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Histoires de Hendaye
19 août 2013

LE FAUX MARTIN GUERRE

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LE FAUX MARTIN GUERRE    I

Par Gayot de Pitaval
« Causes célèbres et intéressantes, avec les jugements qui les ont décidées »
(T.I, page 1, Paris 1735)

C’est probablement l’affaire la plus curieuse
qu’il ait été donné à un tribunal français de juger.
On peut observer sur le vif que les anciens juges,
dont on a beaucoup médit sans tenir compte
des connaissances et des mœurs de leur époque,
cherchaient d’abord scrupuleusement à cerner la vérité,
ensuite à statuer en accord avec le droit et l’équité.

N.B. Afin de faciliter la lecture de ce document,
nous avons ajouté des titres qui ne figurent pas dans l’original,
et remplacé quelques termes obsolètes par des mots contemporains.

Rien n’est plus admirable que cette variété prodigieuse que Dieu a mis dans les visages des hommes, dans l’air qui résulte de l’assemblage des mêmes traits. Un auteur a dit que la Nature, lasse quelquefois de diversifier ses portraits, fait des copies où elle imite parfaitement ceux qu’elle a tracés. C’est ce qu’elle a exécuté dans Arnaud du Tilh, qu’elle fit très semblable à Martin Guerre. Il se prévalut si bien de cette ressemblance, qu’il aurait remplacé pendant sa vie Martin Guerre absent, si celui-ci ne fût revenu, et n’eût dissipé l’illusion. Encore Arnaud du Tilh , après avoir été confronté à Martin Guerre sous les yeux d’un Parlement, balança-t-il quelque temps les lumières des Juges, même après la confrontation.

L’Histoire, qui nous présente plusieurs célèbres imposteurs qui ont abusé de la ressemblance qu’ils avaient avec les personnes dont ils voulaient usurper le nom, les biens et l’état, ne nous en offre point qui ait poussé l’impudence et l’effronterie plus loin que le faux Martin Guerre.

Source de ce document : Rapport du Conseiller Coras

Voici toutes les circonstances de cette histoire merveilleuse, dont Monsieur Coras, rapporteur du procès, a fait part au public : il l’a enrichi de savantes observations. Il serait à souhaiter que les Juges nous fissent l’histoire des procès extraordinaires dont ils ont fait le rapport : ils nous apprendraient, à l’exemple de Monsieur Coras, les véritables motifs des jugements qui ont été rendus.

Quelque curieuses que soient les observations de Monsieur Coras, comme il promène son lecteur dans des recherches qui ne sont pas de son sujet, je ne m’égarerai point avec lui. Je ne le suivrai point dans ces traits d’érudition déplacés, qui étaient alors en usage parmi les savants, et que le bon sens, qui met chaque chose à sa place, retranche à présent de nos ouvrages.

Martin Guerre, avant sa disparition

Martin Guerre, né à HENDAYE dans le Labourd , âgé d’environ onze ans, épousa, au mois de Janvier 1539, Bertrande de Rols de la Ville d’Artigues, au Diocèse de Rieux : ils étaient à peu près de même âge ; elle unissait la sagesse à la beauté, suivant le témoignage de Monsieur Coras, qui dit que dans le temps du procès elle était jeune, sage et belle. Ces deux époux jouissaient d’une fortune honnête : on ne parle point de leur naissance ; mais on juge qu’ils étaient d’une condition un peu au-dessus de celle du simple paysan. Dès que le paysan n’est pas assujetti absolument à gagner sa vie, il prend l’essor au-dessus de son rang ; et c’est ce que la Fontaine appelle un demi-bourgeois, un demi-manant.

Martin Guerre demeura avec sa femme neuf ou dix ans : les huit ou neuf premières années il eut le sort de Tantale : quelque brûlant désir qu’il eût, il ne pouvait posséder sa femme ; il se croyait maléficié, ensorcelé. La crédulité, qui régnait davantage en ce temps là que dans celui-ci, le confirmait dans cette opinion. Il devait plutôt penser que l’âge tendre où il était lui refusait des plaisirs qui lui étaient réservés dans un âge plus avancé. En effet, lorsqu’il approcha de vingt ans, il fut en état de faire usage des appâts de sa femme. Bertrande de Rols, qui se croyait ensorcelée aussi bien que son mari, s’imagina que le charme était rompu ; parce que, suivant le conseil qu’on lui donna, elle fit dire quatre messes, mangea quelques hosties et fouaces. Ainsi on se sert de la crédulité même pour guérir le mal qu’elle a causé.

Un trait de la sagesse de cette femme fut la résistance qu’elle fit à ses parents, qui lui conseillèrent, dans le temps de cette disgrâce, de se séparer en justice d’avec son mari. Elle fit voir que sa tendresse n’avait pas besoin d’être soutenue par les plaisirs des sens. Un fils, appelé Sanxi, fut le fruit de leur mariage dans la dixième année. Martin Guerre, ayant fait à son père un larcin de blé qui n’était pas considérable, s’absenta pour se dérober à sa colère. Il fut tenté de voyager, soit qu’il commençât à se lasser de sa femme, car celles qui sont les plus charmantes ne sont pas plus privilégiées que les autres, et ne mettent pas leurs maris à l’abri du dégoût que la possession traîne ordinairement après elle ; soit que le libertinage eût des attraits pour lui. Quoi qu’il en soit, il fut huit ans sans donner de ses nouvelles à sa femme. C’est alors qu’une femme négligée, pour ne pas dire méprisée par un mari absent, a besoin de toute sa vertu pour ne pas succomber. La médisance n’a pourtant rien publié contre la conduite de Bertrande de Rols, quoique l’absence de son mari ait été de huit années.

Survenance d’un imposteur : Arnaud du Tilh

Arnaud du Tilh, dit Pansette, du lieu de Sagias, se présenta. Comme il avait les mêmes traits, les mêmes linéaments de visage que Martin Guerre, il fut reconnu pour être le véritable mari de Bertrande de Rols par les quatre sœurs du mari, son oncle, et les parents de la femme, et par elle-même. Il avait étudié son rôle parfaitement, et ayant connu Martin Guerre dans ses voyages, il avait appris de lui ce qu’il avait fait de plus particulier avec sa femme, les paroles qu’ils avaient tenues, qu’ils n’avaient confiées dans leur lit qu’aux ténèbres ; les époques de certains événements secrets. Enfin Martin Guerre avait révélé à Arnaud du Tilh des mystères qu’un mari couvre ordinairement du voile du silence. L’imposteur était parfaitement instruit de mille circonstances particulières. On peut dire qu’il savait son Martin Guerre parfaitement mieux encore que Martin Guerre lui-même.

Bertrande de Rols, qui aimait son mari, et qui soupirait ardemment après sa présence, fut d’abord facilement persuadée que le faux Martin Guerre était le véritable. Elle se livra entièrement à l’imposteur, qui pendant plus de trois ans la posséda et en eut deux enfants, l’un desquels mourut peu de temps après sa naissance.

On n’a jamais mieux imité un mari, Jupiter ne joua pas mieux son rôle à l’égard d’Alcmène. Bien des gens croiront que Bertrande de Rols aida à se tromper elle-même, parce que l’erreur lui plaisait ; et ne penseront point qu’une ressemblance soit si exacte qu’elle puisse parfaitement tromper une femme à qui un mari se décèle entièrement. Qu’on ait eu une longue habitude et une grande familiarité avec une personne, non seulement ses traits, son port, sa démarche, sa voix dans ses inflexions, ses gestes ordinaires, s’imprimeront vivement dans notre esprit ; mais un je ne sais quoi dans son air, dans ses façons. On saisit ce qui serait imperceptible à tout autre. Il n’est pas possible qu’un imposteur ait ce je ne sais quoi, ces différences si délicates ; à plus forte raison une femme, à qui rien n’échappe dans un mari, doit-elle être à l’abri de l’imposteur qui veut le représenter. Son imagination la doit vite faire revenir d’une erreur qui l’aura surprise, parce qu’elle comparera l’idée du mari absent avec l’imposteur en original. Mais, comme les absents ont tort auprès de certaines femmes, on voudra peut être croire que cet original eut raison auprès de Bertrande de Rols, étant confronté avec l’idée qui représentait un absent.

Doutes des proches, notamment de Pierre Guerre

Quoi qu’il en soit, Pierre Guerre, oncle de Martin Guerre, et plusieurs autres personnes ayant ouvert les yeux, les ouvrirent à Bertrande de Rols, en lui rappelant les véritables idées de son mari. Elle mit l’imposteur entre les mains de la Justice, l’ayant fait arrêter sur la plainte qu’elle rendit, et sur l’information qui fut faite en conséquence par devant le Juge de Rieux. Elle demanda, dans une requête, qu’il fût condamné à une amende envers le Roi, à demander pardon à Dieu, au Roi, et à elle, tête découverte, et pieds nus et en chemise, tenant une torche ardente en ses mains ; disant que, faussement, témérairement, traîtreusement, il l’a abusée en prenant le nom et supposant la personne de Martin Guerre, dont il se repent, et lui demande pardon ; qu’il soit condamné envers elle à une amende de dix mille livres, aux dépens, dommages et intérêts : voilà quelles furent ses conclusions.

Ceux qui l’ont déjà condamnée diront, qu’étant lasse de l’imposteur, ou plutôt s’étant brouillée avec lui, elle prit la résolution de le perdre, et de s’en délivrer ; que les femmes passent facilement d’une extrémité à l’autre, et que, si l’imposteur avait eu plus d’adresse et de complaisance, il aurait paré son infortune.

Mais comme je ne suis point naturellement malin, j’aime mieux, en conservant la vertu de Bertrande de Rols, lui attribuer une grande facilité, et même plutôt une grande indigence d’esprit. Sur ce principe, je croirai qu’elle a pu être abusée par l’imposteur ; qu’ayant douté ensuite, elle n’a pas eu la force d’éclaircir son doute, et qu’elle a mieux aimé y persévérer que de faire un éclat. Je croirai que la vérité lui envoyait de temps en temps des éclairs, qu’elle retombait après cela dans des ténèbres qu’elle n’avait pas le courage de dissiper. Voilà l’état où elle fut pendant le règne de l’imposteur. Enfin cette même facilité qu’elle a eue à croire le faux Martin Guerre l’a entraînée à croire Pierre Guerre, et à poursuivre l’imposteur. Les gens faciles agissent ordinairement par les impressions d’autrui.

Arnaud du Tilh traduit devant le Juge de Rieux

Arnaud du Tilh allégua d’abord pour sa défense, par devant le Juge de Rieux, que nul malheur n’égalait le sien, puisqu’il avait une femme et des parents qui avaient le cœur si mauvais que de lui contester son état et son nom, pour le dépouiller de son bien, qui pouvoir valoir sept à huit mille livres ; que Pierre Guerre, qui lui intentait ce procès, était guidé par une animosité dont la cupidité était la source ; que les gendres de son oncle épousaient sa passion ; que pour satisfaire à leur avarice ils l’accusaient de prendre le nom de Martin Guerre, et d’en supposer la personne ; qu’ils avaient suborné sa femme, et l’avaient engagée aux dépens de son honneur dans cette accusation calomnieuse, inouïe et horrible dans la bouche d’une femme légitime ; accusation qui était le comble du crime le plus noir, si elle n’était pas l’ouvrage de sa facilité.

Il faisait ensuite son histoire, en racontant la cause de son absence, et rendait compte de la vie qu’il avait menée depuis ; disant qu’il avait servi le Roi à la guerre pendant sept ou huit années ; qu’il avait passé ensuite au service du Roi d’Espagne, où il avait été quelque mois ; qu’enfin brûlant du désir de revoir sa femme, son enfant, ses parents, sa patrie, il était revenu à Artigues ; que malgré le changement que le temps avait fait à son visage, puisqu’étant parti ayant du poil follet au menton, il était revenu ayant de la barbe, il avait eu pourtant la satisfaction d’être reconnu par ce même Pierre Guerre son oncle, qui avait à présent la barbarie de le vouloir méconnaître ; que ce même oncle l’avait comblé alors de caresses, et qu’il n’avait perdu son amitié que parce qu’il lui avait demandé compte de sa gestion et de ses revenus, que celui-ci avait administrés pendant son absence ; que s’il avait voulu lui sacrifier son bien, on ne le ferait pas passer pour un imposteur ; que son oncle n’avait rien oublié pour le perdre, et lui ôter la vie ; qu’après l’avoir épié plusieurs fois, il l’avait attaqué avec avantage, l’avait jeté à terre d’un coup d’une barre de fer, et qu’il l’aurait assommé, si sa femme, n’ayant point d’autre moyen pour le sauver, ne se fût étendue sur lui, et ne lui eût servi de bouclier pour recevoir les coups. Qu’enfin lui et ses gendres avaient cru qu’en ourdissant la trame de cette accusation ils viendraient mieux à leurs fins, parce qu’ils surprendraient la Justice, et tiendraient de sa main les biens dont ils le dépouilleraient.

II demanda que sa femme lui fût confrontée, persuadé qu’elle n’était pas capable d’étouffer entièrement la vérité, n’étant pas aveuglée par la passion qui transportait ses persécuteurs. Il demanda encore que ses calomniateurs fussent condamnés, suivant les lois de l’équité aux mêmes peines qu’ils voulaient lui faire subir ; que Bertrande de Rols fut tenue dans une maison où elle fût à l’abri de la subornation, et de toutes les impressions de Pierre Guerre et de ses gendres, qui ne pourraient pas l’approcher. Enfin il demandait d’être renvoyé absous de l’accusation, avec dépens et dommages-intérêts.

L’instruction devant le Juge de Rieux

Il subit un ample interrogatoire, où il rendit raison de toutes les questions que le Juge lui fit sur la Biscaye, sur le lieu de la naissance de Martin Guerre, le père, la mère, les frères, les sœurs et les autres parents du même ; sur l’année, le mois, le jour de ses noces, son beau-père, sa belle mère, les personnes qui y étaient, celles qui traitèrent le mariage, les différents habits des conviés, le prêtre qui célébra le mariage, les circonstances les plus particulières qui arrivèrent le jour de la noce et le lendemain, jusqu’à nommer les personnes qui l’allèrent voir à minuit le jour de la noce dans son lit nuptial. Il parla de Sanxi son fils, du jour qu’il naquit ; il parla de son départ, des personnes qu’il rencontra sur son chemin, des propos qu’il leur tint, des villes qu’il avait parcourues en France et en Espagne, des personnes qu’il avait vues dans ces deux royaumes, et afin qu’on pût être éclairci parfaitement de ce qu’il disait, il citait des personnes qui pouvaient confirmer ce qu’il déposait.

On fut convaincu, par les éclaircissements qu’on prit, qu’il n’avait rien avancé qui pût servir à le confondre. On ne pouvait pas mieux retracer tout ce qu’avait fait Martin Guerre. Mercure ne rappela pas mieux à Sosie toutes ses actions, que le faux Martin Guerre rappela celles du véritable.

On ordonna que Bertrande de Rols, et certaines personnes que l’accusé avait citées dans son interrogatoire seraient interrogées. Bertrande de Rols dans ses réponses rapporta tous les faits qu’avait déposé l’accusé avec une parfaite conformité ; excepté qu’elle dit l’histoire du charme qui liait la puissance de son mari, et qu’elle raconta comment au bout de huit ou neuf ans le charme fut rompu. Elle ajouta qu’elle ne voulut point se rendre aux sentiments de ses parents, qui lui conseillèrent d’obtenir une séparation de corps d’avec son mari : elle n’avait garde d’oublier ce trait héroïque de sa vertu. Elle dit que Sanxi son fils, qu’elle conçut, fut la preuve évidente qu’il n’y eut plus de fascination. Ainsi la magie blanche de l’Amour l’emporta sur la magie noire du Démon.

L’accusé ayant été interrogé sur cet ensorcellement, répondit sur le maléfice, sur les cérémonies qu’on avait pratiquées pour le rompre, comme s’il eût ajusté ses réponses à celles de Bertrande de Rols. On le confronta à cette femme, et à tous les témoins ; il requit de nouveau qu’elle fût isolée, afin que ses ennemis n’abusassent pas de sa facilité : on lui accorda ce qu’il demandait.

Il fournit des reproches contre les témoins qui déposèrent contre lui : il demanda qu’il lui fût permis de publier un monitoire pour avoir révélation de la subornation de Bertrande de Rols, et pour vérifier les reproches qu’il opposait aux témoins. II obtint encore cette demande : mais on ordonna en même temps qu’on ferait une enquête d’office sur les lieux au Pin, à Sagias, et à Artigues, de tous les faits qui pouvaient concerner Martin Guerre, l’accusé, et Bertrande de Rols, et l’honneur et la réputation des témoins confrontés. Les révélations du monitoire, et les dépositions des enquêtes constatèrent la vertu de Bertrande de Rols, qui ne s’était point démentie pendant l’absence de son mari.

À l’égard de 1’accusé, de cent cinquante témoins environ qui furent ouïs, trente à quarante déposèrent qu’il était véritablement Martin Guerre, pour avoir eu de grandes habitudes avec lui dès son enfance ; et ils le reconnurent à certaines marques et cicatrices que le temps n’avait point effacées.

D’autres témoins, en plus grand nombre, déclarèrent que l’accusé était Arnaud du Tilh, dit Pansette, pour l’avoir vu et fréquenté dès le berceau. Le reste des témoins, jusqu’au nombre de soixante et davantage, dirent qu’il y avait une ressemblance si frappante entre l’un et l’autre, qu’ils n’osaient pas assurer si l’accusé était Martin Guerre, ou Arnaud du Tilh.

On ordonna deux rapports de la ressemblance, ou dissemblance, de Sanxi Guerre avec l’accusé, et avec les sœurs de Martin Guerre. Il résulte du premier rapport que Sanxi Guerre ne ressemble point à l’accusé, et il résulte du second qu’il ressemble aux sœurs de Martin Guerre.

Arnaud du Tilh condamné par le Juge de Rieux

Enfin, par la sentence définitive du premier Juge, Arnaud du Tilh est déclaré atteint et convaincu d’être un imposteur, et condamné à perdre la tête ; et on ordonna que son corps après sa mort serait mis en quatre quartiers.

Voilà tout ce que M. Coras nous apprend de la sentence. Le premier Juge condamna l’accusé, comme s’il eût été inspiré ; car après ce qu’on vient de rapporter, à ne suivre que les lumières humaines, son jugement était téméraire. On est obligé de convenir que l’information, les révélations du monitoire et l’enquête laissaient du moins la vérité dans le doute. Or dans le doute un premier juge ne s’expose-t-il pas à être blâmé quand il franchit le pas, et condamne hardiment un accusé dont l’innocence se présente à l’esprit aussitôt que le crime ? Comptait-il pour rien la faveur du mariage et des enfants ? N’était-ce pas le cas d’ordonner du moins un plus amplement informé ?

Appel d’Arnaud du Tilh devant le Parlement de Toulouse

Arnaud du Tilh s’étant rendu appelant au Parlement de Toulouse, cette Cour crut qu’il fallait peser cette affaire plus mûrement que ne l’avait fait le premier juge. Elle ordonna d’abord que Pierre Guerre et Bertrande de Rols seraient confrontés en pleine Chambre l’un après l’autre à l’accusé.

Dans ces deux confrontations il eut une contenance si assurée, et un front si ouvert, que les juges crurent y lire qu’il était le véritable Martin Guerre, tandis qu’ils lisaient sur le front de Pierre Guerre et de Bertrande de Rols déconcertés, qu’ils étaient des calomniateurs. Mais, comme ces confrontations ne pouvaient pas être de parfaits tableaux de la vérité, on ordonna qu’on ferait d’office une enquête sur plusieurs faits importants, dans laquelle on entendrait d’autres témoins que ceux qui avaient déjà été ouïs.

Cette nouvelle enquête, au lieu de conduire à la lumière de la vérité dans l’esprit des juges, n’y apporta que l’obscurité du doute et de l’incertitude. De trente témoins qui furent ouïs de nouveau, neuf ou dix déclaraient que c’était le véritable Martin Guerre ; sept ou huit, que c’était Arnaud du Tilh ; le reste, balançant toutes les circonstances et tous les caractères de la ressemblance, disaient qu’ils ne pouvaient rien assurer de certain et de positif.

Tout cela, dit Monsieur Coras, jetait les juges dans une grande perplexité. Ils pensaient autrement que le premier juge, et ils ne se laissaient pas guider par des lueurs.

L’instruction devant le Parlement de Toulouse

En rassemblant toutes les dépositions, on trouvait que quarante-cinq témoins assuraient que l’accusé n’était point Martin Guerre, mais Arnaud du Tilh ; et ils apportaient des raisons pertinentes de leurs créances, en disant qu’ils avaient fréquenté l’un et l’autre, et qu’ils les avaient connus parfaitement, ayant bu et mangé avec eux depuis leur enfance. Parmi ces témoins, il en faut distinguer dont la qualité donne un grand poids à leurs témoignages.

Le premier témoin est un oncle maternel d’Arnaud du Tilh, appelé Carbon Bareau, qui le reconnut pour son neveu, et lui voyant les fers aux pieds pleura amèrement, en déplorant la triste destinée d’une personne qui lui appartenait de si près. On ne peut pas soupçonner qu’un si proche parent, dont le sang parle en faveur de l’accusé, ait voulu trahir la vérité. C’est à la force de cette même vérité qu’il faut attribuer ce témoignage qui condamnait son neveu : témoignage si contraire aux sentiments de la nature. Il y a d’autres témoins qui ont contracté avec Arnaud du Tilh ou qui ont été présents aux actes qu’il avait passés et les avaient signés ; et ils produisent ces actes.

Presque tous ces témoins disent que Martin Guerre était plus haut et plus noir ; qu’il était grêle de corps et des jambes, un peu voûté, portant la tête entre deux épaules, le menton fourchu et élevé dans le sommet ; que sa lèvre de dessus était pendante, qu’il avait le nez large et camus, la marque d’un ulcère au visage, une cicatrice au sourcil droit. Or Arnaud du Tilh était petit, trapu, fourni de corps, ayant la jambe grosse : il n’était ni camus ni voûté ; il avait pourtant au visage les mêmes marques que Martin Guerre.

Le cordonnier qui chaussait Martin Guerre déposa qu’il le chaussait à douze points, et que l’accusé ne se chaussait qu’à neuf. Un autre Témoin dépose que Martin Guerre était habile dans le jeu des armes et à la lutte : l’accusé n’y entendait rien. Jean Espagnol, hôte du lieu de Touges, a déposé que l’accusé se découvrit à lui, et lui dit de ne le pas déceler ; que Martin Guerre lui avait donné tout son bien. Valentin Rougie a aussi déposé que l’accusé, voyant que ce témoin le connaissait pour Arnaud du Tilh, lui fit signe du doigt de ne rien dire. Pelegrin de Liberos a fait la même déposition, et dit que l’accusé lui avait donné deux mouchoirs, à la charge d’en donner un à Jean du Tilh son frère.

Monsieur Coras observe que la Loi qui ne veut pas qu’on ajoute foi à un témoin qui parle par ouï-dire ne comprend pas ceux qui disent avoir ouï-dire aux accusés. Une histoire qui passe par différentes bouches est sujette à être altérée : on la brode, et on l’embellit ; mais le témoin qui l’a puisée dans sa source n’est pas sujet à ces inconvénients.

Deux autres témoins ont déposé qu’un soldat de Rochefort passant par Artigues fut surpris que l’accusé se dît Martin Guerre : il dit tout haut qu’il était un imposteur, que Martin Guerre était en Flandres ; qu’il avait une jambe de bois à la place de celle qui lui avait été emportée d’un coup de boulet devant Saint-Quentin, à la bataille de Saint Laurent.

On employait contre l’accusé le rapport dont on a parlé, qui constate que Sanxi Guerre n’a aucune ressemblance avec lui.

On ajoutait que Martin Guerre était de Biscaye, où le langage Basque qu’on y parle est bien différent du Français et du Gascon. L’accusé ignore le Basque, et n’en sait tout au plus que quelques mots qu’il place de temps en temps par affectation dans son discours.

Plusieurs témoins ont déposé qu’Arnaud du Tilh dès son enfance a eu les plus mauvaises inclinations ; qu’il a depuis été consommé dans le crime, que le larcin lui était familier. C’était un jureur, un renieur de Dieu et un blasphémateur. D’où il s’en suivait qu’il était bien capable de jouer le rôle d’un imposteur, et que l’impudence qu’il témoignait était dans son caractère.

Voilà les sortes de raisons qui découvraient l’imposture. Mais elles étaient obscurcies par les raisons suivantes.

Trente ou quarante témoins affirmaient qu’il était Martin Guerre, et appuyaient leur témoignage, en disant qu’ils avaient eu des liaisons avec lui dès son bas âge ; qu’ils avaient souvent bu et mangé ensemble.

Parmi ces témoins, il fallait considérer les quatre sœurs de Martin Guerre, qui avaient été élevées avec lui, dont la sagesse était dans une très bonne odeur. Elles ont toujours assuré constamment que l’accusé était Martin Guerre leur frère ; les deux beaux-frères de Martin Guerre, mariés chacun à une de ses soeurs, rendaient le même témoignage. Pouvait-on penser que quatre sœurs élevées avec Martin Guerre se trompassent ensemble. Si l’imposteur avait quelque différence, même la moins remarquable, ne l’auraient elles pas saisie ?

Des témoins qui ont assisté aux noces de Martin Guerre et de Bertrande de Rols ont déposé en faveur de 1’accusé. Catherine Boere a dit que sur le minuit elle apporta aux nouveaux mariés la collation qu’on appelle Media noche, ou le réveillon, et que 1’accusé était bien l’époux qu’elle trouva couché avec Bertrande de Rols. La plus grande partie des témoins qui parlèrent en faveur de l’accusé apportent, pour preuve de leurs témoignages, que Martin Guerre avait deux soubredents à la mâchoire de dessus, une goutte de sang extravasé à l’oeil gauche, l’ongle du premier doigt enfoncé, trois verrues à la main droite, une autre au petit doigt : toutes ces marques l’accusé les avait. Par quel jeu la Nature, qui les avait données à Martin Guerre, les aurait-elle imitées si précisément dans une autre personne ?

D’autres témoins ont déposé qu’il y avait partie liée entre Pierre Guerre et ses gendres pour perdre l’accusé ; qu’ils avaient sondé Jean Loze, Consul de Palhos, pour savoir s’il voudrait leur fournir de l’argent pour conduite cette trame à sa fin ; qu’il les avait refusés, en leur disant que Martin Guerre était son parent ; qu’il donnerait plutôt de l’argent pour le sauver que pour le perdre. Ils ajoutent que le bruit commun à Artigues est que Pierre Guerre et sa cabale poursuivent l’accusé contre la volonté de sa femme, et que plusieurs personnes ont souvent ouï dire à Pierre Guerre que l’accusé était Martin Guerre son neveu.

Presque tous les témoins qui ont été ouïs assurent que lorsque l’accusé arriva à Artigues il saluait, et appelait de leurs noms, tous ceux qui étaient de la connaissance et de l’intime familiarité de Martin Guerre ; qu’il rappelait à ceux qui avaient peine à le reconnaître la mémoire des lieux où ils avaient été, des parties de plaisir qu’ils avaient faites, des conversations qu’ils avaient eues depuis dix ans, quinze ans, vingt ans ; comme si toutes ces choses avaient été faites fraîchement : et ce qui est de plus remarquable, c’est qu’il se fit connaître à Bertrande de Rols en lui retraçant des mystères du lit nuptial, et les circonstances des événements les plus secrets ; il lui dit même, après les premières caresses qu’il lui fit, va me chercher ma culotte blanche, doublée de taffetas blanc, que j’ai laissée dans un coffre. Bertrande de Rols est convenue de ce fait, et elle a dit qu’elle trouva la culotte dans le lieu indiqué, où elle ne la savait pas.

Pasquier dit que l’accusé s’attribua une aventure que Martin Guerre avait eue dans une campagne où il était allé avec sa femme. Il n’y avait que deux lits pour Martin Guerre et sa femme, un frère et une sœur, les deux femmes couchèrent ensemble, et les deux hommes dans l’autre lit ; Martin Guerre, pendant le sommeil de son camarade de couche, conduit par l’amour conjugal qui s’irrite des obstacles ainsi qu’un autre amour, alla fort doucement chercher sa femme qu’il trouva éveillée ; il revint à son lit avant le jour : dès cette nuit-là il était devenu père. L’accusé nomma le prêtre qui avait baptisé l’enfant, le parrain et la marraine.

De là il s’ensuit que Martin Guerre seul pouvait avoir ces idées, et qu’il n’y avait que son cerveau qui put être rempli de toutes ces traces ; qu’un autre ne pouvait pas les rassembler en si grand nombre. Qu’on suppose un imposteur, qui n’a connu aucune personne dans un lieu où il voudra représenter un homme qui y aura demeuré ; qui y aura eu une infinité de liaisons, où il aura joué pendant l’espace de plusieurs années bien des scènes, qui se sera communiqué à des parents, des amis, des gens indifférents, des gens de toute espèce ; qui aura une femme, c’est-à-dire une personne sous les yeux de laquelle il est plus des deux tiers de la vie, une personne qui l’étudie continuellement, avec qui il multiplie les conversations à l’infini sur tous les tons imaginables. Comment cet imposteur pourra-t-il tenir son rôle devant tous ces gens-là, sans que sa mémoire soit jamais en défaut ?

