit ferrum ille de quo fuerit querella. Si non fuerit verberatus, pect&bit custodi vine® sexaginta solidos.

De domo. Si quis intraverit aliquam domum nocte postquam portæ erunt clausse, et domus ignis erit extintu, et homines jacuerint, si senior domus, aut sua familia audierint illum, et voluerint ilium prendere et ipse qui intraverint domum, se voluerit defendere aut fugere, et in defensione ilia erit mortuus, non debent inde homicidium pariare; tamen si capiunt illum vivum, non debent illum interficere postea, sed senior domus potest ilium facere redimere, si vivus fuerit captus, et redemptio ilLa erit sua tota, sed reddere debet bominembajulo senioris villae, et senior domus potest eum dimittere, et si non accepit ab eo redemptionem, non habet senior villæ calumniam super seniorem dumus ; tamen si dimisserit illum et postea latro facerit iude damnum, de captione ilia senior domus non debet Illi respondere; et si aliquis ex parentibus. iuterfecti dicitilli qui hominem interfecit : « tu occidistiparentem meum alio modo, et non in doma J) tuainterfector debet jurare, etsalvare seper ferrum, quod sic iuterfecit ilium nocte in domo sua, et non per aliaLll malevolentialll, et non proevaleat: sed si exierit inde sanus et illesus a ferro, parentes debent flrmare et ille non debet homicidium dare ; sed possunt facere bellum, si ambobus placet, sed hoc non est forum, nec capitula ex parte nostra fuit inventa.

De homine mortuo. Si quis moriatur et non fecerit testamentum ad obitum mortis, et remanserint filii parvi, et si mater duxerit ahum maritum parenies filiorum possunt partire et cognoscere partem filiorum patris, et darefirmas et accipere ; et si mater voluerit tenere iilios suos cum honore et habere, debet dare mater bonas fidanzas parentibus filiorum quod quando filii perveneriut ad perfectam etatem, reddat illis proedictum honorem et habere, et si filii iøtermoriuntur, illam hereditatem et honorem et habere debet tornare unde venit parentibus suis.

Et si filii faciunt donalionem antequam veniant ad etatem duodecim annorum non haberit stabiiitatem ; et de hereditate abolorum non possunt facere douativum, nisi solummodo unam vinéàm" aiut uhain terrrain, aut unam domum, si duas domos aut trés habueruilt, aut dnashereditates, et hoc fillo aut Alice siigb sed bene potes L dare in dote filiis atque filiabu's suis, quando accepériiit filii uxpres et filioe maritos. Si quis. facere-volueijit donativum ~ié Soluınτnцdo~ ddhativiini de' casis'abolorum, et jaoi^h'abuerjt iisi soiuminQdo; unam casam, non potest facere donativum, sed bene potest mandare pro anima sua clericis, aut eclesiis, vel parentibusd.

De locatione. Si quis locaverit domum de aliquo probo homine villoe, et si ipsemet dominus se voluerit inudtarein illam domum qui locaverit domum exeat de domo, et reddeat pretium seniori domus de quanto stetit in ilJa domo; et si cellarium atque pallearium, aut horreum, aut aliqua vasa locaverit, non relinquet usque ad suum terminum; tamen si ille qui domum locavit vult ire Jerusalem, aut in aliam paLriam, aut villam causa stationis, dabit pretium de quanto steterit; sed si vult stare in villa, aut in alio loco aut in villa uxorem ducere, et uxor domum habet, dominus domus pretium suum non perdat.

De falso testimonio. Si aliquis dixderit, aut fecerit falsum testimonium et alius potuerit ilium probare cum decem testimoniis aliis, post quam unus aunus etdies erit transactus, emmendabit cui perdere fecit totam perditam, et qui fecit testimonium in mercede senioris terraeerit, sed si cum testibus non potest probare, per duellum potest se salvare et si victus de bello fuerit emmendabit, sicut supra scriptum est ; sed si duello potuerit vincere, ille qui probat dabit quingentos solidos de calumnia, et erit emmenda de illo qui probare voluit, et de parentibus suis; sed ^i in anno ille uon appellaverit, nunquam amplius respondebit, nec ille amplius debet illum appellare ; quodsi faceret, de calumnia debet dare duos centos et quinquagiuta solidos.