Disons plutôt, comment aura-t-il pu mettre dans sa mémoire tant d’espèces ? En supposant qu’il les y ait pu mettre, comment se réveilleront-elles quand il le faudra à point nommé ? Et pour les y pouvoir mettre, combien de conversations a-t-il dû avoir avec celui dont il veut jouer le rôle ? Celui-ci peut-il jamais lui tout dire, lui tout développer ? Il faut donc supposer, pour que le véritable Martin Guerre ait eu cette complaisance, qu’il s’est accordé avec le faux, dont il a voulu être supplanté. De l’impossibilité morale, et même physique à un imposteur de si bien jouer son rôle, il s’ensuit que l’accusé est le véritable Martin Guerre.

Il faut encore observer qu’il résulte du rapport de la ressemblance entre l’accusé et les sœurs de Martin Guerre, qu’il ne peut pas y en avoir une plus parfaite entre leurs airs et leurs traits de visage. Ceux qui ont fait le rapport disent que deux œufs ne sont pas plus semblables.

La conduite de Bertrande de Rols, femme de Martin Guerre

Ce qui ne doit pas laisser le moindre doute, et mettre dans tout son jour la fraude et la calomnie qui ont été machinées contre l’Accusé, c’est la conduite que Bertrande de Rols a tenue avec lui dans ce procès. Quand elle lui fut confrontée, l’accusé l’interpella par la religion du serment de le reconnaître, il la fit juge de sa cause, il lui dit qu’il se soumettait à une peine capitale, si elle jurait qu’il ne fût pas Martin Guerre : l’imposture se serait-elle soumise à une pareille épreuve ? Il n’y avait que l’assurance que donne la vérité qui pût obliger l’accusé à se livrer ainsi à celle qui le poursuivait. Que répondit-elle ? qu’elle ne voulait ni jurer, ni le croire. N’était-ce pas comme si elle disait, quoique je ne puisse pas trahir la vérité qui me condamne et qui parle pour vous, je ne veux pourtant point la reconnaître dans le temps même qu’elle m’échappe malgré moi ; parce que j’ai fait trop de progrès pour retourner en arrière.

Voyons la conduite qu’elle a tenue avec l’accusé avant le procès. Elle a vécu trois ou quatre ans avec lui sans se plaindre : elle s’est livrée à lui comme une femme à son mari, et a vécu tout ce temps là avec lui sous les douces lois du mariage. Est-ce que l’accusé a un rapport si parfait avec Martin Guerre, qu’il n’y ait pas la moindre différence que sa femme ait pu apercevoir ? La nature s’est-elle tellement attachée à les faire ressembler, qu’elle ait voulu que la femme de Martin Guerre ne pût reconnaître l’erreur ? Dans un corps si semblable a-t-elle voulu loger une âme du même caractère ? Car Bertrande de Rols ne cite là-dessus aucune différence. Quand quelqu’un lui disait que l’accusé n’était pas Martin Guerre, ne le démentait-elle pas en prenant un ton aigre et choquant ? Ne lui a-t-on pas ouï dire qu’elle le reconnaissait mieux que personne, et qu’elle ferait mourir ceux qui diraient le contraire ? Et pour faire voir qu’il n’était pas possible que l’accusé ne fût Martin Guerre, ne disait-elle pas que c’était lui, ou un Diable en sa peau ?

Combien de fois s’est-elle plainte de Pierre Guerre et de sa femme, qui est sa mère, parce qu’ils voulaient l’obliger à poursuivre l’accusé comme un imposteur ? Ils la menaçaient même de la chasser de sa maison, si elle ne prenait ce parti. Il est évident qu’elle est à présent séduite et esclave de la passion de Pierre Guerre et de sa mère.

On rapporte que l’accusé ayant été constitué prisonnier pour une autre affaire, de l’autorité du Sénéchal de Toulouse, à la requête de Jean d’Escornebeuf le cadet, et Pierre Guerre étant sa secrète partie adverse, on lui soutint qu’il n’était pas Martin Guerre. Bertrande de Rols se plaignit de ce que Pierre Guerre et sa femme la sollicitait continuellement de faire un procès à l’accusé sur son nom et sur son état, afin de le faire condamner à une peine capitale.

Quand il fut élargi en vertu du jugement du Sénéchal qui prononça entre les parties un appointement de contrariété, Bertrande de Rols le reçut avec des démonstrations de joie, le caressa, lui donna une chemise blanche, s’abaissa jusqu’à lui laver les pieds. Après qu’elle lui eut rendu ce service, il usa de tous les privilèges de mari. Cependant dès le lendemain Pierre Guerre, comme procureur de Bertrande de Rols, accompagné de ses gendres, eut l’inhumanité de le faire conduire en prison. Il est certain que la procuration qu’il alléguait ne fut passée que fort tard sur le soir. Qui ne voit que Bertrande de Rols n’eut pas la force de résister à l’ascendant tyrannique que Pierre Guerre avait pris sur elle ? Ce qui confirme cette vérité, c’est qu’elle envoya à l’accusé, prisonnier, de l’argent pour sa nourriture et un habit.

Il s’ensuit évidemment que, puisque Bertrande de Rols l’a connu pendant un long temps pour son mari, et qu’à présent on fait violence à ses sentiments et à ses lumières, il est incontestablement Martin Guerre. Si un ancien a dit qu’il n’appartenait qu’à un mari de bien connaître sa femme, par la même raison on peut dire qu’il n’appartient qu’à une femme de bien connaître son mari.

Bilan de la seconde instruction

Après tant de raisons convaincantes, la Cour n’était elle pas obligée de reconnaître l’accusé pour Martin Guerre, puisque dans le doute même elle devait prendre ce parti qui favorisait le mariage, et l’état de l’enfant qui en était issu ? Suivant la loi civile et les interprètes, quand bien même on ne considérerait que l’accusé, on se déterminerait toujours à ce jugement ; parce qu’il vaut mieux dans le doute s’exposer à laisser un coupable impuni qu’à perdre un innocent.

Il ne sert de rien d’alléguer que si l’accusé a plusieurs témoins qui déposent en sa faveur, il y en a encore un plus grand nombre qui déposent contre lui ; parce que les dépositions de ceux qui se déclarent pour lui doivent prévaloir, étant plus vraisemblables, et étant en outre en faveur du mariage et de l’état des enfants. C’est une règle constante, qu’on ajoute plus de foi à deux témoins qui affirment qu’à mille témoins qui nient. Aristote, dans son troisième livre de métaphysique, en rapporte la raison : celui, dit-il, qui affirme a une raison de créance plus certaine que celui qui nie. II faut ajouter que ce qui fait prévaloir une affirmation, c’est qu’elle est précise et circonstanciée ; au lieu qu’une dénégation est vague et indéfinie.

A l’égard du témoignage de Carbon Barreau et des autres, qui ont rapporté des faits particuliers et spécieux, ils ont été valablement reprochés, et les objets bien prouvés. Le langage du soldat qu’on rapporte n’est d’aucune considération, puisqu’il n’a point été ouï : ce n’est donc qu’un ouï dire qui ne fait aucun foi en justice.

Quant aux signalements de Martin Guerre qu’on oppose, ils se trouvent dans l’accusé, si on excepte sa grosseur qu’on dénie à Martin Guerre, et la hauteur de la taille qu’on attribue à celui-ci. Il n’est pas étrange que Martin Guerre, qui était grêle et menu, si l’on veut, étant extrêmement jeune, après une si longue absence paraisse plus gros et plus fourni. Combien d’exemples pareils pourrait-on citer ? Un homme qui devient gros semble aux yeux être devenu plus petit. La dissemblance de Sanxi Guerre avec l’accusé ne prouve rien. Combien de fils qui n’ont aucun rapport avec leur père ? Sa ressemblance avec ses sœurs est d’un plus grand poids, puisque c’est une ressemblance de personnes à peu près de même âge, parvenus dans un état où la nature ne fait plus de changement.

On ne doit faire aucun fonds sur ce qu’on allègue, que l’accusé ne parle point le Basque, qui est le langage du lieu de sa naissance. N’apprend-on pas, par les enquêtes qui ont été faites, que Martin Guerre est sorti de son pays à l’âge de deux ans, ou environ ?

Le caractère de libertin et de débauché qu’on donne à Arnaud du Tilh n’est pas un argument contre l’accusé, puisqu’on démontre qu’il est Martin Guerre. On ne l’a point accusé de débauche, ni de libertinage, dans les trois ou quatre années qu’il a vécu avec Bertrande de Rols. Ces plaidoyers pour et contre sont ceux que fit Monsieur Coras pour éclaircir la vérité, lorsqu’il rapporta le procès, si on excepte le style, et la manière de rendre les moyens. Voici ce qu’il répliqua contre l’accusé.

Les témoins qui déposent contre lui nient en affirmant ; puisqu’en disant qu’il n’est pas Martin Guerre, ils affirment qu’il est Arnaud du Tilh. Ainsi la règle n’a ici aucune application. D’ailleurs une dénégation qui est restreinte par les circonstances du temps, du lieu et des personnes, cesse d’être vague, et elle a autant de force qu’une affirmation.

A l’égard des marques et cicatrices qu’on voit dans l’accusé, et qu’on a reconnues dans Martin Guerre, ce fait n’est point prouvé par plusieurs témoins qui s’accordent ; mais chaque marque a un témoin singulier qui assure l’avoir vue dans Martin Guerre. C’est une règle, que mille témoins singuliers ne font aucune preuve ; on excepte l’usure, la concussion. Quant aux soubredents et aux traits et linéaments du visage, qu’on dit être les mêmes dans Martin Guerre que dans l’accusé, combien l’histoire cite-t-elle de ces sortes de ressemblances ? Sura, étant proconsul en Sicile, y rencontra un pauvre pêcheur qui avait précisément les mêmes traits de visage, et la même taille en grosseur et grandeur que lui ; les mêmes gestes que Sura avait accoutumé de faire étaient familiers à ce pêcheur ; il avait la même contenance, et ouvrait comme lui d’une façon particulière la bouche en riant et en parlant. Ils étaient tous deux bègues : ce qui donna lieu à Sura de dire qu’il était surpris d’une si parfaite ressemblance, puisque son père n’avait jamais été en Sicile. « Que votre surprise cesse, lui dit le pêcheur, ma mère a été plusieurs fois à Rome ». Pline rapporte ce fait (livre VII, chap. XXIII) ; et Valère, cuisinier du grand Pompée, ne lui ressemblait-il pas parfaitement ? Combien d’autres exemples ne pourrait-on pas alléguer ? Si la ressemblance était un argument invincible, tant de célèbres imposteurs, qui ont voulu s’en prévaloir, n’auraient jamais été confondus.

On ne doit point se laisser imposer par tous les traits qu’a rapportés l’accusé dans ses conversations. Il a, dit-on, dans le cerveau précisément les mêmes traces que doit avoir Martin Guerre, il connaît les mêmes personnes, il rappelle exactement les époques, les circonstances des événements qu’a eus celui qu’il représente. C’est un habile comédien, qui n’est monté sur le théâtre pour y jouer son rôle qu’après l’avoir bien étudié : c’est un fourbe ingénieux qui a bien ourdi sa trame, qui a eu l’art d’habiller le mensonge des vêtements de la vérité, et qui couvre du voile de l’impudence les méprises qu’il fait, et empêche par là qu’elles ne fassent leur impression. Monsieur Coras allègue qu’Arnaud du Tilh était soupçonné de magie, et il insinue que par cette voie il avait acquis les connaissances qu’il faisait valoir. Cette raison, qui pouvait faire quelque effet dans ce temps là, n’en ferait point à présent.

L’accusé ne doit tirer aucun avantage du refus que Bertrande de Rols a fait de jurer qu’il n’était pas Martin Guerre. Un serment en matière criminelle n’étant pas une preuve, le refus n’en doit pas faire une contraire. Il y a d’ailleurs des personnes timides, superstitieuses, qui, effrayées par les impressions que leur inspire le serment, ne veulent pas même jurer pour la vérité.

Il ne faut point s’arrêter à l’erreur où a été Bertrande de Rols pendant plus de trois ans, et à la répugnance qu’elle a pu avoir de poursuivre l’imposteur, et aux démarches qu’elle a faites qui ont démenti son accusation. Cette conduite est le tableau d’une personne timide, incapable de prendre une résolution violente, et qui étant d’un caractère plein de bonté ne saurait se déterminer à tramer la perte de quelqu’un, particulièrement d’une personne avec qui elle n’a rien eu de réservé, et qu’elle a regardée comme un autre elle-même. Quand on est de ce naturel bon et craintif, on souffre si l’on est poussé à poursuivre une vengeance qui a pour objet une peine capitale, on a le cœur déchiré ; on se repent de s’être engagé si avant, on tâche de retourner en arrière, et si l’on revient sur ses pas on recule encore. Tel est l’état de Bertrande de Rols, qui a plus d’humanité pour un imposteur que d’indignation contre lui.

Tels étaient les moyens de l’accusé et des accusateurs, et telles étaient leurs réponses et leurs répliques, mises en oeuvre par Monsieur Coras. Dans ce conflit de raisons qui révélaient et obscurcissaient la vérité, et n’en laissaient voir que des éclairs auxquels les ténèbres succédaient, la cause de l’accusé allait prévaloir, en faveur du mariage et de l’état de l’enfant.

Le retour de Martin Guerre

Mais voici le véritable Martin Guerre qui se présente, comme s’il fût descendu du Ciel dans une machine. Monsieur Coras dit que son retour fut un miracle de la Providence, qui ne voulut pas permettre le triomphe de l’imposteur. Il vient, dit-il, d’Espagne, il a une jambe de bois, comme l’avait raconté un soldat, suivant la déposition d’un témoin. Il présente sa requête à la Cour, il fait l’histoire de l’imposteur, il demande à être interrogé. La Cour ordonne qu’il sera arrêté, qu’il subira l’interrogatoire, et qu’il sera confronté à l’accusé, à Bertrande de Rols, à ses sœurs et aux principaux témoins qui ont affirmé opiniâtrement que l’accusé était Martin Guerre.

Il est interrogé sur les mêmes faits qu’on avait demandés à l’accusé : il donne les marques, les enseignes auxquelles on peut le reconnaître ; mais les indices qu’il administre ne sont pas si certains, ni en si grand nombre que ceux que l’accusé à fournis. On les confronte ensemble ; Arnaud du Tilh, qui a armé son front de l’effronterie même, traite Martin Guerre d’imposteur, de maraud, d’homme aposté par Pierre Guerre ; et déclare en élevant sa voix qu’il consent à être pendu, s’il ne prouve pas la fourberie et la machination, et ne couvre pas de confusion ses ennemis. Et sur le ton sur lequel il a commencé, il interroge Martin Guerre sur plusieurs faits passés dans sa maison qu’il devait savoir. Martin Guerre ne répond point avec la même fermeté et la même assurance qu’avait répondu Arnaud du Tilh. De sorte qu’on pouvait dire que le tableau que présentait l’imposteur était plus ressemblant à la vérité, que celui qu’en offrait la vérité elle-même.

Les commissaires, ayant fait retirer Arnaud du Tilh, interrogèrent Martin Guerre sur plusieurs faits secrets et particuliers qu’il devait savoir, et sur lesquels ni l’un ni l’autre n’avaient pas été encore interrogés. On vérifia que Martin Guerre avait répondu juste. On interrogea ensuite en particulier Arnaud du Tilh : il répondit sur dix ou douze demandes qu’on lui fit avec la même justesse ; ce qui le fit soupçonner de magie, dit Monsieur Coras, suivant l’opinion qu’on en avait à Artigues et dans les lieux circonvoisins.

La Cour, pour s’éclaircir parfaitement de la vérité, et dissiper jusqu’au moindre nuage, ordonna que les quatre sœurs de Martin Guerre, chaque mari de chacune des deux sœurs, Pierre Guerre, les frères d’Arnaud du Tilh, et les principaux témoins qui s’étaient obstinés à le reconnaître pour Martin Guerre, comparaîtraient pour choisir entre les deux le véritable. Tous se présentèrent, excepté les frères d’Arnaud du Tilh, que les injonctions de la Cour et les peines dont ils furent menacés ne furent point obliger de venir. La Cour jugea qu’il y aurait de l’inhumanité à les contraindre à déposer contre leur frère ; leur refus de comparaître déposait d’ailleurs contre lui.

La sœur aînée vint la première, et après s’être arrêtée un instant à considérer Martin Guerre, elle le reconnut et l’embrassa en pleurant ; et s’adressant aux Commissaires : voici, leur dit-elle, mon frère Martin Guerre : j’avoue l’erreur où ce traître abominable, poursuivit-elle en montrant Arnaud du Tilh, m’a jetée et entretenue pendant si longtemps, aussi bien que tous les habitants d’Artigues. Martin Guerre mêla ses larmes avec celles de sa sœur en recevant ses embrassements.

Les autres le reconnurent de même, aussi bien que les témoins qui avaient été les plus obstinés à reconnaître Arnaud du Tilh pour Martin Guerre.

Après toutes ces reconnaissances, on appela Bertrande de Rols, qui n’eut pas plutôt jeté les yeux sur Martin Guerre, que toute éplorée et fondant en larmes, tremblante comme une feuille agitée par le vent, pour me servir de la comparaison de Monsieur Coras, elle accourut l’embrasser, lui demandant pardon de la faute qu’elle avait faite en se laissant séduire et abuser par les artifices et les impostures d’un misérable. Elle fit alors pour se justifier un petit plaidoyer que la nature ennemie de l’art lui suggéra. Elle dit qu’elle avoir été entraînée par ses belles-sœurs trop crédules, qui avaient reconnu que l’imposteur était son mari ; que la grande passion qu’elle avait de le revoir aida à la tromper ; qu’elle avait été confirmée dans son erreur par les indice que ce traître lui avait donnés, et par des récits de faits si particuliers qu’ils ne pouvaient être connus que de son véritable mari ; que dès qu’elle avait ouvert les yeux, elle avait souhaité que l’horreur de la mort cachât l’horreur de sa faute, et que, si la crainte de Dieu ne l’eût retenue, elle n’aurait pas hésité à se tuer elle-même ; que ne pouvant soutenir l’affreuse idée d’avoir perdu son honneur et la réputation d’être chaste, elle avait eu recours à la vengeance, et avait mis l’imposteur entre les mains de la Justice, et l’avait poursuivi si vivement qu’elle l’avait fait condamner par le premier Juge à perdre la tête, et son corps après sa mort à être mis en quatre quartiers ; que son ardeur à le poursuivre n’avait point été ralentie, après qu’il eut interjeté appel de la sentence. L’air touchant dont parlait Bertrande de Rols, ses larmes et sa beauté étaient bien plus éloquents que son plaidoyer : l’expression de sa douleur, répandue sur son visage consterné, plaida merveilleusement pour elle.

Le seul Martin Guerre, qui avait été si sensible aux témoignages d’amitié de ses sœurs, parut insensible à ceux de sa femme ; et après l’avoir écoutée sans l’interrompre, il la regarda d’un air farouche, et, prenant un maintien sévère, il lui dit d’un ton méprisant : cessez de pleurer, je ne puis et ne dois point me laisser émouvoir par vos larmes : c’est en vain que vous cherchez à vous excuser par l’exemple de mes sœurs et de mon oncle. Une femme a plus de discernement pour connaître un mari, qu’un père, une mère et tous ses parents les plus proches ; et elle ne se trompe que parce qu’elle aime son erreur. Vous êtes la seule cause du désastre de ma maison ; je ne l’imputerai jamais qu’à vous.

Les Commissaires alors s’efforcèrent de persuader Martin Guerre de l’innocence de Bertrande de Rols, confondue par les foudroyantes paroles de son mari ; mais ils ne purent amollir son cœur, ni fléchir sa sévérité ; le temps seul lui fit changer de sentiment.

Monsieur Coras ne dit point quelle contenance tint Arnaud du Tilh, présent à toutes ces reconnaissances. Il y a apparence qu’il ne se déconcerta point : s’il se fût troublé, Monsieur Coras n’aurait pas oublié cette circonstance. Arnaud du Tilh était un de ces scélérats déterminés, qui bravent la foudre dans le temps qu’elle les écrase. Mais les grands motifs de la Religion l’ébranlèrent, lorsqu’il fut à la veille de subir le dernier supplice. L’imposture n’eut plus aucun retranchement où elle pût se réfugier, et fût entièrement démasquée ; et la vérité se leva sur l’horizon de la Justice avec un grand éclat.

La condamnation d’Arnaud du Tilh

La Cour, après une mûre délibération, prononça l’Arrêt qui suit.

Vu le procès fait par le Juge de Rieux à Arnaud du Tilh, dit Pansette, soi disant Martin Guerre, prisonnier à la Conciergerie, appelant dudit Juge, etc.

Dit a été que la Cour a mis et met l’appellation dudit du Tilh, et ce dont a été appelé, au néant ;

Et pour punition et réparation de l’imposture, fausseté, supposition de nom et de personne, adultère, rapt, sacrilège, plagiat, larcin et autres cas par ledit du Tilh commis, résultants dudit procès :

La Cour l’a condamné et condamne à faire amende honorable au devant de l’Église du lieu d’Artigues, et icelui à genoux, en chemise, tête et pieds nus, ayant la hart au col, et tenant en ses mains une torche de cire ardente, demandant pardon à Dieu, au Roi et à la Justice, auxdits Martin Guerre et Bertrande de Rols mariés ; et ce fait sera ledit du Tilh délivré ès mains de l’Exécuteur de la haute Justice, qui lui fera faire les tours par les rues et carrefours accoutumés dudit lieu d’Artigues ; et la hart au col, l’amènera au devant de la maison dudit Martin Guerre, pour icelui, en une potence qui à ces fins y sera dressée, être pendu et étranglé, et après son corps brûlé.

Et pour certaines causes et considérations à ce mouvant la Cour, celle-ci a adjugé et adjuge les biens dudit du Tilh à la fille procréée de ses œuvres et de ladite de Rols, sous prétexte de mariage par lui faussement prétendu, supposant le nom et personne dudit Martin Guerre, et par ce moyen décevant ladite de Rols ; distraits les frais de Justice ;

et en outre a mis et met hors de procès et instance lesdits Martin Guerre et Bertrande de Rols ; ensemble ledit Pierre Guerre oncle dudit Martin ;

et a renvoyé et renvoie ledit Arnaud du Tilh audit Juge de Rieux, pour faire mettre le présent Arrêt à exécution selon sa forme et teneur.

Prononcé judiciellement le 12ème jour de Septembre 1560.

Monsieur Coras observe que la sentence du Juge de Rieux fut infirmée dans la peine qu’il avait ordonnée ; parce que la décapitation, à laquelle il avait condamné Arnaud du Tilh, est la peine des criminels nobles. Un larcin, une trahison insigne qui mériteraient une peine capitale, commis par une personne d’une extraction noble, seraient pourtant punis du supplice de la potence : mais le gibet serait plus haut et plus élevé qu’il ne l’est d’ordinaire. Monsieur Coras cite là-dessus Balde.

Arnaud du Tilh a été condamné pour avoir commis sept grands crimes : fausseté de nom, supposition de personne, adultère, rapt, sacrilège, larcin, plagiat (ce dernier crime est celui qu’on commet en retenant une personne qui est en puissance d’autrui ; on est encore coupable de ce crime, suivant le droit civil, lorsqu’on dispose d’une personne libre, en la vendant, ou l’achetant comme un esclave).

Il faut remarquer la disposition de cet Arrêt, qui adjuge les biens d’Arnaud du Tilh à la fille qu’il a eue de Bertrande de Rols, à cause de la bonne foi de la mère. Cet Arrêt est conforme à un Arrêt du 5 mars 1547, rapporté par Chopin. Voici l’espèce : Un homme marié épousa une seconde femme qui ignorait ce mariage ; l’arrêt adjugea la succession du père à leurs enfants.

« Met hors de procès et d’instance Martin Guerre et Bertrande de Rols ». Monsieur Coras nous apprend dans ces termes « que les plus grandes difficultés du procès, auxquelles la Cour travailla le plus, furent si Martin Guerre et Bertrande de Rols étaient en voie de condamnation ». Martin Guerre paraissait coupable, parce qu’en abandonnant sa femme il était la cause du désordre qui était arrivé ; mais son plus grand crime était d’avoir porté les armes contre son Prince à la bataille de saint Laurent, où il avait eu une jambe emportée d’un coup de canon. M. Coras dit que la Cour considéra qu’il y avait eu plus de légèreté que de malice dans la conduite de Martin Guerre ; que, s’il avait donné l’occasion de l’adultère qu’avait commis Bertrande de Rols, c’était une occasion éloignée ; qu’il ne pouvait par conséquent être coupable au tribunal des hommes ; qu’il n’avait pas eu un dessein formel de porter les armes contre son Prince ; qu’étant allé en Espagne, il avait été laquais du Cardinal de Burgos, et puis du frère de ce Cardinal, qui l’avait emmené en Flandres ; qu’il avait été obligé de suivre son maître à la bataille de saint Laurent, où il avait combattu malgré lui, ne pouvant pas se dérober aux yeux de son maître ; que d’ailleurs il avait, par la perte d’une jambe, expié la peine de ce crime qu’on lui imputait.

À l’égard de Bertrande de Rols, elle paraissait plus coupable que Martin Guerre. Pouvait-on comprendre qu’elle eût pu être abusée par l’imposteur, si elle n’eût pas voulu l’être, et si l’erreur n’eût pas eu pour elle des attraits ? Une femme à qui un mari s’est livré si longtemps n’en saisit-elle pas des traits distinctifs, que le plus habile imposteur ne peut jamais avoir ? Quand la nature se serait mise en frais de la ressemblance la plus parfaite, ne laisse-t-elle pas toujours, dans la copie qu’elle semble faire, des différences imperceptibles à tout le monde, à la vérité ; mais non pas à une épouse ? Ce qui prouve que l’erreur avait de grandes charmes pour elle, c’est que pendant plus de trois ans on a travaillé en vain à lui dessiller les yeux. Cependant la grande opinion qu’on avait de sa sagesse, et son excuse, soutenue de l’exemple des sœurs de Martin Guerre, et de tant de personnes abusées de la même erreur ; la ressemblance frappante de l’imposteur avec celui qu’il représentait ; les indices qu’il donnait, jusqu’à rapporter les circonstances les plus mystérieuses, les époques les plus précises des événements qui n’avaient été confiés qu’au Dieu Hymen ; la crainte qu’elle avait de se déshonorer si elle poursuivait l’imposteur, et de succomber dans l’accusation, n’étant pas certaine de son erreur ; toutes ces raisons, jointes à la règle qui veut que dans le doute l’innocence se présume, firent pencher la Cour en faveur de Bertrande de Rols.

« Et a renvoyé et renvoie ledit du Tilh audit Juge de Rieux, pour faire mettre ce présent Arrêt à exécution selon sa forme et teneur ». M. Coras remarque qu’il était convenable de renvoyer l’exécution de l’arrêt au Juge de Rieux, lequel avait tout mis en usage pour rechercher la vérité et rendre une bonne justice. Il ajoute qu’il est de la dignité des Cours souveraines de maintenir et conserver l’autorité des Juges inférieurs, et que le Bien public exige qu’elles les fassent révérer ; que les Lois le leur commandent. Je dirai que leur propre intérêt les y engage ; parce que les juges subalternes sont l’image des juges supérieurs. Une autre raison qui les oblige à renvoyer l’exécution des jugements par devant les juges inférieurs, c’est que les crimes ayant été commis.


dans le ressort de ces derniers, il est important pour le Bien public que l’exemple de la punition du crime se fasse dans le lieu où il a été commis, afin d’y imprimer la crainte de la Justice.

Les aveux d’Arnaud du Tilh

Pour mettre l’arrêt en exécution, Arnaud du Tilh fut ramené à Artigues ; il fut ouï dans la prison par le Juge de Rieux : il confessa fort au long son imposture, le 16 septembre 1560. Il avoua qu’il s’était déterminé à commettre ce crime, parce qu’étant de retour du camp de Picardie, quelques amis intimes de Martin Guerre le prirent pour lui. Il s’informa d’eux de l’état de Martin Guerre, de ce qui concernait son père, sa femme, ses sœurs, son oncle et ses autres parents ; de ce qu’il avait fait avant qu’il quittât le pays. Ces nouvelles lumières, se réunissant à celles qu’il avait acquises dans les conversations qu’il avait eues avec Martin Guerre, le mirent parfaitement en état de faire face à tous ceux qui voulurent l’éprouver. Il nia de s’être servi de charmes, d’enchantement, et d’aucune espèce de magie. Il confessa encore divers autres crimes ; et il persista dans sa confession toutes les fois qu’il fut interrogé là-dessus.

Étant au pied de la potence dressée devant la maison de Martin Guerre, il lui demanda pardon et à sa femme, il parut pénétré d’une vive douleur et d’un repentir amer et douloureux, et il implora toujours la miséricorde de Dieu par son Fils Jésus-Christ, jusqu’à ce qu’il fût exécuté : son corps ensuite fut brûlé.

 

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19 août 2013

TRAITE DES PYRENEES

7

FRANCE et ESPAGNE

TRAITE DES PYRENEES       I

 

Traité pour déterminer la frontière depuis l'embouchure de la Bidassoa jusqu'au point où confinent le Département des Basses-Pyrénées, l'Aragon et la Navarre. Signé à Bayonne le 2 décembre 1856

Convention additionnelle au Traité susmentionné. Signée à Bayonne le 28 décembre 1858

Textes authentiques : français et espagnol.

Classés et inscrits au répertoire à la demande de la France le 3l juillet'

________________________________________

Ceux de ces propriétaires qui laisseraient passer le délai qui vient d'être fixé sans demander leurs titres seront censés renoncer aux droits que leur donnent les stipulations du présent Traité.

Art. 20. La navigation dans tout le cours de la Bidassoa, depuis Chapite- lacoarria jusqu'à son embouchure dans la mer, sera entièrement libre pour les sujets des deux Pays, et ne pourra, sous le rapport du commerce, être interdite à personne, tout en exigeant cependant la soumission aux règlements en vigueur dans les lieux où les opérations commerciales seront faites.

Art. 21. Les habitants de la rive droite, comme les habitants de la rive gauche, pourront librement passer et naviguer, avec toute sorte d'embarcations à quille ou sans quille, sur la rivière, à son embouchure et dans la rade du Figuier.

Art. 22. Ils pourront également, les uns et les autres, et en se servant de toute espèce d'embarcations, pêcher avec des filets ou de toute autre manière, dans la rivière, à son embouchure et dans la rade, mais en se conformant aux règlements qui seront établis d'un commun accord et avec l'approbation des

Autorités supérieures entre les délégués des municipalités des deux rives, dans le but de prévenir la destruction du poisson dans la rivière et de donner aux frontaliers respectifs des droits identiques et des garanties pour le maintien du bon ordre et de leurs bonnes relations.

Art. 23. Tout barrage quelconque fixe ou mobile, qui serait de nature à gêner la navigation dans la Bidassoa, est interdit dans le cours principal de la rivière où se trouve la limite des deux Pays.La nasse qui existe aujourd'hui en amont du pont de Béhobie, sera enlevée au moment où le présent Traité sera mis à exécution.

Art. 24. Le Gouvernement de S. M. Impériale s'engage à faire remettre à la municipalité de Fontarabie qui jouit de la nasse dont il est question dans l'article précédent, une somme, une fois payée, représentant, à cinq pour cent d'intérêt, le capital du prix moyen qui lui a été payé pendant les dix dernières années pour le fermage de cette nasse. Le payement de ce capital précédera l'enlèvement du barrage de la nasse prescrit par l'article précédent : cet enlèvement devra avoir lieu immédiatement après le payement effectué.

Art. 25. Toute embarcation naviguant, passant ou péchant dans la Bidassoa, demeurera soumise exclusivement à lajuridiction du Pays auquel elle appartiendra,et ce ne sera que sur les îles et sur le territoire ferme, soumis à leur juridiction, que les Autorités de chaque Etat pourront poursuivre les délits de fraude, de contravention aux règlements ou de toute autre nature que commettraient les habitants de l'autre Pays; mais pour prévenir les abus et les difficultés qui pourraient résulter de l'application de cette clause, il est convenu que toute embarcation touchant à l'une des rives, y étant amarrée ou s'en trouvant assez rapprochée pour qu'il soit possible d'y entrer directement du rivage, sera considérée comme se trouvant déjà sur le territoire du Pays auquel appartient cette rive.

Art. 26. Le pont de Béhobie, sur la Bidassoa, construit moitié par la France et moitié par l'Espagne, appartient aux deux Puissances, et chacune d'elles restera chargée de l'entretien de la moitié qui lui appartient.Il sera placé aux deux extrémités de la ligne où se rejoignent les travaux exécutés de part et d'autre, un poteau aux armes des deux Nations pour indiquer la limite de chacune des Souverainetés.

Vol, 1142, 11-838324______United Nations — Treaty Series • Nations Unies — Recueil des Traités 1979

Art. 27. L'île des Faisans, connue aussi sous le nom d'île de la Conférence, à laquelle se rattachent tant de souvenirs historiques communs aux deux Nations, appartiendra, par indivis, à la France et à l'Espagne.Les autorités respectives de la frontière s'entendront pour la répression de tout délit qui serait commis sur le sol de cette île.Les deux Gouvernements prendront, d'un commun accord, toutes les

mesures qui leur paraîtront convenables pour préserver cette île de la destruction qui la menace, et pour l'exécution, à frais communs, des travaux qu'ils jugeront utiles à sa conservation ou à son embellissement.

Art. 28. Les Traités, les Conventions et les Sentences arbitrales, ayant rapport à l'abornement de la frontière comprise entre le sommet d'Analarra et l'embouchure de la Bidassoa, sont annulés de fait et de droit dans tout ce qui est contraire aux clauses stipulées dans les articles précédents, à dater du jour où le

présent Traité sera mis à exécution.

Art. 29 et dernier. Le présent Traité sera ratifié le plus tôt possible par LL. MM. l'Empereur des Français et la Reine des Espagnes, et les ratifications en seront échangées à Paris, dans le délai d'un mois, ou plus tôt, si faire se peut.Il sera mis à exécution quinze jours après la clôture des procès-verbaux qui, en vertu de ce qui a été convenu dans l'article 10, constateront la pose des bornes et des signaux de reconnaissance dont l'établissement aura été jugé nécessaire pour déterminer la frontière avec précision, et pour relier ensemble les sommets et les cours d'eau dont le Traité fait mention, comme formant les points principaux

de la ligne divisoire entre les deux Etats.EN FOI DE QUOI les Plénipotentiaires respectifs ont signé le présent Traité, fait en double à Bayonne le 2 décembre 1856 et y ont apposé le sceau de leurs

armes

1 Signé par Baron Gros — .2 par Général Callier — •' Signé par Francisco M, Marin —

4 Signé par Manuel de Monteverde —

Vol. 1142,11-83

On a vu qu'une fois de plus les Hendayais ne recueillirent de ce traité d'autres avantages que le souvenir des fastes historiques qui se déroulèrent sur leur territoire et qu'ils durent attendre vingt ans encore la reconnaissance du droit de libre navigation sur la Bidassoa.

ll aura fallu attendre les traités de Bayonne en 1856 - 1858

pour que la paix entre Hendaye et Fontarrabie soit définitive

soit pendant 653 ans

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19 août 2013

URTUBIE

7

URTUBIE    I

 les Tartas d'Urtubie

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C'est en 1341 que Martin de Tartas reçoit du roi d'Angleterre, l'autorisation de construire un château de pierres avec murailles et fossés, parce qu'il n'en existe pas d'autre à trois lieues de là.

Les lettres patentes en faveur de Martin de Tartas, Seigneur d'Urtubie, sont signées par le roi Édouard III d'Angleterre à Westminster, le 4 mai 1341.

Mais Martin mourut tragiquement à Bayonne en 1343, sans postérité, et c'est son frère Auger de Tartas qui achève la construction d'Urtubie.

Il prête serment de fidélité et hommage féodal à Edouard III au Palais de l'Archevêché de Bordeaux.

Après lui, la propriété passe à son fils Adam, capitaine des gardes de l'Infant Don Carlos, héritier du trône de Navarre, puis, en 1377, à son petit-fils, Pierre Arnaud et ensuite à son arrière-petit-fils, Esteban d'Urtubie, qui meurt sans postérité en 1437

.XVe siècle : les Sault et les Montréal

C'est la fille du frère d'Esteban, Domilia Martinez d'Urtubie qui hérita du château.

Elle avait épousé vers 1415, Saubat de Sault. 1609

Après elle, la seigneurie d'Urtubie, avec le château, passe à son fils Jean de Sault, qui épousa vers 1445, Maria Tereza de Lazcano, dont il eut une fille, Marie, héritière de Sault et d'Urtubie.1789. Abolition du Biltzar du Labourd dans le cadre de la construction de l’état-nation. Simon Amespil maire-abbé de Hendaye sera le dernier représentant hendayais dans la dernière réunion de cette institution abolie en 1790 quand l’Assemblée Nationale approuve la division de la France en 83 départements, dont celui qui réunit le Labourd, La Basse Navarre et la Soule avec le Béarn.

En 1448, Jean de Sault alla combattre les Gamboa, en Guipuzcoa, avec le seigneur de Lazcano, son beau-père, qui était le chef du parti des "onazinos".

Peu de temps après, Jean de Sault mourut et sa veuve, Maria-Tereza se remaria en 1456 avec Jean de Montréal, conseiller du roi d'Aragon et trésorier général de Navarre, veuf de Dona Maria de Larraya.

Jean de Montréal passa dans le camp de l'infant Don Carlos, qui le nomma son conseiller, ce qui entraîna la confiscation de ses biens espagnols au profit d'un gentilhomme navarrais.

La guerre se poursuivit jusqu'à ce qu'un pacte fût signé le 23 janvier 1460 : Jean de Montréal fut réintégré dans ses biens et dignités, et il s'installa à Urtubie auprès de sa femme, Maria-Tereza de Lazcano.

Jean II de Montréal, fils aîné de Jean, avait environ dix-sept ans lorsqu'il épousa Marie d'Urtubie, fille du premier lit de sa marâtre.

En Janvier1609 ce fut le sieur d'Urtubie, soutenu par le sieur d'Amou qui s'adressant au roi Henri IV lui même le supplia d'envoyer des commissaires pour '' nettoyer le Labourd de ses sorciers '' p.30 Car en plus de son assistancs aux procés, le roi avait le président d'Espagnet de régler les vives querelles que se faisaient Français et Espagnols, d'une rive à l'autre de la Bidassoa, querelles qui s'envenimaient facilement

Il eut l'honneur de recevoir en 1463 le roi Louis XI qui séjourna à Urtubie lorsqu'il fut appelé comme médiateur par les rois de Castille et d'Aragon.

C'est ainsi que l'on peut lire dans les chroniques de Philippe de Commynes que le roi visita " un petit château nommé Heurtebise..." Louis XI, lors de son départ emmena Jean II avec lui comme chambellan ; ce dernier devait participer en 1494 à la conquête du royaume de Naples avec Charles VIII.

Jean II de Montréal et Marie d'Urtubie ont eu deux enfants : Louise, qui épousa en 1480 Jean de Beaumont-Navarre, petit fils de Charles III, roi de Navarre, et Louis, connu sous le seul nom d'Urtubie, élevé comme enfant d'honneur à la cour de Charles VIII, qui devint, en 1496, écuyer tranchant.

Mais pendant l'absence de Jean II d'Urtubie, qui guerroyait sous le ciel d'Italie, Marie d'Urtubie, sa légitime épouse, se jugeant sans doute déjà veuve, épousa, en 1469, Rodrigo de Gamboa d'Alzate en Navarre et de Renteria en Guipuzcoa.

Le couple reçut la bénédiction nuptiale en l'église Saint- Vincent d'Urrugne et eut six enfants.

L'aîné, Jean, dit "Ochoa", va revendiquer l'héritage d'Urtubie, ce qui entraînera une longue querelle successorale, qui se terminera en 1574
En effet, Jean II de Montréal revendique ses droits après la mort de Rodrigo d'Alzate et, par arrêt du parlement de Bordeaux en date du 13 juin 1497, est réintégré en la jouissance de la personne et des biens de Marie d'Urtubie, sa femme légitime.

Mais cette dernière, une femme de caractère, déjà surnommée "la bigaine", refuse de se soumettre à cet arrêt et emploie des moyens expéditifs : elle fait brûler le château d'Urtubie et se retire en Navarre chez les Gamboa d'Alzate, où elle meurt en 1503.

Le roi Louis XII, par lettres datées de Bourges du 20 avril 1505, permet à Jean II de Montréal de "réédifier et fortifier la dite place d'Urtubie de telles grandes et puissantes fortifications qu'il pourra faire et que bon lui semblera". Louis de Montréal, fils de Jean II, ne fut mis en possession de tout l'héritage de Marie d'Urtubie qu'après l'intervention du gouverneur de Guyenne, agissant sur l'ordre du roi, après de nombreuses difficultés et bagarres avec Jean d'Alzate, dit "Ochoa".

Louis de Montréal fut nommé "bailli de Labourd", le 17 octobre 1511, et fit reconstruire le château, son père, Jean II de Montréal s'étant retiré au château de Sault.

On ne connaît pas exactement la date à laquelle fut reconstruit le château détruit par Marie d'Urtubie.

En fait, le château ne fut pas entièrement détruit puisque subsistèrent le donjon, le chemin de ronde et la porterie, qui permettent encore aujourd'hui d'imaginer ce que devait être le premier château fort.

Le château fût donc "agrandi" entre 1506 et 1540 par Louis de Montréal, mort en 1517 dans un combat contre les Guipuzcoanos, et par son fils Jean III.

Aux constructions antérieures fût adjoint un corps de bâtiment correspondant au grand salon actuel et la grosse tour avec l'escalier de pierres à vis suspendu.

, par le mariage de Jean II d'Alzate d'Urtubie, petit-fils du second mariage, avec sa cousine issue de germains, Aimée de Montréal d'Urtubie, petite fille du premier mariage.

Entre-temps, l'histoire de la succession allait connaître bien des rebondissements.

3a - XVIe et XVIIe siècles : les d'Alzaté d'Urtubie

La propriété d'Urtubie alla par mariage à Aimée de Montréal, fille de Jean III, qui épousa en 1574 Jean d'Alzate qui comme nous l'avons vu plus haut descendait lui aussi de Marie d'Urtubie et dont le père avait obtenu des maîtres des requêtes du roi la propriété de la seigneurie d'Urtubie en 1563.

Leur petit fils, Salvat d'Alzate d'Urtubie, obtint en 1654 que Louis XIV érige la terre d'Urtubie en vicomte et confirme la charge de bailli d'épée du Labourd qu'il avait accordée aux d'Urtubie.

C'est Salvat qui à la suite de son père André modifiera la toiture du château et construira la chapelle.

Ces travaux avaient pour objet de rendre le château digne des fonctions du Vicomte d'Urtubie qui fut entre autre, gouverneur du Labourd

. C'est également Salvat qui installa à Urtubie la très belle collection de tapisseries de Bruxelles du XVIème siècle encore en place de nos jours.

La propriété d'Urtubie passa ensuite aux héritiers de Salvat, nés de son premier mariage, c'est à dire André, puis Henri et Ursule, sa fille, qui en 1733 avait épousé Pierre de Lalande-Gayon.

3b -XVIIIe siècle : les Lalande d'Urtubie

Ce sont Pierre de Lalande et son épouse, Ursule d'Alzate d'Urtubie, qui réalisèrent les travaux qui ont donné au château et au parc leur physionomie actuelle.

Les travaux furent achevés en 1745 et comprenaient le corps de bâtiment correspondant au petit salon actuel, la terrasse, l'escalier Louis XY une partie importante du Châtelet d'entrée et l'Orangerie.

C'est Pierre-Eloi de Lalande, arrière petit-fils d'Ursule, qui, en 1830 a cédé les domaines d'Urtubie et de Fagosse à François III de Larralde-Diustéguy, son cousin et cinquième descendant de Salvat d'Urtubie et de sa seconde épouse, Jeanne-Marie de Garro. Un échange de lettres entre Pierre-Eloi de Lalande et François III de Larralde-Diustéguy, témoigne de la satisfaction du vendeur de voir la propriété demeurer dans la même famille.

4a - XIXe siècle : les Larralde-Diusteguy

François III de Larralde, maire d'Urrugne, marié en 1819 avec Maria Antonia de Polio y Sagasti, a transmis la propriété au plus jeune de ses fils, Henri de Larralde-Diustéguy, maire d'Urrugne pendant 56 ans et conseiller général des Basses Pyrénées pendant 40 ans. Henri demeura célibataire et laissa Urtubie à sa soeur Gabrielle, mariée à Jules Labat, maire de Bayonne et député des Basses Pyrénées qui eut l'honneur de recevoir en séjour chez lui à Biarritz l'Empereur Napoléon III et son épouse venus en 1854 suivre les travaux du Palais Impérial.

4b - XXe siècle : les Comtes de Coral

Henri de Larralde Diustéguy a vécu les dernières années de sa vie dans la partie du château construite en 1745. A sa mort, survenue en 1911, la Comtesse Paul de Coral, fille de Gabrielle de Larralde Diustéguy a aménagé différentes pièces du château, dont la salle chasse, pour les rendre plus habitables et conformes à une vie de famille agréable.

Après elle, c'est son fils aîné, le Comte Bernard de Coral et sa femme Hélène qui se sont installés à Urtubie. Continuant la tradition familiale, Bernard de Coral a été maire d'Urrugne de 1929 à 1945 et de 1947 à 1965. Il a été aussi député des Basses-Pyrénées de 1934 à 1941 et conseiller général de Saint-Jean-de-Luz de 1951 à 1963. Le Comte de Coral et son épouse ont obtenu en 1974, l'inscription de la propriété à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques,

Leur fils unique le Comte Paul-Philippe de Coral et son épouse ont ouvert le château à la visite et ont décidé d'y aménager des chambres d'hôtes pour faire découvrir à un large public les charmes de la côte basque et la richesse de son passé.

Comte de Coral

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                             KEPA ORDOKI

Pedro Esteban Ordoqui Vazquez (Kepa) 

Nationaliste basque

 

« Toda guerra es cruel en si misma, y si es civil, todavia mas. »)

Défenseur d’Irun, futur commandant du Bataillon Gernika.

(Libération de la France, 1944/1945)

 

Pedro Esteban Ordoqui (Kepa) est né le 3 août 1912 à Irun, quartier Meaca, dans la ferme Ibarla. En poursuivant ses études, il pratique divers métiers, en particulier dans le bâtiment. Il milite tout jeune au syndicat S.T.V., puis à l’organisation nationaliste de gauche A.N.V. Son service militaire terminé, il se marie au mois de mai 1936. Autant dire que le soulèvement franquiste du 18 juillet le surprend en pleine lune de miel.

Dès le premier jour, Kepa (c’est ainsi que l’appellent ses camarades basques), se jette pleinement dans le combat. Quoique nationaliste, il sera l’un des proches du lieutenant Ortega et de Manuel Cristóbal Errandonea. Dès les premières heures, c’est lui qu’Antonio Ortega charge d’apporter une lettre à son homologue, le lieutenant des cabineros de Vera de Bidasoa, afin qu’il affirme, avec ses hommes, son engagement dans le camp de la République, ce qu’il obtient. Kepa Ordoqui fait partie du groupe de volontaires civils qui, pratiquement dépourvu d’armes de guerre, se trouve pris à Lesaca, dans le premier engagement avec les avant-gardes rebelles. Il sera par la suite de tous les combats, en particulier San Martial, lors des journées héroïques de fin août et début septembre 1936.

Irun perdu, il n’abandonne pas le combat. Il ne passe pas en France, mais fait retraite avec les derniers combattants par le Jaizquibel. Après la chute de San Sébastien, il est blessé lors des durs combats du Sollube. En mars 1937, sa famille est capturée par le tristement célèbre navire « Galdames ». En juin, Pedro Ordoqui est nommé commandant du bataillon San Andres. Fait prisonnier, il est successivement interné aux prisons de Santo

ňa, Larriňaga et Burgos, et le 3 septembre il est condamné à mort. Son exécution est reportée plusieurs fois. Le 28 juillet 1939 il s’évade de prison. Après un mois de marche clandestine, il réussit à atteindre Biriatou. Arrêté par la gendarmerie française, interné au camp de Gurs, il s’évade à nouveau et passe alors dans la clandestinité. Mais une nouvelle arrestation survient, Kepa est cette fois arrêté avec des journaux interdits déclarés subversifs.

Lors de l’invasion allemande de 1940, il passe en zone non occupée (jusqu’au 11 novembre 1942). Après cette date, à Luchon (Haute-Garonne) la Gestapo l’arrête. Torturé, il doit être conduit à Peyresourde pour y être exécuté. Et là encore, miraculeusement, Kepa réussit à s’enfuir. Repéré et intercepté dans un village, lors de fêtes locales, il trompe une fois de plus ses poursuivants par sa promptitude dans sa fuite.

En 1944, Kepa met sur pied le bataillon Gernika, lequel avec 130 combattants volontaires d’Euskadi, mènera les durs combats pour éliminer les réduits bétonnés des poches allemandes de l’Atlantique. Du 14 avril 1945, jour du déclenchement de l’offensive, au 20 avril, le bataillon Gernika participe à ces combats, écrivant une nouvelle page de la lutte des basques contre les ennemis de la démocratie et de la liberté, contre ceux-là même qui, il y a huit ans, presque jour pour jour, écrasaient sous les bombes la ville symbole de leur liberté. Près d’un tiers des gudaris basques seront ou tués ou blessés

La guerre terminée, Kepa Ordiqui se retire à Hendaye. Entre-temps, en son absence d’Irun, une juridiction militaire l’a condamné à la peine de mort.

En mars 1960, il préside les funérailles du Lehendakari Aguirre.

Puis, à son tour, meurtri à la fois par le cancer et par les douloureuses divisions du peuple basque, il s’éteint à l’âge de 81 ans, à l’hôpital de Bayonne, le 28 novembre 1993.

 

 

 

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19 août 2013

SUHIGARAYCHIPI

5

 UN CORSAIRE HENDAYAIS Coursic

SUHIGARAYCHIPI          I

dit COURSIC

CORSAIRE HENDAYAIS

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ÉDOUARD DUCÉRÉ


 

Il est vraiment, surprenant que les brillants corsaires qui combattirent et luttèrent contre les ennemis de la France à toutes les époques, et principalement sous l'ancien régime, n'aient pas laissé plus de traces de leurs hauts faits.

Nous ne croyons pas cependant, ainsi que l'affirment plusieurs écrivains, qu'il faut eu accuser la paresse de ces braves marins plus prompts à manier le sabre que la plume. Quelques-uns d'entre eux ont laissé des souvenirs et même des journaux de bord qui ont été publiés et dont l'intérêt est des plus vifs.

Mais c'est là l'exception et pour la presque totalité d'entr'eux on ne trouve dans les écrits du temps qu'un nom auquel est joint un (aitd'armes puis la plus pénible obscurité.

Les marins de notre région si fertile en célébrités de ce genre, n'échappent guère à cette règle, nous connaissons bien les noms de la plupart d'entr'eux, mais les détails de leur vie aventureuse nous échappent complètement.

Heureusement que quelques documents miraculeusement sauvés les ont préservé de l'éternel oubli.Et cependant les pièces relatant leurs croisières et leurs combats ont existé. Le doute n'est pas possible à cet égard. Mais que sont devenues les anciennes archives de l'Amirauté de Rayonne, et celles non moins précieuses de l'Inscription maritime de notre ville ? M. Goyetche, dans son histoire de Saint-Jean de-Luz assure avoir vu les comptes d'armement d'une des plus puissantes maisons de cette ville sous Louis XIV, et nous-mème avons eu entre les mains, le répertoire des documents de ce genre conservé au siècle dernier à l'arsenal maritime de Bayonne.

Mais toutes ces pièces qui auraient pu éclairer d'une vive lumière les exploits de nos marins ont disparu, sans qu'on puisse dire si elles ont été détruites où si, reléguées dans quelque réduit ignoré, elles reparaîtront quelque jour pour la plus grande joie de nos érudits.

Parmi ces marins nés dans notre ville, un surtout mérite une étude particulière. Sur celui-ci, il semble que le voile de l'oubli se soit quelque peu soulevé, et nous permette d'entrevoir non sa puissante personnalité, mais quelques-unes de ses actions de guerre. Nous allons dire sur ce personnage ce que nous avons appris d'autant plus volontiers qu'une figure semblable honore le pays dans lequel il a vu le jour,

Nous avons choisi ce vaillant parce que, après lui avoir consacré quelques pages clans un de nos ouvrages précédemment publiés, le savant D' Hamy à eu la bonne fortune de trouver aux archives nationales, un document de grand prix qui jette une vive lumière sur une de ses plus aventureuses expéditions. Le savant membre de l'Institut, a fait précéder la pièce trouvée par lui d'un savant commentaire et a même eu l'obligeance de nous envoyer quelques pièces dont il n'avait pu taire usage. Nous lui en exprimons ici toute notre reconnaissance.

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Au milieu des corsaires Savonnais qui se firent le plus remarquer sous le règne de Louis XIV, Johannis de Suhigaraychipis, dit Croisic le plus souvent Coursic, c'est-à-dire le petit corsaire, dans le langage familier du pays, mérite certainement d'occuper l'un des premiers rangs (1).

Malheureusement., pour celui-ci, comme pour beaucoup d'autres, on ne sait rien de .son commencement. Il est certain qu'il ne s'éleva pas jusqu'au commandement d'un navire aussi important qu'une frégate légère sans avoir acquis une double réputation de vaillant militaire et de prudent marin.

Nous savons cependant qu'après avoir longtemps navigué à bord de navires marchands et fait de nombreux voyages aux îles d'Amérique, le capitaine Coursic, aidé de quelques amis, équipa en 1691, la frégate la Légère ; admis à faire la course contre les ennemis de l'Etat, il devint bientôt, grâce à son audace, un sujet de terreur pour les Espagnols, aussi bien que pour les Hollandais. L'enthousiasme excité par son succès devint si grand, que le duc de Gramont, gouverneur de Bayonne (2), sollicita la faveur d'entrer de moitié dans l'armement de la Légère.

Cette association fut des plus fructueuses, car en moins de six ans, le capitaine Coursic captura plus de cent navires marchands. C'était, à un point tel, écrivait M. de Préchac, conseiller au Parlement de Navarre, au ministre Pontchartrain, que les gens du duc cle Gramont, qui sans doute avaient suivi l'exemple de leur maître, s'enrichissaient par les prises des armateurs, ainsi que l'on appelait les corsaires à cette époque. Le secrétaire du duc venait d'acheter une terre cle cinq mille écus. que M. cle Lons lui avait vendu pour payer sa charge de lieutenant de roi (1).

On aurait aimé à savoir par le menu le détail des croisières de Coursic mais, nous l'avons dit, tous les documents composant les anciennes archives de l'amirauté de Bayonne ont disparu et il est a craindre que ceux qui existent encore ne subissent le même sort.. Quoi qu'il en soit,, nous ne savons rien de ces premières années de Coursic, et seule une correspondance du duc de Gramont, nous signale quelques-uns de ses plus brillants faits d'armes, racontés d'ailleurs avec une sécheresse désespérante.

Au mois de septembre 1691, le capitaine Coursic suivait à la piste une escadre ennemie où il fit, dit le duc de Gramont, la plus jolie action du monde. Ayant manœuvré avec la plus grande audace, il captura entre un galion et deux frégates de quarante pièces de canon, une des flûtes hollandaises qui suivaient le convoi et la ramena à Saint-Jean-cle-Luz. Ce navire, chargé de fer, de piques, d'armes et de safran, iuL estimé plus de cent mille francs.

Au mois d'octobre, nouvelle prise à bord de laquelle se trouvait un Espagnol de qualité, nommé le marquis de Tabernicad le los Vallès. D'ailleurs pas cle détails plus circonstanciés.

Cependant une des actions du brave capitaine Hendayais est un peu mieux expliquée dans une longue lettre adressée par le duc de Gramont au ministre Pontchartrain. L'affaire paraît avoir eu lieu au mois d'octobre 1691, et montre jusqu'à quel degré pouvait se déployer l'audace de l'aventureux marin.

Ayant presque achevé sa croisière, et consommé la presque totalité des vivres qu'il avait sur son bord, le capitaine Coursic faisait voile de !a côte de Portugal à la rade de Saint Jean-de-Luz où il devait aller se ravitailler en eau et en biscuit. Dans la nuit, du 3 au 4, il fut tout à coup surpris par un si gros temps qu'il lui fut de toute impossibilité de continuer sa route, ni même de tirer quelque secours de sa conserve dont il se trouvait à ce moment à une portée de canon, et dont la violence de la tempête le sépara immédiatement. Il ne devait plus la rejoindre pendant le reste de cette navigation. Il se trouvait fort embarrassé, par le manque presque complet de vivres, et il en était réduit à l'eau-de-vie, pour toute boisson. Dans une circonstance aussi critique, il réunit ses officiers en conseil, et il prit le parti en homme sage et résolu de relâcher au premier endroit possible de la côte d'Espagne, afin d'essayer de se procurer des vivres de gré ou de force.