De marito. Si maritus iIle moriatur et habet inde filios, et postea vult ducere alium maritum, mulier ilia debet parliru totum, quantum examplavit cum suo marito primo, cum flliis suis, et honore per mediatatem. Et si mulier habet hereditatem aUam, aut de patrimonio, aut aliquo modo antequam duxisset maritum, non dabit inde portionem filiis. Et si est casus quod prendat duos maritos, aut tres, et de omnibus habuerit Alios, et Alii interim non demandabiint partem, et mater adhuc duxit alium maritum, et tunc venerint filii, et quaesierint illÎ partem, dabit unicuique filiorum partem de exauiplauiento quod fecit cum patribus suis, et de aiia causa non. Et si Alii sunt parvae etatis aut - magner, et volunt partire mater, non potest illQ$4a

tris, sed hoc quod pertinet filiis vel filiabus suis potest vendere et impignorare, si necesse est sibi, et necessitas ilia sit nota a parentibus vel vicinis, et etiam pro fame tiliorum suorum potest vendere. Si filxus remanserit parvus posteaquam per- venerit ad perfectam etatem, et quaesierit mater partem de illo honore et de habere sui patris, de hoc quod erit patris habebit partem in parte patris; et si Alius dixerit : plus habetis de meo patre, et mater dixerit non, Alius potest inde habere unam juram de sua matre ; et si cabezallerii volunt partire, et abolus petit pro suis nepotibus, et dat fidaozas et accepit Alius autorizando, valebit et habebit stabilitatem et quando venerint Alii ad partitioned debent filii partire, et pater et mater debent eligere in omnibus hereditatibus. Et si aliquid volebat dare in illa hereditate Aliorum bonorum, et mater voluerit ilia retinere pro eundem pretium quem alius, retineat. Omnes populatores de Sancto Sebastiano, de qualicumque ministerio fuerint, faciant suum lucrum sine latrocinio et tradilione. Nullus homo qui hospitatus fuerit in aliqua domo Sancti Sebastiani pro nullo debito neque per fidantiam non debent ilium abstrahere de domo nec suum habere; et si merinus vel aliquis homo monstraverit sigillum regis seniori domus, non respondebit de hoc illi. Quicumque fidantiam tenet pro suo habere, querat pignus ad suam fidantiam, et si fidantia mostraverit pignus mortuus, quod valebat minus tertiam partem, accipiat ille pignus, et hoc de tertio in tertium diem sed si bestiam vivam dederit pignus.

accipiat illam, vel antea, vel postea, sed si debita plus valuerit sentum solidos, mostret illi caballuill. vel mulam, aut mulum, vel equam vivam, et si suum habere valet centum solidos, mostret illi bestiam, quæ valeat viginti solilidos ; et si quinquaginta, mostret bestiam de decem solidos; et si non potuerit dare pignus, sicut est supra scriptum, mo tret illi sigillum regis, et si nollet nostrare sigillum regis in hora octava, vadat cum seniore villae, et querat sexaginta solidos, et mittat in carcere regis quousque suum habere habeat, et angueras de ilia bestia suit decem et octo denarii interdiem et noctem, et si est asinus novem denarii; et si ipsa fidancia steterit captivitate unaquaque nocte pectet sexaginta solidos ille pro quo est captus; et si fecerit pectare illud habere, reddat illi ad duplum.

III

CASA DE GUSTIZ

Yo Diego de Urbina, llamado Castilla 'Rey de armas del Rey Don Philipe nuestro señor tercero de este nombre, certifico y hago entera fé y credito a todos quantos esta carta vieren como en los libros y copias de linages que yo tengo de estos Reynos parece y esta escrito en ellos el linage y armas de los Iustiz, su tenor dé los quales es como se sigue.

La casa y solar de Justiz es en la provincia de Guipuzcoa en la jurisdiction de la villa de Fuenterrabia es casa muy antigua y de muy antiguos hijosdalgo y cavalleros, la qual casa y solar esta sita en la montana de Jazquibel los quales vicen y decienden de un hijo del Rey Don Sancho Abarca de Navarra del qual dizen y escriven que andando a caca en la alta montana fue a posar a la alta casa y solar, en la qual avia una señora donzella muy hermosa y el rey enamorado della la procuro y uvo en ella un hijo varon, de quien descienden los de este linage de Justiz : los quales trahen por armas un escudo partido en quatro quarteles, en el primer y postrer quartel en campo azul en cada uno un Castillo de oro, y a cada lado del Castillo un Leon de oro rampante empinante a el y en los otros dos quarteles en cado uno en campo de gules, y una vanda de oro contragantes de sinopla con lenguas hermejas y una orla azul, yen ella ocho estrellas de oro ; y unos deste linage de justiz ponen tan solamente el castillo y leones v otros la vanda con tragantes y orla de estrellas, las unas armas y las otras son como aqui estan y son las verdaderas y para que de ello conste de pedimiento del Capitan Martin de Jistiz vezino de la villa de Fuenterrabia di esta carta y certificacion firmada del nombre de mi titulo y sellada con el sello de mi officio, en Madrid a dos de Julio de mil y seyscientos y treize años.