Il arriva ainsi à la hauteur du cap Ortigueso, à l'est, duquel se trouvait situé un très gros village, nommé Barios, et où se trouvait une sorte de rade. Ce fut là qu'il se résolut d'aborder. Il découvrit de loin un navire qui tenait la même route que sa frégate, et auquel il donna la chasse le croyant espagnol. Lorsqu'il se fut assez rapproché pour savoir qui il était, il reconnut que c'était sa conserve l'Embuscade, dont il avait été séparé pendant la tempête. Elle s'était, trouvée clans l'obligation de relâcher comme lui, car elle faisait de l'eau à couler bas, ce qui ne l'avait pas empêché d'ailleurs de faire deux prises anglaises, qui étaient mouillées à côté d'elle dans cette même rade et sous son canon.

Cependant le capitaine Coursic était fort pressé de terminer son affaire et le lendemain matin de bonne heure, il envoya faire ses compliments aux alcades de Banios, et demanda qu' il lui fût permis de faire quelques barriques d'eau. Cela fait, il leur promettait « foi de basque », qu'il lèverait l'ancre et se retirerait sans leur faire aucun mal. Les autorités de Barios répondirent avec la plus grande politesse, qu'il n'avait qu'à envoyer ses chaloupes à terre et qu'on leur ferait donner toute l'eau qui serait nécessaire pour l'alimentation de ses équipages.

Coursic se confiant à celle réponse, fit monter un canot par 25 hommes et les envoya à terre avec les barriques vides. Mais en y arrivant, le canot, fut accueilli par une décharge de cinq cents coups de mousquet que les Espagnols lui adressèrent. Ceux-ci étaient rangés en bon ordre derrière des retranchements qui régnaient le long du rivage.

On pense quel fut l'étonnement de Coursic en voyant un accueil semblable, auquel il était si loin de s'attendre. Mais il était un homme trop déterminé pour s'en émouvoir outre mesure. Il se hâta cependant de rappeler son canot par un coup de canon, et fit aussitôt ses préparatifs pour tirer vengeance du manque de foi des Espagnols et de deux de ses matelots basques qui avaient été blessés.

Il envoya emprunter la chaloupe de l'Embuscade, mit 80 hommes seules deux embarcations, s'embarqua avec eux et alla débarquer sous la protection de son canon. Il rangea son monde en bataille sur la plage, et. se dirigea droit au retranchement de l'ennemi avec ordre absolu à se marins basques de ne tirer qu'à bout portant. Il y avait dans le retranchement espagnol, au moins trois cents hommes et une trentaine de cavalleros commandant la milice du pays, qui, au son du tocsin, s'étaient rendus à leurs postes désignés d'avance pour donner les ordres nécessaires à une forte résistance.

Aussitôt qu'il fut arrivé à portée du retranchement., le capitaine Coursic prit toutes ses dispositions en homme de guerre consommé,fit plusieurs détachements pour l'attaquer à droite et à gauche, et après avoir essuyé une décharge générale des Espagnols, comme la fortification qu'il voulait enlever n'était pas dans un état parfait et que les Basques qui composaient sa troupe. « sont naturellement ingambes » il y entra avec ses hommes, tua roide 24 espagnols qui restèrent sur place, en blessa 30,dont le moindre avait un coup de poignard dans le ventre et fit 40 prisonniers. L'assaut, fut vivement poussée

Cependant l'action était Unie, car dit, le duc de Gramont, toute la canaille espagnole et les alfiérez s'étaient retirés sur le sommet, des montagnes, et les troupes de débarquement se chargèrent, de demi- piques, de mousquetons, d'épées et.de rondaclies, en un mot. de toutes les armes qui servaient. « à l'équipement de jacquemart», qui était ordinairement en usage chez les Espagnols.Ils reprirent leurs rangs, et se dirigèrent droit au village afin de s'assurer si les habitants étaient tranquilles.

Ils n'y laissèrent ni un mouton, ni un cochon, ni une poule, ni un meuble dans une seule maison, et pour couronner le tout, le capitaine Coursic se disposait à y faire mettre le feu pour leur faire ses adieux et, leur laisser un souvenir de leur mauvaise foi.

En ce moment, le curé, le crucifix à la main, les femmes éplorées et les enfants criant, le supplièrent à genoux de les préserver de l'incendie, « ce qu'il leur accorda pris de compassion, quoique corsaire. » Il fit un traité avec le curé et. les principaux notables du lieu, dans lequel il était dit que malgré toutes tes défenses du roi d'Espagne, de donner aucune assistance à un Français, chaque fois qu'à cause du mauvais temps où pour toute autre raison, il se trouverait dans la rade de Barios, tout ce qu'il demanderait pour sa subsistance et celle de ses équipages lui serait délivré, ((agréablement ».

Voilà, ajoute le duc de Gramont, quelle fut la fin de la bataille et les formes du traité entre le corsaire et les Espagnols.

Cela fait, le capitaine Coursic regagna son bord avec toutes ses dépouilles et mit aussitôt à la voile avec l’Embuscade, qui avait fait quatre bonnes prises pour le roi. Quant au duc, la campagne avait été pour lui moins fructueuse que les autres, car il n’avait de part qu’aux vieilles selles des caballeros espagnols. Quant aux poules et autres victuailles, elles avaient été digérées depuis longtemps. Cependant le gouverneur de Bayonne disait que l'action était, glorieuse pour Sa Majesté et qu'elle faisait plus d'éclat en Galice que si la citadelle d'Anvers avait été prise. Ce qui lui suffisait.

Les encouragements du noble duc et des gens riches du pays furent si efficaces que les corsaires basques et bayonnais firent rage.

Le grand nombre de frégates qui furent armées pour la course, ruinèrent le commerce des Espagnols. Les deux seuls vaisseaux de guerre qu'ils possédaient sur cette côte furent désarmés, pour qu'on n'eût pas la douleur et l'humiliation de les voir capturer.

Pas un seul bâtiment de Fontarabie, de Saint-Sébastien ou de Bilbao, ne pouvait se risquer hors du port, sans être pris aussitôt. L'audace des corsaires devenait extrême et les vaisseaux anglais et hollandais éprouvaient un pareil sort.

Dans moins de huit mois, les corsaires aidés par les frégates légères du roi, avaient pris 125 vaisseaux marchands et, au moment où le duc de Gramont donnait ces détails à Sa Majesté , il y avait un si grand nombre de navires capturés à Saint-Jean-de-Luz « que l'on passe de la maison où logeait votre Majesté à Ciboure, sur un pont de vaisseaux attachés les uns aux autres ».

L'effroi et le tumulte régnaient dans les provinces espagnoles et le monde y criait misère.

Mais le capitaine Coursic n'était pas au bout de ses exploits, et le 15 février 1692, la Gazette de France enregistrait la curieuse relation suivante :

« Le capitaine Coursic, commandant la Légère, frégate de 24 canons, étant à la hauteur du port de San Antonio, en Biscaye, découvrit deux vaisseaux hollandais qui faisaient route vers Saint-Sébastien, et leur donna la chasse deux jours, et le 16, il aperçut un des deux vaisseaux, qui était de 500 tonneaux, de 36 pièces de canon et de 100 hommes d'équipage.

Le 17, il le rejoignit sur les neuf heures, et après la première décharge, il l'aborda, nonobstant l'inégalité de son vaisseau. Mais il fut repoussé deux fois, et obligé de s'éloigner par le grand feu des ennemis.

En arrivant derrière, il reçut un coup de mousquet à l'épaule, ce qui ne l'empêcha pas de demeurer sur le pont pour encourager ses Basques. Mais au troisième abordage, ils firent de si grands efforts qu'ils se rendirent maîtres du pont. Les Hollandais avaient préparé des coffres à poudre qui enlevèrent deux matelots et s'étaient retranchés dans les chateaux d'arrière et d'avant et entre deux ponts, d'où ils faisaient un feu extraordinaire. Néanmoins, ils y furent forcés et le vaisseau pris après trois quarts d'heure d'un combatsi sanglant que de tout équipage il ne reste que dix-huit hommes, la plupart blessés dangereusemenl. On trouva le capitaine hollandais qui, quoique blessé à mort, s'était traîné jusqu'à Sainte-Barbe pour mettre le feu aux poudres et faire sauter les deux vaisseaux. On l'en empêcha, et il mourut presque aussitôt.

Ce vaisseau était chargé de cordages, de voiles, de mâts, de poudre et de toutes les munitions nécessaires pour un galion neuf, construit au port de Passages, près de Saint-Sébastien, qui servit d'amiral à la flotte d'Espagne. C'est la troisième lois que les agrès de ce galion ont été perdus. Le premier vaisseau qui les apportait fut pris par le sieur du Vigneau. Le second fut coulé à fond par un vaisseau armé de Brest, et enfin ce dernier a été amené au port de Bayonne. Il y a eu 35 basques blessés et cinq tués en cette occasion, qui a duré cinq heures, à la vue de Saint-Sébastien.

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Quelques jours après, notre capitaine se remettait en course. A peine avait-il franchi l'embouchure de l'Adour, qu'un navire de guerre de la marine anglaise, la Princesse, montée par 120 hommes d'équipage et armée de 64 canons, en croisière dans le golfe de Gascogne, l'attaquait sans lui donner le temps de se reconnaître. Malgré son infériorité, Coursic se hâta de riposter ; commencé à huit heures du matin, le combat ne cessa qu'à trois heures de l'après-midi. De la plage du Boucau, une partie de la population bayonnaise avait assisté à cette lutte émouvante, qui devait se terminer par le triomphe du brave commandant de la Légère. Aussi, lorsque celui-ci, après avoir amariné sa prise et viré de bord, fit son entrée dans l'Adour, il fut accueilli par les applaudissements frénétiques de ses compatriotes. Le duc de Gramont, son associé, écrivit aussitôt au ministre pour lui annoncer ce nouveau succès ; son enthousiasme était si grand, sa croyance en Coursic si profonde qu'il suppliait M. de Pontchartrain de l'autoriser à équiper quelques nouveaux corsaires, sous la conduite de Coursic, afin de les envoyer détruire la flotte nouvelle que l'Espagne s'apprêtait à mettre à la mer. Le duc demandait encore que le roi fît délivrer au vaillant capitaine une médaille rappelant la prise de la Princesse (1).

Les deux lettres suivantes adressées par M. de Pontchartrain au gouverneur de Bayonne, achèveront d'édifier nos lecteurs sur l'importance du nouveau service rendu à l'Etat par le brave corsaire.

« A Paris, le 5 mars 1693.

« A M. le Duc de Gramont,

« MONSIEUR,

« La cargaison de la Princesse, prise par le sieur Coursic estant toute composée de munitions destinées aux vaisseaux du Roy, j'éscris au sieur de Laboulaye (1) de la faire passer sous votre bon plaisir àRochefort, où Sa Majesté en fera payer la valeur à qui de droit. Nous avons aussy besoin du bastiment que ie Roy achètera pareillement ou frétera comme vous le jugerez plus à propos ; le bastiment pris et laplupart des munitions de son chargement sont d'une nature à ne pouvoir estre acheptées que par Sa Majesté, et rien ne peut mieux convenirque cela dessus dit.« Je viens de recevoir la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire du 27 du mois passé ; je connois de quelque importance il est de tascher de vous rendre maîtres de la flotte qui doit sortir des ports d'Espagne, et je feray pour cela tout ce qui sera praticable, sans traverserles autres projets de Sa Majesté ; mais nous ne sommes guère enestât de faire des entreprises de ce costé. Cependant, lorsque les vaisseauxde Rochefort sortiront, Sa Majesté pourra leur ordonner d'allerfaire un tour sur la coste d'Espagne avant d'aller à Brest, ainsy je vous supplie de continuer à m'informer de tout ce que vous apprendrez de la navigation des ennemis sur vos costes, affîn que j'accomode à cela celle des vaisseaux de Sa Majesté, autant qu'il se pourra (2). »

La seconde lettre du puissant ministre de Louis XIV, annonçait au gouverneur de Bayonne, la brillante récompense que Sa Majesté venait de délivrer au brave corsaire, en le faisant entrer de plain-pied dans les rangs de la marine royale, qui ne pouvait qu'être honorée par une telle recrue :

« A Versailles, le 22 mars 1692.

« A M. le Duc de Gramont,

« MONSIEUR,

« J'ay rendu compte au Roy de ce que vous m'avez fait l'honneur de m'escrire par votre lettre du 12. Sa Majesté a eu pour agréable d'accorder(1) Commissaire général de la marine du Ponant au département de la Guyenne.(Arch. de Bayonne, CC. 805).(2) Dépêches de la marine de Ponant. Archives de la Marine, B2. — A. 75, f° 446.au sieur Coursic un brevet de capitaine de frégate légère, et je vous l'envoyerais incessamment. Sa Majesté a estimé que cela lui convenoit mieux et hiy feroit plus de plaisir qu'une médaille.« A l'esgard de l'armement eu course dont je vous aye déjà escript, Sa Majesté voudra bien vous y donner intérest aussy bien qu'à M. Plassèque, lorsqu'il conviendra à son service de faire cet armement. Mais elle n'estime pas que ce soit à présent, luy paraissant que l'envie de la course fait fuir son service aux matelots basques ; ainsy Sa Majesté ne veut pas qu'on travaille à la liste des matelots nécessaires pour lesquels elle a fait remettre des fonds, qu'ils ne soient partis pour Rochefort ; elle est persuadée que cet avancement feroit un bon effet, pour son service ; mais elle est encore plus pressée du vaisseau de guerre, qu'elle a fait armer en ce port

« J'ay eu l'honneur de vous escrire que M. de Réols devait aller avec 4 vaisseaux sur les costes d'Espagne et qu'il a voit ordre de suivre ce que vous prescririez (1). »

Investi de ce nouveau grade, le capitaine Coursic sentit son audace grandir, et la campagne suivante devait montrer au roi que la récompense qu'il venait de lui accorder avait été bien placée.

Une nouvelle expédition allait suivre, plus audacieuse encore que les précédentes, mais, pour l'intelligence de notre récit, il convient de revenir quelque peu en arrière. Notre tâche est d'ailleurs rendue facile, car c'est au savant Dr Hamy que l'on doit la découverte et la publication des documents qui jettent clartés sur une campagne que nous n'avons déjà que très sommairement racontée

Aussi est ce à ce travail que nous empruntons l'essentiel de notre étude sur l'un des plus beaux faits d'armes du capitaine Coursic

Depuis 1688, la lutte devenait chaque jour plus violente et plus acharnée entre Louis XIV el les alliés de la ligue d'Augsbourg. Particulièrement après les batailles de Beachen-Head et de la Hougue, on ne s'attachait plus à détruire seulement la flotte de guerre des ennemis, mais on s'efforçait encore de ruiner leur commerce, « en brûlant et anéantissant les navires marchands, en bombardant les ports ouverts, etc., afin d'atteindre dans leurs sources les plus profondes la fortune publique et privée. Dès lors plus cle batailles rangées, la course en escadre ou par navire isolé. Tourville à Lagos ; Jean Bart un peu partout, dans la Manche et ailleurs; et, d'autre part, les attaques anglaises de Saint-Malo, du Camaret, de Dunkerque et l'affreux bombardement de Dunkerque (1).

En même temps, la France songeait à renouveler les attaquesd de la baleine si fructueusement exercée par cette nation.

Personne n'ignorait en France l'importance cle ces produits qui enrichissaient le commerce des ennemis. En 1636, il y avait déjà seize vaisseaux baleiniers hollandais et les profits annuels étaient évalués à environ 800.000 livres. En France, on avait pensé à diverses reprises à prendre part à ces bénéfices, en créant une Compagnie de pêche.

Ce fut en 1621, que la « Royale et Générale Compagnie de commerce pour les voyages de long cours et Indes orientales » avait été fondée, par François du Nerps, sieur de Saint-Martin. Elle devait aussi entreprendre la pêche des baleines. En 1632, une autre Compagnie destinée à exploiter seulement cette pêche, fut aussi formée par l'association de quelques marins basques et de quelques marchands cle Rouen. Elle arma quelques navires qui furent placés sous le commandement du capitaine basque Joanis Vrolicq, qui toutefois ne put réussir au Spitzberg contre les Hollandais. Une nouvelle Compagnie se forma plus riche et plus puissante encore que la précédente, mais sans plus de succès. Vingt-cinq grands navires furent armés en guerre, et la Compagnie dite du Nord exploita son privilège. Mais le succès dut être peu profitable, car à partir de 1671, il n'est plus fait que de vagues mentions de la présence de bâtiments français dans les eaux de la mer Glaciale.

« Les Hollandais y sont demeurés seuls, et lorsque Panetié, achevant sa croisière cle '1674, pousse jusqu'au 77° degré, il ne rencontre devant lui que le pavillon des Etats.

« Avec ses trois frégates, le marin boulonnais se rend maître de dix navires de Hollande, en charge deux avec le contenu des autres, « qui était lard des baleines et quelques fanons », en brûle sept et fait servir le dernier à « reporter les équipages clans leur pays ».

Nous allons voir maintenant quel fut le résultat de la campagne de 1693, à laquelle le capitaine Coursic devait prendre une part si active et quoique le chef de la petite escadre fût notoirement insuffisant.

« Comme on n'avait pas sous la main d'officiers supérieurs connaissant les mers polaires, on dut se contenter de donner le commandement à l'un des capitaines de vaisseau attachés pour l'instant au port cle Bayonne, le seul du littoral où l'on put réunir aisément un équipage expérimenté. Ce fut M. de la Varenne, nommé capitaine du Pélican, depuis le 28 janvier 1693, mais on adjoignit à ce chef improvisé tout un corps d'officiers basques, parmi lesquels brillait au premier rang Johannis de Suhigaraychipi », plus connu sous le nom de Croisic ou de Coursic, et qui devait commander la frégate légère l'Aigle. Le commandant du Favory était Louis de Harismendy, de Bidart, qui avait le même grade que Coursic (1). Il avait Larréguy comme capitaine en second; Etchebehere enseigne, et un certain nombre d'officiers mariniers, également basques, qui allaient prêter un précieux concours à l'expédition.

Le commandant La Varenne, qui était rentré à Bayonne avec le Bizarre, met ce bâtiment en état d'aller à l'île d'Aix, et recrute sur place 250 hommes d'équipage: On lui envoie cle Rochefort un certain nombre d'officiers mariniers et un peu plus tard les soldats qui devaient compléter son équipage. Il y eut de longs retards causés par la lenteur de l'armement, et un peu plus tard, par l'échouage et la sortie du port du Pélican (2). Enfin, il alla rejoindre dans la rade de Saint-Jean-de-Luz l'Aigle et le Favory, auxquels s'était joint le Prudent cle Saint-Malo, commandé par Jacques Gouin de Beaucherie, qui devait plus tard s'illustrer dans la mer du Sud.

Voici donc la petite escadre rassemblée et prête à prendre la mer pour une expédition aussi longue que dangereuse. Examinons maintenant ce qu'étaient ces frégates légères qui furent, pendant le règne de Louis XIV, la terreur du commerce ennemi. Rien ne nous est resté sur cet armement fait à Bayonne en 1693, et les comptes établis ont disparu probablement à tout jamais. Les frégates légères étaient des navires de 100 à 300 tonneaux, celles qui nous occupent devaient être de ce dernier tonnage. En 1680, d'après Dostériac, la frégate légère de 200 tonneaux avait 84 pieds de quille (27m28), 95 pieds de longueur totale (30m85), 24 pieds de largeur au maître ban (7m 79}, 10 pieds (3m24) cle creux. Les frégates légères de Coursic et de ses compagnons étaient de 26 canons, et devaient avoir de 220 à 250 hommes d'équipage.

Tout était prêt, les équipages au complet, les vivres faits, et le chef de l'expédition avait reçu un ordre du roi. L'instruction très détaillée qui était datée du Quesnoy, le 2 juin 1693, était adressée au sieur de la Varenne, commandant le vaisseau du Roi le Pélican. Il y était dit, que Sa Majesté ayant résolu de détruire les vaisseaux ennemis qui faisaient la pèche de la baleine en Groenland, elle avait, fait choix du sieur de la Varenne pour le commandement de cette expédition. Le roi était persuadé qu'il s'en acquitterait avec entière satisfaction, mais on verra plus loin qu'on aurait pu faire un meilleur choix. Le sieur de la Boulaye, intendant de la marine à Bayonne, devait lui donner les pilotes pratiques des mers dans lesquelles il devait opérer, ainsi que les officiers mariniers qui connaissaient les ennemis du roi qui faisaient ordinairement la pèche.

L'intendant de la marine à Bayonne avait écrit, qu'il y avait dans ce port un vaisseau de Saint-Malo, armé en course et monté de 50 pièces de canons, qui pouvait être employé à cette expédition. Sa Majesté était persuadée, qu'avec ce navire, le Pélican, monté par le sieur de la Varenne et les frégates l'Aigle et le Favory il devait être à même d'exécuter celte entreprise avec succès. Cependant on lui permettait de mener avec lui d'autres corsaires de Bayonne et de Saint-Jean-de-Luz, s'ils voulaient, se joindre à l'expédition (1).

L'intention du roi était que la petite escadre se mît en route le 20 juin 1093 au plus lard, et qu'elle se dirigeât directement, vers les endroits où les pilotes que le sieur de la Boulaye devait lui donner lui indiqueraient où se faisait cette pèche.


Le commandant devait prendre ses mesures pour que la nouvelle de son arrivée dans ces parages ne donnât pas le temps à aucun de ces vaisseaux de s'enfuir, et pour cela il devait faire garder les passages par quelques-uns des vaisseaux qu'il commandait et exécuter l'expédition avec les autres.

Il était en outre averti que celle pêche était faite par les Anglais, les Hollandais et les Hambourgeois, et que la plupart de ces derniers et une partie des Hollandais avaient arboré le pavillon de Danemark.

Le roi lui ordonnait de brûler ou de couler à fond sans quartier, tous ceux qui auraient le pavillon anglais, hollandais ou Hambourgeois. Quant à ceux qui se couvriraient de la bannière danoise, le commandant devait examiner s'ils étaient effectivement danois ou bien s'ils étaient masqués. Il devait laisser continuer la pêche à ceux qui appartiendraient à cette dernière nation, et même leur fournir tous les secours qui dépendraient de lui. Quant à ceux qui lui paraîtraient suspects et que les Basques reconnaîtraient pour Hambourgeois et hollandais, il devait les amariner, faire achever leur cargaison avec celles du vaisseau qu'il aurait brûlé ou coulé à fond si cela se pouvait sans trop de retard et de difficulté, et les envoyer en France sous l'escorte de deux des bâtiments de son escadre, avec ordre à celui qui commanderait de venir atterrir au cap Finistère, pour y savoir des nouvelles de la flotte ennemie et pouvoir l'éviter. Il devait faire mettre sur ces vaisseaux les équipages de ceux qui auraient été brûlés ou coulés à fond, mais dans le cas où il aurait eu trop de monde, le roi lui permettait de conserver quatre ou cinq vaisseaux, d'y faire embarquer les équipages et de les renvoyer clans leur pays, mais après leur avoir enlevé les marchandises et les engins de pêche, et les avoir gardés jusqu'après le départ des vaisseaux qu'il devait expédier pour la France.

Après avoir expédié ce convoi, il devait, avec les vaisseaux qui lui resteraient, aller croiser vers les Orcades, où il trouverait quatre vaisseaux cle Saint-Malo, auxquels il devait se joindre et croiser avec eux dans ces parages, tant que les vivres qu'il aurait pourraient le lui permettre.

Si ces vaisseaux faisaient quelques prises considérables, il devait les faire amariner et les expédier ainsi que cela lui avait été déjà expliqué, c'est-à-dire en ne manquant pas de reconnaître le cap Finistère ; quant aux prises qui seraient de peu de valeur, il devait les faire brûler ou couler à fond et en faire mettre les équipages à terre, soit aux Orcades, soit sur les côtes d'Ecosse.

Comme le roi pouvait avoir de nouveaux ordres à donner à M. de la Varenne pendant cette croisière, il voulait qu'il envoyât de temps à autre une frégate aux iles Feroë qui reconnaissent le roi du Danemark et où on pourrait lui envoyer des ordres, et comme, dans ce cas, il pourrait avoir besoin des corsaires de Saint-Malo, dont il était question, on lui envoyait un ordre du Roi, pour les obliger à le suivre.

S'il ne recevait pas d'ordres nouveaux, et lorsqu'il ne resterait plus de vivres que pour revenir en France, il devait quitter sa croisière pour se rendre à Bayonne, mais il devait faire en sorte de ne partir qu'en même temps que les corsaires cle Saint-Malo.

Il devait suivre le plus possible la route des vaisseaux de Hollandelors qu'ils reviennent des Indes, dans le cas où ils ne seraient pas encore passés. S'il venait à les rencontrer, le Roi s'en rapporterait à lui pour la manière de les combattre, mais en tout cas il voulait qu'ils fussent attaqués. S'il était assez heureux pour en prendre quelques-uns, il devait les amener en France en prenant les précautions qui avaient été déjà indiquées.

En attendant le jour indiqué pour son expédition du Groenland, le Roi voulait qu'il allât croiser sur les côtes d'Espagne, pour tâcher d'enlever quelques-uns des vaisseaux anglais et hollandais qui y étaient attendus,

Sa Majesté donnait ordre en même temps au duc de Gramont de lui faire part des avis qu'il pourrait avoir pour l'arrivée de ces vaisseaux, et qu'il eût à se conformer à ce que le gouverneur de Bayonne lui dirait à ce sujet.

Armé d'instructions aussi explicites, M. de la Varenne sortit de la rade de Saint-Jean-de-Luz le 30 juin au matin. Nous avons vu que la petite escadre se composait du Pélican, monté par le commandant de l'expédition, l'Aigle, par le capitaine Croisic, le Favory, par le capitaine de Harismendy, et le Prudent, corsaire de Saint-Malo, commandé par le sieur de Beauchesne.

Ce même jour et se trouvant à environ deux lieues en mer, les trois capitaines se rendirent à bord du commandant en chef. M. de la Varenne leur donna à chacun une lettre du duc de Gramont, par laquelle il leur donnait ordre d'obéir au commandant pendant cette expédition, ainsi que cela lui avait été ordonné par le Roi. De plus, il ordonnait aux deux capitaines de lui donner deux pilotes chacun, qui fussent au courant de la pêche de la baleine, ainsi que le sieur de Larreguy, capitaine en second à bord du Favory, ce qui fut aussitôt exécuté (1).

Le temps ne fut guère favorable car les vents contrarièrent la marche de la petite escadre ; le 5 juillet, c'est-à-dire au bout de six jours, elle était encore en vue de Santona à l'est de Santander, où ils aperçurent trois vaisseaux tenant la route du Nord. A midi, le vent ayant porté au Nord-Est, les frégates continuèrent leur route. Dans la même journée, le commandant de la Varenne communiqua à ses capitaines les ordres du Roi, et une instruction de M. de Gramont, relativement à l'expédition.

Le 20 juillet, l'escadre était parvenue au 63° parallèle, et ce même jour, vers neuf heures du matin, le capitaine Croisic se rendit à bord du commandant, pour lui représenter l'importance qu'il y avait à ne pas perdre un moment pour tâcher de se rendre au plus tôt au lieu de destination. Cette démarche obligea le sieur de la Varenne à faire arborer le pavillon du conseil, auquel obéirent aussitôt les capitaines de Harismendy et de Beauchesne. Le commandant demanda aux officiers réunis si l'on trouvait à propos de continuer la route pour le Spitzberg, quoi qu'il croyait que le temps était déjà bien avancé pour pouvoir réussir. Ainsi se manifestait chez M. de la Varenne, cet esprit d'indécision qui faillit compromettre gravement le succès de l'expédition. Il ajouta qu'il vaudrait peut-être mieux se rendre vers les îles Feroë ou les Orcades, pour y croiser, ce qui, comme on l'a vu, n'était que la deuxième partie du programme dicté par le Roi. Toutefois, ne voulant rien ordonner sans avoir l'avis de ses capitaines, ceux-ci conférèrent entre eux et avec le capitaine Larréguy, ils décidèrent qu'il fallait poursuivre leur route pour le Spitzberg, car le vent était favorable, et on pouvait encore y arriver assez à temps pour nuire aux ennemis, se conformant ainsi aux ordres du Roi. Le commandant se rangea à cet avis. Le procès-verbal de cette décision fut aussitôt rédigé et signé par M. delà Varenne et ses officiers commandants.

'On suivit donc la même route, jusqu'au 28 au matin, où l'escadre eut connaissance de la terre de Spitzberg. Le 29, on aperçut un navire venant des glaces, et l'ayant chassé, le Prudent qui le joignit le premier, s'assura que c'était un Danois n'ayant capturé aucune baleine et qui se retirait dans quelque baie. L'escadre le retint avec elle de crainte qu'il n'allât donner l'alarme, et s'étant approchée de la terre en la côtoyant un peu, on aperçut deux navires à l'ancre dans la baie de la Madeleine où les opérations militaires durent commencer aussitôt. C'étaient encore des navires Danois qu'on fit appareiller et qui suivirent l'escadre.