CASTILLA-REY-DE-ARMA

IV

Gloriosi Martiris Leonis (Fratres Charissimi) natalem celebrantes cum totius vitae, et conversationis eius insignia difficile esset verbis exprlmere. passionis saltern suæ modum, et casum succintis sermonibus audiamus. Fuit ergo vir bonus sacrarum paginarum titulis decoratus, divina revelatione, Sacrique Romanse Curie Consilij approbation ad Archiepiscopatus Rotomagensis Civitatis celsitudinem sublimatus : qui post paucos dies propria sede derelicta, de mandato Sacri Apostolici Colegij versus Hispaniam ad predicandum populo gentilium, Christianae fidei documentum profectus est. Primum accedens in loco, qui dicitur Faverio verbum Domini seminans totum populum ad cultum Christi convertit : deinde ad Villam quæ dicitur Bayona rediens (quae tunc ad infidelibus piratis possidebatur Solis Idolis serviendo). Vespere autem facto cum ad dictaru Villam applicuisset, foribus iam clausis, ingredi non valuit, sed extra totam noctem expectavit. Mane autem facto quidam de Villa egredientes cognoverunt dictum Beatum cum fratribus suis Philippo, et Gervasio a sua secta alienos, et mirati sunt, quia malorum incursus, et ferarum, et serpentium pericula ipsa nocte evaserunt et referentes quos homines extra civitatem invenerant, probi homines dictae Villae honesto habitu ex parte civitatis ante dictum Eantum exiverunt, qui statim cum audissent verbum evangelicae predicationis credere incoe• perunt : et cum eis dictam Villam ingrediens, locum congruum in medio Villæ ad declarandam salutem populi parari jusit in nomine Dei Jesu. Predicavit itaque Vir Sanctus tribus diebus, et divina favente gratia populum ad Fidem Christi convertit; qui una voce clamaverunt : non aliam Legem volumus quam exhibet Leo Sanctus. Et statim Idola subvertentes, construxerunt ecclesiam ad nutum Viri Sancti in honorem beatæ Virginis'Mariae, et Sacri unda Baptismatis baplizillltur per doctrinam dicti Sancti. Quo facto ad Loca deserta, et nemorosa ulterius gradient, oves perditas, sicilicet Infideles longo tempore quae- sivit, et tanquam bonus negotiator infinitum Populum iucratus est, haesiians ne quiddevium, vol lubricuminpopulo inveniret.

Erant autem prope Villam Piratae in cavernis habitantes, qui quadam die cum more solito Villam ingredi præparassent, a Civibus Catholicis turpiter ejiciuntur : qui de conversione Civium admirantes, nimium indignati, et furore succensi, quaesiverunt dictum virum Sanctum, fugientes autem Piratae de Civitate, viderunt Beatum Leonem cum duobus suis germanis, de sua praedicatione revertentem; irruentes in eos, post diversa vulnera caput Beati Viri funesto gladio amputarunt, sed quanto iortius impulsus est ut caderet, tanto firmius stare perhibetur. Et caput suum proprijs manibus de terra erigens, usque ad locum ubi primo praedicaverat ante portam Civitatis viriliter apportavit, et illud quasi victimam holocausti more insti Abel Deo devote obtulit dicens : Hic est locus verse prsedicationis, quem elegi, in quo favente domino requiescam.

Duo etiam fratres Beati Leonis qui cum eo venerant, viso miraculo, prae horrore perterriti fugientes resceserunt. Quæ omnia aspiciens agricultor quidam in vineis, cum clamore valido retulit populo Civitatis. Populus vero contra præfatos homicidas exiierunt, et invenerunt fontem pulcherimum in loco ubi caput scissum cecidit, noviter divinitus emanatum, de quo alhuc hodie totius Civitatis populus adaquatur. Invenientes itaque acephalum corpus Beati Martiris, et caput supra petram positum multa fecerunt perturbatione commoti, et gravis doloris aculeo cordibus sauciati, viso quod amabilis pastor, et praecipuus defensor eorum pro ipsorum salvatione mortem non metueret incurrere tam crudelem. In honore Dei, etipsius corporis Sancti plebs Catholica Civitatis Ecclesiam ibidem construxerunt, et corpus Sanctum honorifice sepelierunt. Per eius merita plurima fuerunt miracula. Mulieres in puerperio invocantes Sanctum dictum a periculo liberantur. Nautæ in periculis maris, et inimicorum protestatibus illesi servantur.

Animalia quæcumque in ipsius custodia commendata a luporum morsibus, et infirmitatibus varijs eripiuntur, et alia immunera procurante domino Jesu.