Mais il en fui empêché par le calme et aussitôt après par le vent contraire qui survint et qui favorisait les vaisseaux qui étaient dans la baie du Nord. Il en sortit en effet trois à la vue des Français, car ils avaient reçu de la baie du Sud, l'avis de l'arrivée des frégates ; il n'y avait par terre qu'une demi-heure de chemin de l'une à l'autre baie.

La fuite de ces trois vaisseaux fit craindre aux Français qu'ils n'avertissent de leur présence tous ceux qu'ils pourraient rencontrer, et par conséquent créer un grand obstacle pour la réussite de l'expédition.

Le même jour, dans la soirée, les trois navires étant encore en vue, l'ardent Croisic qui revenait de la baie du Sud, où il avait bien fait son devoir, rejoignit le Favory. Le commandant et le Prudent restèrent dans la baie, avec quatre navires hollandais et les Danois ; il y avait encore dans cette baie quatre .autres navires, parmi lesquels s'en trouvaient deux hollandais qui s'enfuirent par un passage inconnu au commandant. Aussitôt que M. de la Varenne en eut avis, il envoya sa grande chaloupe commandée par un lieutenant, mais celui-ci fut obligé de revenir ayant trouvé une résistance supérieure à ses forces.

Le 30 ,1e Favory prit une pinasse hollandaise neuve, avec 10 pièces de canon, mais n'ayant aucune baleine, elle même jour, la frégate l'Aigle, forma sa sortie après avoir pris une flûte hollandaise. Le 31, le Favory capturait encore deux flûtes hollandaises et une danoise et, escorté par ces prises, il se rendit vers minuit à la baie du Sud où se trouvaille commandant. Ici, le rédacteur de notre relation nous apprend que : « Il est à remarquer que dans la saison que nous avons été en Groenland, le soleil y éclaire aussy bien la nuit que le jour, jusqu'à la tin d'août, sans quoy ces endroits seroient. impraticables tant à cause des glaces que. de la rigueur du climat. »

Le ler août,

l'Aigle arriva de la baie du Sud à trois heures du matin, avec deux flûtes hollandaises qu'il avait prises parmi les glaces et en brûla une troisième. Il avait vu environ 30 navires de la même nation. 11 se rendit à bord du vaisseau du commandant avec le capitaine de Harismendy et lui lit la relation de ce qu'il avait découvert. Il l'assura que ces navires ne pourraient demeurer longtemps au même endroit, à cause du danger qu'ils couraient en étant pris par les glaces, ainsi que cela leur était arrivé plusieurs fois. Ainsi, il regardait comme infaillible la capture de la plupart de ces navires, soit en les attendant le long des glaces, soit en pénétrant dans la baie si on en trouvait quelque occasion favorable.

. M. de la Varenne répondit qu'il louait fort son zèle et qu'il consentait que Croisic fît cette expédition avec le Favory et l'Aigle et que lorsque le Prudent, qui en ce moment était en mer, serait de retour, il l'enverrait pour le rejoindre. Quant à lui, il allait rester dans la petite baie pour garder les vaisseaux hollandais et danois qui avaient été pris. Il ne manqua pas cependant de recommander au capitaine Croisic. de revenir le plus tôt possible, car il avait le dessein de repartir immédiatement.

Aussitôt el sans perdre un moment, l'Aigle et le Favory appareillèrent et firent route vers le Nord. Mais le calme et un vent faible les empêchèrent de rien découvrir jusqu'au i"' août. Enfin, ils rencontrèrent la banquise, ayant environ deux lieues en latitude, et s'étendan à perte de vue. Ayant remarqué quelques ouvertures, les frégates se disposèrent à les traverser et s'y engagèrent résolument. Ils aperçurent aussitôt quelques vaisseaux et. la mer libre, et le 3 août, ils se trouvèrent à l'entrée de la baie aux Ours, où ils virent neuf vaisseaux mouillés près de la terre. Les capitaines Croisic el de Harismendy, après avoir tenu conseil, se résolurent à les attaquer, malgré les difficultés qu'ils éprouvèrent, de la part de quelques glaces. Mais après une heure de marche, ils furent contraints de mettre au plus près du vent une petite voilure afin d'éviter les glaces. Une de ces brumes si fréquentes clans ces parages s'étant élevée, les incommoda beaucoup.

Le 6 août vers minuit, le temps devint clair, on ne vit. plus que trois vaisseaux qui étaient à l'embouchure de Beerbay, ou baie aux Ours, là où le jour auparavant on en avait vu neuf. Ils virent en. même temps quatre autres vaisseaux entrant dans cette même baie, et les Français pensèrent aussitôt; qu'on y trouverait les ennemis en très grand nombre. On considéra cette occasion comme très favorable à un bon coup de main, et les frégates se mirent aussitôt en route. Le calme qui survint encore, obligea chaque frégate d'armer quatre chaloupes pour chacune d'elles, car ils avaient eu soin de s'en pourvoir en les empruntant aux vaisseaux déjà capturés. Ils s'approchèrent de la baie la sonde à la main, et trouvèrent à son embouchure une langue de terre surmontée d'une petite hauteur, sur laquelle avait été arboré le pavillon hollandais au- dessus d'un retranchement anné de canons.

Les équipages ne doutèrent pas que cette précaution prise par les ennemis ne fût pour eux de quelque embarras, mais cela n'arrêta en rien leur détermination, et. ils continuèrent à s'approcher de l'entrée de la baie. Lorsqu'ils parvinrent devant la batterie, ils furent salués de quelques coups de canon qui ne leur firent aucun mal, et de ce point, ils découvrirent le fond de la baie, où se trouvaient rangés quarante navires hollandais parmi lesqu'els on distinguait les pavillons d'amiral , vice-amiral et contre-amiral, qu'ils avaient sans doute choisi pour cette occasion. Tous les vaisseaux étaient rangés en bon ordre par la bataille, et leur ligne affectait la forme d'un croissant. Cependant les frégates françaises, toujours remorquées , s'approchèrent des ennemis à demi-portée d'un canon de trois tirs de balles, ce qui fut tout ce qu'elles purent faire à cause du calme du courant. Elles mouillèrent sur une ancre et présentèrent le travers moyen de croupières. En ce moment les ennemis poussèrent le cri de Vive le Roi, suivi cle beaucoup de « hurlements ».que les Français ne purent comprendre. Cependant les frégates étaient en ordre, et les équipages, impatients de commencer le feu, témoignaient assez par la joie générale qu'on allait remporter une victoire complète. « Le nombre des vaisseaux ennemis les ayant plus tot animes et causé la moindre appréhension, comme ils ont fait connaissance pendant le plus grand feu et jusqu'au combat fini. »

Tout étant ainsi disposé, le capitaine Croisic envoya une chaloupe à bord du Favory, afin que le capitaine cle Harismendy se rendîtà bord . Croisic lui proposa d'envoyer une chaloupe aux Hollandais pour les inviter à se rendre. Ce projet ayant été adopté, une embarcation de Aigle fut aussitôt équipée ; elle arbora le pavillon blanc et fut commandée par d'Etchebéhère, un des enseignes de l'Aigle, qui parlait bien la ciguë hollandaise. Les conditions étaient, conformément aux ordres , qu'on leur fournirait les vaisseaux et les vivres nécessaires pour venir en Hollande ; et qu'à faute par eux d'accepter ces propositions ils devait s'en remettre à la force des armes.

La chaloupe partit au même moment et comme elle s'approchait du vaisseau faisant la fonction d'amiral, la chaloupe des Hollandais, escortée cle plusieurs autres, vint au-devant des Français, et après que les capitaines hollandais eurent entendu la sommation faite par l'enseigne, répondirent seulement qu'ils étaient surpris de la témérité des Français puisqu'ils se disposaient à les attaquer lorsqu'ils étaient en si grand nombre et surtout dans un endroit aussi dangereux. Qu'ils ne le connaissent sans doute pas, puisqu'ils s'y exposaient, qu'eux-mêmes ne s'étaien réfugiés que clans la dernière extrémité et afin d'y rassembler toutes leurs forces, et le considérant en quelque sorte comme impraticable à ceux qui n'en avaient pas une connaissance parfaite. Puis ajoutèrent que les Français les prenaient sans doute pour les plus grands coquins du monde de les sommer de se rendre « à deux moyennes frégates , qu'ils en étaient bien éloignés et qu'ils n'avaient qu'à faire tous leurs efforts, que pour eux ils s'acquitteraient de leur devoir. Telle fut leur réponse.Puis, comme la chaloupe française revenait et se trouvait à moitié du trajet à parcourir, les Hollandais tirèrent plusieurs coups de canon, tant sur les frégates que sur la chaloupe, qui fut atteinte, mais sans avoir eu personne cle blessé. Un autre coup aussi heureux atteignit la chaloupe du capitaine de Harismendy comme il revenait sur son bord, ayant attendu sur l'Aigle, la réponse des Hollandais.

Le 6 août 1693, entre 8 et 9 heures du matin, le combat commença de la manière la plus acharnée. La grande canonnade des vaisseaux hollandais dura jusqu'à une heure cle l'après-midi, et celle des français y .répondit sans cesse, et se continua même après que celle des'ennemis se fut éteinte. D'ailleurs les Hollandais étaient très nombreux el. la plupart, de leurs navires étaient armés de 10, 12, 14 et même 20 canons. Ils avaient environ 45 hommes par navire, tous bons matelots, aussi leur artillerie était-elle bien servie, et la canonnade était aussi nourrie qu'une mousqueterie. Du côté des Français le feu était tout aussi pressé, et, il faut le dire, beaucoup mieux ajusté. Chaque frégate tira au moins 1600 coups, et si la mer n' « eut esté tant soit peu agitée, au lieu qu'elle estoit aussy tranquille que clans une fontaine » la plupart des vaisseaux auraient coulé à fond. Il n'était pasdouteux cependant, que quelquesuns d ' e n t re eux n'aient eu ce sort pour peu qu'ils aient trouvé la mer agitée.

Après cinq heures de ce rude combat, les ennemis ralentirent insensiblement leur feu tandis que les frégates continuaient avec la même vigueur, ce qui leur faisait espérer de voir les Hollandais arborer le pavillon blanc, pour demander quartier, car ils ne tiraient plus qu'à intervalles fort éloignés. Mais pendant ce temps, les Français aperçurent divers vaisseaux ennemis qui, ayant coupé leurs câbles, se faisaient remorquer par des chaloupes. Chacun d'entre eux en avait au moins six, et ils faisaient tout leur possible pour sortir de la baie à la faveur de ces embarcations et du courant. Il ne restait plus qu'une seule chaloupe à chaque frégate, les autres ayant été coulées pendant le combat, et on ne put faire autre chose que de faire porter des ancres à louer sur le passage, pour se haler dessus, et s'approcher, ce qui fut fait avec toute la diligence possible. Pour ne point perdre de temps, on coupa les câbles, mais ils ne réussirent pas entièrement, et ils ne purent réussir à se saisir que de seize vaisseaux, les autres remorqués par leurs chaloupes échappèrent par la fuite; parmi les navires capturés, et qui d'ailleurs étaient très maltraités, deux furent brûlés dans la baie, comme ne pouvant plus naviguer.

Les vaisseaux attaqués par les deux frégates avaient au moins entre tous 300 canons et 1500 hommes. Cependant il s'en serait échappé bien peu sans le secours de leurs chaloupes et le temps qui les favorisa. Et, . l'auteur de la relation, s'il y avait eu une troisième frégate, pour super plus d'espace dans la baie, qui était très large, non seulement perte des vaisseaux ennemis était infaillible, mais encore ils ne se -aient pas mis en défense. D'ailleurs ce qui les avait excité à faire une forte résistance, c'était la croyance que les. frégates françaises n'étaient que de 24 pièces de canon, et qu'elles seraient faciles à réduire. Si au contraire le commandant la Varenne ou le capitaine Beauchesne s'étaient nivés là, il n'en aurait pas coûté un coup de canon, ce fut du moins ce l'assurèrent les capitaines des navires hollandais capturés. Pendant ce combat, l'Aigle et le Favory avaient reçu de nombreux coups de canon, tant dans la coque des frégates que dans la mâture et gréement. L'Aigle avait été obligé de changer son mât de misaine et jumeler ses basses vergues. Le Favory avait eu un mât de hune et sa rague d'artimon rompus, un canon crevé et deux de démontés. Cependant, il était étonnant qu'il n'y eût pas eu plus d'avaries au cours d'un combat si long et si acharné.

Le monde qui fut perdu par l'Aigle dans cette occasion resta ignoré. Favory eut deux hommes tués, parmi lesquels se trouvait le sieur de Larreguy, capitaine en second cle cette frégate, qui avait été embarqué sur le Pélican par ordre du duc de Gramont.

Le capitaine Larreguy avait prié le commandant de la Varenne de lui permettre de s'embarquer sur le Favory pour aller à cette expédition, et il ne croyait pas être nécessaire dans la baie du Sud. Il mourut glorieusement d'un coup de canon à la cuisse après avoir donné de grandes marques de sa valeur et de son expérience. La frégate le Favory eut encore plusieurs blessés, « desquels il en restera d'estropiés. » Le dommage reçu par les Hollandais avait été très grand, car en outre es navires capturés, la pêche avait été interrompue, et ils n'avaient pu prendre de baleines dans cet endroit où elles étaient en grand nombre, le jour même où ils furent aperçus par les frégates françaises, ils avaient toutes leurs chaloupes à la mer. On avait même trouvé dans cette même baie, 5 grosses baleines de (30 à 70 pieds que les Hollandais n'avaient pas encore eu le temps de dépecer. Quand aux vaisseaux pris,il en avaient presque tous en pièces dans les entreponts et à fond de cale, qui avaient été récemment tuées, et dont une bonne partie était détruite par la corruption.

D'ailleurs cette année, la pêche n'a vait guère été heureuse. Les Hollandais aussi bien que les Danois, avaient quitté les grandes glaces sans avoir presque pris de baleines, et il n'y avait eu qu'une pinasse hollandaise qui eut le bonheur d'en prendre douze et était partie pour la Hollande avant l'arrivée des Français. Selon les rapports des capitaines, les Hollandais avaient perdlu clans les glaces 8 vaisseaux et les Danois 11. Les uns et. les autres se plaignaient de la rareté des baleines dans les glaces, ce qui les avait obligés de se rendre dans la baie de Beerbay, où l'expérience leur apprit que la pêche était quelquefois très fructueuse pendant l'arrière-saison. Ils ne se seraient pas trompés cette même année sans l'interruption qui avait été causée par l'arrivée des Français. Il y avait même un vaisseau qui étant, revenu des glaces sans aucune baleine, avait terminé entièrement sa cargaison. Aussi pouvait-on considérer cette perte comme beaucuup plus grande que celles des vaisseaux qui avaient été pris.

« Le dit Beerbay, dit 1' enseigne Etchebéhère, qui, nous l'avons vu, est. l'auteur supposé de cette intéressante relation, est un endroit très dangereux. puisqu'il y a des années qu'on ne peut en approcher à cause des continuelles glaces en empêchent l'accès,, et si parfois elles donnent quelque intervalle pour y entrer, les vaisseaux qui y vont sont souvent surpris par lesdites glaces sans pouvoir en sortir, comme il advint mi l'année 1683, que 13 vaisseaux hollandais y restèrent entièrement, les équipages desquels eurent le bonheur de se sauver ayant laissé des chaloupes par dessus les dites glaces pour aller dans d'autres baies plus au sud dans lesquelles ils rencontrèrent des vaisseaux pour passer en Hollande. »

 L'enseigne ajoutait, que l'Aigle et le Favory étaient les premiers vaisseaux français qui fussent entrés dans cette baie, car même les vaisseaux basques qui avaient autrefois fait le voyage du Groenland, n'y avaient jamais été, et seulement les Hollandais s'y rendaient pour compléter leur pêche quand elle n'avait pas été fructueuse dans les parages acoutumés. Encore, le lieu était-il très dangereux, et les frégates françaises purent voir à deux portées cle canon les glaces qui se rapprochaient avec une grande vitesse et si le vent eût soufflé du Nord ou du Nord-Est, elles eussent été probablement enfermées, aussi bien que leurs ennemis. Mais heureusement, le peu cle vent qu'il y eut le soir après le combat, venait du Sud, ce qui éloigna les glaces et favorisa la sortie du lendemain.

Les Français ne restèrent dans cette baie que le moins qu'il leur fut possible, craignant d'y être enfermés et. ayant les glaces toujours en vue. Les Hollandais mêmes leur faisaient voir par leurs craintes qu'il n'y avait pas un moment à perdre. Aussi les frégates quittèrent-elles ces parages le 7 au soir avec onze navires, et elles arrivèrent le 10 dans la baie du Sud. Le 9, elles avaient rencontré M. de Beauchesne qui avait pris le même jour cleux flûtes hollandaises, l'une de 16 pièces cle canon et l'autre de 14 avec lesquelles il entra dans cette baie.

Ils y trouvèrent le commandant de l'expédition. M. de la Varenne, , pendant son séjour dans la baie du Sud, avait pris deux navires Hollandais qui se trouvaient en vue. Le 12, le commandant appareilla vers les Orcades, avec le Pélican et le prudent, y laissa l'Aigle et le Favory, avec ordre au capitaine Croisic d'expédier les flutes qui avaient été prises et de brûler les autres, ce qui fut immédiatement exécuté

Le 14, Y Aigle et le Favory, escortant il vaisseaux hollandais appareillèrent, et n'étant qu'à peu de distance de la baie du Sud, il survint une pluie tellement épaisse qu'il fut impossible de s'entrevoir, ce qui obligea le capitaine Croisic de mettre en panne ainsi que le Favory, et de ne point trop s'écarter des flûtes, et on tira des coups de canon a intervalle pour faire savoir où se trouvaient les frégates, afin de s' approcher. On resta 8 heures environ dans le même état, et une petite éclaircie étant survenue, on n'aperçut plus que cinq des navires,comme le vent était devenu favorable pour la route, et jugeant que trois autres avaient plus avant, et qu'on les retrouvait bientôt il fit partir le matin du 15

jusqu'à midi, mettant de temps en temps en panne car le temps n'était pas très clair, et tirant encore le canon de temps à autre. Dans la soirée du même jour, le temps étant devenu assez air, on n'aperçut encore aucun des navires, ce qui força le capitaineCroisic s'écarter et à forcer de voile de côté et d'autre pour tacher de s découvrir, mais en vain.

11 revint donc sur ses pas pour rejoindre l'autre frégate, et continua m voyage vers Bayonne en escortant, les cinq vaisseaux qui restaient, mformément à l'ordre écrit que lui avait donné M. de Varenne et qu'il jmmuniqua au capitaine de Harismendy. Aussitôt après Croisic conti- ua sa route pour aller aux Orcades ou aux Féroé, où il devait se joindre j commandant La Varenne ainsi que celui-ci lui en avait donné l'ordre vant son départ.

Malgré tout dans cette expédition des frégates françaises, les ennemis avaient perdu 28 vaisseaux en y comprenant les quatre qui furent, rencontrés dans la baie du Sud. il seulement furent conservés pour lâcher de les ramener en France. Les autres furent incendiés soit peu dant le séjour de M. de la Varenne dans la baie du Sud, soit après son départ, et par l'ordre du capitaine Croisic.

Ce dernier, par son courage, son énergie et son audace, avait été le véritable auteur des dommages soufferts par les ennemis dans la baie de Beerbay, ainsi que de la perte éprouvée par leur pêche dans ces quartiers. En effet, quoiqu'il eût été parfaitement secondé par le Favory et par son ami le capitaine de Harismendy, il est évident que l'expédition n'aurait pas été entreprise, si par sa vigilance Croisic n'eût découvert les ennemis, et qu'en ayant fait le rapport au commandant, il ne lui fil comprendre en même temps l'importance d'aller les attaquer si l'on trouvait une occasion favorable. On a vu comment l'Aigle et le Favory, partant pour cette dangereuse expédition, parvinrent jusqu'au 81° degré et demi de latitude, « endroit rarement fréquenté, » dit l'auteur de cette relation, et quelle réussite couronna leur audace et leur bravoure.

Le retour en France fut aussi heureux que rapide. Le Favory arrivait le premier entre Biarritz et Capbreton, avec les cinq flûtes qu'il escortait, et l'intendant de marine La Boulaye s'empressait de le faire rentrer à Bayonne, pour le remettre aussitôt en état de reprendre la mer. L'Aigle le suivait de près, et le 21 du même mois, il ne manquait plus qu'un seul des bâtiments capturés qui arrivait bientôt sous la conduite de Hacquette.

M. de la Varenne qui avait été retardé par des ordres qu'il avait reçus pendant sa route, mouillait clans la rade de Belle-Isle dans les premiers jours du mois d'octobre. Il fut blâmé pour son inertie. Par une lettre datée de Versailles le 16 septembre, il lui était vivement reproché de n'avoir pas fait plus de mal aux ennemis, ce qui n'eût pas manqué d'arriver, s'il s'était trouvé avec l'Aigle et le Favory, lorsqu'ils rencontrèrent les 44 bâtiments qu'ils avaient combattus. Cependanton lui donnait l'ordre d'aller croiser avec son escadre le long des côtes d'Espagne. En même temps Croisic recevait une lettre cle félicitations pour le courage qu'il avait déployé. Le 6 octobre, M. de la Varenne remettait par ordre le commandement duPélican au capitaine de frégate du Vigneau, qui en prit le commandement avec les trois enseignes, le sieur de Neuilles, le sieur cle la Frégonnière, le sieur de Goureul et le capitaine cle flûte de Lescolle.

Le plan de l'expédition avait été remis au duc de Gramont qui le fit passer sous les yeux du roi. « Sa Majesté, écrivait le m i n i s t r e de la marine au gouverneur de Bayonne, Sa Majesté a vu avec plaisir le plan que vous lui avez envoyé de la baye ou le sieur Croisic et Harismendy ont attaqué les pêcheurs hollandais. Sa Majesté a été très satisfaite de ce que ces deux officiers et leurs équipages ont fait en cette occasion et vous pouvez les assurer qu'Elle se souviendra quand il y aura lieu de leur faire plaisir. » Croisic et Harismendy reprirent bientôt la mer pour proléger le retour des terreneuviers français et essayer cle capturer ceux des anglais. La carrière du marin bayonnais qui s'annonçait si brillante, fut brusquement interrompue. L'année suivante il fut tué à Terre-Neuve, et son corps fut enseveli dans le cimetière cle Plaisance, où une pierre tombale rappelle encore aujourd'hui son nom et la date de sa mort E . DUCÉRÉ.

Bayonne, le 17 décembre 1907,

Mort de Coursic. — Terre-Neuve était la porte d'entrée du Canada, la base de nos chasseurs de baleine et de nos pêcheurs de morue. Aussi Canadiens, Basques, Malouins s'employèrent-ils à en déloger l'adversaire. Malheureusement .ils opérèrent en ordre dispersé. Les baleiniers basques furent les premiers à s'en apercevoir au retour du Spitzberg, en 1694. Les forts de Saint-John's Harbour, à pied d'œuvre, leur parurent impossible à enlever. Dans la baie du Forillon, le 10 septembre 1694, l'Aigle, au moment d'attaquer, s'échoua. Quatre batteries et un parti de mousquetaires le maltraitèrent au point que « le lieutenant et l'enseigne bleus » Tipitto d'Azpilcueta, d'Hendaye et d'Etcheverry, de Bidart, s'enfuirent en chaloupe. Le vaillant Coursic était blessé. Il ne devait plus revoir Bayonne et le pays basque. Le capitaine Duvignau demeuré sur le pont avec les officiers bayonnais Pierre de Vergés, Léon de Lanne, Miquito, le capitaine des soldats François Labeyrie se battirent pendant huit heures dans cette position désastreuse avant d'être remorqué par leFavori de Louis Harismendy.

 

 

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19 août 2013

Croisic

6

SUHIGARAYCHIPI

était il Bayonnais ou Hendayais   

Etait-il natif de Bayonne, Joannis de SUHIGARAYCHIPI dit Coursic, dit Croisic, ce grand marin, qui peut être considéré comme l'un des plus prestigieux capitaine des ports de Bayonne et du pays du Labourd et dont le ministre de Pontchartrain avait dit à Madame de Gramont qu'il était meilleur corsaire que bon sujet de Sa Majesté .

Capitaine de navire marchand et en son temps capitaine de corsaire, il devint capitaine de frégate du roi comme Louis de Harismendy, natif de Bidart, qui peut être considéré comme son égal.

Plusieurs auteurs ont confirmé son origine bayonnaise dans leurs ouvrages.

Il est vrai que certaines archives municipales de Bayonne permettaient de supposer que ce glorieux capitaine était né dans cette ville.

Dans certains registres est signalée la maison de Croisic à la rue de la Galuperie.

En outre dans un registre paroissial, est mentionné , à la date du 24 novembre 1638, le baptême dans l'église cathédrale, de Jehan, fils de Joannis de Suhigaraychipy et de Magdeleine de Sopite.

Mais cette famille était-elle de Bayonne, ou bien ce qui est probable, s'y était elle réfugiée comme beaucoup d'autres familles, lors de l'invasion en octobre 1636, par les troupes espagnoles de certaines paroisses frontalières du Pays de Labourd, et avait-elle prolongé son séjour après le départ en octobre 1637 des envahisseurs, sa maison ayant peut-être été pillée et brûlée comme beaucoup d 'autres maisons de ces paroisses et principalement de Hendaye et de Ciboure ?

Par ailleurs, ce baptême, concernait-il celui qui devait être connu sous le nom de Croisic, nom que portera une partie de sa descendance ?

ORIGINE HENDAYAISE DE COURSIC

Il peut être affirmé que Coursic était natif de

Hendaye. Sa date de naissance et celle de son baptême sont inconnues, car en 1793, les Espagnols entrés dans le territoire de Hendaye, avaient emportés les registres de cette paroisse

En outre, bien que cette période ne soit pas concernée il y a lieu de préciser que les registres d'état civil de cette ville pour la période 1793-1813 , avaient été brûlés par les '' alliés '' lors de leur arrivée en France en 1813

Cependant, les archives des notaires d'Urrugne, de Ciboure et Saint Jean de Luz afférentes aux 17eme et 18eme siècles, conservées par les Archives Départementales des Pyrenées Atlantiques permettent de retrouver trace de certaines familles de Hendaye.

Parmi ces minutes notariales, se trouve le contrat de mariage, établi à Hendaye le 23 janvier 1679 par Me de Bereau, notaire royal de Ciboure, de ce fameux Joannis de Suhigaraychipy, qualifié de marinier, et de Saubadine de Haramboure , les deux habitant Hendaye.

Le futur époux était assisté de son beau-frère Joannis de Morcoitz, époux de Marie de Suhigaraychipy La future épouse était la fille de Miguel de Haramboure et de Marie de Hiriart sieur et dame de la maison de Sansignene de Hendaye.

Elle était assistée de Joanissona Detcheverry et de Marie de Haramboure, conjoints sieur et dame de la même maison, son beau-frère et sa soeur .

Un des témoins était Martin de Haramboure, capitaine de navires, ancien jurat de la paroisse de Hendaye, oncle de la future épouse ( et beau-frère de l'époux car marié à Jeanne de Suhigaraychipy

Précédemment, le 24 février 1675 , en la paroisse de Biriatou et par le même notaire, avait été établi le même contrat de mariage d'un autre Joannis de Suhigarachipy , aussi marinier habitant aussi à Hendaye, et de Domindigne Daspicoetta, fille de Gracianne de Chanchic, veuve du premier lit de feu Martin de Daspicoetta de Biriatou et veuve en deuxième noces de Joannis de Haramboure, sieur de la maison d'Arroupea de Biriatou.

Le futur époux était assisté de ses beau-frères, Martin de Haramboure et de Joannis de Morcoitz, maîtres de navires de Hendaye ..

Il est précisé dans ce dernier contrat, que la mère de Joannis de Suhigaraychipy était Marie de Margerie. Par ailleurs, divers actes notariés prouvent que les deux futurs époux, concernés par ces deux contrats de mariage, étaient deux frères

.Ils avaient tous deux comme beau-frères Joannis de Morcoitz.

Ce dernier a été, en 1691, troisième lieutenant sur la frégate La Légère commandée par Croisic dont le frère, l'autre Joannis s'y trouvait embarqué en qualité de deuxième lieutenant.

En 1690 , Coursic résidait encore à Hendaye , selon les mentions figurant sur un acte notarié daté du 12 septembre 1690 Cet acte était établi à la demande de André Darretche , capitaine de navires de Saint jean de Luz pour être notifié à Joannis de Suigaraychipy di Coursic habitant Hendaye en vue d'obtenir conformément à la décision du Conseil d'Etat du 21 juillet 1690 la main levée des trois quarts du vaisseau le Saint Antoine de Saint Jean de Luz et de l'ensemble de la cargaison de morue.

Ce navirre venant de Terre-Neuve avait été pris par Coursic, car 1/4 appartenait à des Espagnols.

Par ailleurs, sur le registre paroissial, Coursic capitaine de frégate du Roi, parrain à un baptême célébré à Bayonne le 6 janvier 1691 est porté comme résidant à Hendaye.

Sur le même registre, de nouveau parrain à Bayonne le 16 janvier 1691 , est porté comme résident à Hendaye

Il est probable que c'est vers 1691 que Croisic et sa famille s'est installé à Bayonne achetant la maison qui sera nommée la maison de Croisic, à la rue de la Galuperie .

A ce sujet il y a lieu de préciser que les noms des maisons n'étaient pas fixées suivant les mêmes règles selon qu'elles étaient situées en milieu rural ou en milieu urbain.

En milieu rural basque selon l'usage ou la coutume, il était attribué aux maisons, un nom compte tenu, soit de la situation par rapport au voisinage ou à la nature environnante, soit de leur forme, de couleur, de leur ancienneté, ce nom n'étant pas modifié par le temps.

Au centre de Bayonne, les maisons étaient nommées par le nom de leur propriétaire.

Le nom se modifiait donc lorsque il y avait un changement de propriétaire.

La maison de Croisic a été ainsi nommée après son achat par Croisic.

Après le décès de ce dernier, sa veuve Saubadine de Haramboure a acheté une maison située rue Pannecau ; un Procès Verbal de prise de possession par elle de cette maison a été établi le 5 décembre 1696 par Me de Laborde notaire royal de Bayonne ( 7 )

ASCENDANCE DE CROISIC .

Joannis de Suigaraychipy était le fils de Joannes de Suhigaraychipy et de Marie de Margerie résidant à Hendaye.

Ces derniers s'étaient mariés en février 1640. Un acte notarié daté du 28 février 1642 cite en effet leur contrat de mariage établi en février 1640

La date de naissance de leur fils '' Coursic ''devait se situer entre 1640 et 1646

Il peut être affirmé sans crainte d'erreur, que l'enfant Jehan de Suigaraychipy Baptisé à Bayonne le 24 novembre 1638 n'était pas celui qui allait devenir Croisic .

Les noms et prénoms sont en effet différents , s'agissant de la mère Marie de Margerie, mère de Croisic, était la fille unique de Esteben de Margerie, marchand de Hendaye, et de Marie d'Agorette sieur et dame de la maison de Péricorena de Hendaye.

Veuf Esteben de Margerie avait épousé en deuxième noces Marie Daguerre. a testé le 6 avril 1654 devant Me Diharce notaire royal

LE PERE DE CROISIC CAPITAINE DE NAVIRE.

Un acte daté du 31 décembre 1641 cite le navire la Marie de Saint Vincent de Ciboure, de 180 tx.armé de 6 pièces de canon, 2 pétards, 20 mousquets navire qui doit partir pour la pêche et chasse des baleines sous la conduite de Joannes de Suhugaraychipy, marchand marinier de Hendaye.

Un autre acte daté du 17 novembre 1665 cite le navire le Saint André de 150 TX qui est revenu de la pêche aux baleines, et dont le maître postif était Joannes de Suhigaraychipy dit Guichona, habitant la paroisse de Hendaye .

Il est probable qu'il s'agissait du père de Croisic.

ORIGINE DU NOM DE SUHIGARAYCHIPY

Ce nom est celui d'une maison d'Urrugne, citée dans divers actes, et notamment dans un acte notarié daté du 20 juin 1647, le maître de cette maison étant alors Pascoal de Suhigaraychipy .

Dans plusieurs paroisses du pays du Labourd et de Basse-Navarre, il existait une maison nommée Suhigaray. Mais il semble qu'une maison appelée Suhigaraychipy ne se trouvait qu'à Urrugne , où, par ailleurs, existait et existe encore la maison Suhigaray.

Durant les 17 eme et 18eme siècles, diverses personnes vivant dans la paroisse d'Urrugne ont continué à porter ce nom qu'elles devaient à un ancêtre né dans la maison de Suhigaraychipy .

Croisic né à Hendaye, paroisse voisine d'Urrugne, devait avoir son père, ou son grand-père né dans cette même maison.

CONCLUSION

Il est certain que Joannis Suhigaraychipy dit Coursic, dit par la suite et généralement Croisic n'était pas natif de Bayonne .

Les informationsqui ressortent de ces documents de son époque tendent à prouver qu'il était de la paroisse de Hendaye.

Pour terminer, il y a lieu de rappeler qu'a Terre-Neuve, en l'église de Placentia , se trouve la tombe de Croisic décédé au cours d'une de ses croisières.

Sur la pierre tombale ont été gravées les mentions suivantes :'' CY GIS IOANNES DE SUIGARAICHIPI DIT CROISIC CAPITAINE DE FREGATE DU ROY 1694 '' ENVIEUX POUR L'HONNEUR ' DE ) MON ( Sr LE ? ) PRINCE J' ALLAIS

NE SUIVANT SA CARRIERE ATTAQUER LES ENNEMIS EN LEUR MESME ( PAYS )

Décédé à Plaisance TERRE NEUVE en 1694

(Bulletin Sté Sciences Lettres et Arts de Bayonne

DUCERE un corsaire basque sous Louis XIV

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14 août 2013

de 1946 à aujourd'hui

guerre d'indochine

 

La guerre d’Indochine est un conflit armé s'étant déroulé de 1946 à 1954 en Indochine française, et ayant abouti à la fin de cette fédération ainsi qu'à la sortie de l'Empire colonial français des pays la composant. Ce conflit fit environ plus de 500 000 victimes

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Saigon

 

quatrieme republique

 

Les origines de la Quatrième République

Après la Libération, le régime politique de la Troisième République ainsi que de nombreux politiciens sont discrédités pour avoir été incapables de mener la guerre contre l'Allemagne. Pour beaucoup d'autres, et en particulier de Gaulle, l'homme du 18 juin 1940, dont la popularité est immense, de nouvelles institutions s'imposent. À la question des institutions, se pose le problème de la représentativité et de la légitimité du pouvoir, car aucun de ces hommes qui aspirent au changement n'est élu.

 

PHILIPPE 

 

labourdette

 

1948. Ouverture de la frontière franco-espagnole.

 

 

 

etchenausia

 

1951. Le tennis club Hendayais, nouvelle association sportive à Hendaye.

 

   Aménagement du fronton de Gaztelu Zahar, un mur lisse - permet le dévelopement de l'aire de jeux - lors de la construction de la nouvelle Poste-

 

 

 

pardo

 

IMG_20130427_0016

 

IMG_20130427_0013

 

 

guerre algerie

 


 

La guerre d’Algérie se déroule de 1954 à 1962 principalement sur le territoire des départements français d'Algérie, avec également des répercussions en France métropolitaine. Elle oppose l'État français à des indépendantistes algériens, principalement réunis sous la bannière du Front de libération nationale (FLN)1.

Veme republique

 

 

 

errecart

HENDAYE D'AUTREFOIS
pour le 25ème anniversaire de la Société

PEPITO et le Gaztelu-Zahar

 

 

1972  Fête des 25 ans de GAZTELU ZAHAR

 

 


HENDAYE d'AUTREFOIS

 

 

 

 

lassallette

Ce fut un triste jour pour Hendaye que ce 1er janvier 1993 qui vit la disparition des frontières et donc de toute l'activité économique liée au transit de marchandises. Un choc, se souvient le maire, 64 ans - un des deux seuls édiles socialistes du Pays basque.
 En bon gestionnaire, il avait cependant anticipé l'événement en lançant les travaux d'aménagement de la pointe Sokoburu pour organiser- autour du tourisme, de la plaisance et de la thalassothérapie - une activité de substitution aujourd'hui prometteuse.
 L'année 1998 fut une autre année marquante, avec la naissance du Consorcio de Txingudi, Hendaye-Irun-Fontarrabie, le premier exemple dans l'histoire européenne d'une communauté transfrontalière. Un acte pionnier qui se concrétisera cette année avec la réalisation d'un parc des expositions. M.-P. B.

 

1982. La Floride ensemble portuaire. Des travaux récents ont doté la zone de la Floride d’installations pou la navigation de plaisance et pour la pêche (criée et ateliers compris).
1992. Suppression de la douane entre l’Espagne et la France en application de l’Acte Unique Européen qui culmine le marché unique européen à travers les  quatre libertés: de circulation des marchandises et des services, des prestations et des installation d’entreprises, des capitaux, des personnes.

1992. Suppression de la douane entre l’Espagne et la France en application de l’Acte Unique Européen qui culmine le marché unique européen à travers les  quatre libertés: de circulation des marchandises et des services, des prestations et des installation d’entreprises, des capitaux, des personnes.
1993. Inauguration du port de plaisance de Hendaye.

1997. L’Observatoire Transfrontalier Bayonne-Saint Sébastien est crée à l’initiative conjointe de la Communauté d’agglomération de Bayonne-Anglet-Biarritz et la Diputacion Foral de Guipúzcoa. 

1998. Le Consorcio Bidassoa-Txingudi réunit les communes de Hendaye, Irun et Fontarabie pour harmoniser le développement économique, le tourisme et les activités sociales et culturelles. Il est régi par le droit espagnol.

 

 

ecenarro

 

2001. L’Eurocité Basque Bayonne Saint Sébastien. Il s’agit d’un groupement européen d’intérêt économique qui agit à travers l’Agence transfrontalière pour le développement de l’eurocité basque Bayonne-Saint Sébastien 

 

 

 

sallaberry

2010. Projet d’Euro région Aquitaine-Euskadi.
 Hendaye serait le siège de la nouvelle structure qui se régirait par le droit français.

 

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BIBLIOGRAPHIE

 Gabriel et Jean-Raoul Olphe-Galliard  : Hendaye
Abbé Michelena  :Hendaye son histoire
Jean Fourcade :  Urrugne 
Jean Fourcade : Trois cents ans au Pays Basque d'histoire
 ( le livre d'histoire Paris )
Joseph Nogaret  : Hendaye  ( 1811/1890 )
Joseph Nogaret : Saint jean de Luz
Claude Choubac : La Bidassoa
 Théodoric Legrand : Essai sur les différents de Fontarrabie avec le Labourd
Georges Langlois)La véritable histoire de Hendaye-Plage
Duvoisin: le Corsaire Pellot
Ducéré Edouard (1849 )
Thierry Sandre :  le corsaire Pellot
Alfred Lassus : Hendaye ses marins ses corsaires
Lauburu : Histoire et civilisation  Basques

Narbaitz  : le Matin Basque
Eugène Goyheneche  : le Pays Basque
Manex Goyeneche Histoire Pays Basque T : 1.2.3.4
Philippe Veyrin : les Basques
Rectoran : Corsaires Basques et Bayonnais
Thierry du Pasquier : les Baleiniers Basques
Josane Charpentier : La sorcellerie  au Pays Basque ( Ed . Guénégaud Paris )
Jean-Claude Lorblanches: les soldats de Napoléon en Espagne 1837
 ( Edition l'Harmattant )
Louis de Marcillac  : Histoire de la guerre entre la France et l'Espagne 1793/1795
Correspondance d'Escoubleau de Sourdis : 1636
Oiasso  : 4 siècles de présence romaine
 Gipuzkoakultura
Le Journal du Pays Basque
Supery
Regis Boyer   Heros et dieux du Nord  Ed.Tout l'Art
Internet
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Société des Sciences, Lettres & Arts de Bayonne (Bulletin, et notamment : J. de Jaurgain, E. Ducéré, J.-B. Daranatz, M. Degros...)
Musée Basque de Bayonne (Bulletin, et notamment : P. Arné, Pierre de Lancre...) Cardaillac (X. de) : Fontarabie.
Langlois (G.) : La véritable histoire de Hendaye-Plage.
Legrand (T.) : Essai sur les différends de Fontarabie avec le Labourd.
Nogaret (J.) : Petite histoire du pays basque français.
Nogaret (J.) : Saint-Jean-de-Luz : des origines à nos jours.
Olphe-Gaillard (J. & J.-R.) : Hendaye : Son histoire.
Paquerie (Ch. de la) : Un coin du pays basque.
Sandre (Thierry) : Le corsaire Pellot.
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REMERCIEMENTS PARTICULIERS à Mme Jacqueline Sanchez pour son aide dans la traduction de l' écrit habituel en langage informatique

 

 

 

 

 

 

 

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13 août 2013

Etienne PELLOT

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ETIENNE PELLOT,     I

Le CORSAIRE

Le plus populaire parmi les plus braves corsaires et dont le nom est encore prononcé de nos jours est Etienne Pellot, d'Hendaye. Le capitaine Duvoisin s'est chargé de retracer en détail la vie pleine de péripéties de toutes sortes, de ce valeureux marin. Il l'a fait d'après les récits qu'il aurait recueillis de Pellot lui-même. Certains auteurs ont contesté l'authenticité de plusieurs de ces anecdotes (1) ; mais elles n'en ont pas moins un caractère d'originalité incontestable et nous en détacherons quelques-unes des plus piquantes. C'est une vive peinture des mœurs corsaires sous le Premier Empire.

De tous les corsaires du pays basque, nous dit M. Vovard, le plus connu est certainement Etienne Pellot.

Il naquit le 1er septembre 1765 à Hendaye où il conserva sa demeure. Il y mourut le 30 avril 1856. Je n'ai trouvé sur lui, poursuit le même auteur, qu'un seul dossier officiel. Il est aux archives de la grande chancellerie de la Légion d'honneur et il ne contient que quelques pièces.

Pellot fut nommé chevalier de la Légion d'honneur le 16 août 1846. Mais peu de temps après la fondation de l'institution, le 28 fructidor, an XII, il avait été proposé par Augereau à Lacépède dans les termes suivants : « Les journaux du mois dernier vous ont appris avec quelle intrépidité le corsaire le Général-Augereau s'est battu dans le canal Saint-George avec deux bâtiments plus fort que lui de moitié. Le capitaine Pellot, dans cette circonstance, a donné personnellement des preuves d'une bravoure étonnante dans un abordage sanglant où il a été blessé avec la presque totalité de son équipage et où deux de ses hommes ont été tués, etc. »

Voilà pour l'histoire, voyons maintenant la légende et ce que nous dit Duvoisin :Pellot était, sans aucun doute, d'une intrépidité à toute épreuve. Toutefois, si on ne considérait que cette vertu, si, en le voyant tant amoureuxd'abordages et de combats sans merci, on s'imaginait que cet homme, petit de taille,aux yeux gris, aux cheveux épais et lissés n'était qu'un tigre altéré de sang, ons'exposerait à une erreur étrange.Pellot aimait à jouer avec le danger. Chez lui la ruse, l'audace avaient pour compagniel'humanité et la générosité. Des moyens faibles en apparence lui suffisaient pourparvenir à de grands résultats.Un petit navire gouverné par un homme aussi habileéchappait à bien des dangers. Il eut lecommandement d'un petit corsaire de 8 canons,le Flibustier, armé à Saint-Jean-de-Luz.

A la voix du hardi Pellot, quarante Basques accoururent pour en former l'équipage et prirent la mer avec lui le 8 août 1797. On se dirigea vers les côtes du Portugal. Après quelques jours d'attente, on aperçut une voile anglaise. C'était un navire marchand armé en guerre et portant 16 canons, le double de ce que possédait Pellot. Devant cette artillerie plus forte, Pellot aurait pu battre en retraite. C'était mal le connaître ; il fit force de voiles pour atteindre l'Anglais. L'abordage était, dans ce cas, son seul moyen d'attaque, sa seule chance de victoire. Ils abordèrent donc l'ennemi et bientôt les Basques de Pellot se rendaient maîtres du navire anglais. Leur joie fut de courte durée ; dès le lendemain, ils étaient capturés par la corvette anglaise la Belliqueuse et conduits à la Rye. Les Anglais, à leur tour, ne purent longtemps garder Pellot dans leurs chaînes.

En attendant la préparation d'un ponton, ils le placèrent, avec ses compagnons d'infortune, dans un fort dont la garde était faite avec le plus grand soin. De nombreuses sentinelles défendaient l'approche du rempart et le passage du pont-levis était surveillé d'une manière toute spéciale. Les prisonniers étaient réunis pendant la journée dans une cour d'où ils ne voyaient que le ciel et les murs dont ils étaient entourés. Cette situation n'était propre à rien moins qu'à les rendre gais ; mais les joviales excentricités de l'allègre Pellot soutenait leur moral et souvent cette triste cour retentissait des éclats de rire les plus francs. Les gardes s'humanisaient autour des prisonniers parmi lesquels ils se mêlaient pour jouir des pasquinades de l'infatigable Pellot. Celui-ci s'adressait souvent à eux et il en apprenait un vocabu­laire de mots choisis, au moyen desquels il débitait les choses les plus facétieuses du monde. Il faisait beau le voir sauter comme un cabri contre le mur de la tour placée au milieu du fort. Il prétendait, disait-il, monter sur la plate-forme du haut de la tour pour reconnaître, de ce point culminant, si les dames d'Angleterre étaient aussi jolies que les Françaises. L'œil du corsaire, toujours en alerte, n'était pas sans avoir découvert qu'une tête féminine se tenait quelquefois derrière les rideaux d'une petite fenêtre, d'où elle assistait aux scènes bouffonnes de la cour. Il lui avait même semblé remarquer un minois des plus coquets et entendu des rires étouffés, messagers des bonnes grâces de la belle inconnue. Cette dame n'était autre que la femme du gouverneur du fort. Bientôt Pellot obtint de lui être présenté et, insensiblement, il fut admis à égayer les soirées des dames des officiers de la garnison, lorsque le gouverneur, homme vigilant et sévère se couchait de bonne heure. Il est vrai que sir Thomas Wambey était sujet à de fréquentes indispositions par suite des libations trop copieuses que messieurs les Anglais du fort étaient dans l'usage de faire après leur dîner. Il n'est pas inutile d'ajouter que Pellot avait eu occasion de faire connais­sance pendant sa détention, avec M. Durfort, le principal maître d'hôtel de la ville de Folkestone. C'était un descendant de ces Français qui avaient abandonné leur patrie à la suite de la révocation de l'Edit de Nantes. M. Durfort n'avait pas oublié son origine et il était plein de bienveillance pour les Français que leur mauvaise fortune jetait clans les prisons d'Albion.

Pellot annonça un jour à la société dont il faisait les délices qu'il avait composé une pièce de sa façon sous le titre le Général boiteux. Toutes les dames le prièrent avec insistance de leur réciter. Ce n'est pas que Pellot voulut se faire prier, mais il lui fallait un uniforme militaire pour bien faire le sujet.

Le gouverneur était couché, ivre-mort, selon sa coutume. Ses effets étaient sous la main ; ils pouvaient s'adapter à peu près à la taille de Pellot et, sous la pression des circonstances, Mme la gouver­nante ne se fit pas scrupule de les apporter. Notre corsaire s'en affuble et débite en mauvais anglais, avec un admirable jeu mimique les tribu­lations d'un général américain, boiteux et ridicule, abandonné par ses soldats dans une forêt vierge du Nouveau Monde. Il termine le premier acte par l'air national d'Amérique : Yankee dodede.

On sait que ce chant ne ressemble en rien à notre Marseillaise pas plus qu'au God save the King de John Bull. Les combattants de la guerre de l'Indépendance l'avaient adopté pour la seule raison que les Anglais s'en moquaient. Les paroles, en effet, en sont comiques, et sans aucun rapport avec la lutte à laquelle d'ailleurs ce chant est antérieur. Pellot, simulant une voix chevrotante, s'en tira à merveille et finit en disant : « Mesdames, je prends mon chapeau, ma canne et mon parti. Vous avez vu le premier acte, le second suivra de près. Je vous laisse l'honneur de placer les points d'exclamation. » Il saisit aussitôt la canne du gouverneur, son chapeau à plumes qu'il jette crânement sur l'oreille (quant au parti, il était déjà pris) fait la révérence et sort en boitant au milieu des rires homériques de la société. Il descend rapidement un escalier et va droit à la poterne de service ; les factionnaires lui présentent les armes. A une centaine de pas de distance, il prend son chapeau sous le bras, les jambes à son cou et, d'un trait, court jusqu'à Folkestone sans s'arrêter. Jugez des points d'exclamation que placèrent les dames du fort lorsque la disparition de l'adroit corsaire fut bien et dûment constatée. Il alla se cacher chez M. Durfort qui lui donna asile et parvint ensuite à regagner les côtes de France à bord d'un cutter dont il avait soudoyé l'équipage.

Pellot à l'hôpital. — Pellot ayant été blessé au cours d'une croisière à bord du Général-Augereau fut débarqué et soigné dans un hôpital. Une blessure à la jambe s'étant dangereusement envenimée, les chirurgiens décidèrent l'amputation de la cuisse. A l'annonce de cette décision Pellot s'écria : « Coupez-moi le nez, coupez-moi les oreilles,mais laissez-moi ma cuisse. Un corsaire a besoin de ses deux jambes. » Transporté sur la table d'opération et voyant que les chirurgiens voulaient passer outre à ses récriminations, Pellot, dans un sursaut d'énergie, bondit hors de la table où il était étendu, se saisit du scalpel le plus long qu'il trouva à sa portée et en menaça les praticiens en roulant des yeux terribles ; ceux-ci, épouvantés, s'enfuirent. Pellot se fit traiter dans un autre hôpital, puis alla faire une cure aux eaux thermales de Tercis, près de Dax. De toutes ces blessures, il ne lui restait plus qu'un œil et il lui était impossible de tourner le cou ; mais ses deux jambes étaient alertes comme avant, c'est tout ce qu'il demandait.

Pellot au théâtre. — On conçoit très bien qu'aussitôt débarqués, les corsaires, comme tous les marins, donnaient libre cours à leur joie exubérante. Après une croisière particulièrement brillante du Général-Augereau, le navire corsaire rentra à Bordeaux. Dix prises avaient été dirigées sur La Rochelle, Bayonne et Saint-Jean-de-Luz. Les Bordelais font fête au vaillant corsaire, et, en leur honneur, le directeur du théâtre fait apposer une affiche monstre annonçant aux habitants que le ballet du jour serait terminé par le saut basque,dansé par les meilleurs sujets de la troupe (1).

Voici, dit E. Lamaignère (2) comment nous avons entendu racon­ter, par Pellot lui-même, l'aventure comique qui termina la représen­tation et fit tant de bruit à Bordeaux.

« J'avais assisté ce jour-là à un grand dîner que mon consignataire avait donné en mon honneur. J'avais endossé ma grande tenue de ville.

« Le soir, je me rendis comme d'habitude au théâtre qui était plein comme un œuf. Je le dis franchement, après mon corsaire et la mer, ce que j'aime le mieux c'est le théâtre. Et le ballet donc ! Comme cela vous impressionne quand on est resté plusieurs mois en pleine mer ! C'est à perdre la tête ! Aussi je vous avoue que je la perdis un peu ce soir-là.

« Quand l'opéra fut terminé, les danses commencèrent. J'étais placé derrière l'orchestre et j'ouvrais des yeux tout grands pour admirer ces gracieuses sirènes qui avaient l'air, par leurs regards et leurs gestes de vouloir nous charmer, lorsque tout à coup, je bondis sur mon siège et j'entendis des cris et des bravos dans toute la salle. On venait de commencer le saut basque.

« Mes marins, qui étaient dans les loges, ne se possédaient plus. On eut de la peine à leur imposer silence. Moi, j'avais mon cerveau qui battait à rompre son enveloppe. J'étais là, haletant, le corps penché, suspendu à cette danse à laquelle je ne pouvais me mêler, je devais être curieux à voir, parole d'honneur. Bientôt ma situation ne fut plus tenable ; une idée diabolique me traversa l'esprit : « Et pourquoi non? dis-je. Est-ce que tu crains quelque chose, Pellot? Fais comme tu ferais devant une bordée ennemie, en avant ! » Et aussitôt, m'élançant par dessus l'orchestre, une contrebasse et un pupitre me servant de marchepied, d'un bond je fus sur le théâtre. J'étais si leste, à cette époque et mon action fut si rapide, que les musiciens continuèrent à jouer sans s'être aperçus de rien. Une ombre seulement avait passé au-dessus de leurs têtes et, avant que le public manifesta son étonne- ment, je m'écriais : « Le saut basque ça?... Laissez donc ! Pellot le corsaire va vous faire voir comment on le danse à Hendaye ! (1).

« Déjà, d'une poussée, j'avais envoyé l'un des danseurs à dix pas et, prenant sa place, je me trémoussai tellement et si bien, surexcité que j'étais par toutes ces jolies demoiselles aux robes Manches si courtes et aux visages si roses, que je me surpassai, moi, l'un des meilleurs danseurs du pays basque. Aussi la salle entière m'applaudit avec fureur.

« Mes gens surtout faisaient, avec leur cri particulier au pays (2) un vacarme infernal. La police dut s'en mêler et, comme auteur du désordre, on se mit en mesure de me conduire en prison. Heureusement que, dans un moment plus calme, j'entendis une voix amie qui me criait en basque : « Sauve-toi, Pellot, sauve-toi ! Prends garde aux gendarmes ! » Cet avertissement me suffit. Je bondis comme un tigre sur la foule qui garnissait le théâtre, culbutant tout, je m'ouvris un passage à travers les coulisses ; puis je traversai tête baissée une enfilade de portes et j'arrivai enfin, je ne sais trop comment, sous le péristyleoù je trouvai plusieurs de mes corsaires, officiers en tête, prêts à m'enlever si j'avais été arrêté et nous filâmes lestement à bord. »

Le lendemain de l'incartade de Pellot, toutes les notabilités commerciales de Bordeaux qui s'intéressaient à lui, firent des démarches actives pour étouffer cette affaire qui était une peccadille en présence des services réels qu'il rendait à son pays. Les dames s'en mêlèrent aussi et, dès lors, l'arrangement fut de moitié plus facile. Seulement les autorités prièrent les protecteurs du corsaire de hâter le plus possible le départ du Général-Augereau afin de débarrasser la ville de cette légion de diables turbulents

 

Son cousin le Maire


 

 

 

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13 août 2013

Jean D'ALBARRADE

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Jean D'ALBARRADE      I

arriva à HENDAYE, avec son père Etienne, professeur d'hydrologie à Eskola-Handi, à l'âge de 4 ans

il fut Corsaire et Ministre de la Marine

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suivi de sa biographie de Ministre

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il naquit le 31 août 1743 dans la maison l'Espérance.

Il était fils d'Etienne d'Albarade, professeur d'hydrographie et de Marie Capdeville. A quinze ans, le 14 mars 1759, il est reçu matelot pilotin à bord de la flûte du roi l'Outarde, capitaine Darragorry, et faisait bientôt voile pour Québec.

Le 2 octobre 1760, il s'embarquait comme lieutenant à la part sur le corsaire le Labourd de Saint-Jean-de-Luz, armé de 18 canons et de 207 hommes d'équipage placé sous les ordres de son compatriote Pierre Naguile.

Durant cette campagne, dont le résultat se solda par treize prises sur l'ennemi, d'Albarade reçut une grave blessure à la tête. A peine rétabli, il passe sur la goélette la Minerve, corsaire bayonais commandé par le capitaine Dolâtre.

Dès sa première sortie (1) la Minerve enlève à l'abordage et à la vue de trois navires de guerre ennemis le Jency, de Lancastre. Cramponné à la vergue de fortune, d'Albarade s'élance le premier.

Aidé de quelques matelots basques, il tue et blesse tout ce qui se présente devant lui et force l'équipage anglais à fuir dans la cale.

Epouvanté, le capitaine du Jency saute sur le pont de la goélette et rend son épée à Dolâtre.

Quoique dangereusement atteint à la tête et au pied, d'Albarade reçoit en témoignage de ses services la difficile mission de conduire en France en port sûr la prise à laquelle il a si brillamment coopéré (2).

La Minerve ayant été obligée de désarmer pour réparer ses avaries, le commandant Laverais engage d'Albarade comme lieutenant en premier à bord de la Triomphante, autre frégate bayonnaise forte de 160 hommes d'équipage. A cette époque, les ports de Bayonne et de Saint-Jean-de-Luz « regorgeaient Le 2 février 1762, au 5 mai suivant, le capitaine Laverais croise le long de la côte d'Espagne. Enfin sa bonne étoile le met en présence d'un convoi anglais et, grâce à de savantes manoeuvres, il s'empare de cinq gros navires qui, amenés à Bordeaux, Bayonne et Lorient donnent au vainqueur une prime magnifique Le 17 juin 1762, d'Albarade entre au service de l'Etat en qualité de matelot aide-pilote de la

Malicieuse et tint campagne sous les ordres du lieutenant de vaisseau de Chateauvert jusqu'au 5 mai 1763. Licencié presque aussitôt, il sert successivement comme capitaine à 90 livres par mois à bord du Régime, de la Marie, de la Sainte-Anne et du Saint- Jean,capitaines La Courteaudière, Clemenceau, Peyre et Nicolas Marie. Enfin le 5 septembre 1779, un riche armateur de Morlaix, plein de confiance en la bravoure et le savoir de notre jeune héros lui confie le commandement de la Duchesse de Chartres, superbe corsaire défendu par 12 canons et plusieurs pierriers.C'est à cette période de sa vie maritime que d'Albarade, désormais seul maître après Dieu sur le navire qu'il commande, commence à acquérir la réputation du plus audacieux des capitaines de la marine marchande de son temps.