V

EVECHE DE BAYONNE. — DENOMBREMENT DU DIOCÈSE DE BAYONNE. — 980

Ego Arsius indignus et humilis Laburdensis episcopus, volo tradere notitiae successoribus et posteris, ea quae nostro episcopatui, scilicet B. Mariae Laburdensis subjacent loca. Omnis vailis quæ Citsia dicitur, usque ad Caroli crucem, vallis quae dicitur Bigur, vallis quae Erberna dicitur, vallis quæ Ursaxia dicitur. Bastan item vallis usque in medio portu Belat, vallis quae dicitur Larrin, terræ quæ dicitur Ernania et S. Sebastianum de Busico usque ad S. Mariam de Arosth, et usque ad Sanctam Trianam. Has tenemus et possidemus in dominio S. Mariae Laburdensis ecclesiae, eo tenore ne unquam ab episcopo vel archiepiscopo fiat ulla contradictio, vel proclamatio successori nostro, !Oed potius sit affirmatio. Hæc affirmatio seu stipulatio

facta est in praesentia domini archiepiscopi Auxiensis Odonis, necnon et ams ViNS religiosis, clericis et monachis; Vigente domno apostolico romano pontifice Benedicto VII regnante Hugone Magno rege Francorum, imperante duce Gasconiae Vuillelmo Sancio. Sig. Arsii qui hanc fieri vel confirmari praecepit, sig. archiepiscopi Auxiensis Odonis, sig. Wastonis Centuli vicecomitis, S. Lupi Anerii vie. S. Arnaldi Lupi vie. Aquensis, S. Saluatoris Abbatis S. Seneri. Si quis hanc contradicere voluerit repetitio ejus ad nihilum redigatur, et nisi resipuerit victus canonicali judicio anathema sit.

VI

BULLE DU PAPE CÉLESTIN III QUI ÉTABLIT LES POSSESSIONS DE L'EVÊCHÉ DE RAYONNE. — 1190

Célestin, pape, etc., au vénér. Père B. et aux discrets fils les chanoines de Bayonne. voulant acquiescer avec plaisir à vos justes prières, afin que vous puissiez demeurer dans une ferme et stable possession de tous les biens qui appartiennent à présent ou qui pourront, dans la suite, appartenir à votre Eglise nous avons résolu de les exprimer ici par leurs propres noms qui sont : le lieu même où cette Église est située, avec ses appartenances et dépendances : les Églises de Mayer, de SaintVincent d'Ustaritz, d'Uzquit, de Pagazu, d'Orsai et de Bonloc ; l'hôpital et oratoire d'Apat, l'hôpital et oratoire d'Irizuri avec les appartenances et dépendances, tant desdites églises que desdits hôpitaux; la vallée appelée de Labourd, la vallée appelée d'Orsciis, la vallée appelée de Cize, la vallée appelée de Baygorri, la vallée de Bastan, la vallée appelée de Lesaca, la vallée appelée d'Otarzu. jusqu'à Saint-Sébastien; et nous vous confirmons aussi, par ces présentes lettres, tout ce que votre église a acquis par des voies raisonnables et dont elle est à présent dans une possession paisible par la donation des princes, tant au dedans qu'au dehors de la ville, soit en censives sur des malsons, sur des jardins et sur le four, soit en péages et en revenus de la boucherie, en vignes, en vergers moulins, et dîmes qui vous sont dues des novales de votre évêché, en droits, pêche, tant à la mer que dans les eaux douces, et dans les terres, tant cultivées que celles qui ne le sont pas.

(Extrait du Manuscrit de Bayonne.)

VII

ANO 1478. — COPIA DE UN TITULO DE BENEFICIO ECLESIASTICO

Vicarius generalis in spirituallbus et temporalibus Reverendi in Christo patris et domini domini Joannis, divina clementia Episcopus Bayonensis, in remotis agentis, dilecto uostro domino Petro de Andia presbitero diaecezis Bayonensis, Salutem in domino sempiternam. Yitae ac morum honestas aliaque laudabilia probitatis merita quibus apud nos multiplici commendaris testimonio, inducimur ut tibi reddamur ad gram. Hinc est ad presens. vacante de jure et de facto quadam scolania media in Ecclesia Beatæ Mariæ, villae fontis rabidi, per mortem seu obitum domini Joannis Petri Dascue presbiteri,ultimi et immediati ejusdem mediæ scolaniae possesoris, et adquam quidem mediam scolaniam modo præmiso vacantem fuisti coram nobis, et infra juris terminum per discretum virum magistrum Joannis de Segura in decretis bacallaureum, ut procuratorem Consilii Alcadorum praegositi junctorum Rectorum et bonorum omnium praedictae villae fontis rabidi de quorum potestate nobis extitit facta prompta fides, mediantibus nonnullis amoris legatis nobis exibitis, presentatus et per nos admissus etreceptus quapropter praemisorum meritorum tuorum intuitu volentes te favore prosequi gratioso, prfEdictam mediam scolaniam modo præmisso vacantem tenendam possidendam regendam et gubernandam cum omnibus juribus debitis et pertinentis suis unibersis, tibi tanquam bene merito autoritate ordlnaria per presentes conferimus et donamus ac in pacifica possessione ejusdem mediae scolaniae ponimus ac indicimus et per appositionem virreti nostri super caput tuum per nos appositum de eadem investimus, jurasti enim in manibus nostris super quatuor sancta Dei Evangelia manu tua dextera corporali facta, et 'praedicto domino Episcopo Bayonensi et suis successoribus Episcopis ac officiariis canonicae instantibus eis obediens fidelis mandataque sua ac nostrorum et officiar viorum suorum ad implebis et ad sinodum vocatus venies quando eam contigerit celebrari bonaque et jura praedictae mediae scolaniae non alienabis, sed si quæ alienata illicite vel distracta forsitan invenieris ad jus et proprietatem praelibatce mediae scolaniae revocabis ac juxta posse reducere mandamus insuper dominis Joanni Airaurgui, Estefano de lauda vobis et eorum quilibet qui pro parte tua fuerint requisiti seu requisitus, ut te vel procuratorem tuum ed hoc specialiter constitutum in possessionem et corporalem praedictae mediae scolaniae juriumque et pertinentiarum ejusdem ponant seu ponat, ioducant seu inducat, inductunque deffendant seu deffendat amoto ab ea quilibet illicito detentore et quænu nos tenore praesentium adlllonemus.