Chargé d'établir une croisière dans le canal Saint-Georges, il s'empare, trois jours après son départ, de deux voiles richement chargées. Forcé de relâcher un instant, il reprend sa route le 11 septembre 1778 et, le même jour, capture le Général Dalling, dont la cargaison est estimée 600.000 livres (2.400.000 francs-or 1914). Le lendemain, au sortir d'un profond brouillard, il tombe au milieu d'une flotte ennemie. S'aidant du vent, il prend chasse aussitôt. Serré de très près par le Lively (le Léger) et le Swalow

(l'Hirondelle) armés : le premier de 16 canons et de 150 hommes d'équipage ; le second de 14 canons et de 97 hommes. L'un et l'autre possédaient des pierriers et des obusiers. Profitant de ce que la mer, devenue très houleuse, incommodait fortement la Duchesse de Chartres, le Général Dalling, en dépit des 13 matelots français placés sur son bord, coupe l'amarre et va se réfugier sous le pavillon des Anglais. Il ne restait plus qu'à combattre. D'Albarade s'y prépare vaillamment et, comme la mer avait inondé une partie de la soute aux poudres, il se décide pour l'abordage. Dans cette intention, il fait apporter sur le pont un tonneau plein d'armes diverses : « Matelots, s'écrie-t-il, nous n'avons que de ceci à pouvoir faire usage aujourd'hui ! Ceux qui en manqueront viendront en prendre dans la barrique !

(sic) ». Cependant les ennemis s'approchaient vivement espérant que la Duchesse de Chartres se rendrait aussitôt (1). Ils se postèrent l'un au vent, l'autre sous le vent, à portée de fusil. Le Lively au vent tira un coup de canon et vint se présenter par le travers de la Duchesse de Chartres qui continuait sa route tranquillement et sans mouvement, sous les quatre voiles majeures (2), faisant deux lieues et demie à l'heure. L'Anglais, lassé de ce calme apparent, se laissa culer, fit feu de toute sa bordée et manœuvra pour passer sous le vent. Au même instant, le Swalow commença aussi son feu par toute sa volée. Ainsi la Duchesse et le capitaine, attentif, guettait un instant favorable qui servirait ses desseins. Le moment venu, le Lively étant sous le vent, le capitaine d'Albarrade, avec sa même voilure, arriva dessus avec vivacité et l'aborda effectivement au vent. Il ordonna à sa mousqueterie de faire feu. En abordant, M. d'Albarade fut blessé au haut du bras gauche par une balle de mousquet qui pénétra dans la poitrine et fractura le sternum ; le bras lui resta immobile, il perdit beaucoup de sang. La douleur d'une blessure aussi dangereuse ne lui arracha qu'une exclamation. Plusieurs de ses gens placés près de lui répétant qu'il était blessé, il leur en imposa en disant : « Taisez-vous, ce n'est rien ! » et il continua de commander et d'encourager son équipage. Le Lively, s'étant vu serrer de si près, travaille à se dégager, marchant mieux, il réussit et fila de l'avant, son grand porte-haubans écrasé. Malgré sa blessure, le capitaine d'Albarade ne se déconcerte pas. Il commandait avec la même précision et avec son sang-froid ordinaire dans des manœuvres aussi précipitées, aussi délicates que hardies et dangereuses. Il fit arriver aussitôt que son beaupré fut dégagé du Lively et fit faire sa décharge à toute sa batterie du vent à brûle-pourpoint sur le derrière de l'Anglais qui le chauffe à son tour et, du même mouvement, il courut sur le Swalow qu'il aborda aussi au vent, qu'il tint bon allongé et qui fit de vains efforts pour se dégager. Ce fut encore en l'abordant que M. d'Albarade fit faire feu de sa mousqueterie. Les gens du devant de l'Anglais fléchissant, il ordonna à son équipage de sauter à bord de l'ennemi. L'arrière se présenta bien, étant sur le plat-bord ; quelques- uns ayant été blessés, les autres furent arrêtés par les ennemis qui opposèrent une résistance qu'on ne put surmonter. Ceux en avant du grand mât de la Duchesse de Chartres que rien ne pouvait arrêter, au lieu de profiter du moment et de sauter à bord de l'Anglais, furent se cacher, à l'exemple d'un homme qui, par état et par devoir était fait pour montrer l'exemple du courage dans le péril (1). Les ennemis s'apercevant de cette retraite reprirent courage et se présentèrent avec force résistance. Si les Français du devant, en tout ou partie, eussent sauté à bord de l'ennemi, cette alternative n'aurait, pas eu lieu. Ils auraient fait diviser ceux qui défendaient l'arrière de l'ennemi et les Français de l'arrière de la Duchesse de Chartres, toujours parés pour sauter à bord du Swalow, trouvant un jour, s'en seraient rendus maîtres.

Cette belle occasion si bien amenée ayant été manquée, M. d'Albarade, sans se décourager et plein d'espérance de la retrouver, chercha à rallier et à encourager son équipage, l'exhortant à empêcher l'ennemi de passer à son bord. Il y avait trois quarts d'heure qu'on tenait l'Anglais accroché, que l'on se battait avec acharnement, qu'on employait réciproquement la force et les ressources de l'art pour se détruire jusqu'à se jeter avec la main d'un bord à l'autre des boulets de canon, des pinces, etc. Voyant enfin le moment de pouvoir pénétrer, M. d'Albarade exhorte derechef son équipage, ordonne à son monde, à l'arriére, qui avait arraché des lances des mains des Anglais, de se tenir paré. Il passe en avant pour conduire ses gens et les faire sauter devant lui à bord de l'ennemi; mais à peine avait-il fait quelques pas qu'il fut renversé sur le pont par un boulet de canon qui lui tomba en mourant sur le côté gauche et qui, achevant de lui assommer la poitrine, le laissa sans respiration. Un moment après, pouvant prononcer quelques paroles, il fit appeler le sieur Cottes, un de ses premiers lieutenants, déjà blessé à la tête d'un coup de pique, lui recommanda l'honneur du pavillon, lui remit le sabre qu'il tenait encore en main et, perdant beaucoup de sang qui sortait à gros bouillons, retomba sans connaissance sur le pont en priant qu'on l'y laissât.

Ayant recouvert quelque force et rouvert les yeux, loin du bonheur, au delà de toute espérance dont il avait été près de jouir et que son courage et ses manœuvres lui avaient mérité, le capitaine se trouva au pouvoir des Anglais. Son état-major lui représenta que l'équipage, le voyant étendu sur le pont, l'avait cru mort et que, en le pleurant et le regrettant, on avait amené.

A Pembroke (1) 1) Pembroke, province d'Ontario, Haut-Canada où il fut conduit prisonnier, d'Albarade reçut un accueil plein de sympathie. A peine à terre, ses vainqueurs lui rendirent son épée, le laissant libre sur parole, mais mandant pour le soigner un expert-chirurgien. Enfin, lorsqu'en janvier 1780 il quitta Pembroke, on lui délivra les certificats les plus honorables. Nous ne rapporterons qu'une seule de ces attestations :

« Nous, dont les noms sont ci-dessous, certifions que la défense de la Duchesse de Chartres, commandée par M. d'Albarade, a faite pendant une heure avec des forces inférieures contre deux sloops de guerre appartenant à Sa Majesté Britannique : le Swalow,commandé par le capitaine « Le plus fort et le meilleur voilier d'entre les corsaires, constate- t-il en octobre 1781, l'Aigle

(1), capitaine d'Albarade, qui avait été(1) Armé de 40 canons, monté par 360 hommes d'équipage, choisis avec le plus grand soin par leur capitaine, l'Aigle, sortait des ateliers de M. Dujardin de Saint-Malo dont la réputation de constructeur de premier ordre était alors européenne. Ce fut le premier vaisseau de commerce doublé de cuivre.

Brikeston, etle Lively, commandé par le sieur Inglefield, est telle qu'elle fait honneur au pavillon français. En conséquence de quoi les vainqueurs lui ont rendu son épée et ses armes et se sont eux-mêmes intéressés au rétablissement de sa santé. Ce brave capitaine jouit ici du respect et de l'estime qu'il mérite si bien. En témoignage de quoi nous lui avons délivré le présent certificat pour lui servir ce que de raison. A Pembroke, ce... janvier 1780. Signé : J. Campbell, membre du Parlement et lieutenant-colonel du régiment de Cardignan ; J.-L. Egod, capitaine au dit régiment ; J. Kinvangtz ; R. Stevenson ; J. Allen, chirurgien ; G. Weeb, major de Pembroke ; D. Allen, capitaine d'infanterie. La défense que le capitaine d'Albarade fit lorsqu'il fut attaqué par les sloops de S. M. le Lively et le Swalow a été noble et doit mériter la bienveillance de tous ceux qui en ont été témoins, en conséquence il emporte dans sa patrie mes souhaits les plus sincères pour son parfait rétablissement. Signé : Inglefield, capitaine du Lively. » Loin de nuire à sa gloire, le combat soutenu par la Duchesse de Chartres rendit d'Albarade encore plus populaire. A la date du 11 février le Mercure de France annonçait que deux superbes frégates corsaires venaient d'appareiller à Saint-Malo : l'Aigle et la Duchesse de Polignac,commandées la première par M. d'Albarade, la seconde par M. Gan- delon. Depuis cet instant, le journal de la Cour ne cesse de chanter les éloges de notre compatriote. Chacune de ses prises est enregistrée et annoncée pompeusement au-devant de la flotte de la Jamaïque, vient d'entrer à Dunkerque. Le mauvais temps l'avait forcé de faire le tour des Trois Royaumes et s'il n'a pas rencontré ce qu'il cherchait, du moins il s'est emparé de trois navires. L'un est une belle frégate armée pour la côte d'Afrique ; elle se rendait à Ostende pour y prendre le pavillon impérial ; le second est un bâtiment chargé de lin fin, de chanvre, etc., le troisième portait des bois de construction.

L'Aigle,dont le capitaine d'Albarade est toujours très satisfait, a pris, depuis le commencement de sa croisière, 21 bâtiments dont 5 corsaires, 4 lettres de marque et le reste, navires marchands faisant en tout 26 canons et 464 prisonniers.

Cependant d'Albarade fut l'objet d'une dénonciation calomnieuse d'après laquelle on l'accusa de détourner les marins de la flotte royale pour les embaucher dans les navires corsaires. Dans une lettre pleine de dignité, d'Albarade réfuta ces accusations dont il parvint à se justifier.

Le gouvernement du roi Louis XVI ayant acheté l'Aigle, d'Albarade obtint, avec l'agrément du roi (1782), le commandement du vaisseau le Fier, de Rochefort. Dès lors il eut rang de capitaine de frégate dans la marine de l'Etat. En 1787, le roi le nommait chevalier de Saint- Louis. Pendant la Révolution, d'Albarade fut ministre de la Marine en 1793 et parvint au grade de contre-amiral. Nous ne le suivrons pas au cours de cette brillante carrière, ce qui nous ferait sortir du cadre de cette étude. D'Albarade mourut à Saint-Jean-de-Luz en 1819. Après sa mort, Louis XVIII eut la curiosité de faire chercher, au domicile du défunt, la croix et le brevet de l'ordre de Saint-Louis donnés au corsaire par Louis XVI le 11 août 1787, pour s'assurer s'il les avait déposés à la municipalité, conformément au décret du 28 juillet 1783, ou s'il leur en avait substitué d'autres comme firent bien des gens à cette époque. Malgré tous les soins apportés par le commissaire de la Marine à Bayonne, cette recherche resta infructueuse. On ne trouva qu'une très petite croix de Saint-Louis que le vieux contre- amiral avait coutume de porter depuis le retour des Bourbons. D'après la rumeur publique, d'Albarade, prévoyant une fin prochaine, aurait avalé la croix de Saint-Louis. Il tenait à emporter au delà de ce monde le témoignage certain de sa belle existence de marin.

1) C'est l'affaire qui a donné lieu à l'établissement du certificat que Dolâtre délivra à d'Albarade (voir page 286) avec d'autres détails non mentionnés par le capitaine.

(2) Archives de la Marine, certificats n°" 1 et 2.

2) Le récit de ce beau fait d'armes se trouve dans le Mercure de France, octobre 1778, page 34. Le journaliste ajoute « Les détails que nous allons rapporter sont l'ouvrage d'un marin et prouvent entièrement que la manœuvre du brave M. d'Albarade contre des forces aussi supérieures est très hardie et du commandement le plus expérimenté. »

(3) Voiles majeures.Ensemble des basses voiles et des huniers de Chartres était prise entre deux feux et le capitaine, attentif, guettait un instant favorable qui servirait ses desseins.

BIOGRAPHIE des MINISTRES FRANÇAIS de 1789 à ce jour (1826)

Jean DALBARADE

Jean DALBARADE (et non Albarade) ou d’Albarade, est né Biarritz, près de Bayonne, vers 1741. Son père, professeur d’hydrographie, tenait une école dans la commune de Hendaye.Le jeune Dalbarade embrassa la carrière de la marine dès son enfance, et commença par être mousse. Il fit différents voyages au Canada, sur des bâtiments de commerce : il devint bientôt officier, et se fit remarquer sur des navires armés en course contre l’Angleterre. A l’âge de 20 ans, il eut le commandement d’un corsaire de 14 canons, avec lequel il se battit, pendant plusieurs heures, contre deux navires de guerre anglais, beaucoup plus forts que le sien ; ce fut au moment de monter à l’abordage sur l’un d’eux que Dalbarade fut renversé sur son banc de commandement par une volée de mitraille. Il fut pris et conduit en Angleterre, où il fut porté en triomphe pour sa belle défense ; le récit de son combat fut inséré dans les journaux anglais et français. Dalbarade guérit en Angleterre de ses nombreuses blessures ; mais il a toujours gardé dans son corps trois balles qu’on n’a jamais pu en extirper.

Lors de la guerre d’indépendance des Etats-Unis, Dalbarade fut employé comme officier auxiliaire sur les bâtiments de l’Etat. Les dames de la cour ayant fait construire la frégate l’Aigle, de 44 canons, choisirent M. Dalbarade pour la commander. Il fit avec cette frégate, qu’il équipa à son gré, avec des marins basques, plusieurs croisières heureuses, dans lesquelles il prit un grand nombre de bâtiments anglais, dont plusieurs armés en guerre. Après s’être acquis une grande réputation avec cette frégate, le gouvernement confia à Dalbarade le commandement du vaisseau de guerre Le Fier, sur lequel il remplit la mission difficile de porter des troupes dans l’Inde. Dalbarade eut alors quelques discussions avec la compagnie hollandaise des Indes, retourna en France en 1778, et soutint longtemps un procès contre cette compagnie, qu’il finit par gagner. Louis XVI le nomma capitaine de vaisseau et chevalier de Saint-Louis.

Il était inspecteur des classes des côtes de l’Océan lorsque la révolution éclata : Dalbarade en embrassa les principes avec ardeur. Monge ayant été nommé ministre de la marine, appela Dalbarade auprès de lui en qualité d’adjoint. Il occupait le poste de chef de la 6ème division du ministère, lorsque Monge se retira en le désignant pour son remplaçant.

En effet, la convention nationale nomma Dalbarade ministre de la marine, le 10 avril 1793. La liberté ne pouvait avoir de plus ferme soutien, et l’administration de ministre plus zélé ; il ne put cependant se soustraire aux envieux qu’importunaient son mérite et la faveur dont il jouissait. Ils saisirent le prétexte des troubles survenus à Marseille et à Toulon, après le 31 mai 1793, pour le dénoncer à la convention. Il se justifia pleinement des griefs qu’on lui imputait. L’année suivante, ayant été dénoncé de nouveau, il démontra que toutes ces mesures avaient été dictées par le véritable amour de la patrie, et réduisit ainsi ses détracteurs au silence. Remplacé le 2 juillet 1795, il reprit du service dans la marine, avec le grade de contre-amiral, et fut chargé du commandement du port de Lorient. Après l’incendie du vaisseau Le Quatorze Juillet, il fut dénoncé et traduit devant une cour martiale, où il fut accusé de négligence dans l’exercice de ses fonctions, et déclaré déchu de tout commandement. Ce jugement, auquel l’esprit de parti avait présidé, ne flétrit point la réputation de M. Dalbarade .

Il s’occupait depuis longtemps du soin de faire réformer l’arrêt inique qui avait occasionné sa destitution, lors de la révolution du 18 brumaire. Dalbarade, qui avait tout fait pour la république, jugea qu’elle allait s’éteindre entre les mains du premier consul, et vota contre lui. Dès lors il ne fut plus employé.

Lorsqu’il était entré au ministère, Dalbarade avait des capitaux qui pouvaient lui assurer une existence honête ; mais ces capitaux lui furent remboursés en papier-monnaie, de sorte que lorsqu’il quitta le ministère, il n’avait plus rien. Cela ne doit pas étonner ceux qui ont pu juger du patriotisme, de la probité et du désintéressement de ce brave marin. IL vécut longtemps après sa destitution avec une pension de 2,000francs, et se retira en 1802, chez le fils d’un de ses compatriotes, qui l’accueillit et le garda dans sa maison jusqu’en 1813, époque à laquelle le département des Basses-Pyrénées fut envahi par les troupes anglo-espagnoles. Une petite propriété qu’il avait à Hendaye, fut alors dévastée. Dalbarade se réfugia à Paris, où il était au moment de la restauration. C’est à Louis XVIII qu’il a dû l’augmentation de sa retraite, qui fût portée à 4,000 francs. Il ne put jamais parvenir à faire liquider des arrérages assez considérables, qui lui étaient dus du temps de la république. Il se retira de nouveau à Saint-Jean de Luz, où il est mort le 30 décembre 1819, regretté de toute la population, et tout particulièrement des marins basques, dont il avait toujours été le protecteur. Cet ancien ministre est mort pauvre, et son mobilier a été réparti entre quelques créanciers qu’il avait, et qu’il a toujours regretté de ne pouvoir payer.

Ceux qui ont connu personnellement Dalbarade, ne souscriront jamais à un tel jugement. Nommé ministre à l’époque où les plus illustres républicains étaient aux prises avec le monstre de l’anarchie qui s’apprêtait à dévorer la France, il se déclara l’un de leurs adversaires, et fut le complice muet de tous les crimes qui précédèrent et suivirent le 31 mai.

Brave comme militaire, Dalbarade qui était honête homme au fond, et ne manquait pas d’instruction comme officier de marine, manquait de toutes les connaissances adminstratives, nécessaires à un ministre. Quoi qu’il fut considéré, depuis longtemps, comme le constant auxiliaire des anarchistes, les comités de gouvernement, renouvelés par trimestre après le 0 thermidor, l’avaient conservé en qualité de commissaire de la marine, titre substitué à celui de minitre, aboli par un décret de la convention du premier avril 1794. Ce fut le 1er avril 1795, jour où éclata contre la convention une insurection anarchique, que Dalbarade fut destitué de ses fonctions de commissaire de la marine.

Il serait possible que son opinion politique, connue, eut influé sur ce jugement.

D’autres ont été employés après avoir voté comme lui ; l’extrême médiocrité de ses talents fût la seule cause qui décida Napoléon à ne plus l’employer.

On n’a jamais songé à contester la probité de Dalbarade ; ceux qui se croyaient en droit de l’accuser sur d’autres points, seraient les premiers à le justifier sur celui-là.

 

 

 

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13 août 2013

Les Pinasses Basque

2 LES PINASSES BASQUES

DE L'ILE DE RE

La première expédition navale, dans laquelle nous voyons apparaître une flottille de pinasses bayonnaises, est relative au siège de l'île de Ré en 1627. Nous n'avons pas à faire l'historique de ce siège sur lequel il a été tant écrit, mais nous devons cependant parler de l'état des assiégés au moment où l'autorité royale se décide à les secourir. Le fort de Saint- Martin-de-Ré, étroitement bloqué par la flotte anglaise, n'avait été commencé que depuis treize mois environ et il était, au moment même du siège, dans un tel état de délabrement que trente hommes pouvaient entrer de front par la porte; enfin, quoique le roi n'y eût pas épargné des dépenses, les parapets n'étaient pas encore revêtus et les vivres et les munitions manquaient presque totalement. Toiras, maréchal de camp, fit avertir le roi de ce dénuement, Richelieu fit faire des préparatifs pour un prompt ravitaillement. Il écrivit à M. de Gramont (1) et le pria d'acheter à Bayonne et à Saint-Jean-de-Luz jusqu'à trente pinasses, dont le nombre fut ensuite réduit à quinze. Elles devaient être conduites de Bayonne et Saint-Jean-de-Luz aux Sables-d'Olonne où
(1) de Gramont était maire et gouverneur de Bayonne.
le duc d'Angoulême devait en prendre le commandement. Un grand nombre d'autres navires furent rassemblés de tous les côtés, depuis les côtes d'Espagne jusqu'en Hollande. Les Anglais avaient construit une estacade défendant les approches de la citadelle et, à l'aide de deux ou trois carcasses de vaisseaux, ils élevèrent une sorte de fort armé de plusieurs pièces de canon. Enfin, une quantité de gros câbles, soutenus à la surface de la mer par des barriques vides, fermèrent tous les passages permettant d'arriver à la citadelle. Toiras, voulant faire prévenir le roi, fit choix de trois habiles nageurs qui se hasardèrent à faire la traversée. Le premier se noya ; le second, épuisé de fatigue, alla se rendre aux ennemis ; le troisième réussit à passer « persécuté des poissons pendant près d'une demi-lieue » (1). Bientôt après, arriva aux Sables-d'Olonne le capitaine Vallin avec les pinasses de Bayonne et Saint-Jean-de-Luz. D'après Duvoisin, la flottille de Hendaye était commandée par Jean Pellot, ancêtre du célèbre corsaire dont nous aurons à nous occuper plus tard. Une médaille d'or distribuée par le roi aux chefs de ces escadrilles, resta longtemps en la possession de la famille Pellot. Les habitants de Saint-Jean-de-Luz avaient répondu avec empressement à l'appel qui leur avait été fait. Ils armèrent quinze pinasses de ce genre et chargèrent de vivres et de munitions vingt-six flûtes (2) organisant ainsi une flottille imposante. Un seul de ses négo­ciants, Johannot de Haraneder fit spontanément don au roi de deux na­vires munis d'artillerie et dignes de figurer dans son armée navale. L'escadrille de Saint-Jean-de-Luz, commandée par le sieur d'Ibagnette, joignit celle de Bayonne dirigée par le capitaine Yallin. A la tête de quinze pinasses, chargées chacune de cinquante tonneaux de farine, pois, fèves, biscuits et morue; vingt barils de poudre grosse et dix de menu plomb, mèches, etc., Vallin mit à la voile le 5 septembre 1627 avec sa petite escadre et passa si près de la flotte ennemie qu'il essuya ses volées de canon qui ne lui causèrent heureusement pas de très sérieux dommages. Il passa, grâce à la rapidité d'allure de ses pinasses et à leur faible tirant d'eau, au-dessus des câbles de l'estacade et il alla aborder près du fort Saint-Martin, vers deux heures du matin où son secours rendit le courage à la garnison affaiblie par toutes sortes de privations. Il repartit deux jours après, ses pinasses chargées de ma-


Mémoires de Richelieu.
Flûte. Navire de charge à fond plat, large, gros et lourd dont la poupe était ronde au xviie siècle. Un bâtiment de guerre transformé pour un temps en navire de charge et n'ayant qu'une partie de son artillerie, est dit armé en flûte.
Le roi récompensa ce beau fait d'armes par l'envoi d'une chaîne d'or et mille trois cents écus aux matelots.
Cependant, ce secours ne devait pas suffire. Toiras fit bientôt savoir au cardinal qu'il n'avait de vivres que pour quarante jours et il fut convenu qu'on tenterait un dernier effort. M. de Gramont, gou­verneur de Bayonne, reçut du roi la lettre suivante datée du 20 sep­tembre 1627 :
« Le Roi désire que M. de Gramont lui envoie cent ou six-vingts (120) matelots basques pour trois ou quatre mois avec quinze ou vingt pinasses. Si on peut en avoir jusqu'à vingt et deux cents matelots, ce serait un grand coup. Ceux des matelots qui voudront rester pour toujours auront les entretènements que M. de Gramont arrêtera... Si ce secours est envoyé avec diligence, Sa Majesté en aura un grand ressentiment (1). Fait ce 20 mars 1627 (2). »
A cet appel, la ville de Bayonne s'empressa d'armer dix pinasses dont le commandement fut remis au sieur d'Andoins. Il arriva le 6 octobre aux Sables-d'Olonne, rendez-vous général de la flotte de ravitaillement. Une foule de flibots (3), traversiers (4) et barques, montés de quatre cents matelots, trois cents soldats et gentilshommes, formaient une escadre commandée parles capitaines Desplan, de Beaulieu, Persac, Launay, Ravilles, Cahusac, d'Andoins et plusieurs autres. Le 7 octobre elle mit enfin à la voile, vers dix heures du soir et par une nuit des plus obscures. Nous laisserons parler un mémoire du temps qui nous donne sur cette affaire des détails les plus circonstanciés.
Ressentiment est mis ici pour contentement.


Mémoires de Richelieu.


« Le marquis de Maupas, grandement entendu à la marine, bien cognoissant les terres comme estant du pays et ayant passé et repassé depuis huict jours dans une seule barque au milieu des ennemis, avec M. le marquis de Grimaud mena l'avant-garde à la droite, MM. de Persac et Ravilly et avec eux, dans leur barque, les sieurs Danery, La Gaigne, Roquemont, le commissaire Calottis ; à gauche, les sieurs de Brouillis, capitaine au régiment de Chapus et de Cusac, Gribauval, Ravigny, La Roque-Foutiers, Jonquières et plusieurs autres gentils­hommes volontaires ; et après eux, les quatre barques que M. le Cardinal avait fait équiper par le capitaine Richardière père, conduites par le capitaine La Treille, Audouard, Pierre Masson et Pierre Martin, tous bons pilotes.
« Suivait le corps de bataille, composé de dix pinasses, outre les 15 précédentes que Monsieur, frère du Roi avait fait venir de Bayonne par Saint-Florent, conduites par le sieur d'Andoins, leur général, à la teste et le sieur Tartas, son lieutenant. A la queue, autour des dites pinasses, il y avait douze traversiers, comme plus forts et plus grands. En l'arrière-garde était le flibot du sieur de Marsillac, bien armé et munitionné, sous la conduite du capitaine Canteloup et portait le jeune Beaumont, nourry page de M. le Cardinal, avec paroles de créance tant au sieur de Toiras qu'aux autres capitaines et volontaires de la citadelle. Après luy, estoit sa chalouppe et cinq grandes barques d'Olonne dans lesquelles estoient quantité de gentilshommes volontaires et, par l'ordre exprès de M. le Cardinal, qui avait aussi lettres et chiffres, le sieur de Lomeras, gentilhomme du Languedoc, enseigne au régiment de Champagne, pour avoir passé et repassé déjà une fois avec M. de Vallin.
« En cet ordre, le plus près qu'ils le pouvaient les uns des autres, ils allaient, cotoyant la grand'terre pour n'estre point veus ni découverts par les vedettes des ennemis qui n'estoient qu'à une lieue des sables.
« Or il arriva que, comme cette flotte allait cinglant à pleines voiles et que l'on croyait être déjà devant Saint-Martin (de Ré), Dieu fit cesser le vent tout à coup, en telle sorte qu'il fallut demeurer près de deux heures sans pouvoir aller ni à droite, ni à gauche. Alors chacun, tout étonné et croyant demeurer à la merci de l'ennemi si le jour les surprenait, se mirent à prier Dieu, le prieur sur tous, faisant vœux et prières et se recommandant à la Vierge, luy faisant vœu, au nom du Roy, de luy faire bastir une église sous le nom de Notre-Dame-de-Bon- Secours, en mémoire de cette journée s'il luy plaisait envoyer le vent
favorable. Soudain, ils furent exaucés, car le vent se rafraîchit et les rendit fort gaillards. En telle sorte que, chacun ayant repris sa piste et son ordre, en moins de demi-heure ils virent le feu que M. de Toiras faisait faire en la citadelle et, à terre, ceux que Richardière père faisait faire vis-à-vis l'encoignure qu'il fallait traverser. Et là, quittant la coste de la Tranche, chaque pilote regardant sa boussole, ne pensant plus qu'à passer courageusement, entrèrent dans la forêt des navires ennemis.
« Les premières sentinelles les ayant laissé passer sans dire mot, après que tout eut passé, ils commencèrent à les envelopper et canonner si furieusement que l'on eût dit que c'était de la grêle.
« Cependant les chaloupes et galiotes (1) des ennemis vinrent après pour les agrapper, en sorte que ceux qui étaient à la grande terre, croyaient tout perdu, comme aussi il y avait de l'apparence. Au contraire, M. de Toiras espérant toujours bien du bonheur du Roi et de la France, oyant le bruit de tant de canonnade de part et d'autre, fit redoubler les feux sur les bastions et, comme un second Josué, prie Dieu de faire arrêter la mer qui s'en retournait, de peur que son secours ne périt. Et, de fait, il était en grand danger, car un coup de canon emporta le chirurgien du capitaine Maupas, entre M. le marquis de Grimaud et le sieur prieur de Brémont qui étoit au milieu, de la barque, la croix en main. Un autre emporta la misaine ou mast de devant qui tomba sur le dit marquis et un troisième perça la barque et lui fit prendre l'eau. Dans ce péril, le dit marquis, sans s'étonner, jette son manteau, sur le corps du chirurgien, descend à fond, allume

(1) Galiote. Galère de 16, jusqu'à 25 bancs ou rames à 3 hommes sur chacune. Elle ne portait point de rambate ou construction élevée à la proue.
une chandelle avec de la mèche et, voyant d'où venait le mal, avec un linceul et autres linges qu'il trouva, bouche le trou. Cependant le prieur travaille à vuider l'eau qui était à la poupe. Le quatrième coup de canon leur emporta un matelot et, incontinent, quatre chaloupes et un heu (1) d'Angleterre vinrent aborder la barque. Le marquis étant remonté, joint le capitaine Maupas, lequel ayant disposé ses mousque­taires et piquiers donna l'ordre à ceux qui devaient tirer ses pierriers et canons et jeter les feux d'artifice, fit tenir chacun à son poste et défendit qu'on ne tirât qu'il ne l'eût commandé. Aussitôt les ennemis abordèrent criant : «Amène! amène!» Maupas, son pistolet en mains crie : « Tire ! » lâchant son pistolet. Alors toute son artillerie déchargea. Après, on en vint aux mains et feux d'artifice furent tirés de part et d'autre. Le sieur de Grimaud, chevalier de Montenac et de Villiers, sur les deux côtés de la barque, un sergent sur le derrière et le prieur partout, se défendant si vaillamment qu'après un long combat, les ennemis se retirèrent avec beaucoup de pertes et peu de ceux du Roy. Et, croyant en porter plus d'avantage furent attaquer les pinasses où ils trouvèrent à qui parler, car d'Andoins coupa la main d'un Roche- lais qui voulait ravir son gouvernail. Un coup de pierrier lui fit voler en l'air son contremât et blessa légèrement deux matelots. En mesme temps, toutes les chaloupes de l'ennemi, en nombre de 150, vinrent fondre, qui d'un côté, qui de l'autre sur toute la flotte. On demeura longtemps aux prises sans que les ennemis pussent entrer dans pas une barque du Roy, en sorte que s'étant retirés, les nostres, croyant être hors de tout péril, et s'exhortant à courage les uns aux autres, voici que d'autres difficultés se présentent, car les ennemis tenaient de grands mâts de vaisseau en vaisseau attachés les uns aux autres et force grands bois et cordages de vaisseau en vaisseau pour empêcher les passages. Mais, au lieu de perdre courage, chascun mit la main au coutelas pour couper les câbles et, avec piques et hallebardes, faire enfoncer les mâts et bois qui les empêchaient (d'avancer). Et, par mal­heur, Coussage, contre-maître et lieutenant de Maupas, ayant coupé avec son tarrabat un grand câble qui empêchait le passage de leur barque, ce câble tomba et s'embarrassa dans le gouvernail de la barque de Rasilly et, par une secousse de mer, d'une grande impétuosité

(1) Heu. Navire d'environ 300 tonneaux. Portait un seul mât vers l'avant. Avait en saillie du sommet du mât à la poupe une longue pièce de bois nommée corne. Cette corne et le mât n'avaient qu'une même voile. Les Anglais appelaient ce bateau : hoy.
l'entraîna contre la ramberge (1) où ce câble estoit attaché, où soudain il fut accroché et investi par une douzaine de chaloupes et, après un combat où il lui était impossible de résister plus longtemps commanda plusieurs fois qu'on mît le feu aux poudres pour ne pas tomber entre les mains des ennemis, à quoi on ne voulut obéir. La Guitte, gentilhomme nourri, page de la reine d'Angleterre, fendit un de ses ennemis auparavant que de se rendre. Enfin, il fallut céder à la force, et prendre la composition que les ennemis offrirent, savoir : dix mille écus que M. de Rasilly leur promit pour lui et ses compagnons. Les sieurs Danery, Calottis, Roquemont et La Gaigne firent des merveilles en ce combat; d'abord, quelques-uns furent tués, mais point de noblesse.
« Or, cependant que les ennemis étaient acharnés à ce butin, 29 bar­ques arrivèrent heureusement à la citadelle, entre trois et quatre heures du matin. Aussitôt la sentinelle qui était sur le bastion de la Reine criant : « Qui vive ! » il lui fut répondu par quantité de voix éclatantes : « Vive le Roy ! » ce qui mit au cœur de ceux du dedans une grande allégresse.
« Là, une chaloupe de La Rochelle s'étant glissée au milieu des vaisseaux du Roy, comme si elle eût été de la troupe, pour brusler cette flotte, fut reconnue à leur jargon par le sieur d'Andoins qui s'en douta ; mais, à cause de l'impatience de M. de Toiras, fit sauter tout le monde à terre et demeura avec ses mousquetaires dans la pinasse pour remédier à ce qui pourrait arriver, demanda le mot et le contre mot à la chaloupe rochelaise ce que ne sachant, fit connaître qui elle était et, sur l'heure, la chargea si furieusement que plusieurs furent tués et estropiés et beaucoup faits prisonniers.
« M. de Toiras, voyant un si beau secours inespéré, courut aussitôt jusque dans l'eau embrasser la fleur de ses amis et tout le reste ensuite. Après les premiers compliments, chacun fut conduit à la hutte de quelque soldat pour se sécher, ayant été contraints de descendre dans l'eau jusqu'à la ceinture (2). »
Après divers combats, les Anglais se rembarquèrent. Le capitaine d'Andoins, comblé d'éloges par le roi et par le cardinal, s'empressa de faire parvenir à la ville de Bayonne son rapport de mer, dans lequel il rendit compte de la mission qui lui avait été confiée.
(1) Ramberge (au xviic siècle). Navire anglais de 120 à 200 tonneaux, allant à voiles et à rames, destiné pour le service et la sûreté des grands navires, comme la patache. (2) Archives curieuses de l'Histoire de France, par Cimber et Daniou.

 

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12 août 2013

Le Réseau Comete ( suite )

Dédée

Durant la deuxième guerre mondiale au 3, calle Marina à St Sébastien, Monsieur et Madame Armendariz ont mis à la disposition de  DEDEE une chambre de sûreté où se succèdent les agents de Comète en activité comme Dedée, ou les membres "grillés" comme Yvonne et Robert Lapeyre après les arrestations de Bayonne.
. C’est, dans cette chambre que Yvonne trouvera cette feuille tombée d’un livre, écrite de la main de Dédée. Elle la ressentit comment la profession de foi la plus intime d’une jeune âme vouée jusqu'à la mort au destin qu'elle s'est choisi.
· Yvonne s'interdira de divulguer cette lumineuse méditation jusqu'à la mort de Dédée. C'est dans les journées de deuils qui suivirent sa disparition qu'elle livrât ces lignes à la postérité tel le point d'orgue final d'une vie exceptionnelle.
Prés de 70 ans plus tard ces lignes n’ont pas pris une ride.

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TESTAMENT DE DEDEE


Andrée de Joagh, fondateur Comète, peu de temps après la seconde guerre mondiale a pris fin et ont été libérés dans les camps de concentration nazis.

 

 

Je veux que ceux qui tiennent à moi lisent ces lignes si jamais je suis fusillée. Je veux qu'ils sachent que je ne regrette rien. Il se peut que devant la perspective de la mort je devienne lâche, et que je crie "au secours". Mais c'est maintenant, alors que je suis en pleine possession de mes forces, que je puis juger et décider, c'est maintenant que je puis, apprécier tout ce que la vie m'a donné, et que rien ne pourra me reprendre.
Que m'importe la mort maintenant ; naturellement la peur physique, subsiste, mais c'est tout. La crainte de mourir avant d'avoir fait quelque chose, avant d'avoir utilisé au mieux toutes mes possibilités tout ce que 20 ans de soins et, d'efforts ont pu me donner a disparu. Maintenant je suis pleinement heureuse, je ne voudrais pour l'instant céder ma place pour rien au monde ; j'aime ce travail, j'aime sentir le côte à côte de l'équipe que nous formons dispersée à travers trois pays, travaillant pour la même cause, animée des mêmes enthousiasmes et des mêmes affections. J'aime sentir la vie après le danger passé, et le court répit de quelques jours de sécurité relative. J'aime me sentir en forme prête à l'action, et j'aime sentir la confiance de ceux qui travaillent avec moi, et cette confiance je suis prêt à tout risquer pour continuer à la mériter.
Jamais la vie ne m'a tant donné, jamais je n'ai vécu avec autant d'intensité, et jamais je n'ai été aussi indifférente aux dangers courus et à la mort. L'indifférence à la mort donne une telle légèreté. Naturellement je sais que la peur physique, je ne l'éviterai pas, j'espère que j'arriverai à la dominer.
Et qu'importe le reste, puisque maintenant j'ai fait quelque chose de ma vie, puisque maintenant j'ai empêché que soient gâchées et perdues l' inutilement toutes les années d'efforts de ceux qui m'ont formée.
Maintenant je suis heureuse et je remercie tous ceux qui de près ou de loin en m'ont permis d'écrire cette joie ; jamais je n'ai trouvé autant de sens à la vie, et jamais je n'ai été aussi contente. Que m'importe l'argent, que m'importent tous les détails de l'existence, J'ai a enfin trouvé un travail que j'aime plus que moi-même, auquel je puis me consacrer. Seule la réussite m'importe. Maintenant enfin je pourrais lire "Terre des hommes" sans pleurer d'envie.
Si la guerre me laisse intacte je veux ne jamais oublier cette période, je voudrais pouvoir remercier quelqu'un, je voudrais pouvoir comme les croyants tomber à genoux et dire "merci mon Dieu" je me sens débordante de gratitude envers la vie. Parfois il me semble que la chaîne est trop grande pour moi, et que pour cela même il faut qu'elle m'abandonne. Mais qu'importe, j'ai eu ma part. Tout ce que je recevrai maintenant ne sera pas mon du, mais seulement un don extraordinaire pour lequel à chaque seconde je bénirai la chance ou la vie.
Andrée de Joagh, fondateur Comète, peu de temps après la seconde guerre mondiale a pris fin et ont été libérés dans les camps de concentration nazis.

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«IL fut le plus grand réseau de fugue en nombre d’évacués, le plus sophistiqué, celui ayant résisté le plus longtemps et au plus grand succès », selon la déclaration Peter Eisner dans son livre The Freedom Line. Près de 800 soldats doivent ainsi à la fantastique De Jongh –connue également sous le nom de Dédée et au surnom révélateur de Petit Cyclone – la liberté et la vie.

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FILM durée 1 h 10

 


divers

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Claudia Escudero y Francisco Garayar “Paco” hacia los años cuarenta. ... casado con Claudia Escudero, natural de Oyarzun, del caseríoArizluzieta Goikoa”,

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"Il logeait les premiers aviateurs de Comète passés en Espagne en attendant les véhicules du consulat ...... Deux aides : Patxi (Francisco Garayar ou Ocamica ?) ...

 

ANABITARTE ZAPIRAIN Tomás Espagnol originaire d'Hernani (Guipúzcoa), de la ferme Ostsuene-Aundia, né le 08 juin 1912, réfugié en France lors de la guerre civile. Maison Andresbaïts à Urrugne-Chelettes, Basses Pyrénées. Guide passeur de Hernani du groupe de Alejandro Elizalde. Assistant de Manuel Iturrioz . Décédé le 08 juin 1994 à Ciboure. Tomás Anabitarte échappera à la vague d'arrestation de juillet 43, suite à la liste des Basques "rouges" remises à Berlin.

 LE RESPONSABLE ESPAGNOL

ARACAMA AGUIRRE Bernardo
Epoux de Antonia SARASOLA (Espagnol) (file HS 6/223 at the National Archives, Kew, London) Né le 28 août 1898 à Zegama. Membre du syndicat basque ELA-STV, il est sur les listes électorales de 1936 et engagé comme chauffeur à Bibao au bataillo Saint-André du ELA-STV. Il s'est probablement exilé en France le 17 juillet 1937, a résidé à Ciboure une ou deux années en travaillant dans une aciérie de Saint-Médard-de-Guizières. Possédait un garage de réparations automobiles au 6 Calle Aguirre Miramon, à San Sebastian dans le quartier de Gros et logeait au n° 7 (5e étage à gauche). Il logeait les premiers aviateurs de Comète passés en Espagne en attendant les véhicules du consulat britannique de Bilbao. Ancien camarade de
Alejandro Elizalde depuis la Guerre d'Espagne, ils étaient tous deux sous surveillance policière. Il fut arrêté le 13 novembre 1943 par la Guardia Civil à Elizondo en Navarre, et passa un certain temps dans la prison franquiste de Ondaretta. En juin 44 il est condamné à Madrid et demeure en résidence surveillée. Il pourrait s'être expatrié à Saint-Jean-de-Luz. Elvire Morelle passa chez lui plusieurs mois de réhabilitation au début 42, après s'être cassé la jambe en revenant d'avoir conduit Osselaer, Henry et Hogan. Il est décédé à Donostia-San Sebastian le 21 février 1979.

ELIZALDE IRRIBAREN Alejandro 'Alexandre' Né à Elizondo (Espagne) le 01 février 1894. Etudes commerciales à Saragosse et travaille à San Sebastian à la compagnie d'assurance l'Union puis aux ventes chez Ford. S'installe à Garzain dans la vallée du Baztán. Surpris par la guerre civile à San Sebastian, il s'engage comme chauffeur aux milices basques de Guernica et y rencontre Bernardo Aracama. Ils libèrent ensemble 150 prisonniers franquistes. Evacué en France à Saint-Jean-de-Luz et trouve un emploi de chauffeur-cuisinier en 1939, il est présenté au Capt Moulia du 2e Bureau par le délégué basque Isaac López Mendizabal. Agent double, il surveille le capitaine Paul Longhi qui espionne pour les Allemands et aidera à son incarcération au Fort du Hâ de Bordeaux. Agent de Arnold Deppé présenté par le capitaine Moulia, il est chef de groupe de Ambrosio San Vicente et Martin Hurtado, et autres passeurs (Florentino, Tomás, etc.). Liaison Comète mars 42 pour Tante Go, arrêté le 13 juillet 43 à 12hr30 au café Prado de Léon Chardier. Le consul franquiste à Hendaye, Antonio de Aguirre, remet le 24 avril 42 une liste de séparatistes basques au Ministère des Affaires Etrangeres à Madrid. L'ambassadeur à Berlin remet cette liste le 24 mai 43 et provoque des arrestations par les Nazis. Il est interné à la Citadelle de Bayonne, à Fresnes puis à Compiègne et y déporté à Mauthausen, Kos de Melk et Ebensee. Libéré le 06 mai et rapatrié le 24 mai 45, marié sept enfants. 10 Rue St-Jacques à Saint-Jean-de-Luz.Devenu agent de Comète, il renseigne à peu près certainement Bernardo Aracama (ou est-ce Waucquez ?), ancien compagnon et Maritxu Anatol. Mort en France au sanatorium Marienia à Cambo des suites de sa captivité le 23 novembre 1946. Veuve Carmen Colau Marrodán, de Bilbao, est espagnole, mariés le 03 novembre 1923.

 

GOIKOETXEA BEOBIDE Florentino
Né à la maison Altzueta à Hernani (Espagne) le 14 mars 1888. Guide basque international France-Espagne depuis août 41 : 66 voyages pour 227 aviateurs et courrier par la ligne de Saint-Jean-de-Luz. Agent P2 dès août 41. Célibataire, BP à Ciboure. Espagnol basque exilé au début de la guerre civile sans raison bien précise. Il ne fut pas enrôlé dans les brigades républicaines et ne semble pas vétéran. Probablement trafiquant "recherché" par les autorités franquistes, il est interpellé par un garde civil nommé Pescara et s'enfuit en France à Ciboure, chez son amie Kattalin Aguirre et se consacre à la contrebande. Guide pyrénéen de
Alejandro Elizalde, celui qui a effectué personnellement une majorité des passages. Ses intinéraires étaient toujours les mêmes à partir de Urrugne : soit traversée de la Bidassoa devant l'ancienne gare de San Miguel, soit un peu plus loin à la passerelle d'Endarlaza si le rio Bidassoa est en crue, puis par Erlaitz et la tour de Pagogaña vers Oyarzun jusqu'à la ferme des Garayar. Il est présenté à Dédée par Bernardo Aracama pour rentrer en France après le premier voyage à Bilbao d'août 1941 (Tomás Anabitarte Zapirain, qui l'avait emmené en Espagne ayant disparu). Deux aides : Patxi (Francisco Garayar ou Ocamica ?) et Manuel Iturrios qui passeront 37 personnes en 12 voyages seuls avec les aviateurs. Florentino a également passé occasionnellement des personnes et du courrier pour le réseau français Margot de Marguerite de Gramont et le réseau Nana qui connaissaient aussi Kattalin Aguirre. En fin décembre 43, la nuit où Jim Burch et Antoine d'Ursel se noyeront, une grippe le fait remplacer par deux camarades, Martin Errazkin et Manuel Iturrioz. Il fut intercepté par une patrouille allemande en revenant d'Espagne le 30 juin 44, fut blessé de quatre balles aux jambes, à la cuisse et à l'omoplate et capturé. Son évasion de l'hôpital d Bayonne fut arrangé par 'Tante Go' comme un scénario de cape et d'épée, avec un faux officier allemand et une ambulance avec faux papiers autorisant le déplacement du prisonnier à une autre place (avec le policier Antoine Lopez et Jules Artola). Il se cache alors à Biarritz. Il obtient la nationalité française par décret du 30 avrl 1965, publié au Journal Officiel du 16 mai 65. Il est décédé en juillet 1980 à l'hôpital de Bayonne et enterré à Ciboure.

HALZUET Françoise Romaine 'Frantxia' Née à Vera (Espagne) le 29 août 1908. Veuve de Philippe USANDIZAGA en août 1939. Hébergeuse relais Comète depuis juillet 42. Agent P2 le 15 décembre 42, arrêtée le 14 janvier 43 avec Dédée et trois aviateurs. Habitaient la ferme Bidegain-Berri d'Urrugne d'où tous les départs avec les guides partaient vers les Pyrénées depuis six mois. Elle y subsiste de la culture son lopin et de ses vaches avec trois enfants et Juan Manuel Larburu, refugié originaire de Hernani qui l'assiste. Décédée à Ravensbrück le 12 avril 45. Ses trois enfants seront repris par leur tante, Mme Pourtau


ITURRIOZ Manuel Né à Orexa en 1902. Avant la guerre civile, il devient "Miquelete", sorte de garde provincial. Il combat pendant la guerre civile avec une unité d’Hernani, en Guipuzkoa puis en Biskaye (comme lieutenant puis comme capitaine). Fait prisonnier en Asturies par les franquistes, il s’évade après deux mois de prison à Ribadesella. Il rejoint San Sebastian puis par la montagne passe à Sare en pays basque nord. De Sare, il repart combattre à Barcelone sur le front du Ségré et de l’Ebro. La guerre perdue, il passe en France ou il est enfermé au camp d’Argelès sur mer. Il s’évade pour rejoindre St-Jean-de-Luz avec l’aide de la délégation du gouvernement Basque.
Ayant été blessé deux fois pendant les combats il est soigné à l’hôpital de la Roseraie (hôpital organisé par le gouvernement Basque). Il travaille à l’arsenal de Tarbes mais l’arrivée des Allemands le fait rentrer dans la clandestinité Il commence la contrebande et le passage de personnes au début de la guerre, pour le réseau Comète avec
Tomás Anabitarte. Ils passeront 37 personnes en 12 voyages avec les aviateurs et souvent avec Andrée De Jongh.
Il passera aussi les combattants du bataillon de Gernika qui combattront les Allemands en Gironde. (Paco de Eizagirre, Andrés Prieto etc…). Il se fait prendre par la police secrète (Bazan et Manzanas qui sera exécuté par l’ETA en 1968) le 22 avril 1942 à Renteria, alors qu’il est déjà recherché par la justice militaire. Il s’évadera le 24 avril et ira se cacher dans une grotte d’Oiartzun (à 10 kms du village en montagne) pendant prés de deux mois. Le mauvais temps l’oblige à se réfugier dans une ferme à côté de la grotte (Aritzluzieta
). Il épouse la plus jeune de la maison, Maria Asunzión Escudero, la sœur de Manuel et Claudia qui travaillent pour Comète, elle-même épouse de "Patxi" Paco Garayar.
Il reprend son activité de mugalari (passeur) et remplace Florentino Goikoetxea avec Martin Erraskin et "Franco" (Jean-François Nothomb) la nuit du 23 décembre 1943 où se noieront Burch et d’Ursel.
Il s'établit à Saint-Jean-de-Luz puis à Paris, fatigué de vivre clandestinement et fait venir sa femme et ses 2 enfants en 1946 le même jour,
l’un avec Paco Garayar par la mer, l’autre avec sa mère par Dantxarinea. Il ne retournera à San Sebastian qu’après la mort de Franco en 1981 où il y vivra jusqu’à sa mort en 1991.


Au loin, les marcheurs arrivent à Jauriko Borda, ferme de j.CD  sur la frontière


·'Le dernier passage', ce documentaire qui le remet en scène, sera diffusé par France 3 Aquitaine à 23h50 le mercredi 5 octobre, et il est l'oeuvre de deux jeunes femmes du Pays Basque sud, Enara Goikoetxea et Iurre Telleria.

Revenant sur cette épopée de solidarité et de fraternité, les deux réalisatrices décrivent ce réseau Comète, créé en 1941, afin de permettre aux pilotes alliés, dont les avions avaient été abattus en Belgique, Hollande ou au Nord de l’Etat français de traverser la frontière de l’Etat espagnol, par le Pays Basque Sud, afin de rejoindre Gibraltar.

Impossible de donner le nombre exact d'habitants du Pays Basque qui habergèrent chez eux des des aviateurs anglais et américains, quand les drames et les arrestations sont connus avec plus de précision.


Andrée de Jongh, membre de la résistance belge, est décédée


Elle avait organisé le Réseau Comète, un réseau de secours qui permit de sauver du nazisme plus de 800 soldats alliés

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·Commentaires

·Elles se prénommaient Marga, Maria, Florentino Goicoechea ou Kattalin : des personnes qui n'avaient pas demandé à devenir connues, mais que les circonstances de la vie l’ont conduite vers un destin hors normes, celui du réseau Comète qui a vu beaucoup d'habitants du Pays Basque aider les aviateurs alliés à traverser l'Espagne, durant la Seconde Guerre Mondiale.

Le 15 janvier 1943, à Urrugne, Frantxa Uzandisaga, jeune veuve de 35 ans et mère de trois enfants, est arrêtée par l’armée allemande à son domicile, maison Bidegain Berri. Encadrée par deux soldats allemands, elle marchera dans la rue, les mains sur la tête, derrière le camion qui l’emmenait. Une scène dont se rappellent encore les Urruñar âgés.

Frantxa était une femme qui a su dire non, au péril de sa vie, acceptant que sa maison Bidegain Berri soit un relais du réseau Comète. Déportée au camp de Ravensbrück, elle mourra le 12 avril 1945, un mois avant la libération.

Les alentours de la cathédrale de Bayonne ont servi de décor à plusieurs scènes du film et l'on y découvrira le témoignage de Lucienne Saboulard, dernière survivante française du réseau Comète.

C'est dans cette même maison que son père, inspecteur du télégraphe, a hébergé à plusieurs reprises des aviateurs anglais et américains. Et c'est dans cette même maison que les Allemands sont, un jour, venus l'arrêter, ainsi que toute la famille. Elle n'avait pas 16 ans. Sa mère et elle-même ont été déportées à Ravensbruck, et son père à Buchenwald. Peu après sa libération il mourut du typhus à la Salpêtrière.

Ce témoignage vient en renfort du 70ème anniversaire officiel du Réseau Comète, et le Pays Basque Nord, par l'absence de stèles ou de plaques commémoratives, a sans doute encore un devoir de mémoire à faire revivre.


Florentino avait sans doute  dû oublié les bonnes manières de Buckingham

car :

Georges d'Oultremont, s'entretenant avec le colonel Rémy, se souviendra de ce voyage mémorable

"Avez vous goûté à ces haricots noirs que l'on mange au Pays Basque ,sortes de grosses fèves qui produisent un immanquable effet sur les intestins .. Florentino avait dû en dévorer tout un plat avant de se mettre en route .Il allait en tête , dans le noir le plus absolu ; tandis que nous marchions derrière lui à la file indienne .Soudain il s'arrétait et nous entendions " Chut  ..!.....           

Le Coeur battant, on croyait à une patrouille ennemie , mais un formidable BRRROUM !... retentissait...........dont l'écho allait se répercutant de montagne en montagne . C"était l'ami Florentino  qui venait de se libérer bruyamment des gaz accumulés par les fayots que digérait péniblement son estomac.Avant que nous fussions revenus de notre surprise il se retournait et disait :  " por Franco !  "                                                                             .Marguerite de Gramont , fondatrice du réseau " Margot " qui utilisait  aussi  les services de Florentino parle de lui en l'appelant " le pétomane ", ce qui n'était pas  un invconvéniant  quand on perdait le contact visuel dans le noir de la nuit, et aussi pour certains un réjouissement.                                      Jimenez de Aberasturi


Nothom   dit "Franco"

C'était  la ferme Sarobe  La  première après les trois Couronnes. C'est une ferme dans  laquelle vivaient je crois sept  personnes dont une seule femme.Tous les autres etant des hommes Aucun d'eux ne parlait l'espagnol.Ils ne parlaient que le basque. Seule la femme parlait un peu l'espagnol.A Oyarzun nous nous sommes arrétés dans une sorte d'auberge, de restaurant, d'estaminet, dont la patrone avait l'habitude d'accueillir Florentino.

En ce qui concerne les passages presque tous  se faisant par la route Endarlaza-Oyarzun-Renteria.A cette époque là il n'yavait pas de route des trois Couronnes à Oyarzun Il n"y avait qu'un chemin pour les fermes du coin, un chemin pour les chars à boeuf. Ce n'était pas un bon chemin.Il faisait le tour des 3 couronnes.

Il fallait huit heures de marche d'Urrugne à la ferme Sarobe.D'Urrugne à la Bidassoa quatre heures de nuit. On montair pendant envirron deux heures jusqu'à un sommet de 600 mètres depuis lequel on voyait la Rhune sur la gauche .Depuis là on devinait les lumières de Fontarrabie et celles de Saint Sébastien brillaient au loin dans le ciel. De là on descendait pendant encore deux heures.Après il nous fallaitencore quatre heures pour arriver à Sarobe, dans le quartier Altzibar d'Oyarzun , ou on se reposait

 

.On passait  la Bidassoa à la hauteur d'Enderlaza. On traversait la voie du train de la Bidassoa, la route de Pampelune, et puis ça montait très fort jusqu'à un chemin qui passait près d'une vieille tour qui datait des guerres Carlistes...Après avoir passé la rivière et avant de passer la route, il y a une vieille  petite maison appelée " San Miguel ", dont le nom est inscrit sur l'une des facades, et qui était une station du train de la Bidassoa.Après la route, il y avait à gauche, une pente qu'il fallait grimper.C'était difficile. Tout devait se faire   vite. Quand Florentino, au moment de traverser la route disait "No hay nada.Pasar " il fallait grimper très vite et sans faire de bruit.En haut commençait le chemin contournant les trois Couronnes et de là on prenait  le chemin descendan tà Oyarzun d'où on arrivait à la ferme,  puis à l'auberge d'Altzibar Il y avait alors une voie ferrée pour les mines. On la suivait pendant trois ou quatre kilomètres et on passait par un tunnel assez long et sombre .Un peu plus loin on arrivait à la ferme

A Enderlaza nous passions très  très prés de la garde civile, mais ils n'ont jamais pu nous attraper.Chaque fis que nous arrivions à la route, Florentino s'avançait , levait la tête pour voir si il y avait quelque chose...Jamais  je ne vis un espagnol. La seule fois ou nous avons eu des problèmes avec les espagnols  à été le jour du passage et du décès de Antoine d'Ursel dit "Jacques Cartier"  ou  ils tirèrenr 7 coups de feu.  Ils arrétèrent tout le monde sauf les deux guides basques..C'était la veille de Noël .


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1.700 agentes et collaborateurs formant le téseau  Comète, entre 1941 y 1949 ont sauvé la vie de 770 aviateurs alliés. Grace à eux, 228 combattants passeront la frontière basque pour rejoindre Londres  -- L Pero Comète también registró un alto número de bajas entre sus miembros y colaboradores. Fueron 216 las personas que murieron como

 

 

 

 

 

 

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