Contradictores et rebeles si qui sunt ut non credimus autoritate nostra ordinaria viriliter compesendo super quibus et ea tangentibus vobis plenariae vices nostras per presentes comitimus. In cujus rei testimonium presentes literas fieri fecimus per notarium nostrum subscriptas et sigilo Vicariatus nostri sigilato. Catum in aula Episcopali Bayonae die 22, mensis octobris anno domini i478, presentibus ibidem discretis viris 'dominis Arrualdo Sancii de fita et menaldo de Udnia presbiteris et prsebendarriis Bayonensls testibus vocatis specialiter ut verorum et indubitatorum nostrorum praedictae mediae scolaniæ actis ut.

de mandato prædicto.

Domini mei Vicarii. — Joannes Deccharso.

VIII

COPIE CE LA BULLE DE CONSECRATION DE L'EGLISE PAROISSIALE DE FONTARRABIE

In Dei Domine, amen. Anno a nativitate Domini, millesimo quinquagesimo nono (1059), nono die vero prima mensis Julih nos Johannes de Gauna miseratione divinâ, episcopus Bayonensis et Phirmiensis ecclesiae ad invicem auctoritate apostolicâ perpetni junctæ consecramus ecclesiam parrochialem Beatfe-Mariae-Virgiuis Fontis-Rabidi et duo altaria, uniim in honorem gloriae Virginis Mariee : alterum in honorem trium Mariarum et in principali reliquias undecim millium virginum et beati Leonis inclusimus J. V. Sbq.

Christi fidelibus ipsam visitantibus quadraginta dies de vera indulgentia in forma ecclesiae consueta concedimus, pari modo festum consecrationis omni anno fiet in secundâ dominica mensis octobris cum octabis maribus, in quorum omnium et singuloruni fidem et testimonium presentes litteras reverendo domino Magistro Michaeli de Solaberria tunc temporis assistenti vicario praedictae ecclesiae parrochialis Beatæ Mariae Virginis de Fontarrabia tradi mandavimus, presentibus ad omne, Domino de Landa et Tristando de Justiz testibus ibidem existentibus.

Johannes de Gauna episeopuo Bayonensis et Phirmiensis.

IX

COPIA DEL TITULO BENEFIOIO EN FAVOR DE DON OCHOA DE ARAMBURU, AÑO 1493

Bertrandus de leheto jurium licentiatus, Canonicus Bayonensis, Vicarius generalis in spiritualibus, et temporalibus Reverendi in Christo patris et domini, domini Joannis, miseratione divina in Episcopum Bayonensis electi et confirmatb dilecto nostro domino Ochoa de Aramburu presbitero Bayonensis diaecesis. Salutem in Domino sempiternam, tuis exigentibus probitatis et virtutum meritis quibus apud nos multiplici commendaris testimonio, indicimus ut tibi reddamus ad grâm, liberales, hinc est, quod ad presens vacante de Jure et de facto quarta parte unius scolaniæ in Ecclesia. Beatæ Mariae Villæ fontis Ravidi, per mortem seu obitum cuidam Domini, Petri de Andia presbiteri ultimi et immediati, eidem juncta partis scolaniae, posessoris, et ad quam quidem quartam partem scolanite sic ut promitit vacantem fuisse coram nobis infra juris terminum per discretum vivum magistrum, Petrum de Brust, in artibus, tamenque procuratorem Concilii Alcadorum proepositi junctorum Rectorum et bonorum horum prsedictse Villae fonti Ravidi, ut verorum et indubitatorum portionorum praedictse quartae partis scolaniae de cujus potestate nobis extitit facta prompta fides mediante publico instrumento per magistrum Martinum Sanchez de Arriaga autoritate nostra, publicum notarium facto et retento, presentatus, et per nos admisus et receptus, quapropter praemisorum meritorum tuorum intuitu volente te favore prosequi gratioso, prae lictam quartam partem scolaniae modo praemiso vacante tenendam, posidendam vegendam et gubernandam cum omnibus juris debitis et - pertinentiis suis universis, tibi tanque bene merito confirmamus et donamus ac in pacifica posessione ejusdem quartaj partæ scolaniae ponlmus et inducimus et per appositionem Virreti nostri super caput tuum appositi de eadem investimus. Jurasti enim in manibus nostris. quod praedicto Domino in Episcopum electo et confirmato qui nunc est et succesoribus suis Episcopis Bayonensis intrantibus eris obediens et fidelis mandataque sua et nostra et officiariorum suorum ad implebis, et ad sinodum vocatus venies cum contingent cæle-brari; bonaque et jura dictae quartae partis scolaniæ non alienabis si quealienata illicite vel distracta forsitan inveneris ad jus et proprietatem praelihatae quartæ partis scolaniae revocabis et juxta posse reducimus. Mandantes insuper Domino Joanni Michaeli Bonihort presbitero et beneficiato in dicta Eclesia, et omnibus alliis Capelanis diaecesis Bayonensis qui super hoc fuerint requisiti seu requisitus et coram cuilibet in solidum tenore presentium sub excommunicationis pena. comitent te vel procuratorem tuum ad hoc specialiter constitutum in posessionem realem corporate m praedictae quartae partis scolaniae juriunque et pertinentiarum ejusdem. ponat seu ponant, inducat seu inducant inductumque pro posse deffendat sen defendant amoto ab ea quolibet iIlicito detentore et quem nos tenore presentium admonemus, contradictores et rebeles si qui sint quidem non credimus autoritate ordinaria viriliter compescendo. Super quibus et ea tangentibus pleuaria commitimus vices nostras in cuj usrei testimonium presenles literas per secretarium nostrum iufra scripti fieri fecimus et sigillo virtutis nostri sigillari datum Bayonte die undecima Mensis Magii anno Domini 1493, presentibus-ibidem discretis viris Dominis Arnaldo de Quercu prebendario in Eclesia Bayonensis Bertrando det sa1 Vicario - Sancti Joannis de Lux, Petri de suave in parrochia de Biarrir, presbiteris testibus ad praemissa vocati, actis ut supra : De mandato dicti Domini mei Vicarii.

B. DE AGUERRE, notaire.

X

Pius Papa V ad perpetuam rei memoriam. Exponi nobis nuper fecit Charissimus in Christo filius noster Philippus Hispaniarum Rex Catholicus, quod in Provintia Guipuzcoa, et Regno Navarræ çitra montes Pirineos illarnm partium nonnulla Loca, Oppida, et Domus sub ipsius Philippi Regis temporali dominio et jurisdictione et sub Diedesi Bayonensi consistunt, et propterea considerans; quantum his temporibus Regnis Franciee Religio Christiana, et Fides Catholica periclitat, et fluctuat; Unde si habitatores Locorum, Oppidorum, et Domorum huiusmodi pro eorum ausis, et negotijs spirilualibus, et ad Forum Ecclesiasticum pertinentibus ad civitatem Bayonensem (quae indictis Franciae Regnis consistit) accederent, et recursum haberent, facile succedere, et evenire posset, illos eundo, et redeundo propterea communicationem cum habitatoribus in dictis Franciae Regnis in aliquos errores, qui in ipsa Francia de presenti vigent, incidere, et incurrere ; qnare idem Philippus Rex pio, et Christiano zelo motus, nobis humiliter supplicare fecit, ut in praemisiis de opportuno remedio providere dignaremur. Nos igitur animadvertantes supplicationem ipsius Philippi Regis instam, honestam, ct piam esse, ideo cupientes, prout ex nostro Pastorali Offitio tenemur, habitatoribus locorum, et Oppidorum, et Domorum huiusmodi de opportuno remedio miseri orditer providere, et obviare, ne ipsi in errores nunc in Francia, ut proefertur, vigentes, incidere, in incurrere possint, prsefato episcoqo, et Venerabili Fratri Auxitonensi Archiepiscopo, ipsius Episcopi loci Metropolitano per presentes autoritate Apostolica mandamus, eosque monemus, et hortamurin Domino, quatenus ipsi, eteorum quilibet infra sex menses a die, qua presentes nostra Litterce eis respective presentatæ fuerint computandos, Episcopus fidelicet unum, et Archiepiscopus prefati alium probos, et doctos viros vitae, ac moribus approbatos ex Hispaniarum Regnis oriundos, qui in aliquibus dictorum Regnorum Hispaniae locis opportanis, et commodis residere debeant respective, in eorum respective Vicarios, aut Officiates Forancos deputent, et constituant, expensis tamen Regis Hispaniae Philippi, vel dictorum Hispanite Populorum, et absque dictorum Episcopi, et Metropolitani soliti emolumenti praejudicio, ac deputare, et constituere teneantur respective, Quibus respective plenami et amplam facultatem potestatem et autoritatem dent, et concedaut visitandi ac spiritiiales, et ad forum Ecclesiasticum pertinentes, et spectantes, ac appelatiorum causas, et negotia a sententiis, et aliis decretis, et gestis per Vicarium, aut officialem dicti Epis- copi interpositarum respective audiendi cognoscendi, decidendi fineque debito terminandi. Omniaque alia, et siugula, quæ praefati Episcopus, et Archiepiscopus eorum respective auctoritate ordinaria facere possunt in premissis, et circa ea quomodoiibet necessaria, et opportuna respective faciendi dicendi, gerendi, et exerceudi. Quod si præfati Episcopus, et Archiepiscopus ad praemissa faciendum negligentes fuerint, illaque facere, recusaveriut post sex menses a die presentationis huiusmodi Litterarum, Venerabilibuo Fratribus PampiIonensis, et Calagurritanensis Episcopis quatenus ipsi per se, ant eorum Vicario generales, sen officiales, ant Provisores; Episcopus tamen Pampilonensis visitandi, et spirituales, et ad Forum Ecclesiasticum pertinentis et qurs Episcopus Bayonensis, et Calagurritanensis Episcopus præfati appellationem a dicto 1 Episcopo Pompilonnensi, ant eius Vicario sen Officiali, vel Provisore interpositarum, causas, et rogatia audiendi, cognoscendi, et in praemissis, et circa ea quomodolibet necessaria, et opportuna et quæ praefati Bayonensis Episcopus, et Archiepiscopus eorum respective autoritate ordinaria, respective facere possunt, faciendi, dicendi, gerendi, et exercendi ex nunc prout ex-tunc, et é contra dictis sex mensibus, ut prefertur, elapsis, facultatem, auctoritatem, et potestatem tenore praesentium dicta Apostolica autoritate damus, concedimus et elargimur. Nec non praefatis Bayonensis Episcopo et Archiepiscopo, eorumque Vicarijs, et Officialibus ne de causis huiusmodi se respective aliquo modo po'st elapsum dictum tempus sex mensium, ut prmfertur, intromittere possint, nec debeant sub sententijs, censuris, et paenis ecclesiasticis, contra eos, si contra fecerint, per praefatum Episcopum Calagurritanensem imponendis; et agravandis, et reagravandis specialiter et expresse iribihemus ; deceinentes præsentes nostras Litteras durantibus in dictac Franciæ Regno erroribus praefatis duntaxat, durare debere non obstantibus praemissis et constilutionibus, et ordinationibus Apostolicis, statutis, privilegijs, indultis etiam, juramento contirmatione Apostolica roboratis a Litteris Apostolicis dictis Episcopo Bayonensi, et Archiepiscopo Auxitanensi et quibusvi alijs, cum quibus, cumque clausulis, et decretis, etiam irritantibus concessis, confirmatis, ac innovatis. Quibus omnibus illorum tenores acsi presentibus insererentur presen- tibus proplene, et sufflcienter expressis habentibus hac vice duntaxat et specialiter, et expresse derogamus, caeterisque contrarijs quibus cumque. Datum Romse apud Sanctum Petrum sub annulo Piscatorio die xxx. Aprilis M. D. LXVI. Pontificatus nostri anno primo. Cæsar Gloriesius.

XI

LA MAISON MACHIN DE ARSU

Yo Diego de Urbifia llamado Castilla Rey de Armas Del Rey Don Filipe tercero deste nombre. Certiflco y hago entera fé y credito a todos quantos esta carta vieren como en los libros y copia que yo tengo destos Reynos parece, y esta escrito en ellos el linage y armas de Arsu su tenor del quales como se sigue.

Reynando en Navarra, Don Sancho el Octavo cognominado el fuerte en cuia devocion estuvo algunos anos, la Provincia de Guypuzcoa, embio por Governador de ella a un Cavallero Frances llamado Mos de Artenet; mostrose este en el govierno tan aspero, y tyrano, que obligo a las Guypuzcoanas aprivarle de la vida y salir de la obediencia, y encommienda del Rey, y union de su Reyno de Navarra, como 10- hizieron, y deseando ayudar favorecer, y servir al de Castilla, se encomendaron al Rey Don Alfonso el noveno que lo era a la saçon en el año del Sefior de 1200, viviendo el mismo en persona al concierto, y desde este año adelante ha continuado siempre Guipuzcoa esta union.con la corona de Castilla. Passados 70 anos succedio que en la era de 1308. Año de Nuestro Senor Jesu-Christo de i270 murio Don Tibaot, ô Don Theobaldo segundo deste nombre Rey de Navarra por cuia succession levantaron por Rey los

tres estados a Don Enrique el primero su hermano cognominado el gordo en principio del año siguieute 1271, este lo fue poco mas de'tres anos y medio por que murio por Julio del de 1247, dexando por unica heredera, y successora en el Reyno à la princesa Dona Juana su hija, que por ser de muy tierna hedad quedo debajo de la tutela de Filippe tercero Rey de Francia que la caso con su hijo primogenito Filippe, que despues por este matrimonio fue Rey de Navarra, primero deste nombre, cognominado el hermoso. Durante el tiempo de la tutela el referido Don Felippe tercero Rey de Francia embio en el año 1280, sus embaxadores a Don Alonso el sabio, Onceno Rey de Castilla, pidiendole diese libertad y soltura a los Infantes Don Alonso y Don Fernando de la Cerda, nietos del mismo Rey Don Alonso de Castilla, y sobrinos hijos de hermana del de Francia, que avia mas de dos anos que estavan presos en el Castillo de Xativa por el Rey de Aragon a contemplacion del de Castilla. Acordo se por los Embaxadores se viesen ambos Reyes en Baiona de Francia por el mes de Diziembre.

EI de Castilla con sus hijos passo por Guipuzcoa, con mucho acompanamiento, y guardia de los naturales à Baiona, y été de Francia llego hasta salvatierra de Bearne, y antes que es juntasen se hablaron por interpretes y medianeros para que los Infantes saliesen de la prision, y no acabando de concertarse rehusaron los vistas, y el rey de Castilla volvio a Guipuzcoa, sentido el de Francia de que no uviese valido su intercession para la libertad de los sobrinos intento como poderoso darsela el solo, y diose tanta prisa para esto que antes que el Rey Don Alonso, que aun se tenia en St Sebastian lo acabase do creer passando a Guipuzcoa intento destruirla o redurcirla por fuerza à la obediencia de Navarra y puso, y haziendo el dano possible en su comarca tomo un passo estrecho à la parte del poniente de la villa, y alojo sobre el su gente estendiendola hasta el termino llamado Cornuz a la falda Oriental del promontorio Olearso sin pensar que de la parte superior de la sierra de Jasquibel lepudiesen algun dano ni entrar donde estava aloxado con su exercito. Sabida por el Rey Don Alonso su intencion junto a Consejo llamado a las personas de mas experiencia, y pratica que huviese de sos passos del algamiento del de Francia, y al cabo de aver escuchado las razones de los de mas eiguio el parecez y buen consejo de un cavallero de alta guisa llamade Machin de Arsu Señor del Palacio y Casa de Arsu, en Cornuz, el qual dixo al Rey don Alonso que si queriale llenaria por passo y que estando muy seguros 108 Franceses pudiesse ser seuor d ellos y quele passo era tan buenoque podia ir gente de a cavallo, y que para no ser sentidos de les enemigos mandase que las herraduras de los cavallos fuessen atapadas y , cuviertas con panos para que no sonasen hasta que no tuviesen sobre ellos, y para que fuesen conocidos entre si sobre vistiesen sus camisas y caminasen con silencio y veria como succederia bien. Visto por eI Rey el buen ardil del Cavallero Machin de Arsu mando a todos los de su campo se pusiesen en orden y començando à caminar llegaron antes del amanecer al paso de los enemigos sin ser sentidos y dieron en ellos con tanto irnpitu y valor que les fue forçado dexar sustiendas, y despojos, y ponerse en huida, donde el cavallero Machin lo hizo tam bien hiriendo y matando hasta llegar a la tienda del dicho Rey de Francia, que estava cerca de un rio, o arroyo que desen.

diendose le mato a cinco cavalleros de alta guisa de los mas privados del Rey, al qual puso en gran aprieto de perder la vida. Conoziendo el Rey don Alonso lo bien que lo haria hecho, y que por el se avia dado orden de desbaratar el campo de su contrario le quizo hazer grandes mercedes y le Dio el termino llamado de Cornuz con un grand pedaço de Fuenterrabia con ciertas rentas en otras partes. Y por armas un Castillo de oro en campo de gules al pie un rio con cinco cabeças cortados, y en lo alto del Castillo tres flores de lis de oro y por orla ocho pafielas de sinopla en campo de oro que eran Ias armas que de antes tenia la casa de Arsu dedonde decienden hasta Rey 10s de apelledos de Arsu en la provincia de Guipuzcoa. Y para que conste dello pedimiento de Miguel de Arsu vezino de Fuenterrabia. En Madrid, 24 marzo 1620. -

 

FIN

 

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3 octobre 2013

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